« Je suppose que tu vas me clamer la pureté de tes intentions et me jurer que tu ne te rends là-bas que par conviction. » Le Professeur paraissait d’une bien piètre humeur. Nonchalamment planté dans l’encadrement d’une porte qu’il avait ouvert en grand vacarme, il contemplait avec une pointe de dédain le dos de sa femme, occupée à parcourir des yeux une missive qu’elle tenait avec délicatesse entre ses longs doigts blancs. Dans un léger sourire, elle glissa la lettre et son enveloppe entre les pages d’un vieil ouvrage, ouvert sur le rebord de sa coiffeuse. « Vraiment ? Tu joues la carte de la jalousie dès à présent ? » murmura-t-elle tout bas, moqueuse. Elle n’avait même pas daigné se retourner pour lui adresser la parole, et se contentait de scruter sa silhouette à travers le grand miroir. « Je tente ce que je peux. Je n’ai pas choisi la femme la plus sensible comme épouse. » - « Je crois me souvenir avoir été acceptée telle quelle. » - « Certes. Je peux tout de même faire mes petites crises de temps à autre. Je n’ai pas envie de perdre la main et tu t’ennuierai, sans moi, sans tout ça. » - « Fais comme bon te semble. Je sais que tu me le feras payer, à mon retour. » Il eut un léger rire. « Bien entendu. Cela va dans les deux sens, ma princesse. Moi aussi, j’aime te torturer. » Il marque une petite pause avant de reprendre. « Tu ne devrais pas poursuivre autant ce type. » - « Il est plutôt intéressant. » - « Etait. » corrigea-t-il avec une certaine insistance. « C’était un autre temps et un autre monde. Toi aussi, tu étais différente. Cet avenir n’existera pas. » - « Non. Tout n’est pas perdu pour autant. » Il réfléchit un instant à la situation. Vanille cherchait-elle réellement à le convaincre du bienfondé de ses croyances ? Ou désirait-elle seulement tester les limites de ses charmes et de ses talents de persuasion ? A moins qu’elle n’agisse que dans le but de contrarier son mari. Cole l’ignorait. Il savait néanmoins qu’il allait devoir faire avec. « Tu sais ce qui t’attend. » reprit-il avec plus de sérieux. « Ne t’inquiète pas pour moi. » Le Maître du Temps était partagé entre des sentiments contraires mais n’ajouta rien. Il n’avait jamais été un très bon Magicien, à l’époque où son peuple avait une importance. Il n’avait rien à redire quant aux méthodes employées par la charmante Khæleesi. Depuis le début de cette Guerre entre les Dieux, elle avait pris soin de tourner ses lubies sanglantes vers les bonnes personnes. « Bien. Amuse-toi bien. » - « Ne t’inquiète pas pour ça non plus. »

Le petit pagne blanc dissimulait à peine ce qui devait l’être. Vanille avait choisi de le porter, pour des raisons qui ne relevaient nullement d’une quelconque considération de pudeur. Les Filles des Eaux avaient bien peu de difficulté à se mettre nues, habituées à nager dans des flots glacés où les vêtements n’étaient que ces morceaux de tissu, recouvrant le corps des pirates, des marins et des voyageurs qu’elles entraînaient dans les profondeurs des abysses. De ses grands yeux verts, la jeune femme fixait la Chamane qui s’approchait d’elle, une palette de pigments colorés à la main. Elle ne pipa pas un mot. Néanmoins, il brillait au creux de son regard un éclat qui en disait long. Elle était très au fait de la culture du peuple chamanique, pour avoir porté un intérêt cru à un ancien Souverain de la race. Elle ne voulait pas qu’on la recouvre de n’importe quoi et la Chamane le savait. Tout aussi silencieuse, elle se mit à peindre des cercles, des lignes et des points, avec des teintes de gris, d’orange, de rouge et de violet. L’artiste finit par s’écarter. Dans un soupir, Vanille secoua ses longues boucles cuivrées, qui retombèrent en cascade sur sa peau de lys. Elle songea vaguement au bateau, se disant qu’elle aurait très bien pu régler tout problème en appelant son Kraken qui aurait été en joie à l’idée de dévorer tout ce beau monde. Ce petit avait toujours tellement faim. Cependant, la soirée pouvait être belle, d’une certaine manière. L’oreille attirée par le discours retentissant d’une voix qu’elle commençait à reconnaître, elle se leva pour aller observer le Démon, qui se donnait en spectacle. Elle regardait la scène de loin, légèrement appuyée contre les balustrades du navire. Elle ne put s’empêcher de sourire, amusée par les déclarations. La Reine Blanche allait sûrement se jeter du pont avant la fin de la soirée. Ça aussi, ce serait plutôt drôle à voir. Vanille choisit de rester à l’écart. Elle ne voulait pas aller voir Zane. Elle préférait qu’il vienne lui-même. Il allait sûrement finir par le remarquer. En tout cas, ils étaient nombreux à avoir les yeux vrillés sur la jeune femme et à regretter la présence du pagne. Nombreux à se poser des questions, aussi.

Doucement, la Sirène se tourna vers l’Océan, l’air songeur. Elle espérait que le voyage allait bientôt toucher à sa fin. Elle n’était pas certaine de pouvoir résister à ses démons bien longtemps. Mieux valait ne pas tenter l’Âme du Mal.

Résumé & Gains:

La fumée avait occultée l'embarra de la bélua qui s'était statufiée dans l'effroi face au rire sardonique du démon. Il était vain de résister face à pareil adversaire et quoi qu'il avait en tête, mieux valait se préparer au pire. 
Noyée dans la bouffée brumeuse, Helly peinait à respirer. Sa gorge s'était brusquement nouée dans la désagréable impression qu'on lui avait arraché les poumons alors qu'elle se retrouvait sans comprendre dans les bras du chaman qu'elle venait de quitter.
Curieux tour de passe-passe qui figea brusquement ses pensées dans l'instant. Nez à nez avec Toble, peau contre peau, Helly sentait la fièvre consumer lentement son corps dans un enivrant tourment. Les tambours raisonnaient au plus profond de son être, faisant écho aux battements de son coeur qui soulevaient sa poitrine dans un rythme saccadé. L'air lui manquait cruellement pour pouvoir formuler la moindre paroles et ses lèvres entrouvertes peinait à filtrer ce qui lui manquait pour amorcer le moindre mouvement. Captive et à la dérive, seul le regard de la bélua bougeait encore. Perdue dans la contemplation de Toble, elle hésitait à s'avancer davantage pour annihiler les derniers centimètres qui la séparaient du souffle du chaman. 
Il l'invita à danser, l'arrachant à la tentation de succomber. Que ce serait-il passé sans cet élan inattendu de sa part? Helly se posait la question, sondant ses envies et les confrontant au bon sens. À croire que la fumée inhalée, la troublait plus encore qu'elle ne le pensait. Sans réponse et tourmentée, elle le suivit jusqu'au centre du pont principal et se posta à ses côtés dans une minutieuse observation des personnes qui les entouraient.
Les danseurs semblaient en transe et s'exécuter dans des pas étranges qu'elle ne connaissait pas et qu'elle doutait de pouvoir reproduire sans passer pour une idiote. Alors qu'elle chancelait entre l'idée de décliner et celle d'obtempérer, un inconnu la percuta sans le faire exprès, la projetant de nouveau contre Toble. Ecarlate et fiévreuse, elle serra les doigts qu'elle avait plaqués sur son torse pour se rattraper dans un inopiné réflexe qu'elle ravisa aussitôt. Il ne pouvait voir le trouble qui agitait son regard mais peut-être pouvait-il le comprendre face à ses gestes maladroits. Le chaman avait un drôle d'effet sur elle, comme si ses sens s'éveillaient brusquement, lui donnant l'étrange impression qu'elle ne pouvait échapper à son destin ce soir. Elle qui habituellement fuyait toute attache, se voyait clouée à l'envie de nouer ses doigts au siens, de mélanger leurs souffles et ne faire plus qu'un avec lui. Elle se mit à déglutir péniblement avant de pencher sa tête sur le côté. 

- Toble…? L'interpella t-elle avec incertitude. Est-ce normal d'être aussi troublée en ta présence? Finit-elle par demander sans détour.
Elle l'observa longuement avec sérieux avant de pouffer de rires.

- Je crois que cette fumée me fait dire et ressentir de drôles de choses.
Helly préférait mettre tout sur le dos des vapeurs qui entouraient leurs corps plutôt que de s'avouer de quelconque sentiments. Les fumeurs étaient présent sur tout le bateau et les effets des herbes chamaniques étaient une excuse toute trouvée pour expliquer son état. L'heure n'était plus aux questions, mais à l'expérimentation. Et pour mieux mettre à profit cette nouvelle profession de foi, le bélua entoura le cou du chaman avec ses bras, dans une longue expiration.

- Initie moi… L'implora t-elle. Montre-moi tes coutumes… Je veux tout apprendre… Tout comprendre… Je promets d'être assidue… 
La bélua se montrait pressante et insatiable. Sa soif de connaissance débordait du nouvel élan d'enthousiasme dont elle faisait maintenant preuve. Elle ferma ses yeux pour se concentrer sur la réponse qui tardait à venir et pinça ses lèvres pour amoindrir le flot de questions qui tendaient à remonter. La fumée inhalée semblait agir, la détendant lentement alors que la voix de Toble se distordait dans un brouhahas assourdissant. Il lui semblait que tout prenait une dimension plus grande, la plongeant dans une écoute discutable. Ce n'était pourtant pas par manque de bonne volonté, mais elle commençait à divaguer. Toble était son seul point d'ancrage, son seul repère, pour ne pas s'égarer...

résumé:

La plage de sable fin, voilà où je suis actuellement. Je suis venue en ce lieu avec Luane et Rias, une élémentale du métal cherchant des réponses au sujet d'un homme appelé le Fumeur Macabre. Je pense qu'en venant ici, elle trouvera peut être ce qu'elle cherche. Enfin, ce n'est pas l'objectif premier de notre venue, non. Si on était là c'est parce que l'on a entendu les dires d'un héraut sur la place de Panem à Extalia. Il nous demandait de tous nous réunir afin de pouvoir tout remettre en cause et donc de pouvoir discerner le Vrai du Faux. Cela avait éveillé ma curiosité d'entendre cela, que je n'ai pas pu résister à cet appel. Je voulais vraiment me rapprocher encore plus des Aetheri, surtout de Dasha et de Taleörn les deux dieux que je vénère le plus. Je regardais mon ancienne maître, Luane. Elle était une élémentale avant, mais son destin à basculé, elle a été mordue par un bélua de sang-pur, puis elle est devenue une bélua monstre. Normalement elle aurait dû vénérer le Créateur de part sa nouvelle essence, mais elle préférait vénérer Drejtësi, l'Aether de la Justice.

Nous étions enfin arrivées au lieu de rendez-vous. Au bord de la rive, je voyais deux barques, je suppose qu'on allait peut être être séparer en de groupe. Soudain, une femme apparut faisant signe aux gardes de la laisser passer. Elle était coiffée avec des plumes sur la tête, des tatouages parcourant une très grande partie de son corps quasiment dénudé. Lorsqu'elle leva la main, des roulements de tambours lents se firent entendre, tuant tout bavardage. Elle se mit à parler d'une fois forte et grave, allant de paire avec les tambours. Ses mots étaient forts et puissants, me faisant frissonner. Les instruments s'arrêtèrent pour accentuer certainement les dernières phrases, surtout celle qui disait que certains ne reviendront pas vivants. A la fin de ses derniers mots, elle disparut, les roulements de tambours reprirent avec un rythme beaucoup plus soutenu et endiablé. On voyait deux personnes nous guider vers les embarquements selon notre alignement. Rias, Luane et moi, nous prîmes le chemin de gauche, celui des Aetheri.

Mon cœur s'accélérait, c'était assez impressionnant d'assister à tout cela. Mais ce n'était que le début. A peine arrivées à bord de l'embarcation très simple, sans cabine, on nous demanda de retirer tous nos vêtements. On nous proposa un pagne blanc, mais je préférais rester nue, tout comme ma compagne et l'élémentale qui me suivait juste parce qu'elle m'avait demander de l'aide à propos du Fumeur Macabre. Nos vêtements furent pliés et ranger dans un coin de l'embarcation. Je m'assis sur un banc en compagnie des autres pry-Aetheri.  Une femme s'approcha de moi, elle m'annonça qu'elle allait me peindre le corps pour l'occasion. Elle se mit à dessiner d'abord des vagues blanches en bas de mon ventre, de chaque côté. Puis, un losange vert au niveau de mon plexus solaire. Des larmes rouges vives à l'extrémité extérieur de chaque œil. Des lignes droites oranges sur le long de mes bras et cuisses. Pour finir des pointillés bleus sur mes avants bras et mes jambes. Sur Luane c'est un peu plus compliqué, elle avait déjà des tatouages qui recouvraient son corps. Mais on finit par lui peindre des lignes droites oranges en dessous de ses yeux. Pour élémentale, ce fut des lignes brisées blanches et des pointillés bleus qui se mêlaient entre eux. Je me demandais bien qu'est ce que tout cela signifiait, j'avais envie de savoir, mais je préférais attendre avant de poser la question. Cependant Rias ne pu se retenir. « S'il vous plaît, est-ce que vous avez déjà entendu parler du Fumeur Macabre ? » Depuis qu'elle faisait ces rêves étranges, elle était obsédée par cette personne. Il devait bien y avoir une raison pour cette obsession, mais elle ne voulait pas me le dire.






¤ 642 mots

Résumé:

Gains:

Livaï regardait le petit être tirer sur la pipe d'un regard amusé. Lorsque l'enfant recracha la fumée et s'étouffa, il baissa sa tête dans un large sourire avant de se laisser tomber en arrière sur les peaux de bêtes.
L'humain avait appris à ses dépens qu'il valait mieux ne pas se fier aux apparences et si la créature en face de lui, paraissait avoir une dizaine d'années, sa présence en ces lieux et son aura magique commençait à chatouiller sa curiosité.

- La pureté ce n'est pas ton truc, s'amusa-t-il à reprendre. Quoi que soit la signification de ses peintures mieux vaut pas chercher… puis c'est temporaire. J'aurai tiré la gueule si ce n'était pas le cas.
L'humain avait sa propre vision de l'art et les nombreux tatouages qui recouvraient son corps en étaient sûrement le meilleur exemple. 
La main tendue vers lui de l'enfant, lui fit arquer un sourcil avant qu'il ne se redresse dans un long soupir. L'humain avait bien du mal avec les formalités d'usage et bien que cela partait d'un bon sentiment, il détourna ce geste en frappant sa main et l'empoignant dans une poignée de main bien personnelle. 
Pas peu fier de lire la surprise sur le visage angélique de son interlocuteur, il s'empressa de se pencher au-dessus de lui en ramenant en arrière les cheveux qui lui chatouillaient le nez.

- À personne spéciale… Poignée de main spéciale. Argua-t-il dans une bouffée d'assurance. Je suis Livaï… Mais tu peux m'appeler Lévi.
L'humain ignorait pourquoi il agissait aussi familièrement avec le petit être. Peut-être était-ce son apparence juvénile qui lui conférait cet élan d'empathie qui manquait cruellement à Livaï habituellement, ou bien était-ce autre chose. Quoi qu'il en soit, cela n'avait plus d'importance maintenant que c'était fait. Il réceptionna la pipe qui lui était revenue après un tour et tira dessus en dessinant des ronds au-dessus d’eux. Les tambours résonnaient encore dans cette ambiance des plus particulières, qui semblait échauder quelque esprit.
Une personne venait de faire une déclaration publique qui laissa Livaï dubitatif. Il prit une nouvelle bouffée qu'il garda longuement dans ses poumons avant de la recracher en direction de la créature qui s'était présenté comme étant le monarque des enfers.
Cela n'avait aucune importance pour l'humain qui n'avait que faire d'une t-elle déclaration. Il se contenta de s'avachir légèrement en arrière en repensant à une soirée où il avait emprunté ses traits. Si le démon revendiquait un rejeton, lui avait en tête une bien vilaine revendication le concernant.
Un sombre sourire s'étala sur son visage blafard avant qu'il ne reporte son attention sur Mwayer.

- Je ne sais rien du tout… Je suis un novice en la matière… Je ne garde aucun souvenir de ma dernière confrontation avec un chaman… Ce sera la surprise, rigola-t-il nerveusement.
L'humain avait une certaine appréhension concernant le reste du périple. Il y avait du beau monde sur ce rafiot et ce qui se devait être une simple quête de vérité pourrait bien se transformer en règlement de compte d'ego.
Une présence tira brusquement l'humain de ses songes. Une femme venait de faire pencher le navire à peine un pied abord, faisant basculer un contenant un peu trop plein sur lui. Il redressa son regard et commença à sourire en entendant les paroles qu'elle balançait sans aucun complexe. Elle avait du tempérament, un vrai cheval sauvage. Un beau paquet d'ennuis et des bleus en perspective, qui fit frissonner l'humain dans une bouffée d'adrénaline.

- La jolie petite furie, souffla-t-il en la suivant des yeux alors qu'elle s'avançait vers le centre du bateau. Il hésitait à se relever puis opta freina ses ardeurs en se rappelant des conseils du chaman.

- Sept fois ma langue… C’est noté, argua-t-il en s’avachissant sur les peaux derrière Mwayer.
Nul doute que dire à cette femme de tirer sur sa pipe aurait été une approche bien hasardeuse. Cette seule pensée fit sourire bêtement l’humain qui ferma ses yeux pour dormir.
Lorsque le soleil caressa sa peau, il se redressa la bouche pâteuse et s'extirpa des peaux de bêtes dans lesquelles il s'était enroulé. Mwayer semblait toujours à ses côtés, ce qui n’étonna pas outre mesure l’humain qui bailla à s’en décrocher la mâchoire.

- Bien dormi petite tête? Souffla-t-il en étirant son dos endolori.
Le bateau avait enfin accosté sur l'île maudite. Des rumeurs couraient sur ce qu'il s'y passait, faisant planer une aura de mystère autour de ses lieux soudainement à portée de pied. Tout ceci avait de quoi exciter Livaï qui n'arrivait plus à se défaire de son indescriptible sourire. Il chercha des yeux la jeune femme de la veille et finit par la repérer dans la foule.   

- On se retrouve sur la plage… Balança-t-il à l’enfant en s'éclipsant.
De nombreux participants s'avançaient vers des barques prêtes à débarquer sur les rivages mystérieux de l'île maudite et elle, elle attendait telle une figure de proue, occultant tout ce qu'il y avait autour d'elle.
L'humain manqua de glisser dans son empressement à la rejoindre avant de se rattraper à un inconnu qu'il poussa finalement dans la barque prête à partir. Le cri du malheureux raisonna un bref instant dans un bruit sourd qui indiqua la bonne réception du colis expédié à la va-vite. Il se redressa vers elle tout en passant sa main dans ses cheveux dans une brève hésitation.

- Bien visé… Et sans regarder. Se vanta-t-il dans un large sourire. Je mets toujours dans le mille.
Avant même qu'elle n'ouvre la bouche pour répondre, il s'empressa de l’inviter vers une barque vide dans un mouvement chevaleresque.

- Si tu veux bien, c’est moi qui rame! J'adore ramer, tenta-t-il de se montrer ironique.

Résumé:

L’homme qui était en face de lui avait quelque chose de différent. Mwayer lui trouvait une intelligence qui n’était pas celle des tacticiens ou des auteurs, il ne transpirait pas l’intelligence du travail académique ou celle des théories magiques, il se dégageait de lui une aura de malice, de jeu, de vivacité. L’Alfar était ravi. Il le détaillait comme on pouvait observer le sujet d’une expérience anthropologique, en registrant dans sa mémoire les détails, les fossettes qui se creusaient, la longueur des cils et le sens dans lequel les cheveux étaient plantés.

Mwayer fut détourné de ses observations au moment où sa main, tendue, reçut une gifle comme il ne s’y attendait pas. Ce n’était pas de la douleur, mais de la surprise. Il n’avait pu contenir de son visage cette expression d’étonnement enfantine, celle de la découverte. Son expression s’apaisa rapidement, en même temps que la poignée de main que lui faisait celui qui s’appelait Livaï.

L’Alfar ne lui répondit pas en parlant. Il se contenta d’un sourire amusé et d’un clin d’œil. L’assurance que dégageait cet homme lui donnait une contenance nouvelle qu’il ne s’était jamais senti jusqu’alors…

Le mélange de l’herbe à pipe qui agissait encore sur son corps, endiguant certaines sensations pour en décupler d’autres lui fit complètement oublier son environnement lointain. Il voyait Livaï, lui et des silhouettes, mais n’entendait ni ne comprenait rien de plus. Soudain le mot qu’il attendait tomba. Chaman. Ces gens étaient des Chamans. Ils avaient le pouvoir de communiquer avec il-ne-savait quelle force et d’emmener les gens dans des endroits qui transcendaient l’esprit des autres races. Il ne comprenait pas vraiment ce que faisaient ces êtres concrètement, mais maintenant qu’il y avait un nom à mettre là-dessus, il se sentait mieux.

Mwayer ne bougea pas de la nuit, il restait dans son monde en regardant autour de lui pour ne voir que du flou. Après une heure à ne pas bouger, il s’emmitoufla dans les peaux sur lesquels ils étaient assis depuis presque le début du voyage. Il entendait proche de lui la respiration de Livaï, mais ne lui faisait pas face. Il repensait à son visage. Le soleil vint chauffer l’intérieur du cocon que Mwayer s’était créé, ce dernier repoussa donc ce qui lui avait fait office de couverture et regarda autour de lui, l’œil hagard. Il se sentait différent de la veille. L’herbe à pipe avait cessé son effet et il voyait enfin où ils se trouvaient, ils étaient sur le point d’accoster à une île à l’aura inquiétante.

La voix de Livaï l’arracha à sa contemplation. Il sourit en l’entendant et répondit simplement. Avec un ton chaleureux :

- Faut croire.

Il souriait à demi. Lévi s’en alla. Tous les événements qui arrivaient sans prévenir laissait Mwayer seul au milieu d’un océan en furie. Il était peut-être en train de découvrir que la foi avait un fondement, il ressentait quelque chose d’étrange, qui s’éloignait de ses envies de meurtre par rapport à un homme qu’il venait de rencontrer. Ce départ ne le laissa pas de marbre. Il y songeait. Il voyait sa démarche, qui s’éloignait. C’était étrange.

La sensation se fit plus discrète lorsqu’ils arrivèrent enfin à leur destination. Ils bénéficiaient sur place de tout le confort nécessaire. Il posa ses affaires dans la tente qui était prévue pour lui, puis alla écouter les jérémiades qui recommençaient. Après des sacrifices qui mirent les sens de Mwayer en alerte, il devait se décider sur la première chose qu’il allait faire. Il retrouvait son âme d’enfant, cette ambiance de fête foraine le ravissait.

Il déambula au hasard, arrivant devant un grand phare qui semblait ne pas avoir été utilisé depuis longtemps. On lui fit signe de monter et de choisir, le long de sa montée une des fenêtres, pour y sauter.

- Pour y sauter ?! Je ne devrai même plus m’étonner de ce qu’on me demande de faire en fait.

Le Chaman qui attendait à l’entrée du phare resta stoïque. Mwayer monta, ses émotions normales reprenant le dessus au fur et à mesure. Cette marche lui fit tellement de bien qu’il en oublia un peu de s’arrêter et presque arrivé en haut il regarda une fenêtre et ne réfléchit pas plus. Il sauta.

- Si je meurs, je les tue.

Absurdité. En réalité, sa pensée était aussi absurde que le fait que cela faisait maintenant plusieurs secondes qu’il tombait et qu’il voyait se rapprocher l’étendue d’eau par laquelle ils étaient arrivés et des rochers. Il avait eu de la chance, car quasiment l’entier de son corps retomba dans l’eau, à l’exception de son bras gauche qui eut largement le temps d’émettre un craquement sonore contre l’une des roches. Mwayer n’eut pas le temps de commencer à hurler que le son qu’il émit fut noyé par l’océan.

Le Chaman taciturne de l’entrée vint le chercher et le fit léviter jusqu’à l’entrée du phare. Mwayer se tordait de douleur et manqua de tourner de l’œil lorsqu’il vit l’état et l’angle que faisait son bras. Avant qu’il ne parte en direction de l’infirmerie, le Chaman se mit à peindre des pointillés gris sur le bras en charpie de l’Alfar.

- Ah ! Je vous remercie ! Il sera en bien meilleur état avec de la peinture.

Heureusement pour lui, il n’arrivait pas à se débattre autrement que par de l’ironie qui lui permettait de ne pas s’évanouir immédiatement. Il fut ensuite emmené à une grande tente qui servait d’infirmerie dans laquelle un ange commença à s’occuper de son bras. Par fierté, Mwayer tenta d’éviter de crier, mais il ne pouvait s’empêcher de gémir par moment et de flirter avec la frontière de l’inconscience.

Lorsqu’il fut remis, il regarda autour de lui et découvrit qu’un homme aux cheveux noirs et aux oreilles légèrement en pointe était assis sur le lit voisin du sien. Il arborait un carré vert sur la jambe.

- Vous vous êtes aussi jeté du phare ?

Il considéra les festivaliers autour de lui. Il n’avait qu’une aspiration : faire s’engloutir le bateau et retourner au palais. Au point où il en était, Zane avait besoin de beaucoup plus que quelques femmes, d’herbes et de peintures pour ne pas se rebuter, c’est pourquoi il était en indéfectible reconduction de rebondissements. S’il ne respectait pas Devaraj, il aurait indubitablement déjà failli. Cette déclaration manifeste embarrasserait vraisemblablement davantage la fausse Reine Blanche que les autres. Il avait pris conscience depuis la dernière fois qu’il ne pouvait plus se fier à son physique fallacieux. Cela étant, les reflets avaient beau être irréprochables dans l’ensemble, le Monarque avait vite appris à la distinguer grâce à un rien. De plus, maintenant qu’il disposait de cet instrument, Eorane ne serait plus en mesure de le duper. Si elle souhaitait malgré tout narguer un maitre de la supercherie, elle s’en mordrait les doigts tôt ou tard. Soudain, il baissa les yeux dès lors qu'il entrevit un homme qui s’était adressé à lui. Il n’avait pas résolu ce que lui désirait ce dernier, mais il passa bien vite à autre chose quand il interpréta qu’il s’agissait de l’un des siens. En revanche, il n’avait clairement pas le niveau pour qu’il consente de lui accorder du temps. Une silhouette à la grâce divine allécha davantage sa considération que tous les pauvres d’esprits réunis. Il n’avait aucun doute quant à l’identité de cette femme, et ce pour l’avoir contacté à plusieurs reprises. Chaque fois qu’ils se recroisaient, la profondeur du fossé qui les séparait jadis s’amenuisait.

Il n’avait plus cette boule au ventre qui le retenait de faire un pas en se persuadant qu’il n’avait pas le droit de lui adresser la parole. Quoi qu’il en soit, le Démon traça sa route en négligeant tout le reste. Si les individus n’avaient pas assez de jugeote pour s’écarter sur son passage, il en aurait aplati une bonne vingtaine. Afin de se présenter avec une tenue plus adéquate, il vola le pagne de quelqu’un et le noua à sa taille. Il se plaça à côté d’elle après avoir isolé les indiscrets qui lui gravitaient autour.  « Je suis surpris de vous voir à un évènement si… primitif. Nos chemins ne cessent de se croiser. Je ne suis pas friand aux signes, mais celui-ci me plait. » Il l’étudia de la tête aux pieds. « C’est votre véritable apparence cette fois ? Ne m’en voulez pas si je venais à perdre la raison. » Mais avant de poursuivre son devoir de séduction avec la rousse au visage d’Ange, un sombre croquis de l’île maudite se confia au regard des rayons lunaires. Leur destination était enfin atteinte. Zane tourna le dos à la rambarde en attendant l’accostage. « M’accorderiez-vous l’honneur de tuer un peu de votre précieux temps avec moi ? Promis, je serais vilain. » Il éclata d’un rire, passant sous les yeux de la détentrice des mille visages en applaudissant dans ses mains pour arborer de sa bonne humeur. Suivant les participants qui traquaient eux-mêmes les mentors de ce festoiement, ils arrivèrent devant les nombreuses tentes qui se dispersaient sur la place centrale de l’île, là où tout le monde pouvait se reposer à son aise. Mais avant de passer au sommeil qui n’était pas près de l’accabler, diverses activités furent proposées aux joyeux festifs.

La majorité se décidait au hasard, hormis l’arène qui établissait des combats à mains nues. Toutefois, c’est bien la prédatrice qui accapara tout son intérêt. « Je suis curieux de savoir qui de nous deux a le plus de chances, mais avant ça, je reviens dans deux minutes. » Comme attendu de sa part, il se présenta à l’intérieur du cercle de combat en guettant son futur concurrent. Peu de personnes souhaitaient se confronter à lui, mais lorsqu’un courageux adversaire se trouva happé au pugilat contre son gré, le conflit prit fin plus vite qu’il n’avait commencé. Il lui avait suffi de tendre sa paume vers l’avant pour éjecter le malheureux en dehors de la piste, à l’autre bout du domaine. Sa promesse étant respectée, il revint vers Vanille avant la minute écoulée. Un Chaman lui avait peint un carré bleu sur la jambe gauche. Il comprit très vite l’intérêt de ces dernières. « La consommation d’herbe les rend inventifs… » Il contourna sa cavalière en promenant ses doigts dans le creux de son échine, exerçant une légère pression pour la faire avancer. « J'imagine que nous n’avons pas besoin de rentrer dans les usages de politesses pour faire semblant. Du coup, comment se passe le fervent soutien que vous accordez à Sympan ? Pensez-vous toujours qu’il vaut mieux être de son côté ? » Il leva la tête vers la lune. « C’est une douce lueur pour la trahison. » Il s’esclaffa une seconde fois, une main devant la bouche pour taire son hilarité. Ils tombèrent finalement sur le stand de Devaraj. « Yop yop, mon ami ! Je te présente ma nouvelle copine. Assez jolie, non ? Sympa ton jeu. » En prévoyant une réaction, il coinça une pipe entre ses lèvres.  

Résumé:

Une arène ? Voilà donc ce qui attendait Mwayer. L’homme qui arborait physiquement la trentaine d’années lui adressa une réponse courte et efficace. Elle n’était pas sèche, mais ne se rapprochait non plus de que Mwayer entendait par cordialité. Après tout, depuis qu’il était entré sur ce bateau, puis sur cette île, il s’était bien rendu compte que les conventions sociales étaient devenues…différentes voire inexistantes. Les gens ressentaient tous cette inhibition caractéristique aux fêtes à certains rituels qui comprenaient des substances hallucinogènes. Apparemment, les Chamans s’y connaissaient en la question. Ainsi, après la proposition de jouer aux cartes, ce qui devait constituer une autre des épreuves de l’île, Mwayer se contenta d’une réponse courte, aussi efficace que celle de celui qui était assis à côté de lui.

- Peut-être.

L’Alfar ne sortit pas longtemps après le démon. Il allait mieux. Il voyait autour de lui les gens prendre part à toutes sortes d’épreuves sans se formaliser des raisons. La foi pouvait faire de grandes choses. C’était par foi, et peut-être un peu par imbécilité, que Mwayer s’était jeté du haut de ce phare ; c’était par foi, et peut-être par colère de ne jamais voir les Dieux, que les gens se donnaient la mort dans l’arène joyeusement et c’était par foi qu’une guerre avait pris possession de l’entier des terres du Yin et du Yang.

Les déambulations du jeune homme l’emmenèrent dans l’Arène devant laquelle un Chaman, qui semblait plus jeune que ceux rencontrés auparavant, était en train de tirer des noms au hasard pour qu’ils s’affrontent dans l’arène. Après avoir attendu quelques minutes et assisté à plusieurs faibles qui grâciaient leur adversaire, il fut appelé face à un colosse. Il devait mesurer au moins deux mètres de haut, ses veines traçaient sur son corps nu des lignes dans lesquels on voyait le cœur palpiter. Ses mains étaient un peu plus grandes que la tête de Mwayer et chaque mouvement faisait se contracter ostensiblement les muscles de son corps. Ça allait être parfait.

Au moment où le départ fut donné, Mwayer fit apparaître sans bouger les mains, deux lianes qui lui enserrèrent les pieds au sol avant de disparaître. Le colosse tomba de tout son soul faisant au passage se retourner quelques personnes qui passaient par là. Avant que ce dernier ne comprenne ce qui lui arrivait, Mwayer lui monta sur le dos et prit ses cheveux attaché en une queue de cheval et lui tira le tête le plus fort possible, pendant plusieurs secondes. Le géant était en train d’étouffer et à la seconde après que l’arbitre ait annoncé la victoire de l’Alfar, on entendit un craquement sec. La nuque venait de céder.

- Ah enfin. Je suis claqué à cause de ça moi…

Le Chaman le félicita. D’autres emmenèrent le corps du perdant au bûcher et on peint sur la jambe gauche de Mwayer un carré bleu. Celui-ci se rappela que l’homme qui s’était fait battre dans l’arène avait un carré d’une autre couleur sur la même jambe. Il ne comprenait pas bien l’intérêt de ces peintures, mais cela avait l’air d’être très important aux yeux des Chamans étant donné que l’entier de l’île se retrouvait avec de plus en plus de symboles et que tous étaient faits avec attention.

L’Alfar aux cheveux blonds se décida donc, sur l’invitation de l’homme de tout à l’heure à aller vers ce jeu de cartes étrange. En l’attendant, il tenta de comprendre les règles, mais il n’arriva pas à en saisir la moindre. Parfois, aléatoirement, lorsque quelqu’un posait une carte, il se retrouvait avec une main tranchée ou alors des déflagrations arrivaient sur son visage. Il fallait jouer précautionneusement, mais cela était très intéressant.

Il vit au loin arriver l’homme qui lui avait proposé une partie et s’assit dans un des deux sièges en bois. Il sourit et lui indiqua l’autre une fois qu’il fut assis :

- Laissons le hasard décider, apparemment !

Il prit les cartes qu’on venait de lui distribuer et les regarda attentivement. La prtie pouvait commencer.

Résumé post 2: