C’était assez étrange. Il n’y avait du bruit nulle part autour. L’entier de l’immense plaque de glace était vide et lisse. Les guirlandes de lumière habillaient délicatement tout le pourtour de la structure qui semblait flotter sur une mer de nuages. Daé posa le pied sur le sol frais de la patinoire et tourna la tête tranquillement. L’océan de coton qu’il venait de quitter semblait s’être refermé et ne pas avoir autre chose à faire que de le regarder. Il avait la sensation étrange d’être la star de son propre livre. Une sensation qu’il ne sentait en fait pas si souvent que ça. Souvent, le Somnae se sentait être celui qui aide dans un coin, celui qui pousse la pierre au bon moment, en définitive, le Rehla. Mais cette fois, peut-être que la Grande Prophétesse lui faisait cadeau d’un répit. L’espace d’un instant il crut même apercevoir la forme de la Déesse qu’il priait tous les jours dans les nuages, mais aussitôt elle disparut. Sûrement une hallucination due aux centaines de flocons lourds qui se posaient délicatement sur l’entier du lieu.
Daé marcha sur la patinoire jusqu’à ce qui ressemblait à un guichet qui était entièrement vide. Sur la petite tablette qui séparait l’intérieur de la cabane de l’extérieur, deux paires de patins étaient posées délicatement alignées. Le Rehla en toucha une et sans qu’il ne comprenne comment elle se délaça, la paire arriva délicatement jusqu’à ses pieds sans qu’il n’ait rien à faire. Une fois ses patins enfilés, il toucha la paire qui lui faisait encore face, mais il ne se passa rien. Peut-être attendait-on encore quelqu’un d’autre ? Daé attendit quelques minutes assis sur un banc. Le lieu était magnifique, partout des petites décorations flottaient au vent doux qui caressait le Rehla. Tout semblait avoir été décoré avec beaucoup de soins et de délicatesse. Les guirlandes lumineuses accrochées d'un bout à l'autre de la structure représentaient des petits êtres féériques qui dansaient entre eux. Dans un coin, flottant au-dessus d'un distributeur de cw qui ressemblait à du chocolat chaud, une dizaine de lanternes flottaient dans les airs et changeaient de couleurs délicatement. Alors qu'il neigeait et que l'air comme la glace étaient froides, il sentait une immense chaleur dues à l'intelligence de l'agencement de ce lieu. En fait, il s'y sentait chez lui. Peut-être même plus chez lui qu'en Lua Eyael où sa maison était plus fonctionnelle qu'autre chose. Il se perdit dans des rêveries de sa maison de rêve, se demanda où le Temps voudrait qu'elle soit. Il l'imaginait accueillante - comment imaginer le contraire de sa maison rêvée - et il se demandait si dans quelques années il vivrait seul dans une immense manoir ou à trente dans une petit cagibi. Il fut tiré de ses rêveries, car il ne savait pas d’où, mais quelque part, quelqu’un devait être en train de jouer une douce musique. Quelques accords grattés sur une guitare et une voix assez douce qui semblait parler plus ou moins d’amour avec des métaphores relativement détournées. Malgré le peu de paroles qui lui parvenaient, cela dû au manque d’articulation de la personne qui chantait mollement ses déclarations, il parvenait à comprendre que la qualité de l’écriture était aussi probable que son accession un jour au trône des Alfars, c’est-à-dire, assez peu. Malgré tout, la récurrence mineure de ces accords le touchait. Il se sentait bien.
Après quelques minutes à attendre, son regard passant de la mer cotonneuse aux patins orphelins il se décida à aller essayer cette glace lisse qui prenait presque l’entier de la surface du lieu. Il se leva et se rendit compte, en mettant un premier pied sur la glace, qu’il savait patiner. Chose qu’il ignorait tout à fait jusqu’alors. Il laissa donc son instinct apparemment brillant en cette matière le guider féeriquement sur la glace de cette patinoire. Il constata avec stupeur que derrière lui les marques de patins s’effaçaient assez vite laissant éternellement une glace lisse et prête à être foulée. Il riait. Seul, mais il riait.
Au bout d’un certain temps, il vit de là où il venait la mer de nuages s’agiter. Comme si elle avait quelque chose à lui dire. A ce moment précis, la chanteuse aux textes pauvres suspendit un accord dans les airs, et il vit émerger une forme du payasage qu’il contemplait.
Kyra Lemingway ~ Déchu ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 4880 ◈ YinYanisé(e) le : 22/03/2016◈ Activité : Tenancière (rang I) ; Négociatrice (rang I) ; Reine du monde des contes à mi-temps
Mar 18 Fév 2020, 16:23
Sous le voile qui vous protège, Défiant les regards jaloux, Si vous sortez par cette neige, Redoutez vos pieds andalous ;
La neige saisit comme un moule L’empreinte de ce pied mignon Qui, sur le tapis blanc qu’il foule, Signe, à chaque pas, votre nom.
Deux paires de patins
Perdue dans l’épais brouillard, Nephtys avançait à pas lent, ignorant quelle pouvait bien être sa direction ou même d’où elle pouvait bien venir. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle avançait, rudement et à l’aveugle, se battant contre les éléments, son visage fouetté par le vent glacial et mordant, bien différent de celui chaud que l’on retrouvait dans le Désert. Elle ne se repérait qu'à une seule chose dans ce décor flou. Une chanson. Une mélodie aux sonorités à la fois douce et réconfortante qui lui parvenait d'un lointain encore méconnu. La connaissait-elle cette voix qui murmurait ces paroles de velours ? Probablement pas. Pourtant il y avait quelque chose de familier et rassurant dans le timbre de sa voix. Alors, dans ce décor solitaire et effrayant, elle se raccrochait à ce ton calme ainsi qu’aux doux grattements des cordes de l’instrument. Mais, aussi longtemps qu’elle put avancer, elle fut incapable de retrouver le chanteur. Ça en était terrifiant. Effrayant. Elle commença alors à appeler sa famille, ses amis. Mais aucun son ne s'échappa de la bouche de la demoiselle en détresse et, un instant, la terrifiante idée qu'elle finisse son temps à errer en ce lieu cauchemardesque lui fendit l’esprit, la faisant s'effondrer sur place. Sa vie valait-elle si peu pour qu’à peine sorti d’un malheur elle replonge dans un second ? Après avoir passé plusieurs minutes à éponger ses larmes, la mélodie lui parvint de nouveau comme une berceuse rassurante. A nouveau pleine d'espoir elle se redressa, chassant d‘un revers de manche ses larmes, repartant une nouvelle fois à la recherche de cette voix salvatrice.
L’Humaine tendait l’oreille, remarquant que le son se faisait plus clair, plus proche. Aussi, chacun de ses pas se firent plus précipités jusqu’à atteindre le pas de course. Puis, sans la moindre explication logique, le brouillard, comme le vent, se volatilisa et c'était à présent un lieu à l’allure enchanteresse qui s’étendait devant ses yeux. Au lieu de bourrasques terrifiante et gelées, c’était une magnifique Lune, dont les rayons pâles caressaient la peau de la jeune fille, celle-ci se reflétant sur une immense plaque de glace, tel un cristal pur. Où avait-elle bien pu atterrir ? Cela importait peu. Ses cauchemars étaient terminés. La chanson, elle, s'était tue, comme si le chanteur venait d’accomplir la tâche pour laquelle il devait être présent avant de s’en aller vers d’autres horizons. D’ailleurs, perdu dans cette effroyable brume, elle n’avait pas pris la peine d’écouter ce qu’il pouvait bien raconter. Ça ne pouvait qu'être de belles choses de toute façon.
A présent apaisée, son pas se calma, tout comme sa respiration. Et, s’approchant du paysage, elle détailla chaque objet qui se dessinait dans son champ de vision, entre curiosité et inquiétude, jusqu’à voir une silhouette – un garçon - qui se mouvait en riant sur l'étendue verglacée. Du patin à glace ? Il était doué, du moins à ses yeux. Savait-elle en faire ? Elle ne le savait plus. Alors, à son tour le garçon se tourna dans sa direction et ce fut comme si ses prunelles la transperçaient de part en part, la figeant sur place. Il aurait pu se fondre avec l’environnement, mais ses iris avaient quelque chose d’effrayant et d’hypnotisant, comme le feu brûlant auquel on passe son temps à se raccrocher. Après s’être bousculée mentalement, elle finit enfin par reprendre sa marche, jusqu’à atteindre le bord de ce qui devait être un lac avant que le gel ne le happe. Du coin de l’œil elle avait vu la paire de patins, seule, sur le bois de la table. Mais elle n’osait pas. Après tout, ils appartenaient peut-être déjà à quelqu’un qui se serait absenté pour une raison quelconque ? Peut-être même s’était-elle introduite dans une propriété privée sans s’en rendre compte ? Il faudra qu’elle s’excuse dans ce cas. Elle tourna la tête à droite, puis à gauche, à la recherche de quelqu’un. Personne, hormis ce garçon. « Hum... Excusez-moi ? », lui fit-elle alors avec un petit signe de la main. « Bonjour. Vous patinez vraiment bien. ». Hum... Ce n’était absolument pas ce qu’elle voulait dire. Elle détourna une seconde le regard avant de se poser à nouveau sur le garçon. « En fait, je crois que je suis perdue. ».
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