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 Il y a des jours où la mort est une délivrance (Jun)

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Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

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Kaahl Paiberym
Dim 10 Mar 2019, 14:30



Il y a des jours où la mort

est une délivrance


Musique


« J’aimerais vous présenter à tous le Prince Elias Salvatore, qui nous fait l’insigne honneur de sa présence aujourd’hui, à Valera Morguis. Comme vous le savez tous, il restera quelques temps avec nous. »

Je fixai mon reflet, me remémorant ce semblant de cérémonie. Durant la valse de l’hypocrisie, pendant les dialogues de l’infini, je m’étais fait une réflexion qui avait plongé mon psychisme dans une instabilité malvenue. Personne n’avait rien remarqué. J’étais devenu trop bon à ce petit jeu de dupe. Combien de masques étais-je capable d’endosser ? Celui du chef de famille insolent, celui du bon petit Magicien toujours serviable, celui du prince des Sorciers, fils adoptif du roi et époux de sa fille… J’étais capable d’être ceux que le monde attendait de moi. Étais-je seulement encore capable d’être moi-même ? Je ressentais comme une rupture dans mon esprit, une faille, quelque chose qui grandissait et qui prenait une ampleur dangereuse. Je savais parfaitement ce que je devais faire : éliminer discrètement le gouverneur et sa femme, prendre leur place, devenir respecté et adulé. Le scénario était écrit dans ma tête mais j’avais l’impression de partir totalement en vrille. N’étais-ce pas moi le plus hypocrite de tous ? J’avais toujours cette peur de devenir bon, une peur qui n’avait aucun fondement. Je m’entourais de questions existentielles qui poussaient mon âme, petit à petit, dans des tréfonds obscurs. Étais-je déprimé ? Avais-je le mal de Valera Morguis ? Je ne me sentais pas chez moi. Tous ces Sorciers me scrutaient, attendaient. Aucun ne savait réellement ce que le prince faisait là, ce que je faisais là. Beaucoup de bruits couraient, sur une volonté de Lord de resserrer son contrôle sur l’endroit. Certains pensaient que j’étais un espion à sa solde, d’autres émettaient l’idée qu’il ait voulu m’éloigner. Les entendre murmurer me donnait la nausée et j’avais envie de les étrangler, tous. Étais-je dément ?

Les frustrations que j’avais accumulé ces dernières années semblaient m’étouffer, petit à petit. Je jouissais de rares moments, des moments fugaces durant lesquels il m’était offert de m’employer à faire le mal. La société sorcière était parfois bien trop convenue. Ces femmes, habillées dans des robes trop strictes, me donnaient l’impression de n’être que des pantins articulés, à peine capables de respirer, comme si leur destin était d’être muselées ou étranglées. Mon propre costume était bien trop étroit pour moi, trop serré. J’avais besoin de me défouler mais ne connaissais encore personne à qui me fier. Pouvait-on au moins se fier à un Mage noir ? Les Magiciens avaient cela de plaisant d’être de parfaits confidents, de chercher à aider. Ici, j’étais un serpent au milieu d’autres et l’objectif était de les soumettre tous sans qu’aucun ne me morde ou ne me soumette en retour. Le vice de la fourberie coulait dans toutes les veines et ceux qui se trouvaient à la frontière du bien n’étaient pas plus sûrs : soit ils finiraient par passer à l’ennemi, soit ils plongeraient dans les méandres délicieux que Lux in Tenebris offrait. Alors que faire ? Si je restais une seconde de plus en ce lieu, je finirais sans doute par étouffer, sombrer. Je devrais alors me libérer de mon fardeau. La seule manière que j’avais trouvé n’était pas optimale. La dernière fois n’avait pas été très concluante puisque c’était précisément pour cela que j’étais ici.

Mes doigts se resserrèrent sur le pot de fleurs qui se trouvait là. Les éclats de la porcelaine et du verre ne tardèrent pas à se mêler. Je n’en pouvais plus de me regarder, de voir cette tête d’incapable dans le miroir. Il me fallait quelqu’un à qui parler, quelqu’un d’extérieur à tout ce bordel. Comment devenir le sujet central à Valera Morguis si je n’avais aucune confiance en moi et en mes capacités à rester stable ? Il était hors de question que je suive les traces de Lord. Son état n’était pas recommandable. Devais-je le haïr pour m’avoir envoyé chez les Magiciens et avoir initié tous ces doutes en moi ? Peut-être. Je serrai les dents. La totalité des muscles de mon corps semblait contractée, au point d’en devenir douloureux. J’avais vraiment envie de tuer, de voir hurler des individus, de réduire leur existence à une poignée de cendres qui finirait éparpillée dans le néant. Y avait-il seulement un sens à tout ça ? Un moment, la lame de mon rasoir me sembla attirante. Il suffirait de presque rien pour que tout s’arrête.

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Jun Taiji
✞ Æther de la Mort ✞

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Jun Taiji
Sam 30 Mar 2019, 09:34

Il y a des jours où la mort est une délivrance (Jun) Z45f
Il y a des jours où la mort est une délivrance



Quelques anné… non. Quelques siècles plus tôt.

Jun était assis dans un fauteuil en cuir. La fameuse Prison des Sorciers était toujours debout. C’était bien avant son inondation. Les créatures les plus viles et monstrueuses des Terres du Yin et du Yang se trouvaient à l’intérieur de celle-ci. Il n’était pas Roi, pas encore, mais avait su, petit à petit, s’attribuer la confiance de la Souveraine : Zélia Ratashah, une femme avec qui il couchait dès que l’envie la saisissait. Il n’aimait pas sa condition. Il n’aimait pas parcourir son corps. Elle n’était pas moche, loin de là, mais il avait simplement envie de la tuer. Par chance, elle aimait la brutalité. Il y mettait donc toute sa haine, comme une sorte d’exutoire. Des bruits couraient ici et là. Les Sorciers se demandaient s’ils finiraient par se marier, certains, visiblement jaloux, argumentaient autrement : c’était sûr, il vendait son corps et c’était grâce à ça qu’il avait obtenu la position qu’il avait aujourd’hui. Ceux-là, il en avait fait scrupuleusement la liste. À l’instant même où il serait nommé Empereur Noir, il leur ferait passer l’envie de le critiquer. Les yeux fixés sur l’un de ses carnets, il relisait les ébauches de plans qu’il avait minutieusement répertoriés. La finalité, il la connaissait, mais il devait construire un contexte, écarter les doutes, monter sur le trône pour avoir une plus grande latitude d’action. Enfin… c’était surtout le titre qu’il souhaitait car plus les choses avançaient, plus le nombre d’individus à le suivre grandissait. Cependant, il ferait payer à Zélia ces nuits de plaisir à sens unique qu’elle lui faisait vivre, sous couvert d’être la Reine et de pouvoir obtenir les faveurs de ceux qu’elle désirait dans son lit. Il devait également ramener Aria à la vie. Il n’avait pas le choix, même s’il doutait que la chose soit une bonne idée. Elle aussi avait abusé de lui pour contenir les frustrations qu’elle ressentait vis-à-vis de son amant perdu. Ces femmes étaient toutes folles. Elles l’avaient rendu fou, avaient déséquilibré sa notion de l’amour. « Tu ne deviendras pas Sympan, Jun. ». Ses doigts se serrèrent sur le verre qu’il tenait. Ses mâchoires se contractèrent. Il fallait qu'il joue le jeu. « Ton mari va s’inquiéter s’il ne te trouve pas au réveil. ». « La Reine risque de ne pas apprécier que tu ne sois pas resté à ses côtés, cette nuit. ». « Ce n’est pas pareil, et tu le sais. ». Elle le savait. Elle s’assit sur l’accoudoir, dos à lui. « Je me rappelle l’époque où tu étais à mes côtés, à la recherche des cristaux. Nous étions très loin du compte. Il y en a un que Sympan a rendu inaccessible, ou qu’un autre a caché. J’en ai rendu l’accès possible avec la création des Chamans mais toi… cela m’étonnerait beaucoup que tu puisses l’atteindre. ». Un silence s’installa et il finit par sourire. Elle aussi. « Merci pour l’information. ». Il attrapa sa taille et la fit basculer sur lui. Elle ne se débâtit pas. Il la fixa. « Une fois que je serai Sympan, je te violerai et je te tuerai. ». « Charmant. ». « Cependant, à partir du moment où je m’ennuierai trop de toi, je te ferai vivre de nouveau et nous rendrons au monde toute sa splendeur d’autrefois. Une purge par le mal pour faire renaître la beauté des premiers instants. Qu’en dis-tu ? ». « J’aimerais beaucoup. Cependant, Jun, ce n’est pas dans ton intérêt de me tuer et cette obsession te perdra. Je ne fais que te prévenir. Je ne vois pas le futur mais je sais des choses que tu ignores. ». « Dis-les-moi. ». « Ce n’est pas le bon moment. ». Elle sourit avant de changer de sujet. « Tu recevras bientôt la visite de l’Oracle. Elle te donnera un fils. ». Il la regarda d'une façon nouvelle, même s'il le savait déjà. Jouer le jeu. « Je vais transformer ce monde en un océan de chaos, Edelwyn. ». « Sinon elle ne viendrait pas. ». Elle se releva. « Ce que tu fais, subjectivement, ne me plaît pas, Jun. ». « Mais objectivement, tu adores ça. » compléta-t-il, juste avant qu’elle ne s’éclipse. Insupportable.

__________________________

« Tu me fatigues, on dirait moi, avant. » fit-il en prenant le rasoir entre ses mains, posant l’autre sur l’épaule de Kaahl. Il sourit et, plus par amusement que par réel attachement, déposa un baiser sur sa joue. Il lui tardait de voir sa réaction. Ses enfants étaient tous d’étranges petites créatures, agaçantes la plupart du temps mais étonnantes en de rares occasions. « Tu ne veux pas plus te suicider que je ne souhaite goûter ce fameux gratin à base de cerveau de bovins d’une tribu de tarés qui vit sur une île au beau milieu d’une Mer non encore redécouverte. Les Chamans, à côté, semblent tout à fait sains d’esprit. ». Il se déplaça dans la pièce, cherchant de l’alcool. Il fit apparaître sa récente création, aussi. « Elle s’appelle Edelwyn. Elle va t’aider, normalement. Elle n’est pas très efficace pour l’instant mais devrait le devenir à termes. Considère-la comme une sorte de… hum… d’expérience. ». La concernée croulait sous les carnets en tout genre. « Elle fera ce que tu veux. ». C’était l’idée mais connaissant la jeune femme en question, il se doutait qu’elle penserait à son intérêt personnel avant tout. Elle essaierait probablement de séduire Kaahl d’une manière ou d’une autre, pour obtenir de lui ce qu’elle désirait. « N’est-ce pas, Edelwyn ? ». « Bien sûr. » répondit la concernée avec un sourire presque angélique.

Une fois qu’il eut trouvé ce qu’il cherchait, il servit trois verres. La blonde s’endormirait sans doute après avoir bu deux gorgées. Elle n’avait jamais tenu l’alcool. Il distribua le dû de chacun et s’assit. « Bien. Cet endroit est triste à mourir, à l’autre bout du monde, j’en conviens. Cela dit, tu es loin d’être le dernier des abrutis et je pense que tu as déjà compris que tu pouvais tirer partie de la situation. Des familles veulent émerger et, par chance, tu es déjà le Prince des Sorciers. Tu as un semblant de pouvoir, une autorité, qu’il va te falloir exploiter. Mets ces familles dans ta poche, promets leurs monts et merveilles et elles feront ce que tu voudras. Seulement, tu es un peu perdu dans l’univers des possibilités. Je t’ai amené un présent. ». Il désigna les carnets. Il y en avait beaucoup. « Tu vas les lire et chercher dedans ta vocation. Ne perds pas du temps à envisager les autres possibilités, ces écrits sont le fruit de longues journées, voire années, de réflexion. Tu ne feras pas mieux. ». Il leva son verre avant de boire une gorgée. « Au Chaos ! ». Quelques secondes après, il demanda : « Des questions ? » avant de sourire. Il était torse-nu, avait des épis de blé dans les cheveux et un pantalon déchiré par endroit couvrait ses jambes.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Dim 23 Juin 2019, 18:41



Il y a des jours où la mort

est une délivrance


Musique


« Que ? » J’étais plutôt vif d’esprit en temps normal. En m’infiltrant sur les terres Magiciennes, j’avais dû parfaire mon jeu et me montrer attentif au moindre signe, prêt à tout. Je n’étais pas prêt à ce qui allait arriver maintenant. Il y eut un moment où les paroles de cet homme ne produisirent aucun effet sur moi. Je ne l’écoutais pas, mon cerveau bien trop occupé à réaliser. Je m’entendis poser la question concernant son identité, plus pour la forme. Je savais qui il était. S'il y avait beaucoup de Sorciers bruns aux yeux marrons, il y en avait tout de même moins qui avaient été rois. Je connaissais son histoire. Qui ne la connaissait pas ? Quant à cette femme qui venait d’apparaître de nulle part, elle ne m’était pas inconnue non plus. J’avais plus de mal à la situer car elle paraissait faible, ce qui ne correspondait pas au souvenir que j’avais d’elle. « Ce que je veux ? » Je la considérai un instant, tout en essayant de rester impassible. J’aurais pu poser de nombreuses questions, m’insurger contre cette visite inattendue mais quelque chose au fond de moi me criait de la fermer et d’écouter. J’étais curieux au sujet de cet homme. J’avais entendu dire qu’il était apparu sur les terres du Lac Bleu lors des obsèques du Nylmord et qu’il avait été enfermé dans la prison du Cœur Bleu. Puisqu’il se trouvait à présent devant moi, je doutais que cette fable fut véridique.

Je pris le verre, mon regard se perdant un instant dans la couleur ambrée. Je finis par m’asseoir dans un fauteuil, écoutant ce que l’ancien roi me voulait. Était-ce moi ou bien essayait-il de m’aider ? Pourquoi ? Je me fis suspicieux. Que faisait-il ici ? Qu’était-il, à présent ? S’il avait été Sorcier, le trône lui aurait sans doute déjà été cédé. Lord savait-il quelque chose ? Était-ce lui qui l’avait envoyé ici ? Au fur et à mesure de ses paroles, certains doutes s’envolèrent et d’autres naquirent. « Au chaos » répétai-je, plus pour la forme que par une quelconque conviction. Je l’imitais parce que j’étais trop occupé à chercher des réponses. Lorsqu’il posa son interrogation, un silence étrange s’installa. J’avais des questions – qui n’en aurait pas eu ? – mais il y avait quelque chose de troublant entre lui et moi. La forme de son visage, celle de ses yeux, la texture de ses cheveux, son sourire… Il était imposant mais sans que sa musculature ne soit développée à l’extrême. Mes yeux se tournèrent vers le miroir qui courait sur l’ensemble du mur ouest de la pièce. Nous étions tous les deux de profil, face à face, la blonde au centre, de dos. Je me raclai la gorge et bus une gorgée d’un geste sec, à l’image de quelqu’un qui préférerait oublier.

Au lieu de lui demander quoi que ce soit, je me relevai et m’avançai vers Edelwyn. « Laissez-moi vous débarrasser. » lui dis-je en m’exécutant. Je posai quelques carnets sur une table et en gardai quelques-uns avec moi avant de retourner à ma place. En silence, j’en ouvris un au hasard. L’écriture était régulière. Le soin mis dans ces pages se voyait à l’œil nu. Certains points étaient soulignés, l’idée principale écrite en plus gros, les sous-idées en plus petit, décalées légèrement vers la droite, séparée par une ligne et un tiret. J’aimais cette façon méthodique de procéder. Ceci me ressemblait. Je parcourus quelques pages de plus avant de porter de nouveau mon attention sur l’homme. C’était une façon de temporiser. Seulement, je ne pouvais pas le faire attendre davantage. « Pourquoi ? » demandai-je après avoir bu une nouvelle gorgée. Il y avait beaucoup de possibilités, dans ces pages. J’avais souri lorsqu’avait été évoquée une nouvelle invasion de sans-âmes. Seulement, les explications et les mesures à prendre étaient si limpides et méticuleuses qu’elles rendaient le tout possible. « Ce que je veux dire c’est que je ne mérite pas votre attention plus qu’un autre. Pourquoi m’aider ? Pourquoi ne pas reprendre le trône ? Et pourquoi vouloir placer cette femme à mes côtés ? » J’avais du mal à expliquer ce que je ressentais au juste et une intuition me disait clairement qu’à trop chercher des réponses, elles allaient m’arriver d’une façon que je ne saurais probablement pas gérer. Je prenais conscience de qui il était, comme une révélation venue de nulle part, mais si j’avais raison, plus rien n’aurait de sens dans ma vie. Ma mère avait-elle trompé mon père ? Il ne l’aurait pas toléré. Appeler ses triplés Khaal, Kaahl et Kaalh prouvait un certain désintérêt mais si ça avait été le cas, il nous aurait tués. J’aurais voulu lui demander comment il savait, pour mon identité, pourquoi est-ce qu’il n’avait pas été étonné en me trouvant là alors qu’il aurait dû y voir un homme d’un certain âge. Je n’allais pourtant pas lui faire l’offense de le lui demander. « Qu’attendez-vous de moi ? »

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Jun Taiji
✞ Æther de la Mort ✞

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Jun Taiji
Sam 13 Juil 2019, 15:22

Il y a des jours où la mort est une délivrance (Jun) Z45f
Il y a des jours où la mort est une délivrance



Un petit sourire prit place sur les lèvres de l’homme. Il voyait bien que son interlocuteur était loin d’être stupide. Lui-même se serait sans doute trouvé dépassé par une situation semblable, à l’époque où il n’était Roi de rien. Il calculait, minutieusement, comptait les secondes comme un métronome, attendant l’instant où il poserait les bonnes questions. Jun se mettait à sa place. Même en étant intelligent, il était inconcevable de toucher du doigt la réalité à laquelle il allait le confronter. Il avait dû deviner qu’ils n’étaient pas étrangers l’un à l’autre. Il avait sans doute même dû comprendre que son sang coulait dans ses veines. Oui, il était son père, c’était indiscutable. Cependant, ce que Kaahl ignorait c’est que ce n’était pas la partie importante de l’histoire. Il avait un nom illustre, certes, avait visiblement une certaine popularité avec les Rois Sorciers, puisqu’il était le fils de l’un d’eux et le fils adoptif d’un autre, mais c’était bien plus glorieux que ça. Jun se demandait si le Sorcier connaissait l’Oracle du Chaos. Sa légende avait peut-être lentement péri au fur et à mesure d’un temps sans éclat. Il se rappelait que trop bien de la cuisante défaite de Lord à dompter une certaine Sirène et, à vrai dire, ses sentiments pour l’homme en question n’avaient cessé de se dégrader. Il n’avait rien contre les obsessions, en étant lui-même un fervent consommateur, mais seulement lorsqu’elles portaient vers les sommets et la réussite. Dans le cas de l’Empereur Noir, il semblait qu’elles l’avaient consumé à petit feu avant de réduire à néant la moindre parcelle de raison et de retenu qu’il avait pu posséder en des temps anciens. Vanille était une garce empoisonnée qu’il ne valait mieux pas chercher ; à moins d’avoir les moyens de ses prétentions. En attendant, l’Æther attendait les rebondissements avec impatience. Il n’était pas pressé, il perdait patience, ce qui n’était pas tout à fait la même chose. Parfois, il songeait à aligner des portraits d’Ethelba nue dans la capitale pour faire réagir les Mages Noirs. Plus le temps passait, plus il doutait sincèrement de leur capacité à maîtriser le jeu. Depuis le génocide des Anges, les Démons étaient bien trop surcotés. C’était honteux, un vrai déshonneur. L’ancien Roi en lui en frissonnait de dégoût. Pour l’heure, il avait une histoire à raconter.

« Orion Shidori fut un Roi craint et admiré. Ce qui est amusant puisque je le fus tout autant en ayant un parcours similaire. Nous n’étions pas mauvais, à l’aube de notre vie. Lui était un couturier de renom, en terres magiciennes, le maître de Cassandre. » Il savait qu’il connaissait sa véritable identité. « Il façonna une très belle robe pour une femme chère à mon cœur, une robe rouge envoûtante. Il l’électrisa et ce fut là sa plus grave erreur. Ce qui est cocasse, également, c’est que ma femme avait une tendresse toute particulière pour cet homme ; à croire qu’elle aime se frotter au mal. » Jun rit brièvement. Sa femme était aussi empoisonnée que Vanille ; elle ne le montrait pas, tout simplement. Tous la priaient pour les beaux rêves qu’elle leur faisait faire, pour sa beauté et pour l’Artiste qu’elle était, mais personne ne semblait s’apercevoir de cette part sombre qui proliférait en elle, de cette attirance pour les cauchemars, pour la mort, pour lui et ceux de son espèce. Un jour, un tableau bien macabre sortirait de leurs ébats, il en était certain. « Quant à moi, avant d’être Sorcier, durant des millénaires, j’étais bénéfique, stable et aimant. Je croyais pouvoir contenir le mal de ces Terres. Je pensais faire mon devoir et chaque jour je me gorgeais de principes et de valeurs que j’espérais justes et droits. À croire que le véritable mal aime prendre sa source dans un jardin magnifique et fécond avant de le rendre aride et destructeur. » À ses heures, Jun était bavard. Il aimait raconter des histoires et faire des détours, sur des points de détails qu’il avait vécus, contrairement à la majorité de ceux qui foulaient le monde aujourd’hui. « Peu avant de devenir Roi, Orion reçut la visite d’une femme : l’Oracle du Chaos. Si la légende raconte qu’il eut un fils de cette femme, ce qui le porta au sommet de sa gloire, rendant possible son entreprise destructrice, personne ne sait aujourd’hui ce qu’il est advenu de lui. Cette même femme vint me voir, également et me donna un fils. L’histoire se répéta car avoir un enfant de l’Oracle du Chaos est signe de réussite pour le géniteur. C’est un présage, une promesse de grandeur, quelle qu’elle soit. L’enfant, lui aussi, se voit doté d’un grand destin. » Il marqua une pause. « Néanmoins, jamais l’Oracle ne vint me porter mon fils. C’est pourtant une tradition : le père doit élever l’enfant qui grandit en quelques lunes et s’épanouit dans l’horreur et l’indescriptible. Jamais je ne vis le fruit de cet ébat. Elle m’annonça simplement la nouvelle et je connus Ârès bien plus tard, lorsqu’il voyagea dans le temps pour se perdre dans le nôtre. Ârès… un homme sans gloire et sans fortune, le fruit d’un futur qui n’exista jamais et qui s’effaça pour toujours après l’intervention des Maîtres du Temps. Alors, je me suis longtemps posé cette question à propos de ce que l’Oracle avait fait de mon fils, dans cette ligne temporelle véritable. » C’était complexe et Jun en mesurait la teneur. Pourtant, Kaahl devait comprendre. « J’ai fini par questionner Ârès car il ne faisait aucun doute que mon fils et lui avaient dû vivre une histoire commune. Après tout, je n’ai pas mis le monde à feu et à sang tout de suite, ce qui lui aurait laissé le temps de grandir et s’épanouir loin de moi. Mais sa mémoire était défaillante, tronquée. Ce n’est que plus tard que j’ai compris comment avait procédé l’Oracle. C’est si facile de temporiser une évolution, d’attendre le moment opportun pour glisser un bébé dans les bras de parents factices afin qu’il grandisse dans de bonnes conditions pour engendrer un avenir satisfaisant pour une race entière. » Jun sourit. « Ta mère était au courant et ton père si désintéressé qu’il ne remarqua rien. »

Edelwyn écoutait en silence, s’étant assise au bout de quelques secondes. Elle n’était pas sûre de tout comprendre. « Et pendant ce temps, Ârès priait pour son glorieux destin, au point de tenter des actions stupides, au point de se faire enfermer chez les Magiciens. Il n’a aucun avenir car il vient d’un temps effacé. Toi, cependant, avec du travail et de la constance, tu pourrais bien faire trembler ce monde. » Le sourire de Jun s’élargit avant de s'effacer totalement. « Et comme tous ceux qui t’ont précédé, tu finiras par tomber de ton piédestal, écrasé par plus puissant que toi. Ce sera douloureux mais tu auras contribué à la grandeur des tiens et ton nom sera à jamais fixé dans l’Histoire. » Il devait se l’avouer à lui-même : Kaahl suivait exactement le même chemin que lui ; du moins, celui que l'Histoire avait retenu. Il lui ressemblait dans sa façon de se comporter. Jun se voyait en lui et il savait très bien comment les choses finiraient. Il voulait le guider mais le faire vers le mal conduirait forcément son fils à sa perte. Les légendes pouvaient bien dire ce qu’elles voulaient, il ne voyait pas le mal comme la seule option de Kaahl. Il aimait cet enfant pour une raison bien particulière qu’il ne pouvait dévoiler. Il n’envisageait que très difficilement le fait qu’il puisse un jour mourir.

1254 mots
Ouais bon, je me suis lâchée sur les mots xD

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Sam 19 Oct 2019, 10:59



Je temporisai de nouveau. J’aurais pu croire en une blague si le ton n'était pas celui du sérieux. Mon regard scrutait la jeune femme comme si elle était un vivier à réponses mais elle semblait parfaitement ignorante de toutes ces choses. Elle était réellement petite et cela ne m’aurait pas étonné de trouver des poupées ayant ses traits. Je me frottai l’arrête du nez. Ses dires m’avaient tellement déstabilisé qu’un moment, je me mis à penser à tout sauf à cette conversation. Il ne pouvait pas mentir. Pouvait-il ? Il avait été Empereur Noir. Il était fourbe par nature. Et qu’était-il à présent ? Sorcier, toujours ? Je savais qu’il avait été roi d’une autre race, par la suite. Il avait été beaucoup de choses. Si je le prenais au sérieux et qu’il s’agissait d’une blague, la situation m’agacerait vite. Si je pensais à une blague et qu’il était sérieux, j’ignorais comment il pourrait réagir. À choisir entre mon ego et le sien, il valait mieux sacrifier le mien. Je devais pourtant rester prudent. Il venait de m’annoncer que je générerais le chaos, que j’étais son fils, ainsi que celui de l’Oracle. Ce n’était pas rien. Plus que cela, il me garantissait les sommets tout en me promettant la perte. Je me savais trop prudent pour m’engager dans une voie qui causerait mon trépas. Je bus.

« Pour résumé, je suis votre fils, ma mère le savait depuis le début et mon père l’ignorait. » Déjà, ça remettait les choses en perspective. Ma mère était réputée être morte des mains de mon père pour avoir rejoint le camp ennemi. Personne n’avait jamais vu le corps. Ils avaient simplement disparu tous les deux un jour après une violente dispute et seul Zachary était revenu. Je voulus savoir s’il l’avait effectivement tuée mais n’étais pas certain de souhaiter réellement connaître la réponse. Ce n’était sans doute pas le bon moment. J’avais beaucoup à faire et si j’apprenais que ma mère vivait, je n’arriverais plus à rester concentré sur une autre tâche. « Ma mère est l’Oracle du Chaos, ce qui me promet un avenir certain et chaotique. Vous venez également de me signaler que si je continuais dans cette voie, je finirais par tomber des hauteurs. » Je marquai un arrêt. Je réfléchis un moment avant de reprendre. « Cependant, vous m’avez aussi révélé qu’Orion avait eu un enfant. Cet enfant n’est pas connu, aujourd’hui, alors que chronologiquement parlant, Orion vous a précédé. » Je me méfiais des mythes. Si j’aimais ces derniers pour les récits fantastiques qu’ils développaient, je restais sceptique sur leur part de vérité. Je pensais fermement que la plupart des histoires avaient été inventées dans l’objectif de manipuler les foules. Cette légende de l’Oracle et de ses enfants me semblait floue et bien trop portée sur un messie. Elle murmurait clairement Suivez cet homme car il est le fils de l’Oracle. Dans ces pas, il ne pourra rien vous arriver. Il était question de religion. Je priais les Dieux propres à mon peuple mais pour diriger une partie des Auryanites dans l’ombre, je ne pouvais m’empêcher d’être méfiant. Il n’était pas si difficile de créer une foi nouvelle ou de la détourner dans son seul intérêt. « Dois-je craindre un concurrent ? » demandai-je alors. Les légendes étaient semblables à une hydre. Peu importe leur part de vérité, il y avait toujours plusieurs têtes. Les histoires ne se contentaient jamais d’un héro seul. Il y avait toujours un antagoniste. Si Orion avait eu un enfant, si j’étais l’enfant de Jun, si notre destin devait être glorieux et si l’histoire devait se réaliser, peut-être devrais-je me préparer à affronter un concurrent direct.

Je finis par soupirer devant mon propre pragmatisme. La nouvelle m’avait secoué, si bien que je m’étais réfugié derrière un raisonnement logique en étouffant toute émotion. Je levai les yeux pour le regarder. Lui, mon père ? Ça remettait en cause la totalement de ma généalogie et, par là-même, mon identité. Ma tante n’était pas ma tante et je n’avais aucune légitimité dans mon rôle de chef de famille. Ce n’était pas grave. Je passais déjà ma vie à jouer la comédie. Un peu plus ou un peu moins ne devrait pas troubler mon quotidien. « Je serais donc un Taiji si je vous suis. » J’ignorais le physique de ma mère mais j’avais visiblement pris beaucoup des traits de mon père. Je n’avais jamais fait le rapprochement – qui l’aurait fait ? – mais plus je l’observais, plus je me voyais en lui. « J’aimerais que vous me parliez de notre famille. » finis-je par dire en reposant tout ce que je tenais entre les doigts. La fin du monde attendrait un peu.

Les jours qui suivirent, je fis de nombreuses recherches suite auxquelles je disparus quelques jours.        

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Il y a des jours où la mort est une délivrance (Jun)

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