À l’aube de l’Ère de la Conciliation, un groupe d’Humains se détacha d’Utopia. Il n’était guère le seul à tenter une aventure qui semblait à tous sans doute moins périlleuse que de rester dans une cité qui avait fait son temps et qui risquait, à tout moment, de voler en éclat, écrasée par un puissant maléfique qui profiterait de la situation pour anéantir un peuple ô combien fragilisé. Certains groupes atteignirent une île et s’y installèrent ; d’autres trouvèrent refuge chez diverses races. Quant aux milliers d’Humains dont il est question, ils s’enfoncèrent au sein de l’Antre des Marais, construisant dans les arbres des cabanes censées les abriter des bêtes dangereuses. L’objectif était de se cacher et de se reproduire le plus possible. Même si l’environnement était hostile, ils savaient qu’ils s’adapteraient. Cette idée aurait, certes, pu être menée à bien si un homme, aujourd’hui considéré comme un Dieu, n’était pas intervenu. Des années plus tard, la Reine du Royaume de Grimvarr conte encore cette légende aux enfants en bas âge qui sont nés après le premier Grand Tremblement, la légende du Dieu du même nom. Car cette dernière se rappelle de ces funestes jours comme s’ils s’étaient produits hier. Un homme à la peau bleu arriva, son visage recouvert d’un masque fait du crâne d’un animal, le corps enduit d’étranges peintures, suivi par un corbeau menaçant au regard froid et cruel. Peu de temps après son arrivée, ses fidèles le suivirent et le sang des adultes coula à profusion, tâchant les marais devant les yeux de ceux qui n’étaient que des enfants et des jeunes adolescents. Oh oui, la Reine s’en souvient comme si cela s’était produit hier. Elle ne comprit jamais pourquoi il s’en alla, lui et ses sbires, mais quelque chose en elle lui souffla qu’il était un Æther et que si les siens ne le priaient pas suffisamment, alors il reviendrait. C'est pour cela qu'Imrha construisit de toutes pièces un culte pour cet homme que les siens nommèrent Grimvarr. Afin de l’honorer, le Royaume fut appelé de la même façon et les Humains y vivant se désignèrent comme des élus de Grimvarr, comme ses enfants. Dieu connu et craint uniquement par ceux qui vivent dans l’Antre des Marais, Grimvarr représente le Grand Tremblement. Ce concept est né au fil des années, au fur et à mesure que les enfants d’alors grandissaient. Seul Dieu prié par ces derniers, il est le symbole d’énormément de choses mais l’idée de Grand Tremblement domine. Le Grand Tremblement désigne ainsi la fin de la Vie et plus généralement la fin du Monde. Les Humains du Royaume de Grimvarr sont ainsi convaincus que le jour où il reviendra, le Monde sombrera dans le chaos et qu’il n’y aura plus rien. Les enfants d’alors interprétèrent chacun des signes distinctifs de leur Dieu et se plongèrent dans le cannibalisme, devenant peu à peu sauvages, aussi à cause du manque de présence adulte auprès d’eux dans un milieu ô combien dangereux. De tous ceux qui essayèrent de communiquer avec eux, seul le Roi du Royaume de Babelsba arriva à avoir un semblant d’autorité et, ce, pour une raison toujours inconnue. Quoi qu’il en soit, le culte de Grimvarr se fait dans le sang et les entrailles des cadavres de ceux que les Humains tuent. Souvent, il s’agit d’aventuriers égarés. Les enfants de Grimvarr s’enduisent également le corps de pigments rouges et de sang. Ils utilisent aussi les os pour honorer leur Dieu, se fabriquant des masques avec les carcasses de ceux qu’ils tuent, humanoïdes ou animaux. Parlant un dialecte inconnu des autres peuples, les légendes sur l’Æther sont orales et transmises de génération en génération.