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 [ IX ] L'échec d'aujourd'hui, la force de demain. [Lucius]

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Mer 17 Jan 2018 - 15:22

Catégorie de quête : IX. Apprentissage
Partenaire : Lucius Azmog
Objectif : Partie du manoir familial pour retrouver son maître dont elle ne supporte plus l'absence, Pavélia découvre que la vie n'est pas aussi rose qu'elle s'y attendait. Suite à de mauvaises rencontres avec des individus et des créatures peu recommandables, elle perd peu à peu ses illusions pour se forger une nouvelle vision du monde. En parallèle, elle apprend à composer avec le lien qui l'unit à Lucius et les étranges sentiments que cela lui inspire.

Bercée par le roulement irrégulier de la carriole, Pavélia sommeillait à demi. Prostrée contre la toile, la peur lovée au creux de son ventre lui semblait devenir une compagne familière. En dehors de leur dessein final dont elle ne savait rien, les brigands ne l’effrayaient pas. Si la rudesse de leurs coutumes lui déplaisait, elle ne souffrait pas de mauvais traitement. Sans qu’on n’exige rien d’elle, sinon d’attendre sagement, on lui donnait à manger, et aucun lien n’enserrait ses poignets. Ils savaient qu’elle ne s’enfuirait pas. C’était cet environnement désespérément hostile qui hantait les effroyables rêveries de la jeune femme. Des kilomètres et des kilomètres de roche défilaient sans cesse sous ses yeux inquiets, cédant quelquefois sous le pas malheureux d’un homme pour le conduire à sa chute. Par dessus tout, elle redoutait les créatures sanguinaires qui foulaient ces terres et qui, pour une raison mystérieuse, se tenaient relativement à l’écart des bandits. La gorge nouée, l’Orine se rappelait la fin tragique de son imbécile protecteur. Comme elle avait été idiote de venir en ces lieux maudits ! Bien sûr, elle avait déjà vu des êtres périr ; en sentir un agoniser entre ses bras était autrement plus ébranlant. En état de choc, elle n’avait même pas réagi lorsque des monstres d’un autre genre l’avaient trouvée. Dans son infortune, ils lui avaient sauvé la vie et s’en croyaient désormais les maîtres légitimes. Cela l’horrifiait.

Soudain, le chariot s’arrêta. Quelques beuglements plus tard, la toile s’ouvrit, laissant entrer une lueur diffuse. La nuit ne tarderait pas à tomber. C’était l’heure de monter le campement. Pavélia ne bougea pas, frottant doucement la peau de ses mains. Sans comprendre quelle étrange maladie la rongeait, elle avait la désagréable sensation que son corps tout entier s’asséchait et que sa chair se fissurerait bientôt. Allait-elle se changer en statue ? Inquiète, elle avait obtenu des bandits une outre pleine d’eau qui ne paraissait pas influer sur le phénomène. Lorsque tout fut en place, l’une des femmes vint la chercher pour lui faire faire quelques pas. C’était presque devenu un rituel. L’immobilité rendait ses pas hésitants. À l’écart des autres, l’Orine pensa à s’enfuir. Faire appel à son maître pour la tirer d’affaire lui paraissait impossible. En revanche, tromper la vigilance de sa gardienne s’envisageait. Privée de sa lame, il lui restait néanmoins son ceste, mais que pourrait-elle faire s’ils décidaient de la prendre en chasse, elle qui ne savait pas se battre ? Ne voyant pas d’issue, elle renonça et retourna auprès du groupe. Autorisée à remplir sa gourde, elle plongea la main dans le tonneau d’eau, soulagée de ce contact apaisant. Une voix bourrue la fit sursauter « Toi là-bas ! Apporte moi à boire ! » Surprise, la jeune femme ne songea même pas à désobéir. Contrarier ses ravisseurs ne faisait pas partie de la meilleure stratégie à suivre pour survivre.

S’approchant de l’individu qui lui adressait pour la première fois la parole, Pavélia lui tendit l’objet de sa demande en détournant le regard. Servir ne la dérangeait pas, aussi longtemps que c’était lui qui l’exigeait. En colère, la jeune femme serra le poing. Fallait-il frapper ? Sans qu’elle ait le temps de prendre une décision, un bras s’enroula autour de son cou. Vivace comme un serpent, il descendit vers le renflement de ses seins. « J’ai toujours eu envie de savoir ce que tu cachais là-dessous. » Les autres éclatèrent de rire. La lèvre de l’Orine se mit à trembler. Elle n’aimait pas que des hommes la touchent. Il lui semblait trahir son maître. La plaisanterie était pour elle un supplice. Des larmes lui montèrent aux yeux. Apercevant la scène, l’une des femmes vint vers eux. L’air furieux, elle libéra la captive de l’emprise de son bourreau. « Fais un peu attention où tu poses tes sales pattes. » Reconnaissante, Pavélia lui sourit timidement. Sa sauveuse se planta devant son camarade, les poings sur les hanches. « Imagine tout ce qu’on va gagner en la revendant aux Démons. Si tu l’abîmes, le prix baissera. » Haussant les épaules, l’homme se gratta le menton. « Tu ne l’as pas vue. Elle est jolie, elle finira dans un bordel de toute façon. » Horrifiée de ces déclarations, le sourire de la jeune femme s’effaça. Encore naïf, son esprit n’avait rien imaginé de tout cela. « Retourne à l’intérieur. » Terrorisée, elle ne se fit pas prier et se précipita vers la carriole. À l’abri des regards, elle éclata en sanglots. Mourir entre les crocs d’un monstre aurait été un sort sensiblement plus enviable. Désespérée, elle jeta un œil à son sac de voyage, maudissant la roche qui y reposait. « Lucius... » La surprise était un échec retentissant, et le risque encouru n’en valait pas la peine. Pourquoi ne l’avait-elle pas compris plus tôt ? Pourquoi diable n’était-elle pas restée sagement au manoir, se contentant d’un matériau cent fois sculpté en attendant son retour ? « Oh, pardon, Lucius. J’ai besoin de toi. » Pavélia cacha son visage entre ses mains, alternant entre larmes et prières. Elle n’était qu’un poids pour lui.

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Lun 22 Jan 2018 - 15:53


Le rythme percutant des centaines de lames qui croisaient le fer les unes contre les autres soutenait une harmonie qu’on aurait pu qualifier de religieuse. Les hurlements d’agonies se substituaient parfois à ceux de l’euphorie, pour laquelle quelques élus seulement pouvaient se targuer de chanter matin et soir. C’est dans ce climat où la vie ne reposait jamais que le diablotin devait faire ses preuves. Au sommet de cette colline que nulle autre ne pouvait atteindre, il tournait le dos à ce spectacle environnant auquel il ne pouvait assister. Le jeune homme remettait sa mâchoire en place après avoir subi quelques assauts dévastateurs de la part de son mentor et de celui qu’il appelait son oncle ; Seth. Son père l’avait affecté au poste de maitre d’armes personnel. Il connaissait assez bien les rudiments de la chasse, et manier une lame ne lui posait pas de réels problèmes tant qu’elles restaient dans son domaine de prédilections. Il privilégiait les dispositifs plus courts et discrets avec lesquels il avait une véritable affinité. De plus, il s’avérait particulièrement doué pour les tours de passe-passe, quand bien même il n’était pas à la hauteur de la légende qui lui faisait face. Le but de cet exercice consistait non pas à le mettre en difficulté, mais à lui causer une seule blessure, peu importe la profondeur qu’elle admettait. Depuis l’aube, ils s’affrontaient, mais aucun coup n’avait porté. Son endurance était mise à rude épreuve, et bien qu’il tentait de s’économiser au maximum, l’expérience de l’adversaire ne lui laissait aucun répit. S’il se savait dans une impasse, il lui restait une carte à abattre. Une seule.

En générant une légère tape sur la bague qui ornait son majeur, l’adolescent administra une toxine particulièrement redoutable sur la pointe de celle-ci. Seth lui ayant assuré qu’il n’utiliserait pas le moindre de ses pouvoirs, cette dernière option demeurait la plus viable. En se ruant droit dans la gueule du loup, Lucius intercepta fermement le couteau qu’il fit glisser sur son avant-bras. En employant les feintes qu’on lui avait enseignées, il freina brusquement au moment le plus approprié avant de corriger sa trajectoire. La couche de poussière qu’il avait soulevée pour lui servit à obstruer la vue du grand conseiller. Recourant alors au changement d’apparence pour faire naitre un troisième bras au niveau de son flanc, le garçon créa subitement une plaque de sable pour diminuer l’angle de son attaque. Hélas. Si le plan semblait se dérouler sans accroc, le possesseur de la crinière argenté prit appui sur son sabre avec une élégance incomparable. Comme s’il était aussi lourd qu’une plume, il flotta au-dessus du pommeau avant de porter une estocade d’une intensité vibratoire dans son estomac. Lucius voltigea sur une quinzaine de mètres, puis s’écrasa vulgairement au sol. « C’était bien tenté. Toutefois, tu es beaucoup trop imprécis et précipité, ce qui te rend prévisible. » Le choc avait été rude, mais il avait maintenu l’arme dans ses mains malgré la douleur. Il se redressa ensuite en appuyant sa paume sur sa côte. Elle avait subi un léger traumatisme. Mais rien d’oppressant. Son père aimait à lui répéter qu’il devait faire un avec elle. Toutefois, alors qu’il s’apprêtait à poursuivre son entrainement, quelque chose se produisit. Il connaissait cette sensation. Quelqu’un l’appelait. C’est en observant le processus à demi interloqué que Seth le voyait disparaitre…

Et c’est dans un trou perdu qu’il fit à présent son introduction. L’atterrissage fut… aussi turbulent que les fois précédentes. À hauteur plus ou moins raisonnable, son pied heurta un obstacle qui le fit s’étaler comme une crêpe. Articulant une interjection empreinte d’une jolie invective, il sursauta de son lit sableux comme s’il était agressé de tous les côtés. Puis en tournant la tête, c’est à ce moment qu’il l’aperçut. Il mit plusieurs secondes à réagir, perdu entre la surprise de l’invocation et l’émoi subsistant de la revendicatrice. La stupeur passée, il s’agenouilla rapidement auprès d’elle pour prendre de ses nouvelles. « Pavélia ? » Il dégagea les mains de son visage pour plonger ses yeux dans les siens. Il ne connaissait que trop bien sa sensibilité. Mais plus encore, il peinait à comprendre les raisons de sa présence. « Que fais-tu ici ? Tu étais censé m’attendre bien sagement. Les Terres arides sont trop hostiles pour quelqu’un comme toi. » Il savait que cette réflexion pouvait paraitre offensante, et le manque de tact était probablement l’un de ses défauts qu’il peinait le plus à brider. Cependant, la voir ainsi en larmes vérifiait ses inquiétudes. Avec fermeté, il tira la jeune fille pour atteindre le côté le plus stratégique de la carriole, rendant la visibilité moins nette pour ceux qui auraient le malheur de s’approcher. Il jeta un œil pour s’assurer de l’accalmie de l’instant, mais quelqu’un venait justement dans leur direction. « Il va falloir que tu me racontes tout en détail. Mais plus important. Est-ce qu’ils t’ont fait du mal ? » Cette interrogation ne la visait pas directement. Il savait qu’au-delà des mauvais traitements, elle avait pu se sentir humiliée. Il la connaissait suffisamment pour ne pas avoir besoin de son appui. Lorsque l’homme en question fut à proximité, Lucius imita le cri d’un rongeur pour l’attirer. Quand il fut à portée de l’ennemi, il survint dans son dos en lui enfonçant sans remords un poignard dans le cœur. Il souleva ensuite le corps dans la charette pour le dissimuler, puis il revint auprès d’elle. « Écoute. Quoi que tu en dises, je vais devoir me venger. Il faut qu’ils sachent ce qu’ils encourent en provoquant ma colère. Un témoin fera l’affaire. » Ils étaient assez nombreux, et surtout ils étaient attroupés pour la majorité. Un désavantage qu’il devait utiliser en sa faveur.

Soudain, il eut une brillante idée. Inspirant profondément, le jeune démon insuffla un intense souffle entre ses doigts qui se mua en un sifflement perçant. « Reste ici… mais éloigne-toi de la carriole. »  Il se montra clairement à la lumière du jour, dévoilant sa silhouette de ceux qui avaient tourné la tête en conséquence de cet avertissement. « Tiens, tiens, qu’est-ce qu’un sale gosse comme toi fiche ici ? Les gars ! Chopez-le ! » Lucius resta statique. Sans un bruit, il orientait son regard sur un point fixe, sans prêter attention à la bande qui approchait. Puis lorsqu’ils furent à quelques mètres de lui, il sauta dans le véhucule. Par sa ruse habituelle, il se retrouva aux côtés de Pavélia. « Prends ma main. »  Il la serra fortement, lui indiquant par un signe de tête qu’elle pouvait lui faire confiance. À la seconde où l’un des hommes découvrit le cadavre à l’intérieur, il somma à ses collègues de s’approcher. « Bon Dieu, qu’est-ce qu’il… » Quand le plus grand nombre fut rassemblé, un assourdissant brouhaha se déclencha. Le son du bois se brisant sous un poids excessif fit office de signal au Démon. Il se retourna et escalada sur l’immense oiseau qui venait d’apparaitre : Draca. Il avait saisi la demande de son maitre et avait agi en considération. Il aida ainsi l’Orine à grimper, après quoi il donna une instruction au faucon dans sa langue natale pour le pousser à s’envoler. Ce qu’il fit. Très haut dans le ciel, ils étaient désormais en sécurité. Du moins pour un temps. Profitant du calme, il n’hésita pas. « Sans protection, tu pourrais te faire tuer, Pav'. Ton erreur de jugement aurait pu nous couter cher. » Son ton était sec et réprobateur, comme bien souvent.

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Mer 24 Jan 2018 - 16:25

Extérieure au monde, la jeune femme gardait ses paupières closes avec une ardeur telle que cela en devenait douloureux. Le moindre son qui parvenait à ses oreilles suffisait à la faire sursauter, et dans le silence de son désespoir, le vacarme des brigands la terrorisait. Qui pouvaient-ils bien être, pour envisager de vendre un être humain en riant ? Bien sûr, elle n’ignorait pas que le mal s’imprégnait dans les coeurs comme de l’encre sur une toile. Le vivre était autrement plus dérangeant. Sans crier gare, un certain capharnaüm résonna auprès d’elle. L’Orine n’osait ouvrir les yeux. Elle aurait dû s’enfuir plus tôt, quitte à finir entre les mâchoires d’un prédateur. Qu’allaient-ils lui faire ? La gorge nouée, elle tressaillit lorsque des doigts se posèrent sur les siens. Lorsque la voix de son maître s’éleva, sa peur s’effaça. « Tu es venu. » Un large sourire illumina son visage. Le soulagement fit place à la culpabilité. Il avait raison. Son regard s’assombrit. Sa petite escapade avait été une mauvaise idée. « Je n’ai rien. » Comment pouvait-elle espérer le servir convenablement avec de pareilles idées ? Ses sanglots ne tardèrent pas à s’évaporer, soufflés par sa présence rassurante et par l’action initiée. L’immobilisme n’avait jamais contribué à apaiser ses craintes. Sans avoir le temps de lui répondre, elle le vit s’élancer sur le côté. Ses iris se promenèrent sur ce qui se trouvait à portée de main. Ses affaires reposaient probablement quelque part.

Sans se soucier du cadavre de l’homme, Pavélia s’empressa de récupérer ce qui lui appartenait, allant même jusqu’à dérober quelque chose aux brigands. Si la rancune n’aigrissait pas son esprit, elle considérait ce larcin comme une vengeance personnelle, sensiblement plus minime que celle de Lucius. La jeune femme se contenta d’obéir à ses ordres, ne souhaitant pas compromettre l’opération. Elle en avait déjà assez fait. Contrairement à elle, le Démon savait ce qu’il faisait, et elle ne doutait pas une seule seconde de sa capacité à les tirer de cette regrettable situation. En voyant les bandits courir vers eux, elle ne ressentit aucune pitié. Ils n’avaient été ni bons ni mauvais envers elle. L’Orine saisit la main de son maître sans un regard en arrière. Une fois juchée sur l’oiseau, elle poussa un long soupir. C’était bon de le revoir. Ses mains passèrent autour du torse de Lucius. Son équilibre n’était pas exactement fiable. « Tu as un don pour les entrées fracassantes. » À en juger par le sinistre craquement de la carriole, c’était peu dire. La jeune femme se mordit la lèvre inférieure, tracassée. Consciente de ses torts, une envie de protester assaillait néanmoins sa bouche. « Je ne suis pas venue là sans protection. Je ne suis pas toujours très maligne, mais je ne suis pas non plus inconsciente. » Un incompréhensible agacement s’enroulait autour de ses entrailles. Était-ce vraiment le sien ?

À cette altitude, la fraîcheur de l’air lui faisait le plus grand bien. En d’autres circonstances, se retrouver à plusieurs mètres du sol l’aurait sans doute effrayée. Ce n’était pas le problème du moment. Elle avait fait une bêtise, et si cela lui avait semblé en valoir la peine, à présent qu’elle se retrouvait face à son maître, elle en doutait sérieusement. « Il y a quelque temps, j’ai trouvé un livre qui parlait des Terres Arides et des différentes roches qu’on peut y trouver. Ta mère a prétendu qu’aujourd’hui, plus aucun ouvrier n’acceptait de venir extraire du minerai dans les parages et que, si je voulais en obtenir, je devrais me déplacer. J’ai voulu venir voir par moi-même. Elle m’a dit que c’était une excellente idée et a engagé un homme pour me défendre. Il faisait bien son travail, avant que nous ne tombions sur cette créature. » La jeune femme s’interrompit un instant. Une vision d’épouvante hantait encore ses prunelles, et si le monstre ne surgissait plus sitôt qu’elle fermait les yeux, elle en sentait presque le spectre planer au-dessus d’elle. Pourquoi personne n’avait songé à la prévenir du véritable danger, et pourquoi donc la Vampire ne l’avait-elle pas arrêtée ? La jeune femme secoua la tête doucement. « C’est étrange de sentir quelqu’un mourir. Je n’étais même pas triste. » Cela la tracassait. N’éprouver aucune sympathie à l’égard du mercenaire avait été une chose. Seulement, il s’était vidé de son sang entre ses bras, et malgré l’horreur, elle n’avait rien ressenti pour lui. Le souvenir du corps abandonné la fit frissonner.

Pavélia se passa une main dans les cheveux. Elle ne voulait pas y repenser, au fond. Toute cette histoire lui paraissait bien loin. Il suffisait d’expliquer la situation, et tout cela s’effacerait en un claquement de doigts. D’une manière ou d’une autre, elle trouverait un moyen de rattraper son erreur. En sa compagnie, l’avenir se paraît toujours de nouvelles couleurs. « Ces gens-là m’ont capturée il y a plusieurs jours. Une semaine, peut-être. Ils ne m’ont pas maltraitée. Je voulais essayer de m’en sortir seule. Et puis, j’ai appris qu’ils voulaient me vendre. » Le rouge lui monta aux joues. Un élan d’orgueil diffusait en elle la chaleur de la honte. Se rendre compte de sa faiblesse ne lui faisait pas particulièrement plaisir. Plus encore, c’était l’impression détestable de ne pas le servir comme elle l’aurait dû qui assombrissait son humeur, voilant la gaieté des retrouvailles. « Je voulais fabriquer quelque chose avec les pierres des environs. Je me disais que si tu te sentais un peu plus chez toi au manoir, tu… Enfin… Tu ne rentres pas souvent. » Son étreinte se resserra doucement. Depuis son départ, le bonheur avait déserté les couloirs, et personne ne jugeait bon de l’y inviter à nouveau. Il lui manquait. Être loin de lui éteignait peu à peu sa joie et son inspiration. L'une des mains de la jeune femme se détacha de Lucius, plongeant dans le sac dérobé aux brigands. Le tintement de l'or lui répondit. « J'ai entendu parler d'un endroit plutôt agréable dans les parages. Des sources. Nous pourrions y aller. Tu as l’air tendu, et le bruit de l’eau couvrira la conversation. » Ce n’était qu’une proposition. C’était toujours à lui de décider de la direction de leurs vies.

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Dim 28 Jan 2018 - 19:24


« Si c’est ce que tu penses, tu risques d’être désenchanté après l’avoir vu lui. » Ce fut sa seule réflexion sur les commentaires de son arrivée. S’il les soignait malgré lui, ce n’était rien en comparaison de son paternel. L’optique qu’il puisse lui présenter un jour lui avait par ailleurs frôlé l’esprit bon nombre de fois. Lucius était jeune, mais il préparait scrupuleusement chaque cycle de sa vie pour éviter de multiplier les bavures. Pavélia était sans doute trop innocente pour fouler les terres de l’Enfer, mais il était convaincu que c’est là qu’elle devrait le servir dans un futur proche. C’est aussi à ses côtés qu’elle serait le plus à l’abri, paradoxalement. La plus grande menace étant bien sûr le Monarque, car il était impondérable et pouvait se comporter de la meilleure comme de la pire des façons en la voyant ainsi auprès de son fils. Quoi qu’il en soit, ils étaient à présent en sécurité sur Draca. Ils pouvaient donc s’exprimer paisiblement sans risquer qu’un aléa survienne des cieux. La vision des faucons pèlerins étant l’une des plus aiguisés, il les alerterait en cas de nécessité. Pour autant, l’écouter ainsi évoquer sa mère sans la citer franchement le fit légèrement sourciller. Depuis combien de temps ne l’avait-il plus vu maintenant ? Depuis qu’il était parti de chez elle sans la prévenir autre que par un mot, aussi fugace que concis. Ce jour-là, il lui avait fait ses adieux afin de lui faire comprendre qu’il entreprenait une quête épuisante et obsessive. Intuitivement, il la protégeait en l’excluant de sa vie.

Toutefois, elle n’en avait sans doute plus besoin. Il venait à peine de le réaliser en interceptant les paroles de l’Orine mais… elle non plus ne tournait pas rond. « Autant te le dire tout de suite, je pense que ma mère a délibérément fait en sorte que tu te retrouves dans une situation inconfortable. Ça ne m’étonnerait pas qu’elle t’ait elle-même orienté vers cette pierre dès le début. Quoi qu’il en soit, si tu veux un vrai un conseil, ne fais confiance à personne, y compris à moi. » Il était important qu’elle sache que le monde n’était pas rose et que les intentions d’autrui étaient rarement bien intentionnées. Si l’Enfer était un parfait condensé du mal qui rôdait, il n’était rien de plus qu’un miroir réfléchissant de la surface. « Quant à cet homme, c’est normal. La compassion n’est qu’un fardeau. Prends le temps d’être triste pour ce qui en vaut vraiment la peine. » Depuis ce jour, elle était condamnée à le servir. Condamné à suivre les traces d’un homme qui allait propager la misère pour s’en sortir. Tout ce qu’il pouvait espérer d’elle à présent, c’est qu’elle s’affermisse. Elle n’avait plus le choix. En flattant le cou du volatile, celui-ci altéra légèrement la direction empruntée. Ils se trouvaient proches d’un autre camp, c’est pourquoi il était plus sage de s’en éloigner.

Il fit signe à Pavélia de se taire lorsqu’elle fit cette remarque. Le mieux étant de passer directement à sa dernière suggestion. « C’est ce que nous allons faire. J’ai besoin de reprendre des forces. » Il posa la main à l’endroit de sa blessure. Seth n’y était pas allé de main morte, c’est pour cela qu’il ressentait encore la douleur s’immiscer dans ses entrailles. L’eau chaude pouvait partiellement régénérer l’hématome en attendant. Seul un repos de quelques jours complèterait sa restauration. Il tapota deux fois sur le crâne du rapace, ce qui le fit immédiatement diminuer d’altitude. Ses immenses serres se plantèrent à même le sol, juste à côté du bassin bouillant qui laissait la vapeur s’exhaler. Il reprit ensuite sa taille initiale pour venir se jucher sur l’avant-bras du jeune homme qui lui livra sa récompense. « Tu peux y aller, mon ami. Si j’ai encore besoin de tes services, je t’appellerais. » Puis il s’effaça en laissant les deux jouvenceaux en tête à tête.

Lucius se débarrassa naturellement de ses vêtements dans le plus grand calme. Il était acclimaté par la nudité, d’où son absence de pudeur. Dès qu’il se retrouva dans le plus simple appareil, il se tourna vers elle. « Pose tes habits en hauteur. Certains charognards rôdent ici quand la température commence à chuter. Toutefois, nous devrions être relativement tranquilles. » Il y avait énormément de sources aux alentours, et les terres appartenant aux Démons, ils connaissaient tous l’identité de Lucius. Son statut était celui d’un privilégié, et parfois il en profitait pleinement. Il alla ainsi s’installer tout au bout en étendant ses bras de chaque côté. Les propriétés lénitives des thermes étaient toujours un immense bonheur. Il ferma les yeux et pencha sa tête en arrière. « Approche-toi. » Il avait entendu le clapotement de l’eau. Ils avaient l’occasion de mettre les choses à plat, par conséquent il se lança. « Je pensais avoir été clair. Je ne reviendrais pas. Ma vie se résume en une succession de devoirs à présent. Je n’ai plus le temps de m’amuser. » Il ouvrit les yeux et lui happa fermement le bras pour la tirer vers lui. Son regard était pénétrant et sévère. « Raconte-moi tout ce qui s’est passé depuis que j’ai quitté ma mère. N’omets aucun détail. Je veux savoir ce qu’elle fait. Et comment s'est-elle comportée après mon départ ? Et mon frère, sais-tu s’il va bien ? » Il devait obtenir le maximum de renseignements pendant qu’elle était dans les parages.
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Lun 29 Jan 2018 - 1:36

Si le voyage dans les airs n’avait rien eu de désagréable, la jeune femme poussa un soupir de soulagement sitôt que ses pieds effleurèrent le sol. Toute tension envolée, elle s’étira doucement sans prêter attention au manège de son maître. Ce n’était pas la première fois qu’elle le voyait ainsi dénudé. Le rouge lui monta néanmoins aux joues, et elle préféra tout de même détourner les yeux le temps qu’il prenne place. Cela faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas vu. Il grandissait. Suivant ses conseils avec soin, elle plaça ses affaires en hauteur, s’assurant de camoufler l’or avec l’un de ses vêtements. Les environs paraissaient relativement calmes, et elle doutait qu’on vienne les déranger. Seulement, Pavélia savait qu’il ne valait mieux pas soumettre un Démon à la tentation. « Même si je le souhaite, je ne te demande pas de revenir. Je me sens inutile, là-bas. Loin de toi. Parfois, j’ai l’impression d’être une souris qui attend d’être dévorée sans savoir de quel côté viendra le chat qui la mangera. J’ignore pourquoi ta mère ne m’a pas encore tuée. J’ignore pourquoi tu m’as gardée à tes côtés. » À dire vrai, la raison n’avait que peu d’importance. La liste de ce qui lui échappait en aurait fait pâlir plus d’un. L’Orine entra à son tour dans l’eau. Il était temps de montrer que sa douce vie entre quatre murs ne servait pas qu’à la plonger dans l’ennui. « Les premiers jours, elle s’est enfermée dans sa chambre et a refusé de parler à qui que ce soit. Je ne sais pas ce qu’elle y a fait, mais quand elle est finalement sortie, elle avait réduit la moitié du mobilier en cendres, et l’autre gisait en morceaux. » La jeune femme n’avait guère envie de s’attarder sur cette funeste période. Si la froideur de la maîtresse du manoir lui donnait des cauchemars, elle craignait bien davantage sa colère et les lubies assassines qui s’éprenaient alors d’elle.

Pavélia ferma les yeux, savourant la caresse du liquide contre sa peau asséchée. Quelques secondes silencieuses s’écoulèrent avant qu’elle ne reprenne son récit. Sa séparation avec Lucius lui avait paru une éternité, et elle peinait à se rappeler les événements dans leur ordre d’origine. « Par la suite, elle s’est longuement absentée pour engendrer de nouveaux descendants. Elle parle souvent d’eux, mais ses enfants n’ont pas le droit de venir au manoir. Enfin… Les autres. Ceux qu’elle transforme. » La jeune femme baissa la tête. Parler de ces immondes créatures en présence de son maître sonnait comme une insulte. C’était lui qui avait demandé, après tout. Elle haussa les épaules. « Toujours est-il que son charmant quotidien a repris. Le plus clair de son temps, elle l’a passé à voyager, à étudier ou à travailler pour les siens. Elle a même créé un dispensaire, même si je ne comprends pas l’intérêt d’un tel établissement. » L’Orine n’avait jamais eu l’honneur de le visiter, sans doute parce qu’elle n’en avait pas fait la demande. Dans son esprit, cet endroit s’entourait d’une aura inquiétante. Elle frissonna. « Parfois, elle reçoit des Vampires. J’ai entendu une de leurs conversations, un jour. Ils discutaient d’un laboratoire et de recherches sur le sang. Je n’en sais pas plus à ce sujet, mais seul le Sorcier utilise celui du manoir. J’ai vérifié. » L’évocation de ce souvenir suffit à faire monter une bouffée d’excitation en elle. Quel délice cela avait été d’enfreindre les règles et de se rendre au sous-sol sans être accompagnée ! Tromper la vigilance de ses geôliers involontaires lui avait procuré un plaisir jusque-là insoupçonné.

La quiétude des bains et la proximité de son maître insufflait à la jeune femme un bien-être inespéré. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas ressenti un tel bonheur. Ses doutes et ses craintes s’envolaient, emportés par la brise comme la vapeur qui s’élevait vers le ciel. Il lui fallait également aborder un sujet sur lequel elle se sentait profondément mal à l’aise. Se centrer sur l’essentiel n’était pas un exercice facile. « De ce que j’en sais, Saül accomplit quelques missions pour votre mère. Il ne reste jamais longtemps, lui non plus. On dirait qu’il fuit quelque chose. Et puis, il me regarde d’une manière étrange, comme s’il était en colère. Je crois qu’il est jaloux. » Un sourire amusé s’empara des lèvres de l’Orine. Même si cela lui paraissait cruel, par sa seule présence, elle rappelait sans cesse au Démon son échec. Son orgueil, lui, s’en trouvait pleinement satisfait. « Il ne s’intéresse à personne. Sauf aux jolies femmes qu’il ramène lorsque Callidora n’est pas là. » Nul besoin de mentionner les propositions pour le moins osées qu’elle avait dû lui refuser. L’honnêteté avait ses limites, et elle ne doutait pas que Lucius serait d’une humeur désastreuse s’il venait à le découvrir. Être un objet de discorde entre les jumeaux ne l’intéressait pas. Servir était sa joie et sa destinée. Rien ne devait interférer.

Doucement, Pavélia s’approcha davantage de son maître, comme si elle s’apprêtait à lui murmurer un indicible secret. La nature de sa révélation n’y était pas étrangère. « Il y a autre chose, à propos d’elle. Quelque chose qui empire avec le temps. Je ne saurais pas l’expliquer. Plusieurs fois, je l’ai surprise en train de s’adresser à quelqu’un sans qu’il n’y ait personne dans la pièce. Un jour, elle m’a même confondue avec sa sœur pendant quelques heures. » Cet épisode n’aurait rien eu d’effrayant si elle n’avait pas été la seule à en garder le souvenir. Ce n’était pas qu’une simple extravagance. En toute sincérité, la santé mentale de la Vampire la laissait relativement indifférente, aussi longtemps que cela n’influençait pas sur sa tranquillité personnelle. Au sein du manoir, les deux femmes se toléraient, rien de plus. Si elle s'efforçait de répondre au mieux, ce n’était guère le moment de penser à ces querelles silencieuses. Son maître n'était pas au meilleur de sa forme, elle le percevait aisément. Sans lui demander son avis, Pavélia poussa légèrement le Démon vers l’avant et s’installa derrière lui. Son dos heurta le rebord de pierre. Les doigts de l’Orine se posèrent sur les épaules de Lucius pour les détendre. En harmonie avec ses mouvements, des volutes couleur de lune s’élevèrent de ses phalanges. Un pouvoir aux effets capricieux qu'elle devait développer chaque jour. « Je suis curieuse. Raconte moi un peu ce qui t’est arrivé durant tout ce temps. Et ton père, comment a-t-il réagi ? Est-il aussi… incompréhensible qu’elle ? » Elle ne voyait pas comment formuler la chose autrement, simplement désireuse d'en apprendre davantage. Concentrée sur le massage qu'elle lui offrait dans l'espoir de dénouer ses muscles, la jeune femme attendait sa réponse.

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Jeu 1 Fév 2018 - 23:16


Les subtiles ondulations de l’eau qui léchaient son irritation lui procuraient un bien fou. Ces derniers jours, il en oubliait presque de relâcher la pression, omettant bien trop souvent qu’il n’était qu’un homme affecté à des limites qu’il ne pouvait pas supplanter par l’unique volonté de ses convictions. La carence de ses sorties lui rappelait combien il était parfois agréable de ne penser qu’à soi. Finalement, il se sentait plutôt redevable envers Pavélia de l’avoir convoqué, mais jamais il ne l’encouragerait pour son manque de prudence. Il préférait de loin gérer ses déboires par lui-même et la laisser à l’écart de toute cette tension. Du moins pour le moment. Profitant de sorte du calme ambiant, il fit tournoyer l’extrémité de son index à la surface de l’eau en écoutant attentivement ce qu’elle avait à lui raconter. S’il entendait bien sa tristesse, il n’avait aucun moyen pour la réconforter ni la rassurer. Toutefois, il pouvait au moins lui apporter une réponse. « La première fois que je t’ai vu, j’ai immédiatement deviné que tu me serais utile. Pas en tant qu’outil ou que pion. Non. Tes yeux m’indiquaient que je pouvais te faire confiance, et crois-moi si je te dis que ceci est d’une valeur inestimable sur ces terres. Je pense que je peux te comprendre autant que tu peux le faire avec moi. C’est ce dont j’ai le plus besoin pour mener ma quête jusqu’à son terme. » Le fait qu’il puisse se confier si facilement à elle sans éprouver le devoir de lui mentir concordait dans ce sens. À aucun instant, il n’estimait qu’elle pourrait le trahir, ou que chaque décision qu’elle prendrait le mettrait dans l’embarras. Pour cette raison, il était incapable de lui en vouloir pour son initiative.

En outre, le récit qu’elle lui contait à propos de sa mère débordait de réalité. Il avait toujours eu une relation spéciale avec cette dernière qu’il n’avait jamais réussi à percer. Aujourd’hui encore, il n’en était pas convaincu. Sa propension à « enfanter » ces créatures ressemblait à une drogue, à tel point qu’elle semblait s’efforcer de combler un vide. Il ressentait presque un genre de… jalousie. « Je vois. J’aurais aimé la connaitre davantage avant sa transformation. Les rares fois où j’ai essayé d’évoquer le sujet avec père, il m’a bien fait comprendre qu’il ne souhaitait plus en parler. C’est comme si elle était morte à ses yeux. Et d’une certaine manière, je peux le concevoir. Les Vampires sont des sortes de revenants. » Il marqua une pause en grattant sa nuque, ses orbites se perdant dans le reflet de l’eau. Il était beaucoup trop jeune lorsqu’il est né, par conséquent aucun souvenir prénatal ne lui rappelait un de ces instants d'amours maternels. « J’imagine qu’elle a beaucoup changé depuis. J’ignore ce qu’elle complote avec les membres de sa race, tout ce dont je suis sûr, c’est que j’irais me confronter à elle lorsque j’en aurais la possibilité. » Il avait pu mesurer la profondeur du fossé qui le séparait des grands de ce monde. Il était immense. Trop pour qu’il parvienne à faire la différence, seul. C’est pour cette raison qu’il avait besoin d’être accompagné d’alliés fidèles avec qui il pourrait partager ses desseins.

Quant à Saül, il resta perplexe. Ce genre de comportements lui ressemblait bien. Il était probablement celui qui avait le plus assimilé des gènes démoniaques à ce niveau-là. Ils se reverraient sans doute plus tôt que prévu. Toutefois, Callidora semblait plus atteinte qu’il ne l’imaginait. Lucius paraissait soucieux face à cette révélation. « Malgré tout, je pense que tu ne cours aucun danger à ses côtés. Finalement, je ne la connais que très peu. Elle est comme une étrangère qui nous a toujours très peu parlé de son passé. De toute façon si elle tente quoi que ce soit, tu peux m’appeler à n’importe quel moment. » Il était important qu’elle sache qu’elle pouvait l'implorer en cas d’urgence. Il s’était auto-proclamé protecteur depuis le premier jour. Enfin, lorsque elle préconisa de venir derrière lui pour lui détendre les muscles, l’adolescent sentit immédiatement l'adoucissement de ses crispations. Sans doute ceci était dû aux apanages de son peuple, mais elle parvenait toujours à savoir comme le soulager de ses poids. Ainsi, il ferma les paupières pour profiter pleinement du doigté de la jeune femme. « Je dirais que mes parents se sont bien trouvés. Il est un peu comme elle, à la fois inaccessible et effrayant. Toutefois, au vu de son statut, c’est de lui que je me méfie le plus. Il est capable du meilleur comme du pire et j’ignore encore comment anticiper la moindre de ses réactions. Le souci c’est que… je l’admire autant que je le hais. Et il le sait. Il en profite même pour la nourrir. Tu crois que c’est normal ? Cette contradiction je veux dire ? Il a de nombreux coups d’avance et je commence à déprécier mes propres capacités... En tout cas, tu as développé un merveilleux talent. » Il n'avait jamais partagé de telles confidences sur ses doutes. Personne ne devait le savoir. Sauf elle. À de multiples reprises, il avait envisagé à abandonner en voyant à l’œuvre la férocité de l’homme… non, du dieu qu’il ciblait.

Toutefois, comme il s’y attendait, quelqu’un vint troubler leurs discussions. Un groupe de trois qui ne s'intéressait pas à l’actualité manifestement. Néanmoins, sans émettre d’objections, les cheveux du garnement se hérissèrent pour projeter une effroyable quantité d’aiguilles capillaires, neutralisant ces derniers en quelques secondes en les criblant de toute part. Les corps inertes s’écroulèrent dans leurs propres sangs. De simples bandits de chemins qui n’en valaient pas la peine. « Aucune importance. hm. » Lucius pivota légèrement sur lui-même pour faire face à sa servante. « Puisque je suis ton Maitre, j’aimerais que tu focalises davantage ton art par ici. » Il saisit son poignet pour l’orienter vers sa blessure la plus préoccupante, celle qui requérait les bienfaits de sa spécialité, proche de son bassin. Il pencha ensuite légèrement sa tête sur le côté, scrutant son visage avec insistance, avant de descendre un peu. « Je n’ai pas eu le temps de m’en rendre compte depuis tout à l’heure, mais tu as modérément grandi depuis notre dernière rencontre. Y’a du monde au balcon maintenant. » Cette curieuse remarque lui avait échappé. Il était plutôt maladroit avec l’humour. Comme avec les compliments d'ailleurs, si bien qu’il exprimait les âneries qui lui trottaient dans la tête sans prendre le temps d'y réfléchir. Il changea rapidement de sujet. « Dit. Est-ce que tu te rappelles ce moment ? Celui où tu m’as fait passer cette épreuve ? » Ça paraissait si lointain, mais à la fois si récent. En tout cas, ces bribes de souvenirs commencèrent à resurgir.

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Ven 23 Fév 2018 - 12:56

Pleinement dévouée à son ouvrage, l’Orine s’abandonnait à la tranquillité de l’instant. Ses phalanges s’éprenaient de la chair de Lucius en mouvements d’une lenteur mesurée. Qu’y avait-il de plus merveilleux que de se trouver à ses côtés ? Sa propre sécurité ne l’inquiétait pas vraiment ; depuis son arrivée, la vie au manoir avait été pleine de déceptions et de douceur, mais jamais aucune menace n’avait plané sur elle. « Je ne pense pas qu’elle me fera du mal. Pas directement, du moins. » En toute honnêteté, elle était sensiblement plus effrayée du sort de son maître qui semblait s’épanouir au contact d’une situation des plus dangereuses. L’existence de ses rêves d’adolescente, paisible retraite entre un fleuve et une forêt ne serait jamais à l’ordre du jour. Cela ne la dérangeait pas vraiment. La jeune femme haussa les épaules. Il lui était difficile de se faire une idée précise du personnage sans l’avoir rencontré une seule fois. Néanmoins, elle se tenait régulièrement informée des affaires du monde, et les rumeurs recelaient toujours une part de vérité. « Si tu veux mon avis, rien n’est jamais normal avec eux. Il joue avec toi, sans doute, et je ne prétends pas une seconde savoir ce qu’il manigance. Seulement, de ce que je sais sur lui, si tu n’étais pas à la hauteur, il t’aurait déjà réduit en bouillie. » Un frisson d’angoisse s’écoula le long de sa colonne vertébrale. Pareille perspective lui semblait à la fois proche et irréelle. Elle secoua la tête, chassant ces affreuses pensées. De belles années de servitude l’attendaient encore.

Le meurtre des indésirables la laissa de marbre. À en juger par la vitesse d’exécution, ce n’était pas la première fois que des imprudents devaient périr de la sorte. Elle aurait pu en rire si le Démon ne s’était emparé de sa main pour l’amener vers un nouvel endroit. Le rouge lui monta aux joues. Sans doute était-ce la vapeur qui lui jouait des tours. Avant de reprendre sa thérapie improvisée, Pavélia plongea son regard dans celui de Lucius et adopta un ton ferme. « Ne doute jamais de toi. » Il était jeune, et déjà plus grand que tous les hommes qu’elle avait jusque-là rencontrés. Peut-être s’agissait-il d’une conséquence de la magie qui les liait. À ses yeux de servante, son protecteur était un être hors du commun. Si la jeune femme s’efforçait de soulager la blessure, les arabesques d’argent ne tardèrent pas à faiblir. Nerveuse, elle se mordit la lèvre inférieure. Sa puissance laissait encore à désirer. « La douleur devrait se dissiper. Cela dit, l’effet ne durera pas longtemps. Je suis loin d’avoir terminé mon apprentissage. Il faudra trouver quelqu’un qui puisse te guérir. En attendant, évite de prendre un nouveau coup et ça devrait aller. » De toutes les spécialités dont on lui avait proposé la découverte, la médecine ne l’avait jamais intéressée. Son refus de l’époque pourrait se révéler cruellement fâcheux en d’autres circonstances. L’inquiétude creusa une ride sur son front. Il lui faudrait remédier à ces lacunes le plus vite possible. Que deviendrait-elle, si elle n’était pas même capable de prendre soin de lui ? Sa dernière remarque la fit battre des cils d’un air légèrement perdu. Ne sachant comment réagir, elle se contenta de détourner le regard pour lui répondre d’un ton teinté de mystère. « Tu n’es pas le seul à l’avoir remarqué. » L’Orine préférait néanmoins que ce charmant constat vienne de lui. C’était flatteur, en quelque sorte. Des paroles de son maître, ce ne fut pas ce qui retint son attention. Un sourire ravi se dessina sur ses lèvres à l’évocation du moment béni où elle l’avait enfin trouvé. Ne s’agissait-il pas, après tout, du jour où ses tourments avaient pris fin pour renaître d’une toute autre manière ? « Comment aurais-je pu oublier ? » Une touche de nostalgie fit trembler sa voix. Rêveuse, elle se laissa glisser sur le banc de pierre.

~ . ~

La jeune femme errait dans le manoir à la recherche des jumeaux. Elle avait eu une idée. Une idée folle, insensée, au mépris de toutes ses attentes, une idée qui lui coûterait sa raison si le succès venait la couronner. Qu’aurait-elle pu faire d’autre, elle qui sentait peu à peu sa vie lui échapper et la honte crever ses sanglots ? L’absence de l’autre éveillait son audace. Ce n’était pas le meilleur choix. On lui ferait des reproches, sans doute. Toute réprimande valait mieux que de rester esseulée parmi ses congénères, sans homme à servir, sans maître à adorer. Au détour d’un couloir, elle les aperçut à travers une fenêtre, en pleine préparation d’un mauvais coup dont la teneur ne l’intéressait pas vraiment et s’empressa de sortir les rejoindre. Elle se sentait fiévreuse. Ses mains tremblaient légèrement. Elle crut défaillir dans les escaliers. La brise matinale fit rosir légèrement ses joues. Pavélia s’agenouilla auprès d’eux. « Les enfants, j’ai quelque chose à vous proposer. Je vais vous poser une énigme à tous les deux. Celui qui donne la bonne réponse gagne une servante pour la vie. Moi-même. » Saül fronça les sourcils, une moue dédaigneuse s’emparant de ses lèvres. S’il appréciait modérément la compagnie de la jeune femme, il l’avait toujours trouvée idiote et ne s’en cachait pas. À ses yeux, elle faisait preuve d’une tendresse superflue qui n’aurait pas dû venir d’elle, et cela le dérangeait. « C’est pas déjà le cas ? Et puis, je ne vois pas pourquoi ce serait utile. Maman peut engager toutes celles qu’elle veut, elle a assez d’or pour ça, et elle finira par te chasser, de toute manière. » Exaspérée, la sculptrice poussa un soupir.

Comment pouvait-elle faire comprendre à des enfants ce que signifiait sa proposition ? Sans doute ne serait-ce pour eux qu’un énième jeu sans conséquence. Il ne pouvait en être ainsi. Elle s’agenouilla devant eux et s’efforça de parler avec douceur. « Ce n’est pas tout à fait la même chose. Le lien dont je parle est défini par la magie. Tu n’aimerais pas avoir quelqu’un auprès de toi, qui te soutienne à chaque instant et cherche à satisfaire la moindre de tes volontés ? » Si la complexité d’une pareille union était bien différente, la jeune femme n’avait ni la patience ni l’envie d’en expliquer toutes les nuances à cet insolent bambin qui ne tarda pas à hausser les épaules avec indifférence. « Toutes les femmes trahissent les hommes un jour ou l’autre. » Certaines causes étaient perdues d’avance. Pavélia fronça les sourcils. Que se passait-il sous le crâne de Saül pour qu’il soit déjà infesté de telles pensées ? Ce n’était pas à elle de le corriger. Elle croisa les bras et lui fit un clin d’oeil amusé. « Et ta mère pourrait bien le faire en te coupant la langue si je lui rapportais tes paroles. » Le diablotin prit un air outré et ouvrit la bouche avant de la refermer. Soulagé qu’il se taise, elle se tourna vers l’autre. L’appréhension fit légèrement trembler sa voix. « Me voudrais-tu à tes côtés, Lucius ? » Une protestation véhémente ne tarda pas à s’élever. Visiblement, le garçon ne ratait pas une occasion de se taire. L’Orine se mordit la lèvre inférieure, se demandant si sa décision n’annonçait pas une catastrophe. Peut-être aurait-elle mieux fait d’attendre sagement le retour de la maîtresse des lieux pour lui demander son avis sur la question. « C’est moi le plus grand, c’est à moi de commencer ! En plus, je sais déjà que je vais réussir, autant lui éviter une défaite. » La raillerie prit fin dans un éclat de rire, suivie d’un large sourire de triomphe. La jeune femme soupira. Faire preuve d’un tel orgueil ne lui apporterait rien. Elle en était même agacée, et l’énigme n’en serait que moins claire. « Qu’est-ce qui rugit sans être un animal ? » Une réponse d’une évidence criarde pour certains. Seulement, la jeune femme savait que le Démon en herbe détestait la lecture, et une telle expression avait rarement sa place dans les conversations quotidiennes. Le sourire du bambin se figea en une expression inquiétante avant de s'effacer peu à peu. Il ne savait pas. Faisant confiance au hasard, il souffla une réponse hésitante. La sculptrice secoua la tête. Le visage de son interlocuteur vira au cramoisi. Une pointe de culpabilité s'insinua dans le coeur de l'Orine. Qu'avait-elle fait ? « Tu n’as pas à avoir honte ou à être en colère, Saül. Chaque échec est un apprentissage. » Favoriser l'un d'entre eux était sans aucun doute injuste. Ils n'étaient que des enfants. Cependant, laisser un caprice décider de son avenir était un risque sans précédent, et elle préférait limiter les dégâts. Contrarié, le Démon se précipita vers le manoir, quittant le jardin. Cela lui passerait. La jeune femme se tourna vers Lucius. Une touche de tendresse adoucissait son regard. « Qu'est-ce qui brûle sans toucher ? » Parfois, le futur dépendait de quelques mots.

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Ven 16 Mar 2018 - 21:50


Le jeune homme déclina la tête en contemplant le remous des vagues. Elle avait raison sur un point : Callidora ne lui ferait pas le moindre mal. Pas sans un motif valable en tout cas. Il était au fait des revers de la folie pour en avoir été l’un des cobayes pendant de nombreuses années. Elle n’avait pas encore été englouti par cette boucle infinie qui ne lui consentirait aucun retour. En revanche, et c’était bien normal, elle n’était pas consciente du caractère outrancier de son paternel. Ses combines étaient mystérieuses, et malgré toutes ces heures où il s’était recelé pour l’étudier, rien n’avait pu le conduire à une conclusion satisfaisante. Non. Il cachait son jeu mieux que personne. Lucius écarta les mèches de Pavélia très naturellement. Un geste touchant, mais surtout très inhabituel pour un Démon. Un sourire étira ses lèvres jusqu’aux oreilles. Ce dernier était simulé et hypocrite.

« Tu as raison. Je pense qu’il me respecte un minimum et qu’il ne me fera jamais de mal avant l’heure. Il attend probablement de voir jusqu’où je suis capable d’aller, avec ou sans lui. »

Il n’y avait pas la moindre conviction soutenue par ces mots. Il n’y croyait pas une seule seconde. Zane avait déjà tenté de le tuer à plusieurs reprises lorsqu’il était embarqué par la colère. Il devait son répit salutaire à Seth qui s’était trouvé là au bon moment. Son mentor lui accordait davantage de crédit que son propre père, trop retranché dans son perfectionnisme. C’est la raison principale qui le poussait à l’écarter le plus possible de lui. Le connaissant, il pourrait totalement profiter d’elle pour en faire un pion à son service. L’Enfer regorgeait d’ennemis qu’elle ne pourrait jamais affronter seule. Il écarquilla soudainement les yeux lorsqu’elle le secoua à propos de sa confiance. C’était facile à dire. Comment ne pouvait-il pas douter alors qu’il était constamment entouré de personnes exceptionnelles ? Évidemment, son mode de vie était plutôt généreux compte tenu des circonstances. En tout point, on le traitait comme un prince, avec les avantages et les inconvénients qu’un tel statut impliquait, surtout dans ce cas présent. En attendant, l’Orine avait réussi à panser ses blessures. Certes pour un temps limité d’après ses dires, mais ça lui suffisait amplement pour l’instant. Il s’écarta un peu de la jeune femme pour entreprendre quelques mouvements de shadow boxing. Cela lui permit d’évaluer l’efficience des soins apportés. Il se retourna ensuite vers elle en ricanant.  

« Super travail. Je ne sens plus grand-chose hormis une légère échaudure. Tu progresses vite Pav’ ! Tu es surprenante. Je connais quelqu’un non loin d’ici qui pourrait compléter ton apprentissage. C’est un bon professeur, je suis certain que tu pourras en tirer quelque chose toi aussi. On ressassera les vieux souvenirs en chemin, qu’en penses-tu ? »

Sans attendre de confirmation de sa part, il sortait déjà du bassin afin de laisser les rayons du soleil chauffer sa peau. Il se balança ensuite à la branche qui trônait au-dessus du réservoir pour récupérer ses vêtements.


Ψ


Cela lui semblait si lointain. Ce jour où il avait fait sa rencontre, il était en compagnie de son frère, dans les appartements de sa génitrice. Comme à leur habitude, ils s’étaient concertés pour mettre les servants de leurs mères en déroute à base de coups montés. Il se remémorait encore de la fois où ils avaient foutu le feu dans l’entrée principale en bloquant l’accès aux étages supérieurs. Ils avaient en outre accusé les employés pour ne pas être réprimandés ce jour-là. Quoi qu’il en soit, ils cessèrent toute activité lorsqu’elle vint jovialement les aborder. La gagner elle pour la modique somme d’une réponse ? Il n’était pas contre, contrairement à son jumeau qu’il regardait silencieusement. Saül avait toujours été le plus impulsif. Il ne savait pas écouter paisiblement malgré ses propres conseils.

« Le jeu en vaut la chandelle. J’accepte le défi. »

Mais ce n’est pas lui qui inaugura le test. Son grand frère avait manifestement besoin de lui prouver certaines choses. Sa fierté dévoilée au grand jour, Lucius se concentra en baissant les paupières pour cogiter à l’énigme de son double. Peu savante, il rata néanmoins le coche. Lucius le suivit du regard lorsqu’il partit sans dire un mot, puis il fixa Pavélia dans les yeux en plaçant sa main sur son épaule.

« Désolé pour mon frère. Il abhorre la défaite plus que tout. J’espère qu’il comprendra le sens de tes mots à l’avenir. Ce n’est qu’en échouant qu’il pourra se relever et mesurer leur importance. À mon tour. »

Il fit un pas en arrière pour raisonner calmement. Jusqu’à maintenant, il avait passé très peu de temps en compagnie de l’Orine. Pour autant, cela lui avait largement suffi pour saisir l’essence de sa personnalité. Par conséquent, il était conscient qu’en proposant cette devinette, elle tentait de lui transmettre un message. Après quelques secondes d’hésitation, il répondit d’une voix claire : « Le pénis. »


Ψ


À l’époque, il ignorait encore que l’humour devait être employé avec parcimonie. Fort heureusement, en voyant le visage décomposé de l’Orine, il s’était empressé de corriger le tir à la seconde même. Depuis, quelque chose de relativement fort les reliait l'un l'autre.

Ils étaient sur le chemin de cette route sinueuse. Le soleil s’était dissipé derrière l’épaisse brume opaque qui se voyait être de plus en plus agressive. Le froid glacial des environs lui mordait la peau tandis que ses poils se dressaient. Quelqu’un ou plutôt quelque chose laissa sa silhouette se crayonner dans ce brouillard. Un spectre de la forme d’un cobra prononça deux termes forts en intensité. « Vivre… ou mourir ? » Lucius — raide et la mâchoire serrée — appuya spontanément sa main sur le thorax de la jeune femme pour la tenir à l’écart. Quand bien même il avait déjà fait affaire à l’animal, la sueur qui perlait sur son front était pleine de sens.



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Lun 26 Mar 2018 - 23:31

La jeune femme délaissa à regret la chaleur de l’eau. Ses récentes mésaventures l’invitaient à se réfugier loin du monde, en un lieu où toute inquiétude s’envolerait pour de bon. Maëlith. Un souffle de nostalgie se déposa sur son coeur. Retournerait-elle auprès de ses sœurs avant qu’il ne disparaisse ? Secouant la tête, elle posa les yeux sur son maître. Une vie à ses côtés n’impliquait ni tranquillité ni douceur. Cela lui convenait, pourtant ; une certaine euphorie se diffusait en elle à mesure qu’elle imaginait les innombrables heures passés à le servir. Peu importait où ses pas la menaient. Sa liberté, c’était avec lui qu’elle la trouvait. « J’essaie de faire de mon mieux. Je dois encore m’améliorer. Allons-y. » Ravie d’avoir l’occasion de passer du temps en sa compagnie, elle se rhabilla en toute hâte et rajusta tant bien que mal sa coiffure. En d’autres circonstances, une préparation aussi sommaire aurait pu l’agacer. Ce n’était pas le moment d’y songer. Qui était donc cet individu à qui Lucius accordait suffisamment de crédit pour le lui présenter ? Jamais encore elle n’avait eu la chance de faire connaissance avec l’une de ses fréquentations. Cela insufflait en elle une curieuse impression de fierté et d’appréhension mêlées. Égaillée par la promesse d’une nouvelle rencontre, elle tâcha de se rappeler de la dangerosité des environs. Le voyage ne serait sans doute pas de tout repos.

La fraîcheur de l’air tourmentait son corps de légers tremblements. Le paysage n’offrait que peu de distraction. Il lui semblait que de perpétuelles cascades de roche ruisselaient autour d’eux sans qu’ils ne puissent s’échapper. Parfois, l’impression de suffoquer lui sautait à la gorge. Avec prudence, elle se contentait donc de regarder ce qui se trouvait devant elle pour ne pas trébucher. Si leur périple n’était pas particulièrement difficile, la fatigue gagnait peu à peu du terrain. Soudain, une abomination surgit devant eux. L’angoisse s’insinua dans les entrailles de l’Orine. Horrifiée par cette rencontre, elle ne pouvait détacher son regard de la silhouette ondoyante. « Je ne sais pas pour toi mais je n’ai pas trop envie que l’escapade s’arrête là. » Une certaine colère effleura ses entrailles. Pour qui se prenait cette hideuse créature, à vouloir la priver ainsi de son maître à peine retrouvé ? Inconsciente du danger, elle repoussa doucement la main de Lucius. Elle en avait assez que l’on s’acharne à faire de ce voyage un cauchemar. « Ce n’est tout de même pas cette sale bête qui va nous pourrir la journée. » Personne n'avait le droit de gâcher ces retrouvailles tant espérées. Sans rien savoir de son adversaire, elle porta la main à son arme. Il lui suffisait de se souvenir des mouvements appris lors de son entraînement sommaire et de ce qu’elle avait lu dans les livres. Cela devrait faire l’affaire. Sans songer un instant que le fil d’une épée ne pouvait blesser un spectre, elle fit un pas en avant. Couler des jours en toute sérénité avait enterré chez elle tout instinct de danger.

Ce n’était pas exactement l’idée du siècle. Sans qu’elle n’ait le temps de faire le moindre geste, une curieuse substance fusa dans sa direction, substance qu’elle évita de justesse et qui s’écrasa contre le sol. Le curieux grésillement qui en résulta n’avait rien de rassurant. L’Orine se mordit la lèvre inférieure. « Je crois que ce n’était pas très malin. Désolée. » La rage ne lui réussissait décidément pas. En fâcheuse position, elle inspira à plein poumons pour tenter de se détendre. Il ne fallait pas paniquer. Pas maintenant. De potentielle, la menace était devenue réelle. C’était sa faute. Les iris rougeoyants de Lucius ne quittaient pas le monstre du regard. Qu’avait-elle fait ? Serait-il en colère lorsqu’ils s’en sortiraient ? Allaient-ils seulement en réchapper ? L’Orine eut le temps d’apercevoir une forme sinueuse se faufiler vers le corps de son maître. « Attention ! » Sans réfléchir, elle envoya sa lame tourner au hasard près des chevilles du brun. Sa rapière rencontra de la chair que l’énergie du désespoir effeuilla tant bien que mal. Sifflante, la tête d’un serpent sembla se détacher, finissant par pendre lamentablement. Un liquide visqueux éclaboussa ses vêtements. La jeune femme ne s'en offusqua pas et se retourna précipitamment. Il en arrivait d’autres. « Je doute que ces bestioles apprécient que je leur chante une berceuse. Même si je doute de pouvoir rendre la chose esthétique, trancher des têtes est parfois nécessaire. » Au moins pouvait-elle s’occuper de ceux-là sans trop de risque. Déterminée à en découdre et à prouver qu’elle n’était pas toujours qu’un poids, elle se lança à l’assaut des nouveaux arrivants. Les nombreuses aspérités qui trouaient le sol la firent trébucher. Son arme valsa quelques mètres plus loin, la laissant démunie de tout moyen de défense. Une sphère fort curieuse s’échappa de son sac pour rouler sous ses yeux.

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[ IX ] L'échec d'aujourd'hui, la force de demain. [Lucius]

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