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 [Quête - Terminée] Chasse à l'homme - Ft Callidora

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Lun 16 Mai 2016, 16:13

Le leurre était en place. L’appât les distrayait. Ils n’avaient conscience que le danger était aussi proche, et tous pensaient avoir été embarqués dans quelque expédition salvatrice. Avaient-ils répondu positivement parce qu’ils avaient le cœur soi-disant généreux, ou bien parce que mon offre avait été alléchante? Je l’ignorais, et à vrai dire je n’en avais cure. Je ne pouvais que saluer leur audace de s’être aventurés dans ces bois à mes côtés. Cette décision serait la dernière qu’ils prendraient. Tous allaient mourir pour mon plaisir, et personne ne retrouverait le corps de ces hardis « sauveteurs ». Seuls les arbres silencieux seraient témoins de ce massacre. A l’abri de tous regards, ils périraient en ce lieu funeste. Je laissai ma langue chatouiller mes crocs à cette pensée. La perspective d’une marée sanglante m’ouvrait grandement l’appétit. Bientôt, je passerais à l’action, pour festoyer en cette nuit obscure.

**

J’avais ouï dire à Avalon que la forêt des murmures regorgeait de mystères. Elles n’était guère éloignée de la cité des Déchus, menant jusqu’à Drosera – une autre ville vraisemblablement digne d’intérêt – et constituait notablement la prochaine étape dans mon exploration du continent. En tant qu’amateur de chasse, je ne pouvais me substituer à un passage dans ces bois, bien curieux à l’idée de traquer ce qui pouvait s’y trouver. J’étais alors loin de me douter que je serais animé d’une toute autre envie, une fois sur place.

 « Ce que vous pouvez y chasser ? J’aurais plutôt dit par quoi pouvez-vous vous faire chasser. Insectes et arachnides tels qu’ils n’en existent nulle part ailleurs hantent cette forêt, et en sont de redoutables prédateurs. Peu de gens auraient réellement l’audace de traquer dans ces bois, et les spécimens comme vous sont rares… pour ne pas dire inconscients. »

Telles furent les indications de l’Alfar qui daigna répondre à mes questions dans l’auberge où je fis halte, sans pour autant manquer de dédain. Il y avait quelque chose dans sa façon de me juger qui était intrigant. Il paraissait réfléchir à quelque pensée précise tandis qu’il m’adressait la parole, sans pour autant la justifier. Je m’étais, pour ma part, contenté de prendre un gobelet d’hydromel pour l’aspect social de la boisson. Il était stupide d’en prendre davantage quand on avait perdu le goût des aliments pour peu qu’ils ne soient gorgés de sang. Je m’égarai un instant dans mon imaginaire, tentant de conceptualiser les bêtes qu’il me décrivait. Ses propos me tirèrent de mes songes.

 « La forêt est illusoire, et peut rendre fou quiconque inapte à s’y rendre. Pensez-y quand vous voudrez… chasser. »

Et puis il s’était levé et m’avait quitté. Je me hâtai alors pour achever ma boisson et faire de même. Inutile de rester maintenant que j’avais appris ce que je désirais savoir.

J’entrai dans la forêt à quelques lieux de l’auberge. Elle baignait dans une vaste brume, mais cela était insuffisant pour me dissuader d’y pénétrer. Les bois étaient certes davantage lugubres que ceux du val dormant ou du domaine de mon père. Je ne reculai guère pour autant. Même de nuit, l’environnement ne se taisait, laissant s’animer toutes sortes de sonorités. De quoi penser qu’une fois perdus dans ces bois, la nature couvrirait suffisamment les sons pour qu’il soit impossible d’appeler à l’aide.

Sans que cela ne me surprenne, la soif de sang me prit. Je m’étais habitué à vivre avec, et pensai pouvoir régler l’affaire rapidement. Un écureuil ou tout autre animal juteux satisferait ma soif. Du moins, c’était ainsi que cela avait toujours fonctionné. Or, cette fois, l’envie était… bien différente. Je désirais voir le sang couleur à flots, plus par plaisir visuel que par réel besoin de m’en abreuver. Quelque péché s’était emparé de moi suite à mon passage à Avalon ? Je ne savais guère, mais demeurais incapable de me ôter une telle pensée de la tête. Cette appétence pour le meurtre était… nouvelle.

**

C’est lorsqu’elle s’y attend le moins qu’il faut frapper sa proie. C’est également à ce moment-là où le triomphe de la ruse provoque chez le chasseur la jouissance la plus enivrante. Jamais alors, je n’avais songé à procéder à la chasse à l’homme, mais depuis que je m’étais aventuré dans ces bois, l’envie ne s’était nullement dissipée. Nous nous étions séparés en trois groupes : un humain et une Orisha m’avaient accompagnés, alors que j’avais demandé à ce que l’on couvre la zone la plus large possible. L’humain avançait en éclaireur, équipé d’une épée longue, tandis que l’Orisha le couvrait avec son arc. Quant à moi, je prétendais surveiller nos arrières, pareillement équipé à cette femme, ma lance également prête à être utilisée.

A la différence d’elle qui scrutait le paysage brumeux, mon arc était bandé dans sa direction. Suffisamment éloigné vers l’avant, le dernier d’entre nous ne parvenait probablement guère à me distinguer, car la brume m’empêchait moi-même de le voir, en dépit de ma nyctalopie. Il s’agissait donc de viser la gorge de l’Orisha, pour qu’elle décède sans pousser un cri. Doucement, je me rapprochai d’elle. Tout doucement.

J’étais prêt. Une fois abattue, je me ruerai vers elle et l’achèverai de ma lance. Puis je m’attaquerai à l’humain. Tel était le plan. Mon sang ne fit qu’un tour. Pas d’hésitation. L’angle parfait.

La flèche fut décochée.

Ses derniers instants ne devaient être guère réjouissants pour elle. Mais ô combien me procurèrent-ils l’extase !

**

 « Braves gens, j’ai besoin de votre aide ! Mon fils et ma fille ont échappé à ma vigilance et ont disparu dans la forêt ! Je paierai gracieusement quiconque m’aidera à les retrouver avant le lever du jour ! »

L’idée m’était venue peu de temps après avoir exploré l’entrée des bois. Pour assouvir mon désir de meurtre, je pouvais prétendre vouloir embaucher dans le village voisin quelques mercenaires ou âmes charitables prêtes à sauver la descendance d’un noble vampire contre récompense. De là, il me suffirait de les entraîner dans les méandres de l’obscurité, et de les assassiner un par un. Tout le jeu consisterait à tous les éliminer, qu’aucun ne puisse repartir de ce lieu funeste. C’était d’ailleurs en cela que j’avais rusé, une fois sur place, en proposant que nous nous séparions en petits groupes pour couvrir la zone la plus large possible.

Et pour qu’ils ne se rendent compte de mes réels desseins tandis que je les décimais.

**

L’humain s’était retourné, et cherchait du regard l’archère.  « Où êtes-vous ? » cria-t-il. Il n’eut bien évidemment aucune réponse, et rebroussa chemin, sur ses gardes. Il ne pensa point à regarder à terre, là où le corps de celle qu’il recherchait gisait. Je m’étais caché derrière un vaste saule. J’attendais qu’il passe suffisamment près pour le prendre par surprise, et le transpercer de ma lance.

Il ne me fallut point attendre davantage qu’une minute pour que mon désir s’exauce. Il me dépassa sans me voir, et je m’élançai de toutes mes forces pour lui transpercer le cœur. Le pauvre n’eut guère le temps de réagir que la mort s’était emparée de lui. Je jubilai, amplement satisfait par cette performance. Je me nourris alors du sang de l’un comme de l’autre, en guise de récompense.

A présent, les deux autres groupes m’attendaient.

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Ven 20 Mai 2016, 11:45

Encore une fois, le frisson de l'aventure la saisissait. Malgré sa volonté de rester chez elle, tranquille et en sécurité, Callidora avait fini par se laisser emporter par cette irrésistible attraction qui la menait sans cesse vers de nouveaux rivages. Avant que de comprendre ce qu'elle faisait là, elle s'était retrouvée dans un village qu'elle ne connaissait pas. Cédant à sa soif de découvertes et cherchant à tromper l'ennui, la brune avait fini par se téléporter au hasard, laissant au destin le soin de la placer là où elle devait se trouver. Atterrir dans une taverne ne l'avait pas vraiment enchantée, surtout qu'il ne lui avait pas fallu longtemps pour que le murmure des étoiles ne la rattrape et qu'elle découvre les événements à venir. Ce qui l'attendait en ces lieux prenait une tournure obscure, et elle observait les clients d'un air intrigué, se demandant lequel d'entre eux se servirait de ses pulsions inavouées pour orchestrer un odieux massacre. Sauver leurs vies ne faisait pas partie de ses prérogatives. En revanche, participer silencieusement ne lui était pas impossible, et avec de la chance, elle finirait par découvrir le coupable. Tout ce qu'elle devait faire, c'était rester en vie suffisamment longtemps pour assouvir sa curiosité.

À sa grande surprise, la brune finit par voir un jeune homme entrer dans la salle, l'air affolé. La déclaration qu'il leur offrit semblait abracadabrantesque, surtout que la brune ne voyait pas vraiment quels dangers pouvaient résider dans une forêt. Les clients parurent se recroqueviller sur eux-mêmes en entendant ces paroles. Interloquée, elle battit des cils un instant. Personne n'allait donc se porter volontaire ? L'atmosphère lugubre qui régnait dans l'auberge venait peut-être en fin de compte de ceux qui venaient y passer un moment. Finalement, la Rehla vit une dizaine d'individus se lever pour porter secours à l'inconnu. Rester dans la taverne pour comprendre ce qui se tramait ne la tentait pas le moins du monde, et en sortir lui réserverait peut-être une surprise. Tromper l'ennui qui s'emparait d'elle comme un amant possessif, voilà ce qui l'avait poussée à rejoindre le petit groupe. Traversant le village, ils étaient parvenus à rassembler un ou deux autres volontaires. Callidora laissa un sourire effleurer ses lèvres. D'une certaine manière, les petits actes lui redonnaient confiance en l'avenir de ces terres, et elle finissait par considérer que sans doute étaient-ce les seuls à avoir une véritable valeur.

Une fois aux abords de la forêt, l'homme qui avait perdu ses enfants leur proposa de se séparer en plusieurs groupes. La brune accepta de bon coeur, se disant que cela leur permettrait de sortir plus vite. « Quelle idée d'emmener ses enfants dans un endroit pareil ! » La femme à ses côtés maugréait, manifestement mécontente d'être là. Elle avait cru connaître des sylves effrayantes, et pourtant, celle qui se dressait devant eux lui paraissait sortie tout droit d'un cauchemar. Ne pouvant distinguer que les premiers arbres décharnés, elle sentit un frisson caresser sa peau. Toute cette histoire se mettait soudain à l'inquiéter. Cela dit, rebrousser chemin ne s'envisageait pas. Ainsi pénétra-t-elle dans la forêt en compagnie de deux individus, espérant échapper à ce qui l'attendait. Ses camarades se connaissaient visiblement depuis longtemps et conversaient à voix basse. Callidora pouvait percevoir leur inquiétude, et elle ne tarda pas à se sentir oppressée par la brume qui envahissait tout l'espace. « Il ne faut pas se perdre de vue. » Une sensation diffuse et paralysante grandissait en elle. La peur. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu le ventre noué. Un étrange murmure parvint à ses oreilles. « Quelqu'un a parlé ? » Ses partenaires l'assurèrent de leur silence. Pour une raison inexplicable, ce murmure l'obsédait, souffle inattendu et fascinant qui tourmentait son esprit. Regardant derrière chaque arbre et sous chaque pierre qu'ils trouvaient, elle cherchait d'où il pouvait venir. Se rappelant l'existence des enfants qu'ils devaient trouver, elle finit par lever les yeux au ciel et se morigéna.

Ne connaissant absolument rien de son environnement, la brune ne faisait preuve d'aucune méfiance particulière à l'égard de la sylve. Retourner le problème dans tous les sens ne l'amenait à rien : le murmure restait un mystère plein et entier. Curieusement, il la fascinait autant que la voix des étoiles. Sensiblement plus sombre et plus charnel, il la renvoyait à tout ce qu'elle cachait au fond d'elle-même et appelait ses instincts les plus sombres à l'éveil. Savoir. Il fallait qu'elle sache. Un cri suraigu la fit revenir à la réalité. Quelqu'un hurlait. Quelqu'un avait besoin d'aide. Sans réfléchir, Callidora se mit à courir en direction du hurlement, ne prêtant même pas attention à la disparition de ses camarades. La jeune femme se retourna brusquement, ayant entendu un frémissement derrière un buisson épineux. Ce n'était que la caresse du vent. Continuant son chemin, elle finit par trouver ce qu'elle n'avait pas cherché. Un cadavre. Deux cadavres. Il ne manquait qu'un troisième, et elle serait certaine d'être au bon endroit. Croire que cette recherche lui permettrait de s'éloigner du massacre dont les astres nocturnes lui avaient donné la vision avait été une erreur absurde. Le coeur battant, elle s'enfonça davantage dans les profondeurs de la forêt.« Où es-tu, cher meurtrier ? »La Rehla ne pouvait pas se permettre de le laisser s'échapper sans au moins l'avoir rencontré.


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Ven 20 Mai 2016, 13:21

Si le premier décès avait été expéditif et quasi-immédiat, le second s’était accompagné d’un hurlement dans le trépas. L’appétit du sang ne m’avait guère laissé le luxe de sonder les environs pour vérifier si le cri avait eu quelque impact ; je m’étais précipité pour étancher ma soif. Il ne s’agissait là que du début d’une considérable partie de chasse qui ne manquerait nullement d’être distrayante et alléchante. Ou du moins, était-ce ainsi que j’avais envisagé la chose. Je ne devais tarder à partir en quête des autres groupes : le temps attirait les soupçons, et les soupçons me corseraient la tâche. Point que je ne sois amateur de difficultés, là n’était guère le souci. Cependant, un brin de réalisme suffisait à me rappeler que seul contre plus d’une demi-douzaine d’individus coopérant ensemble, mes propres chances de survie devenaient bien maigres.

Un puissant désir de contemplation de mon œuvre m’anima. Cependant, je ne pus me permettre de m’attarder plus longtemps en ces lieux. J’essayai donc de deviner les directions et cheminements qu’avaient empruntés les autres groupes. Le pistage avait beau être une activité à laquelle je m’adonnais fréquemment, la brume diffuse et le manque de connaissance des lieux rendaient naturellement la réflexion plus ardue. Si mes repères ne me trompaient guère, la direction vers laquelle nous progressions jusqu’alors était le Nord-Ouest. En me tournant de la sorte, je devrais faire face à…

… Je n’eus le temps d’achever cette gymnastique de l’esprit. Je perçus un bruit, une marque de mouvement. Il devint plus net. Des pas. Des pas à vive allure. Une course ? Quelqu’un se rapprochait ! J’en étais certain ! Le cri avait dû être entendu. Moi qui pensais m’être suffisamment éloigné des autres pour espérer une tranquillité relative le temps de passer aux suivants… je devais avoir été bien impatient !

Considération inutile. J’avais commis une erreur, et alors ? Il ne tenait qu’à moi de me rattraper. Par chance, la personne qui s’approchait semblait être seule, car je n’entendais point de successions de piétinements supplémentaires à sa seule cadence. Je me hâtai alors pour m’éloigner : il fallait que je profite de l’effet de surprise de découverte des cadavres pour me débarrasser d’un futur témoin gênant. En cela, il convenait de frapper d’un angle inattendu. La brume aidant, tout comme la densité d’arbres dans ces bois, je m’éloignai discrètement pour élire cachette derrière un autre saule. La seule contrainte portait sur le champ visuel qu’il m’offrirait sur la scénette. Comme je m’attendais à ce que la personne s’approche des corps, il me fallait un aperçu dégagé pour l’abattre d’une flèche. J’eus de la chance : le premier arbre qui sembla, en prime abord, convenir n’était qu’à une vingtaine de mètres de ma position. Tirer à cette distance était une tâche relativement aisée.

Ainsi, je me camouflai dans les atouts offerts par mon environnement. L’inconnu arriva quelques instants plus tard, et je pus constater qu’il s’agissait d’une… jeune femme aux allures graciles. Point le genre d’individu qui paraissait menaçant à première vue. Elle avait certainement eu de l’audace de s’aventurer en ma compagnie dans ces bois, et encore plus d’être accourue ici, en solitaire.

Un véritable visage de princesse, quoiqu’assez singulier avec sa teinte diaphane. Sans doute aurait-elle été compagnie charmante dans d’autres circonstances, mais en l’état actuel des choses, mon instinct me poussait à ne désirer qu’un aspect chez elle. Sa tête. Une pareille beauté constituait un trophée d’exception, et elle pouvait être certaine que je savourerai son sang à mesure que je me délecterai de son faciès en contemplant une telle merveille de la nature. Et de la mort. Je bouillonnai de palpitations à l’idée de l’abattre tel un charmant petit lapin. Un large sourire carnassier animait mon visage.

Cette exaltation s’accentua alors qu’elle m’appela au défi. D’elle-même, elle pensait avoir ce qu’il fallait pour affronter et appréhender un assassin qui avait fraîchement abattu deux cibles presque sous ses yeux ? Ah ! Qu’il était tentant de répondre à sa provocation, mais patience ! Je la vis se rapprocher, et j’attendis juste la parfaite occasion. Un détour du regard, le franchissement d’une distance critique… Je me pinçai les lèvres pour retenir respiration et manifestation de mon excitation. Il fallait précision et efficacité dans ce tir : je ne pouvais me permettre d’abîmer un aussi ravissant minois.

Et puis, je distinguai l’occasion. Elle avait franchi le pallier des quinze mètres. C’était à l’archer d’agir. D’un bond pour la prendre à revers, je quittai ma cachette et tirai à hauteur de son buste. Mon visage était animé par la jouissance suprême que procurait la chasse, encore plus intense que d’ordinaire ! Je n’avais jamais ressenti cela auparavant : mon esprit convergeait aux abords de la frénésie. J’étais prêt à lâcher mon arc et à m’élancer dans sa direction avec ma lance si jamais elle survivait à cet assaut. Et ô combien je prendrai plaisir à transpercer son corps pendant qu’elle me contemplerait d’un regard effrayé, possiblement en me suppliant de l’épargner !

Il me fallait sa tête coûte que coûte. Ce désir en était presque animalier. Une fureur bestiale m’animait.

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Mar 24 Mai 2016, 19:53


La brume s'élevait autour d'elle, dissimulant à son regard mordoré les ombres qui l'entouraient. À ses pieds, les cadavres gisaient, et la jeune femme n'avait pas vraiment le temps de les examiner pour comprendre ce qui était arrivé dans les environs. Échapper au massacre lui était en fin de compte interdit, et elle ne s'en étonnait pas outre mesure. Le meurtrier devait avoir quitté les lieux depuis peu, et elle ne sentait aucune présence humaine aux alentours. Cela dit, la tentation de comprendre de quelle manière les pauvres gens étaient passé de vie à trépas la tenaillait tellement qu'elle finit par avancer dans leur direction. S'apprêtant à se pencher, elle ne vit pas le prédateur chercher à l'abattre. Seul le son furtif d'une branche qui craquait l'alerta. D'un geste salvateur, elle attrapa la flèche entre ses doigts blancs alors que celle-ci allait percer sa poitrine. La pointe entailla légèrement son index, mais elle n'y prêta pas attention. Voyant le père des enfants perdus surgir de nulle part, elle le regarda d'un air légèrement perdu avant de se ressaisir. Que faisait-il là ? « En voilà une drôle de manière d'accueillir quelqu'un qui cherche à vous aider. » La brune prit un instant pour observer la flèche, la faisant tourner entre ses mains. Sans prévenir, elle l'envoya se planter dans un arbre non loin de son assaillant à toute vitesse. Ce n'était qu'un avertissement. Au-delà de son apparence fragile, Callidora savait se défendre lorsqu'il le fallait vraiment. En revanche, elle doutait d'en avoir besoin pour le moment. Après tout, qui n'aurait pas été effrayé en arrivant devant un tel spectacle ?

La brune louvoya entre les cadavres, réfléchissant à ce qu'elle pouvait dire pour arranger la situation. « Gageons que, voyant ces cadavres, vous avez cru que c'était mon œuvre, et que, croyant attraper la coupable, vous avez lancé cette flèche pour les venger. Ce serait plus commode pour nous deux, n'est-ce pas ? » Un sourire amusé aux lèvres, elle décrocha la pointe de l'arme et la tendit en direction de l'inconnu pour la lui rendre. Déclencher les hostilités ne lui apporterait rien, et tout ce qu'elle voulait, c'était comprendre ce qui s'était passé et sortir au plus vite de la forêt. Se tournant vers les morts, elle se mit à genoux, caressant le visage de l'un d'entre eux pour lui fermer des yeux encore ouverts. « Quelle tragédie. » Callidora ne croisait pas de macchabées à chacune de ses aventures, et ces derniers temps, cela l'indifférait. Sans doute n'était-ce pas le point de vue de toutes les créatures de ces terres. Un homme qui cherchait sa progéniture devait être attristé par une découverte aussi macabre, et ne devait en rien être rassuré. « Peut-être pourrions partir à la recherche de vos enfants ? Vous devez être mort d'inquiétude. » Quelque chose d'étrange sur le visage de l'inconnu l'intrigua sans qu'elle n'y prête vraiment attention. Cette sylve la mettait curieusement mal à l'aise, et elle ne souhaitait en aucun cas s'y attarder, surtout que le massacre avait commencé.

Et puis, la Rehla avait distingué un nouveau murmure, sensiblement plus inquiétant cette fois. « Vous avez entendu ? » L'impression fugace de devenir folle la reprenait. Chacun de ses doutes l'épuisait davantage. L'épais brouillard qui les entourait lui donnait la chair de poule. L'appel des étoiles se faisait lointain, et elle ne parvenait pas à savoir ce qu'il fallait faire. « Pourquoi avoir amené vos enfants ? C'est un endroit tellement effrayant. » Ne prenant pas garde à son interlocuteur, la brune se trouvait à ses côtés. Soudain, un autre craquement parvint à ses oreilles. Suspicieuse et laissant son instinct prendre le dessus, elle sauta sur l'inconnu pour le jeter au sol. Le choc fut brutal, et elle sentit un liquide poisseux se coller à ses vêtements. L'instant d'après, une griffe monstrueuse surgissait de la brume pour lacérer leurs corps avant de laisser apparaître son propriétaire. Tournant la tête vers la haut, la jeune femme eut tout juste le temps d'apercevoir la chose qui venait de les attaquer. Une créature tout droit sortie d'un cauchemar se dressait face à eux. À peine humaine, elle émettait un grognement sourd et les dévisageait d'un œil affamé. De longs filets de bave s'écoulaient de ses mâchoires à demi ouvertes et aux dents inégales. Callidora eut un frisson de dégoût et d'effroi. Fuir ou combattre. L'animal venait savourer son repas probablement alerté par le parfum du sang. Pourraient-ils échapper au prédateur ?


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Mer 25 Mai 2016, 00:33

Mon instinct de chasseur ne me trompait guère quand il me dictait que tel était le moment adéquat pour tirer. Cette fille ne pouvait rien après tout – elle n'avait point l'air armée, et ne possédait guère le profil d'une traqueuse aguerrie. Elle se laisserait surprendre par mon attaque, et ma flèche aurait raison d'elle. Ainsi envisageai-je le déroulement des événements.

J'étais bien loin du compte. Si loin que l'adrénaline disparut assez brutalement de mon élan. Était-ce dû au fait que cette femme était parvenue à stopper mon projectile à mains nues, ou qu'elle le renvoie à telle allure sans broncher, hausser le moindre sourcil, ni même manifester une quelconque surprise ? Il s'agissait probablement d'un mélange de tout cela, duquel je réalisai que je m'attaquais à une sacrée proie, bien au-delà de mes capacités, et qu'il convenait de prendre davantage de précautions. Je m'arrêtai net dans ma charge – je demeurai immobile ; passablement frappé par la stupeur inhérente à cette situation.

Le plus surprenant tenait dans sa réponse. C'était presque comme si elle s'était attendue à me voir surgir, et n'attendait que cela. Je ne sus d'ailleurs déterminer si ses propos revêtaient le plus grand sarcasme au monde, tant elle semblait indifférente à mon assaut. A quoi étais-je en train de m'attaquer au juste ? Ou plutôt, à qui ? L'inconnue se montrait assez peu soucieuse de ma présence, préférant s'occuper des cadavres. Plus lugubre encore fut le compris qu'elle me proposa pour me dédouaner de ma tentative d'assassinat. A quoi jouait-elle au juste ? Je la fixai, totalement abasourdi par ce qui venait de se tramer sous mes yeux, et tentai de ne point afficher ma frayeur alors que je lui rétorquai d'un air distant.

 « Gageons cela, effectivement… Vous n'êtes point celle qui les a assassinées, dans ce cas… ? »

Je tentais un bluff pathétique. Selon moi, il était plus que vraisemblable qu'elle sache qui était le réel assassin. De là, sa manœuvre devait avoir l'objectif : me bassiner et terroriser pour que j'abandonne mes pratiques. Le problème, c'était que malgré ce que la raison me dictait, je ne pouvais me défaire de cette pulsion inaltérable qui sollicitait une soif de mort et de sang inégalée Celle-ci m'affectait à nouveau, revenait à la charge, et me laissait dans quelque état de transe.

L'accalmie n'avait duré que quelques instants, et je réfléchissais déjà à un moyen de l'attaquer à nouveau. Peut-être que si elle se rapprochait, il me serait possible la pourfendre de ma lance subitement ? Je doutais qu'elle baisse sa garde, et j'étais assez perdu moi-même. Toute l'assurance des premiers instants s'était volatilisée sans que le désir frénétique ne se soit estompé. J'étais à la fois perdu et désireux de l'exécuter. Une telle ambivalence me rendait absent.

Mes réponses devinrent automatiques. Cette situation était suffisamment irrationnelle pour que je me sente aliéné de la réalité. Je cherchais désespérément l'escapade la plus censée à emprunter. Mon regard fixait l'inconnue, et lorsqu'elle me demanda s'il ne valait point mieux que nous cherchions mes prétendus enfants, je répondis assez machinalement, sans la moindre émotion.

 « Oui, oui… bien sûr… »

Pourquoi revenait-elle là-dessus ? Avait-elle prévu de me tourner en dérision avant de m'empêcher de nuire en m'achevant ? Il devenait impératif que je règle son cas, même si elle était au-delà de mon niveau. Tant pis : mieux valait essayer et échouer qu'admettre une défaite en baissant les bras. Je ne prêtai guère attention à ses autres remarques, trop occupé à penser à la suite. Je dénotai cependant un moment d'inattention de sa part, et saisis l'occasion pour me préparer à l'empaler. Je n'avais point le droit à l'erreur.

Désillusion. Au moment où je comptais me jeter sur elle, l'inverse se produisit. Ce fut elle qui se retrouva sur moi, me mettant ainsi à terre. Je n'eus guère le temps de comprendre ce qu'il se produisait qu'une hideuse créature surgit de la brume, visiblement prête à nous considérer comme ses futurs en-cas. Mes sens s'affolèrent. A cause de mes envies pressantes, je ne parvins à garder mon sang-froid. Qui devais-je attaquer ? La fille ? La bête ? Les deux simultanément ?!

… Les deux simultanément, était-ce possible ? Oui. J'entr'aperçus une possibilité qui consistait à les pousser à s'affronter l'un l'autre, tandis que je fuyais pour m'occuper ultérieurement du survivant. A défaut, cela me permettait de me débarrasser de cette gêneuse soudaine qui allait être bien difficile à abattre – je pouvais gagner du temps pour creuser l'écart entre nous. Bien qu'à terre, je fis mon possible pour la repousser de toutes mes forces, potentiellement de sorte à ce qu'elle trébuche pour servir d'appât à la bête, tandis que je me relevai pour m'extirper de sa portée prestement. Tout ce que j'avais à espérer, c'était que la créature la sélectionne comme proie.

A peine eus-je le temps de m'avancer de quelques mètres que celle-ci m'agressa et me lacéra violemment l'épaule gauche d'un coup de griffe, si bien que j'en hurlais de douleur. L'adrénaline me poussa à accélérer la fuite, mais j'avais horriblement mal. Je sentis bien vite mon sang couler sur mon bras et mes omoplates. L'instinct de survie primait alors sur tout désir de meurtre. Il fallait que je m'échappe immédiatement !
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Sam 28 Mai 2016, 09:58

Oppression. C'était un sentiment bien plus insidieux que celui d'être pris au piège. Le voile de blancheur ténébreuse quasi impénétrable qui les entourait l'avait empêchée de prévoir l'arrivée de la bête, et voilà qu'ils se retrouvaient à sa merci. Par sa faute, le père de deux enfants qui cherchait simplement à fuir une morte certaine venait de se faire attaquer. Au désespoir de ne pas savoir si sa progéniture restait en vie s'additionnait la douleur physique. Réagissant tant bien que mal, la brune se releva en maudissant la tentative de fuite de son précédent agresseur. N'osant s'approcher de ce qui était désormais la proie de leur adversaire, elle chercha un moyen de détourner son attention. Le parfum du sang devait sans le moindre doute exciter l'animal qui ne manquerait pas de redoubler d'agressivité à leur égard. Dès qu'il se serait chargé du jeune homme, il s'attaquerait à elle. Autant prendre les devants. Et il fallait faire vite. Sans réfléchir, laissant une fois de plus son instinct la dominer _ la réflexion impliquait des problèmes qu'elle ne pouvait soulever _, elle fit tomber sa dague entre ses doigts et s'ouvrit la main sans ménagement. Des gouttelettes d'un rouge sombre glissèrent le long de ses phalanges blanches. Cela avait été stupide. Une quantité suffisante du liquide carmin pour détourner les envies immédiates du monstre risquait de lui faire perdre connaissance, ou pire. Se morigénant, elle s'empressa de faire apparaître une arme qu'elle appréciait tout particulièrement et dont l'usage lui plaisait sincèrement. Les filaments de cuir s'abattirent sur la peau épaisse de la bête, la faisant glapir de mécontentement.

Attirer son attention ne représentait pas la partie la plus dangereuse de l'affaire. Fallait-il encore parvenir à s'en débarrasser. Heureusement, elle ne semblait pas faire preuve d'une intelligence redoutable, ce qui arrangeait sérieusement Callidora. La faim était probablement tout ce qui la poussait à se jeter sur eux. Abuser de sa magie ne la mènerait à rien, et pourtant, elle ne pouvait décemment pas envisager un face-à-face. Sa faiblesse physique ne manquerait pas de la désavantager, et elle ne devait perdre sous aucun prétexte. La victoire ou la mort, voilà ce dont il s'agissait. Cela dit, elle s'était déjà retrouvée dans des situations autrement plus éprouvantes. Cette forêt lui faisait décidément un drôle d'effet. Il fallait attendre que le monstre approche pour conserver ses forces le plus possible. Une idée dangereuse venait de l'effleurer, et elle comptait bien s'y conformer. La créature se jeta sur elle d'un bond vif qui devait lui être fatal. Ne tentant même pas d'esquiver, elle tomba au sol, une griffe enfoncée dans son bras pour déchirer sa chair. Un léger cri lui échappa tandis qu'elle voyait les mâchoires se rapprocher de son visage, son haleine immonde envahissant ses narines. Son coeur s'affola désespérément. Parfois, elle agissait vraiment avec stupidité, se laissant guider par un instinct qui semblait prendre plaisir à la piéger. Et puis, elle fit appel à sa magie alors que la bête s'apprêtait à lui déchiqueter le visage. Au dernier moment, un éclair d'une blancheur étonnante frappa le dos de son adversaire qui s'effondra sur elle, complètement sonné par le choc.

Un soupir de soulagement lui échappa. Callidora savait qu'il faudrait plusieurs minutes avant que l'animal ne se remette de l'impact et qu'il resterait déboussolé suffisamment longtemps pour leur permettre d'être loin. Dégageant le  quasi-cadavre avec peine, elle finit par se retrouver debout, maudissant son impétuosité. Fallait-il toujours qu'elle prenne part à des événements sombres où la mort l'attendait derrière chaque arbre qu'elle approchait de trop près ? Levant les yeux au ciel, elle se baissa pour déchirer deux morceaux de sa tenue, serrant l'un des deux autour de son bras blessé. À présent, la Rehla devait s'occuper du premier attaqué. En quelque sorte, elle se sentait responsable de son sort. Leur premier contact n'avait pas été très propice à une entente commune, et pourtant, elle ne pouvait se résoudre à l'abandonner en ces lieux sordides malgré son mensonge dont elle ignorait encore le contenu. Cependant, en jetant un regard autour d'elle, elle ne vit pas celui qu'elle cherchait. « Vous êtes toujours là ? » Elle sentait une présence, quelque part autour d'elle, dans l'obscurité, et cela lui donnait des frissons. « Ecoutez, je suis désolée pour votre blessure. Il vous faut un bandage, ou vous risquez de vous vider de votre sang. » Regarder aux alentours ne la menait à rien, et cette brume infernale lui dissimulait tout à quelques mètres à peine. C'en devenait presque agaçant. Peut-être avait-il fui, en fin de compte. « Ces bestioles chassent certainement en meute. Celle-ci devait être un simple éclaireur. Il ne faut pas rester ici, vous comprenez ? » Un murmure étrange qui semblait venir des arbres aux troncs décharnés parvint jusqu'à elle. L'inquiétude fit battre son coeur plus fort. Où était-il donc passé ?


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Sam 28 Mai 2016, 16:33

L’adrénaline eut un rôle salvateur dans ma fuite. En dépit de ma blessure, je parvins à maintenir le cap et à accélérer pour échapper aux griffes de la bête. Juste après qu’elle m’ait touché, je tentai de lui asséner un coup circulaire à la gorge par le biais de ma lance afin de la repousser. Par chance, je parvins à lui entailler une partie de sa gueule, et à la maintenir à distance quelques secondes. La vive brûlure que je ressentais n’était rien comparée à mon instinct de survie. Je ne cédai point à la peur ou à la panique : je mettais toute mon énergie à l’œuvre pour m’évader de son emprise.

Sans que je n’en saisisse spécifiquement la cause, je perçus que je distançais la créature, sa course semblant moins proche. Ce n’était nul moment de relâcher prise ! Je m’aventurai prestement dans la brume, cherchant à disparaître de son champ de détection. Mes plaies reprirent soudainement le dessus, me rappelant leur existence, et je sentis une nouvelle douleur émaner de celles-ci. Les mouvements brusques de ma fuite avaient sans doute accéléré la perte de sang, et poursuivre de la sorte risquait de m’être létal par hémorragie. Dans la mesure où j’entendis des bruits de combat – plus spécifiquement un claquement, suivi d’un cri monstrueux – je déduisis que la fille affrontait avec la bête. Je profitai de l’occasion pour adosser mon épaule droite contre un arbre, maintenant sous compression sa duale blessée comme je le pouvais. Je repris également mon souffle tout en cherchant un moyen pour m’extirper de cette situation. L’incertitude principale était la suivante. Comment devais-je agir si la créature triomphait et revenait à la charge, et qu’en était-il s’il s’agissait de la fille ?

La première se ruerait frénétiquement, ne laissant guère son arrivée passer inaperçue. J’aurais alors sans doute le temps de l’assaillir d’une flèche ou deux puis de conclure au corps à corps. Il n’y avait point à réfléchir davantage. L’autre cas de figure demeurait plus complexe. Je ne connaissais guère ses capacités, si ce n’était qu’elle s’était montrée capable d’arrêter mes flèches à mains nues. Elle avait beau arborer les traits d’une personne fragile en apparence, cela n’avait été que pure spéculation fallacieuse. Un bruit de foudroiement se fit alors entendre. Devais-je en conclure qu’elle était adepte de la magie, ce qui, entre autres, expliquait sa propension à parer mes assauts avec une facilité déconcertante ? L’hypothèse se valait, et les sortilèges n’étant guère mon domaine de prédilection, je constatai un peu plus la difficulté que représentait une confrontation avec elle. Que pouvais-je donc faire ?

De toute évidence, elle sortit victorieuse de son affrontement, puisqu’elle m’interpella. Ou plutôt, elle chercha à m’interpeller pour me localiser, usant d’excuses et de misesen garde pour m’amadouer. A quoi cela rimait ? Cherchait-elle à me manipuler pour que je baisse ma garde afin qu’elle puisse m’achever sans effort ? Elle devait sans conteste savoir que j’étais le meurtrier, et partant de ce postulat, il n’y avait point d’autres logiques que de chercher à m’éliminer, ou inversement, que je doive me défaire d’elle. Nulle place n’était admise pour deux survivants, et comme je n’avais guère prévu de finir tels ceux que j’avais assassinés, ma décision était prise. Je tenterais le tout pour le tout afin d’en finir avec elle.

Je me rapprochai silencieusement. Péniblement, je me mis à bander mon arc. Je grimaçai à la sollicitation douloureuse de mon bras gauche afin de le maintenir stable – chose nécessaire si je désirais viser avec précision dans cette brume. Là encore, je n’avais point le droit à l’erreur, et j’espérais que ma cible n’ait à nouveau recours à quelque sorcellerie pour se prémunir de mon attaque.

Cependant, alors que je m’avançai, je perçus d’autres bruits suspects. Cela ne me disait rien qui vaille. Instinctivement, je mis à scruter les environs pour en déterminer la cause. Aucun signe visible, seulement un brouillard persistant. Je plissai des sourcils. Un dérangeant pressentiment m’animait. Je pivotai quelque peu mon buste, afin d’obtenir un meilleur angle de vision. J’ignorai la douleur au profit de la concentration.

Soudainement, tout s’accéléra. D’autres pas de course, bestiaux cette fois-ci, se manifestèrent. D’autres créatures approchaient ! Je perçus la gueule de l’une d’entre elles à quelques mètres à peine, et décochai ma flèche par réflexe. Par chance, elle l’atteignit en plein œil, la déstabilisant quelques instants. Ce fut alors suffisant pour que je laisse mon instinct de survie guider ma lance pour lui empaler la gueule. Je parvins à la tuer, non sans grand effort en raison de ma faiblesse au bras gauche, mais sentis bien vite que d’autres se joignaient à la partie. Bien trop nombreuses pour que je sois en capacité de les gérer, je me décidai à faire marche arrière, pour revenir en direction de la fille. Elle serait sans doute plus apte que moi à les contenir, et me servirait de bouclier de chair à défaut. Ce n’était guère un acte élégant, mais cela avait le bon goût de fendre d’une pierre deux coups.

Je me précipitai alors dans ladite direction. La douleur dans mon épaule reprit de plus belle, et je dus accomplir un effort considérable pour courir en maintenant celle-ci. J’aperçus ma poursuivante assez vite et lui lançai sans m’arrêter.

 « Trop tard ! Ils sont déjà sur nous ! »

J’arrivai à proximité d’elle. Un doute m’assaillit alors. Que se passerait-il si elle choisissait de fuir plutôt que de leur faire face ? Je ne savais guère si elle avait été blessée et pouvait se permettre de courir également. Si elle optait pour le retrait, je serais alors pris à mon propre piège, et ce ne serait point bon. Point bon du tout.

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Mer 29 Juin 2016, 20:03

L'inconnu ne lui répondait pas, ayant manifestement pris la fuite. En de telles circonstances, Callidora maudissait son tempérament aventurier qui la poussait sans cesse à se mettre en danger alors qu'elle aurait pu rester sagement au coin du feu, un livre entre les doigts. Cela ne lui attirait que des ennuis. La brume qui régnait en ces lieux l'effrayait bien plus que les ténèbres auxquelles elle avait pu goûter. Saisie par un frisson, elle s'entoura de ses bras pour se rassurer. S'arrachant à sa paralysie, elle secoua la tête pour se ressaisir. Ce n'était pas le moment de paniquer. Il fallait qu'elle retrouve les autres. Plus vite elle s'échapperait de cet endroit, mieux elle se sentirait. Agir avec prudence lui assurait la survie, et elle ne tenait pas spécialement à finir ses jours dans une sylve aussi sordide. S'apprêtant à reprendre son chemin pour éviter d'être dévorée par le reste des créatures qui ne tarderait pas à lui tomber dessus, elle s'arrêta brusquement. Un étrange couinement venait de résonner, accompagné de bruits de course. L'instant d'après, elle vit le blessé passer à côté d'elle en filant à toute vitesse pour lui hurler quelque chose. Sans réfléchir une seconde, la Rehla s'élança à la suite du Vampire. Ils arrivaient.

Leur fuite ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices. Alors qu'ils ne courraient que depuis peu, la brune sentit son pied buter contre une racine et se retrouva à terre, s'entaillant au passage la main sur une pierre tranchante. « Ils vont nous encercler ! » L'idée de finir en dîner improvisé pour une meute cauchemardesque ne la tentait absolument pas. Callidora se releva aussi rapidement que possible et reprit la course. Les sens en alerte, elle essayait de rester attentive au moindre mouvement, ce qui se révélait parfaitement inutile. Tout bougeait autour d'elle, et dès qu'elle parvenait à arrêter son regard sur un détail, un autre venait le remplacer. Un plan. Elle devait trouver un plan, ou ils seraient tous les deux dévorés. Rien dans cette satanée forêt ne leur permettrait de s'en sortir. Effrayer des monstres habitués à un lieu aussi inhospitalier était impossible. À dire vrai, ils n'avaient que très peu de temps. L'un des animaux bondit sur eux, surgissant du brouillard. « Attention ! » La brune attrapa la main de l'inconnu pour éviter qu'il ne se fasse attaquer et l'attira à elle sans ménagement, usant de toutes ses forces. Tout s'accélérait, et s'ils ne trouvaient pas une solution, tout ne tarderait pas à prendre fin.

C'est alors qu'elle remarqua les arbres qui se trouvaient autour d'eux. S'approchant de leur tronc, elle en effleura l'écorce grisâtre et lâcha la main de l'inconnu pour lui dire de s'arrêter. Son regard dériva jusqu'aux branches supérieures. « Ils devraient être suffisamment solides pour ne pas céder sous notre poids. Grimpez ! » Qu'il préfère s'échapper ne lui venait même pas à l'esprit. Les êtres de ces terres n'étaient sans doute pas tous prêts à confier leur vie à des arbres morts, et pourtant, il s'agissait de l'unique alternative. Tant bien mal, elle s'éleva à l'intérieur du végétal qu'elle avait choisi comme refuge. Avant de parvenir à une hauteur suffisante, Callidora sentit une mâchoire monstrueuse faire pression contre le cuir de ses sandales. Par réflexe, elle secoua son pied dans l'espoir que les crocs se décrochent d'eux-mêmes. Le coeur battant, elle ne porta pas la moindre attention à son camarade de fuite et se contenta de saisir une branche un peu plus haut. Raté. La mince tige de bois sèche se brisa sous ses doigts fragiles, et elle se sentit glisser le long du tronc. La Rehla poussa un hurlement et ferma les yeux en voyant des dents monstrueuses claquer dans l'air. Par miracle, elle resta coincée entre deux branches conséquentes qui empêchèrent sa chute. Avec précipitation, elle se releva pour monter hors d'atteinte des animaux enragés.

Ce que la brune n'avait pas prévu, c'était que les créatures faisaient preuve d'un entêtement à toute épreuve. Une erreur qui faillit bien lui être fatale. Les immondes mâchoires mordirent la chair de sa cheville avec une force acharnée. Nouveau cri, de douleur cette fois. Par chance, les os arrêtèrent la progression violente de l'animal qui retomba au sol avec un morceau de peau qu'il n'était pas prêt de lâcher et qu'il partit dévorer un peu plus loin. La souffrance se concentra d'abord au bout de sa jambe avant de remonter en éclairs foudroyants dans chacune des cellules de son corps. C'était comme si elle avait trempée son pied dans un bassin de lave et qu'elle le ressortait pour en constater les effets. Retenant une grimace, elle s'efforça de se hisser à travers l'arbre. Cherchant soudain son camarade du regard, elle vit avec soulagement qu'il semblait indemne. « On dirait que les choses se corsent, n'est-ce pas ? » Une tentative d'humour qui ne manquerait pas d'échouer. Fallait-il toujours qu'elle essaie de faire rire les autres dans ce genre de situation ? Tout en se morigénant, elle tendit la main vers l'inconnu qui ne devait pas comprendre grand-chose à son manège. « Attrapez mes doigts. J'ai une idée qui pourrait nous débarrasser de ces sales bestioles. » Une fois que cela fut fait, elle fit à nouveau appel à sa magie.

Presque aussitôt, ils disparurent de tout champ de vision. Avec prudence, Callidora restait perchée sur le rebord de sa branche, priant silencieusement pour que celle-ci ne cède pas. Sa prière fut écoutée. Quelques minutes plus tard, contrariées de ne trouver aucune proie à dévorer, les animaux finirent par s'évaporer dans la brume sans laisser de traces. Par pure prudence, la brune attendit encore plusieurs instants avant de relâcher leur invisibilité. Manquant s'effondrer contre le bois mort, elle se força à descendre de son perchoir et parvint tant bien que mal jusqu'au sol. Des points noirs dansèrent devant ses yeux alors qu'elle touchait terre, ravivant la violente douleur de son pied. La morsure était profonde. S'approchant de l'inconnu, elle   lui adressa quelques mots en chuchotant. Se faire repérer encore une fois aurait été une catastrophe. « Écoutez, je suis épuisée. Je vais devoir compter sur vous. Puis-je vous faire confiance ? » Sa question resta suspendue dans les airs. En attendant une réponse, elle déchira un morceau de sa tenue pour se confectionner un bandage de fortune en serrant les dents. Rendue sourde par cette effroyable douleur qui allait finir par la paralyser, elle n'entendait pas l'avertissement furieux des étoiles.


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Jeu 30 Juin 2016, 17:56

Ma prévention aboutit au résultat escompté, du moins partiellement. J’étais parvenu à distancer la fille de quelques mètres au moins, ce qui suffisait à accroître mes chances de survie. Les bêtes en tête de ligne se jetteraient en priorité sur la cible la plus proche, et cette dernière servirait donc de bouclier naturel pour temporiser la fuite de la plus éloignée. L’important consistait à se trouver du bon côté de l’agencement spatial, ce qui était présentement mon cas. Je courrai sans me retourner, me focalisant exclusivement sur ma fuite. J’avançai sans réellement savoir où je me dirigeais – peu importait tant que je distançais mes poursuivants.

J’entendis un bruit sourd. L’inconnue avait-elle été rattrapée par les créatures ? Tant mieux, si j’osais dire : creuser l’écart constituait un élément supplémentaire de sûreté. Pour autant, en l’absence de cris, je doutai qu’une telle chose s’était produite. Je n’avais toutefois point de temps à consacrer à de tels détails et vérifier ce qu’il se tramait. L’adrénaline me dictait de ne point m’arrêter, et je n’allais certainement point m’enquérir de l’état d’une inconnue que j’avais tenté d’assassiner quelques minutes auparavant. Je ne me souciai guère plus de poursuivre dans cette voie. La course-poursuite avec ces créatures m’avait ôté pareille motivation de l’esprit.

Soudainement, l’une d’entre elle surgit sur mon flanc, et au même moment, je perçus un cri de garde. Sans avoir le temps de réagir, on m’empoigna pour me tirer in extremis de cette attaque. Par je ne sais quelle magie, la fille m’avait rattrapé, et m’avait au passage interrompu dans ma fuite. Les bêtes nous encerclaient, et je compris bien vite que nous ne parviendrions point à les semer par la course. La douleur reprit dans mon épaule, ce qui créa un odieux mélange avec les pulsions que j’avais ressenties jusqu’alors ainsi que l’instinct de survie. Il me fallait néanmoins persévérer : défaillir à cet instant aurait été synonyme de mort subite. Sans que je ne comprenne réellement comment, je me retrouvai tiré dans une nouvelle direction, marquée par la présence d’arbres morts. Ce ne fut qu’à ce moment-là que l’inconnue me lâcha la main pour m’ordonner de grimper.

Nul besoin qu’elle se répète. Je m’adonnai aussi vite que possible à l’escalade, luttant de toutes mes forces contre ma blessure. Ce ne fut point sans peine que je me retrouvai au niveau des branches, un exploit imputé au choix de nos poursuivants. Ils prirent d’assaut la fille plutôt que moi, confirmant ma théorie précédente. J’en tirai profit pour me hisser hors d’atteinte, enfin prompt à souffler. Quoique. Un doute m’assaillit. Ne devais-je point porter assistance à celle qui venait de me sauver par deux fois, en dépit de mes intentions premières ? Dans la mesure où elle était largement plus capable que moi d’affronter ces créatures, il s’agissait sans doute du choix le plus sage, et sa blessure me conférait quelque avantage ultérieur si je souhaitais reprendre le fil de mes intentions. Je bandai alors mon arc, et tirai sur la meute, ralentissant ainsi sa progression sans pour autant l’arrêter. Mes plaies entravaient la puissance de mes tirs, et ma contribution ne fut que maigre.

L’inconnue eut le fin mot de l’histoire. En foudroyant son assaillant, elle parvint à me rejoindre,
et nous eûmes droit à une accalmie relative. Nous étions certes hors d’atteinte, mais les bêtes ne démordaient point pour autant, et cherchèrent à nous faire tomber en percutant l’arbre dans lequel nous avions élu refuge. Ma partenaire d’infortune tenta l’humour dans une situation ne s’y prêtant guère, et… je rétorquai sur le même ton la chose suivante.

 « Je vous offre une robe si vous parvenez à nous tirer de là. Vous n’avez apparemment nul besoin de corset. »

Quitte à déclamer des absurdités, autant y aller franchement. Il pourrait bien s’agir des dernières paroles que je prononçais. Si effectivement elle trouvait moyen pour nous tirer de là, je supposerais être dans sa dette. En attendant, je me cramponnai aux branches pour ne point chuter.

Contre toute attente, une idée lui vint rapidement et elle me demanda de lui tenir la main. Je m’exécutai, bien curieux de savoir ce qu’elle comptait accomplir. Je ne saisis point immédiatement ce qu’il se tramait. Elle venait d’user d’un sort, selon toute vraisemblance, qui déstabilisa nos assaillants. Pour autant, j’étais toujours là, sur ma branche, et ne comprenais guère quelle était la cause de leur désintéressement soudain. Ce ne fut qu’après coup que je percutai que nous venions de disparaître à leurs yeux, grâce aux pouvoirs de cette femme. Je la regardai, assez surpris, notamment lorsqu’elle jugea bon de redescendre. Sachant que nous étions tous deux blessés, je m’étais attendu à ce que les créatures nous pistent à l’odeur. Je demeurais toutefois un novice à la magie, et n’en comprenais guère les rouages.

Bah, la finalité seule comptait. Je ne tardai point à rejoindre l’inconnue pleine de ressources dans sa descente. Il devenait effectivement possible qu’elle nous permette de quitter cette forêt vivant. Si l’envie de la tuer persistait étrangement, une part de ma raison me dictait d’attendre, de patienter jusqu’au moment où je serais sur de regagner la civilisation sans encombre. Mes pensées demeuraient confuses, et me donnèrent même brusquement le tournis. Combiné à la douleur et l’adrénaline, je me sentis pris de vertige. A ce moment-là, l’inconnue s’installa au sol, me demandant si elle pouvait me faire confiance en attendant de s’occuper de sa plaie. J’hésitais toujours. Mon esprit perdit lucidité dans le désordre ambiant, et subitement, une violente nausée s’empara de moi. Je me sentis étouffer, et l’instant d’après ne fut guère des plus glorieux. Je dus me soutenir à l’arbre mort, car je me vis expectorer quelque fluide visqueux. Probablement une conséquence de ce vertige soudain.

Un acte fort désagréable et désobligeant. Je m’écartai un peu de cette zone, pour m’adosser à un autre arbre. Je ne pus tenir debout et me laissai tomber, respirant de façon saccadée. Cette réaction soudaine m’avait couvert de honte, et je peinai à garder la face après ce qu’il s’était produit. Mon tournis se dissipa légèrement. Davantage par gêne que par contrainte physique, ma réponse tarda à venir. J’attendis un peu pour enfin lui rétorquer.

 « Autant que mon état me le permet, je suppose… Vous avez besoin d’aide pour bander votre plaie… ? »

A ces mots, la douleur dans mon épaule se manifesta une nouvelle fois. Le bras lourd et la chair brûlante, on ne pouvait dire qu’avec cette grotesque représentation je valais réellement quoique ce soit.

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Sam 02 Juil 2016, 12:47

L'ambiance lugubre des environs, Callidora commençait à s'y habituer. Ce qu'elle identifiait comme un murmure qui ne cessait jamais en restant toujours imperceptible possédait même un certain charme. Reprenant peu à peu ses esprits, elle sentait que le danger s'éloignait d'eux à toute vitesse, et ses sens s'apaisaient avec une rapidité farouche. Si la blessure de sa cheville ne la faisait atrocement souffrir, elle en serait presque venue à apprécier cet instant. Et si l'on exceptait également l'air blême de son camarade qui ne tarda pas à rendre ses derniers repas, tout allait pour le mieux. Dissimulant son dégoût comme elle le pouvait, elle se tourna pour examiner les alentours sans rien voir qui puisse leur indiquer une direction à suivre, attendant avec patience que l'inconnu se rétablisse. Les monstres avaient réussi à les diriger vers une sorte de bosquet d'arbres morts et décharnés dont la finesse la surprenait. Comment les branches avaient-elle pu ne pas céder sous leur poids ? La chape de brume qui pesait sur les épaules ne paraissait pas décidée à se lever un jour, et la brune songea avec contrariété qu'elle ne verrait jamais plus loin que quelques mètres malgré toute sa bonne volonté. L'attaque qui venait d'avoir lieu la dissuadait de se servir de ses sphères de feu pour éclairer les lieux. Le danger rôdait aux alentours, et elle devait à tout prix conserver sa magie, sans quoi aucun d'entre eux ne sortirait vivant de cette sylve cauchemardesque.

Sortir de là ne serait pas une partie de plaisir. Leurs états respectifs ne permettaient pas d'aller suffisamment vite pour semer chaque créature qui les prendrait en chasse. Et il fallait encore qu'elle échappe au massacre. « Je devrais m'en sortir, mais je vous remercie. » Avec une grimace de douleur, elle confectionna un semblant de bandage et l'enroula avec précaution autour de la chair à vif. Le moindre frottement de la peau et du tissu serait douloureux, et elle le savait. Pour commencer, il fallait qu'elle se relève. Lorsqu'elle tenta de se redresser, des larmes affluèrent au bord de ses yeux. « Je déteste vraiment cet endroit. » En maugréant, elle parvint finalement à se retrouver à nouveau à la verticale, le pied légèrement relevé pour éviter de s'appuyer entièrement dessus. Marcher dans cette situation ne serait pas de tout repos. Relevant la tête vers Reddas, elle lui lança un sourire gêné. « Et bien, voyons voir si notre duo de bras cassés peut s'en sortir. Au passage, je m'appelle Callidora. » Lui donner son nom à présent qu'ils étaient en relative sécurité lui semblait un bon moyen d'attester de la confiance qu'elle lui offrait. Par ailleurs, pour avoir longuement observé les gens lorsque personne ne la voyait, elle savait que ce genre de rituel était généralement apprécié lors d'un premier contact. Alors qu'elle reprenait la marche en douceur, retenant un cri dès que sa cheville touchait terre, une sensation de panique insidieuse s'insinua en elle. La tête penchée sur le côté, la Rehla dévisagea son interlocuteur en se mordant la lèvre inférieure. « Vous n'avez pas d'enfants, n'est-ce pas ? Pourquoi donc le faire croire ? » Du bout des doigts, elle traçait des cercles dans l'air pour mieux se concentrer. Cette histoire n'avait pas le moindre sens, à moins que sa propre folie n'ait finalement décidé d'éclater au grand jour.

Quoi qu'il en soit, elle se devait de le prévenir de l'horrible boucherie qui allait être perpétrée en ces lieux. Les visions violentes qui la visitaient de temps à autre pouvaient resurgir sans prévenir et lui délivrer l'information dont elle avait besoin, et il valait mieux prendre les précautions nécessaires. « Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas venue vous aider par sympathie envers les enfants ou par pitié. Quelque chose se trame dans cette forêt, et je veux comprendre quoi. » Que pouvait-elle ou non lui confier ? Malgré sa tendance naturelle à faire confiance à ceux qu'elle rencontrait, une réticence malsaine lui clouait la langue.  Peut-être n'était-ce que le revers de la médaille, en fin de compte. Cela faisait des semaines qu'elle s'enlisait dans un silence désespéré, cherchant en elle-même ce que le monde avait osé lui refuser. Un éclat de rage embrasa ses prunelles lorsqu'elle y pensa. Il fallait qu'elle le retrouve. Chaque chose en temps. D'abord, elle devait déjouer le massacre, par pur envie de se confronter à une intelligence sanguinaire. Cela la renvoyait à un temps qui n'existait plus que dans ses souvenirs. En regardant sur le côté, elle aperçut ce qui ressemblait à s'y méprendre à des silhouettes. Selon ses estimations, ils devaient être deux. S'apprêtant à s'approcher d'eux et à leur faire signe, elle s'arrêta au dernier moment avant de demander l'avis de son camarade. « Il serait peut-être temps de rejoindre les autres. Ensemble, nous avons plus de chances d'en réchapper. Qu'en pensez-vous ? » Avec ou sans lui, elle s'en sortirait. Elle s'en sortait toujours. Et dès qu'elle aurait son meurtrier, elle repartirait.


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Lun 04 Juil 2016, 14:29

Avec un arrière-goût fort désagréable en bouche, je reprenais ma respiration comme je le pouvais. Pourquoi avais-je été saisi d’une envie de procéder à une chasse à l’homme dans un lieu que je ne domptais guère et dans des conditions physiques aussi peu favorables ? Je maudissais silencieusement mes impulsions, me demandant si elles étaient dues à mes accès incontrôlés de soif de sang. Mon esprit demeurait toujours embrumé, d’ailleurs, à l’image du paysage dans lequel nous évoluions. Se pouvait-il que la forêt fût le nid de quelque maléfice à l’origine de mes tourments à la fois physiques et mentaux ? J’en venais presque à regretter ce que la curiosité me poussait à accomplir.

Quoiqu’il en soit, ma vis-à-vis me remercia bien qu’elle refusa que je lui porte assistance, maugréant quant à notre situation. Je ne comptais nullement la contredire sur ce point, mais ne répondis guère pour ménager mon souffle. Elle se divulgua ensuite son nom, questionnant notre capacité à nous en sortir au vue de nos états respectifs. Devais-je recourir à la plaisanterie pour mieux digérer la douleur, tant les augures nous étaient peu favorables ? Avec une expression quelque peu cynique marquée par le désagrément gastrique que j’avais subi, je lui rétorquai.

 « M’est avis qu’il s’agirait d’un miracle si nous y parvenons. Vous avez idée d’un chemin à suivre sans que nous ne risquions d’attirer une nouvelle fois nos prédateurs ? »

Cette question possédait toutefois un fond sérieux car si elle pouvait établir une solution abordable et viable, je lui en serais fort gré. Du reste, je ne révélai point immédiatement mon identité, toujours hésitant quant à dire la vérité ou mentir. Cette ambivalence se renforça lorsqu’elle chercha à s’enquérir de mes intentions, notamment eût égard de l’histoire que j’avais construite de toute pièce. Un élan de panique s’empara de moi, car en révélant le pot aux roses, je me voyais contraint d’achever cette femme. Il me fallait donc trouver une excuse, et rapidement. Je lui affichai un air grave, presque comme si je la jaugeais, le temps d’établir une raison plausible, et fus assez soulagé lorsqu’elle m’en fournit la matière. Expliquant être à la recherche d’un mystère dans cette forêt, je perçus là un parfait prétexte à m’approprier. Conservant ma gravité faciale, je lui répondis sur un ton qui se voulait sérieux.

 « Il s’avère que moi aussi, je suis en quête d’un danger particulier rodant dans cette forêt. Cependant, compte-tenu de la nature effarante de celui-ci, je doutais récupérer de l’aide en prétextant partir à sa traque. L’excuse des enfants sensibilise davantage, et vous constaterez vous-même des renforts que j’ai été capable de mobiliser. »

Je mentais honteusement et n’en éprouvais aucun scrupule. Que pouvais-je faire, d’un autre côté ? Admettre avoir mandaté autant de personnes dans le seul et unique but de les traquer et de les éliminer un par un par plaisir personnel ? De temps à autres, je sentais mes pulsions m’inciter à m’attaquer à Callidora, et les refrénais avec une certaine difficulté – en contractant le poing et resserrant mon emprise sur ma lance, notamment. Si je désirais l’attaquer, je devais attendre le moment opportun, car j’avais été témoin de l’étendue de sa magie, et pouvait constater que, selon son bon vouloir, me réduire en cendres en un claquement de doigts ne lui était guère impossible. Dans tous les cas, afin de renforcer la « confiance » qu’elle pouvait accorder à mon explication, je me rendais compte qu’il fallait lui divulguer mon identité et admettre mes erreurs. Je baissai le regard, comme pour prétendre être accablé de honte suite à cet échec, et poursuivis plus bas.

 « J’ai cependant largement sous-estimé les dangers de cette forêt... »

J’attendis un peu avant de relever la tête, comme pour observer une nouvelle fois ma partenaire d’infortune. Si elle semblait quelque peu tourmentée émotionnellement – peut-être s’agissait-il tout simplement de l’emprise de la douleur – j’affichais un air toujours aussi grave et contrarié. Je patientai encore avant de donner mon nom, profitant du fait qu’elle se lève et qu’elle émette une proposition – celle de partir en quête des autres – pour retarder l’échéance. Je la suivis dans ses mouvements, peinant quelque peu à cause de mon épaule, bien que je demeurais sans doute dans un état plus adéquat pour la marche que mon interlocutrice. Pour ce qui était de son idée, je lui rétorquai.

 « A supposer qu’ils soient toujours vivants. Qu’est-il advenu de vos coéquipiers ? Je n’ai jamais eu l’occasion de vous demander pourquoi vous vous êtes retrouvée seule. »

Ceci était tout aussi étrange que l’affluence de cadavres à mes côtés. Qui plus était, je parvenais ainsi à décentrer le sujet d’attention, ce qui me permit de glisser rapidement mon nom sans qu’il ne s’agisse d’une information centrale. Je veillai par ailleurs à réorienter le discours peu de temps après dans une autre direction.

 « Je me nomme Reddas sinon. Vous avez une idée du chemin que vous avez emprunté pour me rejoindre ? Il serait sans doute plus judicieux de commencer par-là pour retrouver ceux qui voyageaient avec vous, sauf si cela implique de rencontrer à nouveau les créatures de tantôt. »

Une confrontation dont je me passerais bien...
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Lun 18 Juil 2016, 10:30

Peu à peu, la brune sentait son esprit s'embrumer. Assaillie par de petits chocs qui remontaient depuis sa cheville blessée, la fatigue s'insinuait en elle avec une tendresse quasi maternelle pour endormir le moindre de ses sens. D'une nature plutôt naïve, elle en venait à laisser de côté sa vigilance, oubliant jusqu'à ses visions du drame qui allait se produire d'une minute à l'autre _ ou peut-être s'était-il même déjà produit. Tout ce qu'elle savait, c'était que sortir de cette sylve terrifiante lui ferait le plus grand bien. L'inquiétant murmure qui grondait autour d'elle ne cessait de grandir pour dérober tout autre son dès que le silence revenait. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi fragile, comme si de l'obscurité s'apprêtaient à surgir des monstres face auxquels elle se retrouverait sans défense. D'une certaine manière, la présence du menteur la rassurait, faisant taire cette peur sourde qui ralentissait les rouages de son esprit. Réfléchissant à leurs pas, elle écoutait l'homme sans sourciller. Manifestement, il cherchait à retarder quelque chose. Que lui dissimulait-il, encore ? Sans doute cela relevait-il d'une simple méfiance. Lorsqu'il mentionna la traque, un frisson courut sur sa peau. Seuls les chasseurs tenaient ce langage. « Et quel danger suscite suffisamment votre intérêt pour envoyer des inconnus au massacre ? » Espérant déstabiliser son adversaire, elle ne ressentait pas grand-chose à l'évocation des morts. Un vague dégoût, peut-être, et l'impression qu'il fallait empêcher une telle horreur de se produire. Seulement, elle n'en avait pas le droit.

Quoi qu'il en soit, être désagréable avec son interlocuteur ne l'amènerait à rien. Hésitant à marcher en direction des silhouettes qui perçaient la brume, elle décida plutôt de se décaler sur le côté. Les choses n'étaient pas toujours ce qu'elles semblaient être, et cette sylve maudite réservait de bien macabres surprises. « D'ailleurs, que cherchiez-vous, au juste ? » La Rehla ne comprenait pas qu'un individu doué de raison puisse éprouver un quelconque désir de se rendre en ces lieux morbides. Et pourtant… Le murmure ne quittait pas son esprit, résonnant au fond d'elle-même comme une note sur la corde d'une harpe. Un appel à céder à de sombres pulsions, une tentation qu'elle se devait de rejeter. Ce furent les paroles de l'inconnu qui l'arrachèrent à cette envie soudaine et malsaine. « Je… Je... » Incapable de lui répondre immédiatement, elle battit des cils. Que pouvait-elle bien lui dire pour se disculper ? L'absence de ses partenaires paraissait sans doute tout aussi suspecte que sa tentative d'assassinat. Fermant les yeux une seconde, elle prit le temps d'inspirer profondément et de retrouver un semblant de calme. « Il se trouve que… Eux se connaissaient depuis longtemps, ils discutaient plus qu'ils n'ouvraient l'oeil et… J'ai entendu un cri, je me suis mise à courir. Enfin, je les ai perdus de vue. » Une telle explication ne satisferait probablement pas Reddas, mais elle préférait couper court plutôt que s'embrouiller davantage. À dire vrai, elle se sentait de plus en plus confuse.

Les étranges silhouettes ne firent plus leur apparition, et personne ne vint à leur rencontre. Désormais certaine que rien d'autre qu'eux ne se trouvait dans les parages, elle se tourna vers lui. « Je ne sais pas par où je suis venue. Comme je vous l'ai dit, je courrais, je n'ai pas fait attention. Je suis désolée. » Callidora ne comprenait pas ce qui lui arrivait. La sylve exerçait sur elle une influence vicieuse. Ses souvenirs semblaient s'envoler dès qu'elle tentait de mettre le doigt dessus. « Cela dit, plus il y a de cadavres, moins il y a de gens à supporter. » Se couvrant la bouche avec sa main, elle écarquilla les yeux. Ce n'était définitivement pas le moment de tenter de faire de l'humour, et surtout de cette manière. Détourner la conversation avant qu'il ne se mette à la soupçonner d'horribles choses devenait essentiel. « Et ce ne sont pas les bêtes qui ont tué ceux que vous avez trouvé. » Une révélation bien plate, à dire vrai. Dévoiler la vérité lui était interdit. « Je ne peux rien vous expliquer, mais je savais, et je suis venue ici pour dénicher le meurtrier. Vous comprenez ? » Lui avouer qu'elle voulait parler à ce dernier pour comprendre ce qui le poussait à commettre de tels actes était exclu. Au mieux, elle passerait pour une folle. « Ce n'est pas tout. Il y a quelque chose, dans cette forêt. Depuis que je suis ici, je me sens… J'ai envie de faire des choses qui ne me ressemblent pas. » La Rehla ne savait pas l'expliquer. C'était une sensation grisante et dévastatrice. Une évidence la frappa soudain. Qu'avait-elle donc bu, dans cette auberge ? Légèrement fiévreuse, elle faillit s'affaisser sur le sol et se retint de justesse à son coéquipier. Leur proximité ne dura que quelques secondes avant qu'elle ne se redresse. « Je... Je suis maladroite, excusez-moi. » Fredonnant doucement un air que lui chantait autrefois sa mère, elle reprit la marche en se balançant d'un pied sur l'autre, ignorant la douleur de sa cheville. Instable.


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Mar 19 Juil 2016, 14:29

Mon explication ne satisfit que sommairement les interrogations de ma vis-à-vis. Elle chercha, à juste titre, à s’enquérir de davantage de détails, comme si l’excuse que je lui fournis paraissait insuffisante. Avait-elle saisi son caractère mensonger ? Tant que le doute pouvait subsister, il m’était impératif de poursuivre sans sourciller, de faire abstraction de la tension qui croissait peu à peu en mon for intérieur. S’il m’était d’usage d’improviser au cours de dîners mondains, reproduire le même exercice sous pression était autrement plus ardu. Cherchant avant tout à rester crédible, je détournai le regard, comme pour traduire un malaise inhérent à notre environnement.

 « Je ne sais si vous le ressentez également, mais une menace meurtrière plane incessamment dans ces bois. N’avez-vous point eu l’impression qu’une entité rodait dans la brume, n’attendant que la parfaite occasion pour ôter votre tête de vos épaules ? »

Je laissai planer le doute. A mesure que je décrivais ces caractéristiques, je ne pouvais m’empêcher de constater à quel point elles correspondaient à mes ambitions. De ce fait, mes instincts sanglants m’exacerbèrent, si bien que j’en vins à planter mes griffes dans la paume de ma main afin de les refouler. Plus j’abordais le sujet, plus ils revenaient au galop, éprouvant davantage ma concentration ainsi que la cohérence de mon récit. Callidora ne me laissa nul répit, en m’interrogeant notamment sur l’objet de ma quête. Par chance, je n’eus à mentir sur ce point, du moins complètement. En citant mes ambitions initiales, j’estimai n’avoir rien à me reprocher. Cela ne signifiait nullement que j’étais à mon aise, mais je pus néanmoins rétorquer assez calmement.

 « Je cherchais à atteindre Drosera, une décision que je regrette à présent. »

En un sens, cette raison demeurait assez légère, et je ne pouvais espérer dissiper l’intégralité des doutes de mon interlocutrice. De ce fait, j’avais tenté d’orienter le sujet de la conversation ailleurs, et me retrouvai quelque peu surpris d’avoir soutiré une forme d’hésitation chez ma vis-à-vis. Avais-je réellement récupéré l’avantage aussi facilement ? Je peinai à le croire. Callidora m’annonça avoir fait chemin à part sur entente d’un cri, une excuse aussi insignifiante que la mienne, s’il en était. Je fronçai les sourcils, cherchant à exprimer une forme de scepticisme quant à son explication, mais ne tardai point à m’en servir comme un échappatoire. Au vue de nos justifications assez peu conséquentes, un statut quo me paraissait envisageable. Je surenchéris alors.

 « Nous formons de fins coéquipiers, entre celle qui fait route solitaire sans prévenir ses partenaires, et celui qui fuit en se rendant compte du décès des siens… »

Nouveau mensonge. J’en venais presque à m’habituer. On ne pouvait en dire autant des remarques morbides énoncées par la jeune femme, qui me surprenaient à chaque fois. A vrai dire, plus elle les formulait, et plus j’avais l’impression qu’elle était, en réalité, plus infâme encore que moi. Ne sachant comment réagir quant à l’expression faciale qu’elle arborait, je ne vis venir sa déclamation, qui me replaça en quelques secondes dans une situation assez inconfortable. Elle n’avait point manqué de remarquer que les traces d’armes laissées sur les défunts, et vraisemblablement, avait-elle fait le rapprochement entre les plaies et mon arsenal. Ainsi, elle était bel et bien au courant du fond des choses, et tous mes espoirs s’envolèrent comme poussière au vent. Je m’arrêtai et demeurai interdit à cette constatation, particulièrement hésitant quant à l’attaquer. La seule raison qui me retint résidait dans un doute qui perdurait. Avec un tel savoir, pourquoi ne m’avait-elle point abattu ? Inéluctablement, elle connaissait la vérité. Comment ? Je n’en savais goutte, et ce qui m’intéressait résidait dans ce qui allait suivre. Particulièrement déstabilisé par ces révélations, je dus accomplir un effort assez considérable pour articuler placidement ma question, et tenter une ultime approche.

 « Ainsi, vous pensez également qu’il s’agit de l’œuvre d’un individu, et non des bêtes… Permettez que je m’enquière d’un détail ? Que projetez-vous d’accomplir si vous parvenez à mettre la main sur ce mécréant ? »

Tout ceci n’était qu’une farce. Si elle avait déjà établi ma culpabilité, pourquoi poursuivait-elle ainsi le dialogue ? Attendait-elle que je fasse le premier pas et que je commette la faute en l’attaquant ? Et que me valaient ces réactions étranges de sa part ? D’abord le sauvetage, et puis cette… soudaine révélation sur des envies qui lui étaient étrangères ? Se pouvait-il qu’elle soit dans un état aussi hasardeux que le mien, aussi flou que la brume alentours ? Elle me surprit en se rattrapant sur moi, puis en s’excusant. Ne devais-je point exploiter cet instant de faiblesse ? Son discours avait perturbé mon esprit, et je ne parvenais à me positionner distinctement entre mon envie de l’assassiner une bonne fois pour toutes et mon désir d’en savoir plus. Fixant le vide, je fis un signe du visage pour lui signifier que ce n’était rien, avant de me décider à poser d’autres questions. Que perdais-je à agir ainsi ? Au mieux, j’en apprenais davantage sur les mystères nous entourant. Au pire, je marchais dans son jeu, que je savais comme vraisemblablement perdu d’avance. Toujours avec un air incertain, je repris.

 « Nous sommes deux, dans ce cas... Je n’ai point souvenir d’avoir été aussi alerte, aussi méfiant, autant sur le qui-vive qu’en ces lieux. Pensez-vous que la brume ait quelque impact sur notre mental ? Ou que cela soit imputé à une autre raison ? »

Je n’étais point à mon aise. Rarement, j’avais éprouvé pareil concentré de sensations désagréables. L’esprit embrouillé, la rage incessante, les blessures persistantes et enfin l’impression d’avoir été percé au grand jour par une femme à l’attitude déconcertante… C’en était trop. Vraiment trop. Je ne possédais guère la moindre idée quant à l’issue subséquente de notre dialogue.
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Mer 17 Aoû 2016, 11:05


Sourde aux échos d'horreur que reflétait la sinistre sylve, Callidora se contentait de marcher droit devant elle, à peine attentive à ce qui se déroulait autour d'elle. Il lui suffisait d'observer le jeune homme pour savoir qu'il lui mentait éhontément, et que son innocence était aussi fausse que la sienne. Cet échange commençait à l'ennuyer. Décidant d'accélérer les choses, elle se cala contre un arbre pour reposer sa cheville blessée et apaiser l'agacement qui montait en elle, sans quoi elle ne manquerait pas de le dénoncer au prochain garde qui passerait. Ne pas parvenir à se repérer devenait frustrant, et sans une distraction suffisante, elle laisserait éclater sa colère, quitte à le regretter ensuite. Choississant de se concentrer sur les paroles de son camarade, elle écarta délibérément certaines remarques qui ne nécessitaient pas de véritable réponse. Tâchant de se remémorer ce qu'elle savait sur la cité de l'ombre, elle jeta un œil circonspect en direction de Reddas. Ses sens lui disaient qu'il ne s'agissait absolument pas d'un Alfar. « Drosera est une destination bien surprenante. Comment avez-vous obtenu l'autorisation d'y aller ? Ses habitants ne sont pas des plus accueillants envers les étrangers. » Traverser une forêt aux mortels dangers pour une simple visite était exclu. Que pouvait-il bien aller chercher là-bas ? Passant en revue ses lectures à mesure que ses pas ralentissaient, elle ne trouvait pas d'explication cohérente et pourtant, il avait fait preuve de sincérité en lui annonçant la raison de sa venue. « Il est vrai que la cité est une œuvre d'art à elle seule, à ce qu'on m'a dit. Malheureusement, je n'ai jamais eu l'occasion de m'y rendre. Croyez-vous que nous soyons plus proche d'elle que du village ? » La boisson prise à l'auberge embrumait ses sens, et sa logique en prenait un sacré coup. L'absence désolante du ciel étoilé l'empêchait de se diriger convenablement. À dire vrai, ils tournaient en rond, et le sentir sans pouvoir arranger les choses allumait une étincelle de rage dans son coeur.

Soudain, un cri sur la droite attira son attention, la détournant de ses pensées. Décidant de rester à distance du problème, elle prit le chemin opposé. Les créatures restaient à bonne distance, et puisqu'ils étaient tombés sur elles en pénétrant dans la forêt, prendre le sens opposé menait forcément au village. Du moins fallait-il l'espérer. La brune avait beau apprécier les forêts, celle-ci lui donnait la chair de poule, et elle ne comptait pas y passer le reste de sa vie. « Ce mécréant, comme vous dites, ne courre aucun danger avec moi, tant qu'il n'essaie pas de me réserver le même sort qu'aux autres. Les distractions sont rares, en ce moment. » Lui révéler ses véritables intentions ne servirait à rien. Qu'il lui dise ce qu'elle voulait savoir sans qu'elle ne le lui ait demandé était incroyablement plus attirant. Cela représentait un défi qu'elle souhaitait relever haut la main. Cependant, son charmant cobaye ne semblait pas en mesure de répondre à ses attentes. Sans doute ne comprenait-il pas. Faisant mine de réfléchir à ses dernières paroles, elle s'arrêta sans crier gare. Du bout de ses phalanges, elle tapotait son mentin, comme prise dans une grande réflexion. « Je ne crois pas que la brume soit responsable de ces changements. C'est quelque chose de plus sournois. » Sa délibération ne lui prit pas plus de quelques secondes. Arriver à ses fins avec un être dont la méfiance surpassait la curiosité par des moyens subtils serait complexe. Brusquement agacée par la stupidité dont il faisait preuve, en dépit de son relatif don pour détourner les questions qu'elle lui posait, elle préféra s'adosser contre un arbre au tronc grisâtre et croisa les bras. « Vous devriez savoir ce qui provoque cet état, vous plus que n'importe qui. Peut-être serait-il temps de tomber le masque, vous ne croyez pas ? Vous êtes un mauvais menteur, et moi, une bonne observatrice. » Ce que beaucoup auraient pris pour de l'arrogance n'était en réalité qu'une évidence manifeste.

Il s'agissait d'une nouvelle habitude prise à force de fréquenter un individu pour le moins louche qu'elle n'aurait peut-être plus l'occasion de fréquenter si elle ne sortait pas de cet endroit maudit. Nier les talents qu'elle possédait ne servait à rien d'autre que saper sa volonté, et malgré son manque d'assurance quelquefois pesant, depuis peu, elle se centrait systématiquement sur ce qu'elle savait faire. Un mécanisme bien huilé qui, à défaut d'être inné, pouvait lui sauver la mise. La surprise ne serait pas de taille. Aussi préféra-t-elle enchaîner sans plus attendre, lassée de devoir courir après une simple réponse qui ne venait pas. « Je me fiche de vous livrer à la justice ou de vous faire payer vos crimes. Ces gens sont morts de votre main parce qu'ils le devaient, et je ne vais jamais à l'encontre de ce qui doit être. En revanche, ce qui m'intéresse, c'est le motif de votre petit massacre. » Un éclat avide illumina son regard mordoré. Lorsqu'il s'agissait d'obtenir ce qu'elle désirait, Callidora se révélait insatiable, et tel un félin joueur qui ne lâche sa proie qu'au moment où il sent la fin approcher, elle se délectait par avance de son étonnante victoire. Se moquant éperdument des cadavres pour en avoir vu un nombre conséquent au cours de son existence et avait elle-même frôlé cet état regrettable, elle haussa un sourcil. « Au cas où vous vous poseriez la question, m'éliminer n'est pas une option envisageable. » Qu'il laisse ses pulsions de côté l'arrangerait, sans quoi elle serait forcée de sévir. Sentant quelque chose qui fouinait dans ses cheveux, elle les secoua doucement pour faire chuter l'indésirable. Une araignée d'un noir d'ébène atterrit dans sa main. Songeuse, Callidora regarda la bestiole glisser entre ses doigts, cherchant son chemin. « Vous avez le choix, cela dit. Soit vous tentez de m'assassiner et je devrais employer la manière forte pour découvrir votre motivation, soit vous coopérez gentiment et nous sortirons de cette forêt ensemble. » La menace implicite que contenait sa proposition était bien entendu illusoire. Même s'il refusait de lui donner ce qu'elle voulait, elle ne s'en prendrait pas à sa vie. Quoi qu'il en soit, il existait de nombreuses manières de faire parler quelqu'un. Un sourire malsain naquit sur ses lèvres. La comédie jouée face à elle-même avait été saisissante.


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Sam 20 Aoû 2016, 13:16

Tout simulacre auquel je m’adonnais se retrouvait presque immédiatement percé par cette détentrice des clefs de la vérité. La raison pour laquelle elle ne me confondait guère m’échappait manifestement. Une chose demeurait certaine : le malaise que je ressentais à mesure qu’elle démontait les pièces de mon mensonge m’alarmait, me poussait même à suer, et pire encore, n’avait de cesse de croître. Je parvenais encore à le dompter lorsqu’elle chercha à s’enquérir des détails de ma venue, bien que nullement exempt de troubles. J’improvisai la semi-vérité suivante.

 « Les mérites de cette cité me sont parvenus, et le dernier Alfar que j’ai croisé au cours de ma précédente halte ne semblait guère rebuté par mes projets. Il m’a simplement qualifié d’inconscient pour désirer traverser ces bois. »

L’unique point d’exagération résidait dans l’opinion présumée de mon interlocuteur. Je ne disposai d’aucun élément concret pour appuyer cette affirmation. Le reste demeurait exact. J’observai la réaction de Callidora à mes propos, espérant que cette réponse la satisfît. A mon soulagement, elle ne dénigra point l’éloge de la cité, me questionnant alors sur notre position. Je devais avouer avoir perdu toute notion de repère, et il était fallacieux à ce stade de prétendre le contraire. Autant être honnête sur ce point-là pour espérer m’en sortir.

 « Je crains n’avoir perdu mes repères autant que vous. Je suis incapable de statuer sur le degré de profondeurs que nous avons parcourus. »

Ces lieux ne nécessitaient point de s’enfoncer davantage pour constituer une menace et afficher un apparat hostile. Les cris que nous perçûmes ne firent que l’illustrer. Ceux-ci orientèrent notre direction, et je continuai à talonner Callidora tout en observant le paysage pour dénoter quelque indice. Nul élément dans cette brume ne semblait révéler une quelconque piste, ce qui me courrouça doucement. L’irritation fit cependant place à un autre sentiment, alors que la rupture de la mascarade se révéla inéluctable. Un subtil mélange d’effroi et de fascination m’envahit lorsque mon interlocutrice s’arrêta pour non seulement me dissuader des projets que je fomentais, mais également pour exposer à nu l’intégralité de mes mensonges. Il ne faisait plus aucun doute : cette femme savait depuis le début et attendait un simple aveu de ma part. L’attaquer ne constituait guère une option : elle envisageait cette éventualité, et connaissait l’issue d’un tel affrontement à l’avance. Je m’en retrouvai… tout bonnement paralysé, incrédule face à cette scène. Le malaise avait atteint son paroxysme – les mots m’échappaient face à cette démonstration de ma culpabilité. Il me fallut un instant pour recouvrir mes esprits et être en mesure de répondre à Callidora. Je baissai les yeux. Qu’étais-je pour m’opposer à elle ou désirer la confronter ? D’une voix aigre mais néanmoins témoignant de ma faiblesse, je lui rétorquai.

 « Depuis… combien de temps le savez-vous, et vous jouez-vous de moi ? »

Je marquai une pause. Je n’étais point sur de ce que je devais lui répondre pour la simple et bonne raison que j’appréhendais difficilement ce qu’il m’arrivait. Pourquoi avais-je désiré procéder à une chasse à l’homme ? Au préalable, j’avais songé à une forme d’expression de mes pulsions vampires, mais cette explication me parut bancale. Ce n’était point un désir de sang qui m’animait – la raison était toute autre. Je demeurai incapable d’en délimiter les pourtours, ne sachant subséquemment que présenter. Reprenant mes propos, j’optai pour la tentative suivante, toujours énoncée sur le même ton.

 « Je confesse ma culpabilité, mais ne suis en mesure d’expliquer avec exactitude ce qu’il se trame. Peu après ma rencontre avec cet Alfar et en pénétrant dans cette forêt, une soudaine envie m’anima. Je ressentis un désir inégalé d’organiser une chasse à l’homme dans ce décor. Vous connaissez la suite. Depuis l’assaut des créatures, je me sens étrange. Sporadiquement, cette pulsion s’éveille et me dicte de vous assassiner. La raison me retient pour me rappeler ô combien cette tentative serait fallacieuse. »

Me dévoiler de la sorte était insupportable. J’exécrai apparaître faible, et de surcroît, le reconnaître. Cependant, à quoi bon persister dans l’illusion ? Je ne pouvais faire face à Callidora et elle me menaçait d’en finir si je me refusais d’admettre l’évidence. L’équation ne présentait qu’une unique solution – une solution qui blessait mon ego. Il me fallut un certain temps pour relever la tête et affronter son regard. Mes poings étaient serrés, canalisant la frustration qui m’obnubilait des suites de cet aveu. Ravaler sa fierté était aussi douloureux que de se faire lacérer la poitrine. Je nécessitai un temps pour accuser cette sensation, suite à quoi, je repris.

 « Je n’ai point vraiment le choix, mais je m’engage à coopérer à vos côtés. Qu’attendez-vous de moi ? Contrairement à vous, je suis incapable de sonder votre esprit. »

Qu’il était pénible d’admettre son infériorité. Et pourtant, j’avais tout intérêt à me montrer docile à l’égard de cette femme à la perspicacité aussi redoutable que ses pouvoirs. Peut-être disposait-elle d’une explication quant à mon état ? Je ne l’exclus point. Devais-je tenter de m’en enquérir ? Il était peut-être trop tôt, mais je brûlais d’envie de savoir. Je cédai à ce désir, lui demandant alors.

 « A tout hasard, disposez-vous d’une explication vis-à-vis de cette sensation ? »

Je me questionnai sur l’utilité que je pouvais avoir pour ma vis-à-vis. Nous étions tout sauf comparables. Pourquoi requérait-elle ma coopération ? Je me refrénai de lui poser cette question… pour le moment.

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[Quête - Terminée] Chasse à l'homme - Ft Callidora

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