Raphaël était couché sur un toit, les bras croisés derrière la tête. Il regardait le ciel s’éclaircir petit à petit avec le lever du soleil. Il avait l’esprit très occupé ces derniers temps. Il pensait encore à ce qu’il avait vécu sur le continent du matin calme. Il avait assisté à sa destruction, sans pouvoir rien faire. Mais, ce qui l’avait le plus marqué, et choqué, était la vision des deux Aetheri qu’il avait eu. Les deux allaient trop vite pour qu’il puisse les voir se battre, mais il avait parfaitement compris que les dégâts infligés au continent étaient leur faute. La puissance qu’ils avaient dégagée, avait paralysé de terreur le jeune homme. Il n’avait pourtant pas peur de grand-chose habituellement, trop habitué au danger pour ça. Et, juste après ça, voilà qu’il avait été envoyé en mission dans le passé pour sauver le présent. A cause des Aetheri, infidèle à Sympan. Durant sa mission, il avait repoussé un maximum les pensées qui auraient pu le faire échouer. C’est d’ailleurs à ça qu’il pensait. S’il avait échoué à arrêter Claire, le monde aurait été détruit à l’époque de l’ère de la renaissance du Dieu roi. Raphaël se demandait toujours ce qui était passé par la tête des Aetheri pour avoir fait ça. Changer certains moment du passé était possible, il s’en doutait, mais pas des évènements aussi important que le sacrifice de Suris. Enfin, l’Elémental avait enfin compris l’ampleur des responsabilités qui pesaient sur ses épaules, même en tant que simple apprenti Maître du temps. Des responsabilités terribles, et beaucoup plus lourdes à porter que ce que les gens pouvaient imaginer.

L’Elémental se redressa, se frottant énergétiquement les cheveux, essayant de chasser ses mauvaises idées. Il devait absolument arrêté de penser à tout ça. Il devait faire comme d’habitude. Classer l’information, puis passer à autre chose. Voilà, il devait faire ça. Ou au moins faire autre chose pour se changer les idées. Oui, voilà, il devait se changer les idées. Il avait déjà demandé une place pour embarquer sur un bateau, et payer une partie de la traversée. Il avait également prévenu le capitaine, qu’il pourrait partir sans lui, et qu’il les rejoindrait en route. L’homme l’avait regardé, surpris par ses paroles, mais, comme il avait eu une partie de son argent, il se fichait pas mal de savoir si Raphaël serait à bord ou pas. En réalité, l’Elémental pouvait quasiment se téléporté d’un continent à un autre, mais il voulait prendre un peu de temps pour lui, pour réfléchir. Et passer du temps en mer, entouré de l’océan ne pourrait pas lui faire du mal. Se remettant debout, il attrapa son bâton, ainsi que son sac, qu’il mit sur son épaule. Il n’avait pas grand-chose à l’intérieur. Quelques vêtements, des vivres, et une petite bourse avec un peu d’argent à l’intérieur, juste assez pour lui payer la nuit dans une auberge, et un, voire deux, repas. Il y avait également un carnet, où il dessinait, et notait tout ce qu’il apprenait à propos des créatures qu’il rencontrait. C’était son occupation en tant que spécialiste des Corvus. Et, grâce à la mémorisation absolue, il pouvait prendre tout son temps pour écrire à l’intérieur.

Raphaël utilisa sa vision du présent, et visualisa l’intérieur du bateau qu’il commençait à naviguer, un peu plus loin des côtes. Il se téléporta à l’intérieur de la cale. Etrangement, il eut l’impression qu’elle était beaucoup trop grande par rapport à ce qu’il avait pu voir de l’extérieur. Mettant ce détail de côté, Raphaël observa un peu l’intérieur, visitant rapidement les lieux. Il ne croisa pour le moment personne,  l’équipage sûrement trop occupé à s’occuper du bateau. Le jeune homme avait le pas un peu incertain à cause du tangage dont il n’avait pas l’habitude. Mais, comme toujours, il s’y ferait rapidement en apprenant en regardant les marins faire. C’était un avantage chez lui, en particulier depuis qu’il n’avait plus l’effet secondaire de son pouvoir. Au final, l’Elémental remonta vers le pont du navire. Evidemment, il s’était téléporté tout au fond de la cale. Mais depuis quand ce navire était aussi grand ? Il y avait vraiment quelque chose qui clochait. Raphaël finit par arriver à l’air libre. Il posa le pied sur les planches, se mettant debout. Aussitôt qu’il vit le navire de l’extérieur, il comprit. « Et mer*e, je me suis encore planté ». Se dit-il en se donnant un léger coup sur le front avec la paume de sa main. « Et j’ai atterri où d’ailleurs ? ». Se questionna-t-il en rabaissant sa main, regardant tout autour de lui. Il voyait les gens s’activer, et ces derniers n’allaient pas tarder à le remarquer, donc autant se lancer en premier. Sans attendre, il interpela quelqu’un non loin. « Eh salut ! Question bizarre, mais je suis où ? Enfin, je veux dire sur quel bateau, parce que je suis au courant qu’on est en mer ». Il espérait au moins être tombé sur des gens intéressants. Raphaël se fichait pas mal de savoir le sort qu’ils pouvaient lui réservé. Il avait toujours le moyen de s’en sortir facilement, et le balancer dans la mer ne le tuerait pas.

Pendant quelques secondes, l’homme qu’avait interpellé Raphaël le regarda, surpris. Pas étonnant, vue comment il venait de débarquer de nulle part, puis les questions ne tardèrent pas à arriver, sans répondre à la sienne. Il voulut répondre, mais soudain, l’homme passa derrière lui, et se mit à le pousser. Raphaël trébucha, manquant de s’étaler au sol. « C’est bon, doucement ». Il suivit le mouvement, et finit par s’arrêter devant un homme, nullement inquiété par le comportement. Au contraire, il préférait regarder tout autour de lui, s’amusant à observer chaque personne, et chaque chose. Il ne manqua pas de voir une jeune femme rousse éclaté de rire devant la scène entre eux. L’Elémental sourit. Au moins tout le monde ne semblait pas être des rustres, et celle-ci semblait avoir une certaine joie de vivre agréable. Cette journée allait peut-être mieux se dérouler qu’il ne le pensait. Avec un peu de chance il ne s’ennuierait pas trop. Mais il n’eut pas le temps de s’attarder plus sur elle qui se retrouva devant un homme, et, à la manière dont on lui parlait, il devait être le capitaine. Ne s’occupant pas de la conversation, il tourna la tête, pour essayer de déterminer quelle distance ils avaient parcouru depuis le départ des côtes. Son esprit vogua le long de la mer, jusqu’aux côtes. Cela ne semblait pas faire si longtemps apparemment.

Se sentant observé, le jeune homme tourna la tête vers le capitaine. Il leva la main pour parler. « Je peux vous… ». Mais il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que les hommes le coupèrent, discutant l’un avec l’autre sans essayer de l’écouter. Soupirant, et levant les yeux au ciel, il croisa les bras, attendant de pouvoir en placer une. En attendant, il essaya de déterminer sur quel genre de bateau il avait atterri. Vu leur attitude, ça ne semblait pas être un navire marchand, peut-être que c’était… Non, il n’avait quand même pas eu cette chance dans sa maladresse ? Nullement impressionné par le regard des deux hommes qui le fixait de manière glacial, Raphaël restait droit, les regardant tous deux dans les yeux. Il ne se laissait pas facilement impressionné, et il était trop pressé de savoir s’il était tombé sur un navire de pirate pour se laisser démonter par leur regard. Et soudain, la jeune rousse vint se placer entre eux. Raphaël l’observa d’un peu plus près. Il reconnut les signes d’une Orisha. Elle s’inclina devant lui, moqueuse, et se mit à lui présenter le bateau, et enfin lui confirmer les conclusions qu’il avait fait tout seul. Il retint difficilement un sourire de curiosité et d’excitation, ainsi que de sautiller sur place. Voilà qu’il devenait de plus en plus curieux, et ça n’allait pas être une partie de plaisir pour les pirates.

Puis, il n’y tint plus. « Sérieux, vous êtes des pirates ? Mais c’est génial ! C’est bien la première fois que je vois des pirates. Dites, quand vous dites « passer par la planche » c’est genre vraiment le supplice de la planche où on doit sauter par-dessus bord, et mourir noyé ? Ca fait un peu cliché sérieux, et pas toujours efficace ». Aucune peur ne se faisait entendre dans la voix, ni voir dans le regard de Raphaël, parce qu’il ne ressentait pas cette émotion en ce moment. D’une parce qu’il était beaucoup trop curieux, de deux parce que tenter de le noyer ne marcherait pas. Il était un Elémental de l’eau, s’était une idée ridicule de penser qu’il boirait la tasse. « Et c’est quoi le genre de trucs que vous cherchez ? Des trésors qui brillent, ou plus le savoir, ouai on sait jamais, tout le monde n’ait pas pareil ? Ou juste l’aventure et la liberté, peut-être. Avec le nom du bateau, ça ne serait pas étonnant. Ah,  au fait pas besoin d’engueuler l’un de tes pirates, aucun aurait pu me voir, je suis monté en me téléportant directement dans la cale. A la base, je pensais que c’était un autre bateau, un marchand je crois, mais je me suis planté. Ca devient une habitude en ce moment ». L’Elémental parlait à un débit rapide, passant d’un sujet à un autre, prenant à peine le temps de respirer. S’il avait pu, il aurait commencé à marcher dans tous les sens, sauf que les pirates autour de lui l’en empêchait, alors il bougeait simplement les mains dans tous les sens. Il sentit également l’humidité arrivée, et de l’eau non loin, dans le ciel. « Faut faire gaffe, il y a une tempête qui arrive. Enfin, je suppose vu le changement de pression, et le taux d’humidité pas loin »

Sans grand étonnement, le comportement de Raphaël en déstabilisa plus d’un, et eut au moins pour effet d’amuser la jeune femme qui éclata de rire. Quant à la réaction du capitaine qui manqua de s’étouffer, il eut du mal à savoir si c’était parce qu’il étouffait un rire, ou de l’indignation. Il remarquait parfaitement l’état de nervosité de l’équipage, mais il était trop occupé par ses questions pour y faire attention. De toute façon, il essayait trop de profiter de la vie pour se laisser impressionner par une bande de pirates. Inconscient ? Oui, peut-être qu’il l’était, à moitié seulement. Il avait repéré chaque endroit où se trouvaient les marins, et chaque endroit où il pourrait se sortir. Enfin, avec ses pouvoirs, il n’avait pas vraiment de problèmes à avoir. Il lui suffisait de se téléporter pour être en sureté. Prendre la fuite ne lui posait aucun problème, surtout lorsque c’était dans ce genre de situation. S’il y avait quelque chose en jeu, là par contre il resterait pour se battre. Par exemple, s’ils lui prenaient la seule chose à laquelle il tenait : sa chevalière. C’était le seul objet pour lequel il se battrait. Après tout, elle contenait ses pouvoirs de Maître du temps.

Le capitaine finit par se reprendre, et lui rétorquer quelques phrases qui amusaient l’Elémental. Oui, c’était une bonne façon d’éjecter les gens, mais il suffisait de tomber sur un Ondin mal luné pour que les monstres marins se retournent contre eux. Ou encore, un type contrôlant l’eau, assez fort pour couler un navire. Une autre chose fut qu’il n’était absolument pas vexé par la façon dont il l’avait appelé. « Petit ». Beaucoup auraient pris ça pour une insulte, mais lui n’en avait rien à faire. Déjà il était plutôt petit pour un homme, en plus il était jeune, bien qu’il ait vu énormément de choses. Sûrement plus que ne pouvait l’imaginer les pirates. Et, pour finir, il se comportait comme un gosse de six ou sept ans. Tout ça n’arrangeait pas son cas. Mais bon, avec le peu de fierté qu’il avait, il n’allait pas se vexer pour un truc aussi idiot que l’appeler petit. Et, pendant ce temps, la joute verbale entre les deux Orishas se poursuivait. Raphaël trouvait cette jeune femme de plus en plus amusante. Son impétuosité, et sa joie de vivre était particulièrement agréable à voir, lui qui, malgré les apparences, déprimaient en ce moment.

Le capitaine échangea quelques instants avec un autre de ses gars, qui semblaient également avoir remarqué la dépression. Puis il se rapprocha de Raphaël, qui fut obligé de lever la tête pour le regarder dans les yeux. Amuser, Raphaël porta sa main à sa tête, dans un léger salut moqueur. Il était censé être prisonnier, et il faisait le malin. Heureusement qu’il était à moitié dingue, sinon il serait partit en courant en espérant, inutilement, qu’il pourrait trouver un endroit où se planquer. La jeune Orisha, Lilith, sembla mécontente de l’ordre de son capitaine, ce que Raphaël ne lui tint pas rigueur. S’occuper d’un prisonnier était bien souvent ennuyeux, surtout en pleine mer. Il ne pouvait pas tenter de s’échapper, et saboter le navire ne servirait pas à grand-chose. Pour le moment, il était plus en sureté en essayant, plus ou moins, de suivre les ordres, et de ne pas faire trop de bêtises. Oui, c’était un bien grand mot pour lui, qui s’attirait toujours des ennuis sans même les chercher. Un talent, si on pouvait appeler ça un talent, qui lui plaisait assez.

« Moi c’est Raphaël, ou Raph si tu préfères plus court ». Lui répondit-il en souriant. Sourire qui s’agrandit lorsqu’elle lui proposa de monter avec elle dans la vigie. Sérieusement ? Bon, le capitaine ne l’avait pas interdit, juste qu’il ne devait rien faire d’idiot. Monter en haut d’un mât c’était pas faire l’idiot. Juste le dingue parce qu’il n’avait jamais essayé, et qu’il n’était pas habitué. « Mieux vaut tard que jamais ». Dit-il. Il suivit la jeune femme, qui commença à monter avant lui. Il la suivit, ses gestes d’abord hésitant, maladroit. Il manqua de glisser plusieurs fois, et, plutôt que d’en avoir peur, il rit de cette situation. Au final, il calqua ses mouvements sur celle de la jeune femme, et fut bientôt aussi agile qu’elle. Il ne tarda pas à poser le pied sur la vigie. Le vent soufflait fort aussi haut, et, avec sa folle façon d’agir, il risquait de finir par terre, et pourtant, il admirait la vue. L’océan, son élément, à perte de vue. Il prit une profonde inspiration, fermant les yeux, profitant de l’air marin qui rejetait ses cheveux en arrière. Il éclata de rire en se tournant vers Lilith. « Je me demande bien pourquoi j’ai pas fait ça plus tôt. Au fait, tu pourrais m’apprendre deux, trois trucs, avant que la tempête nous tombe dessus ? Histoire que je finisse pas par terre. T’inquiète, j’apprends vite ». Elle semblait être plus conciliante dans le fait de lui donner quelques leçons, par rapport aux autres en tout cas, même si elle allait sûrement lui sortir quelques remarques cynique. Il avait déjà commencé à essayer de la cerner.

Lui, le vertige ? La bonne blague. « J’ai pas le vertige, mais disons que le vent et moi, on est pas de grands amis ». Lança-t-il à Lilith. Elle n’allait peut-être pas comprendre ce qu’il racontait, même le prendre pour un fou, car, dans ses paroles, il semblait considérer que les éléments étaient vivants. C’était plus ou moins le cas lorsque l’on était un Elémental, lié à un élément. Et, dans son cas, l’eau se sentait mal à l’aise avec autant de vent, même si les bourrasques pouvaient donner une grande puissance à l’océan. Et, en haut de se mât, il laissait son corps suivre les mouvements de houles du bateau, sentant chaque mouvement de la mer à plus de trente mètres en bas, cela lui donnait une certaine résistance face aux rafales. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour s’adapter à garder son équilibre sur quelque chose avec autant de mouvements, et de choses à prévoir. En plus de cette rapide adaptation, il eut droit à un cours rapide de la part de la rouquine. Il observa chaque chose qu’elle lui montrait, retenant ses explications sans problème malgré le bruit du vent hurlant dans leurs oreilles.

Le jeune homme se tourna vers elle en souriant. « Eh bien, c’est pas si compliqué que ça a retenir, alors utilise les bons termes, je finirais moins stupide. Quoique… ». Il se moquait sans scrupule de lui-même, se fichant de s’enfoncer encore plus que le faisait le jeune femme. « Quand a crevé, je crois que je n’ai pas trop de soucis à me faire, l’océan me fera pas de mal ». Encore une fois il considérait plus ou moins l’océan comme une entité. Mais c’est vrai que de tous, le seul risque qu’il avait c’était de tomber et s’écraser sur le pont du navire, et, avec son pouvoir de téléportation, ou, puisqu’il serait trempé, avec sa fusion élémentaire, il ne risquait pas grand-chose.  Il suivit l’Orisha lorsqu’elle s’aventura sur les marches pieds. Au départ, son pas se fit difficile, mais il prit rapidement l’habitude, et s’adapta à nouveau au nouvel effort. Il calqua ses mouvements sur Lilith afin de remonter les voiles. Exercice compliqué avec le vent soufflant si fort qu’il semblait vouloir les jeter à bas du navire. L’Elémental leva la tête un instant, et se stoppa dans son geste lorsqu’il vit ce qu’ils allaient devoir affronter. Il commençait à entrer dans un vortex, et, vu la puissance de ce dernier, le bateau aurait du mal à se remettre d’un tel assaut. Ils devaient se sortir de là, mais comment ? Pendant cet instant d’inattention, une vague plus haute frappa le navire, le faisant tanguer un peu plus fort, et fit perdre l’équilibre à Raphaël, qui tomba vers l’arrière. Il réussit à faire glisser ses pieds pour ne pas être projeter trop loin, et, en tendant les mains, réussit à attraper le marchepied. Il fut balancé en tous sens, ce qui l’empêchait de remonter. En suivant les balancements, il réussit à projeter son buste sur la corde épaisse, lui coupant le souffle. Sans attendre de se remettre, il se remit debout, s’accrochant un peu mieux.

Raphaël regarda le cyclone pendant quelques secondes, puis se précipita vers Lilith. Il attrapa le bras de la jeune femme pour qu’elle se tourne vers lui, et cria pour que sa voix porte au-dessus de vent. « On va descendre, préviens le maître de bord, je m’occupe de vous faire gagner du temps ! ». Sans attendre sa répondre, il se téléporta avec la jeune femme en bas. Il la lâcha et se précipita vers la proue, manquant plusieurs fois de tomber à cause de la houle puissante. Il se retrouva tout à l’avant du navire, les jambes écartés pour garder l’équilibre, et il tendit les mains vers l’océan, se concentrant. « Bon, espérons que j’arrive à te calmer un peu ». Lança-t-il, s’adressant plus ou moins au typhon. Suivant son instinct, personne ne lui ayant jamais rien appris sur la façon de contrôler ses pouvoirs, il commença à faire des gestes lent et posés avec bras, comme pour calmer l’océan. Il ne pourrait pas totalement tranquilliser le typhon, mais, avec un peu de chance, il serait assez puissant pour que le navire puisse traverser le vortex. Son pouvoir prit petit à petit possession de l’eau, calmant le tourbillon pour qu’il ralentisse. Le puissant lien entre l’océan et lui se répercutant sur son propre corps. Sa peau devint un peu plus translucide, ses veines ressortant étrangement, et ses cheveux prirent des teintes bleues. Lutter contre la force de l’océan, et essayer de garder son équilibre lui demandait toute sa concentration.

Raphaël n’était pas capable d’arrêter le typhon, il n’en était pas assez fort. D’autres personnes que lui aurait peut-être eues la force, lui pouvait seulement le calmer. Mais au moins, en le ralentissant, il donnerait peut-être une chance aux pirates de pouvoir reprendre le contrôle du navire, libérant la barre, et leur permettre de sortir de ce piège. Malgré la tempête, et le vent, il n’avait pas peur, et, pour le moment, ne ressentait même plus l’adrénaline, contrairement à ce qu’il adorait. Il était dans une sorte de transe, sentant la colère de l’océan, et essayant de la calmer avec son propre calme. Malgré son état, il entendait, de manière lointaine, comme dans un rêve, les craquements inquiétant de la coque, au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient, peut-être même du mât prit dans le vent, et il devinait, malgré son inexpérience, que ça n’était pas une bonne nouvelle. Accentuant son contrôle, il réussit, petit à petit, à ralentir la vitesse du vortex. Gardant son contrôle sur l’océan, il ne le laissa pas reprendre sa puissance. Un roulement plus fort du navire, déconcentra l’Elémental, qui manqua de passer par-dessus bord. Il fut obligé de relâcher sa prise sur l’eau, et d’attraper la rambarde, se retenant du mieux qu’il pouvait. Reprenant rapidement son équilibre, il tendit à nouveau les mains, et fit en sorte de continuer son œuvre.

Trop concentré sur sa tâche, ses sens atténués à cause de celle-ci, il remarqua à peine que le vent avait cessé de souffler, et que la mer était beaucoup plus calme. Ce fut à ce moment qu’il entendit la voix de Lilith derrière lui. Il sursauta légèrement, et reprit conscience de ce qui l’entourait. Il observa  l’océan, et baissa les bras en constatant qu’il n’avait plus besoin de contrôler l’eau, et qu’il n’avait plus besoin de faire des efforts. Pour le moment. Petit à petit, sa peau reprit des couleurs, faisant disparaitre ses veines, et ses mèches reprirent leurs habituelles couleurs sombres. Il s’accouda à la rambarde, la tête baissé, ses cheveux trempés plaqués sur son front, tombant sur ses yeux. Son soufflé était court, et il avait l’impression que le monde entier tournoyait en tous sens, et ce n’était sûrement pas à cause des roulis du navire. Il finit par réussir à trouver la force de répondre à l’Orisha. « J’ai ralentit le typhon, pour le reste, on le doit au maitre de bord ». Il passa une main dans ses cheveux, dressant ses mèches sur son crâne de manière désordonné, et quelque peu ridicule. Il se retourna, et se laissa tomber assis, le dos contre la rambarde. Il leva un doigt, en souriant faiblement à cause de la fatigue. « Par contre, faut pas compter sur moi pour le faire une deuxième fois ». Il laissa tomber sa tête en arrière en soupirant, fermant les yeux, ne s’attardant pas plus sur ce qu’il venait de faire. Il profita du fait d’être trempé pour commencer à se régénérer. Il avait pouvoir contrôlé l’eau, et avoir une certaine puissance, ce genre d’effort était épuisant.

Le jeune homme rouvrit les yeux, et les tourna vers Lilith. « Bon, c’est quoi la suite ? Je suppose qu’on ait pas encore sortit de la tempête je suppose ». Il se remit debout, s’aidant de la rambarde derrière lui. Il avait déjà commencé à reprendre des forces, ses cheveux toujours dressés en bataille. Il était particulièrement surpris par la calme qui régnait ici. Il n’avait pas vécu énormément de tempête en pleine mer, et était rarement passé par l’œil, mais tout de même. Il se tourna vers l’océan, regardant au loin. « C’est toujours aussi calme dans l’œil de la tempête ? ». Puis, un peu plus loin, il aperçut quelque chose. Plissant les yeux, il vit un bateau. « On est pas tout seul je crois ». Dit-il, et, sans attendre, il se mit à courir le long du bord, suivant la rambarde, et termina à bâbord. Il faussait encore compagnie à Lilith. Il espérait quand même que, malgré son comportement, il ne lui attirerait pas trop de problèmes. Mais, lui et son habituel bougeotte et curiosité, ne pouvait pas rester en place. Par contre, il risquait d’avoir pas mal de problèmes s’il tirait trop sur la patience de Rack, cette dernière ne semblait pas très développée d’ailleurs. Il monta sur le parapet, se mettant debout, s’accrochant à l’un des cordages pour éviter de tomber, se penchant vers l’avant. Il observa le navire non loin d’eux qui se rapprochait. « Comment est-ce qu’il fait pour flotter ? ». Se demanda-t-il à voix haute lorsqu’il vit l’état de l’épave. Sa coque était tellement trouée, que s’était étonnant que le poids de l’eau ne l’ait pas déjà coulé.

Lilith semblait aussi surprise que lui lorsque Raphaël lui avait demandé pour le calme, mais aussi par la puissance de la tempête. Il est vrai que les éléments étaient d’une force incontestés, mais les voir se déchainés ainsi n’avait rien de commun en soi. Etait-ce de la magie qui avait formé cette tempête ? Peut-être. Provoqué par quelqu’un ? Si oui, à quoi cela lui aurait-il servi ? Beaucoup de questions qui, au final, resteraient sans réponse. L’Elémental n’aimait pas ce genre de choses. Se questionner, mais ne pas pouvoir y répondre. Un vrai casse-tête. Cela venait sûrement de l’époque où il était amnésique. Il se posait toujours énormément de questions sur son passé, bien qu’il ne voulait pas se l’avouer. Et, les rares fois où il en avait découvert un peu, des centaines naissaient à nouveau, pourtant, aucune ne trouvait jamais de réponses. Maintenant, il les avait toutes, et il n’était pas sûr d’aimer les avoir eu. C’était une réaction très paradoxale, mais cela semblait arriver souvent chez les anciens amnésiques. Enfin, avec la vie qu’il avait eu, il avait de quoi culpabilisé. Lui qui se disait non-violent, préférant assommer les gens qui l’attaquaient plutôt que de les tuer, et de laisser tomber lorsqu’on l’insultait.


Les deux jeunes gens virent l’épave plus ou moins au même moment, et était tout deux aussi surpris l’un que l’autre. Bon, au moins ça le rassurait, ce n’était pas son inexpérience qui faisait qu’il était surpris. Ce bâteau aurait dû couler, et non flotter tranquillement sur l’eau. Il semblait même faire exprès de se diriger vers le Libertad, comme s’il cherchait à les attirer à son bord. Une invitation que l’Elémental ne risquait pas de refuser. Il avait la nette impression qu’un mystère était lié à ce navire, et qu’il allait pouvoir monter à son bord facilement. Enfin, il l’espérait. Qui sait, il y avait peut-être une barrière magique qui l’entourait et bloquait son accès. Mais, étrangement, il en doutait. Peut-être il y avait une barrière, mais sûrement pas pour empêcher les entrées. Par contre, les sorties, ce n’était pas la même chose. Et, trop prit par sa soif d’aventure, il se prépara à sauter dans l’eau, prêt à abandonner cet équipage pour nager vers le bateau, mais soudain, il sentit qu’on lui attrapait le bras, le tirant vers l’arrière. Il manqua de s’étaler au sol, mais eu le réflexe de se laisser glisser, et d’atterrir sur ses pieds. Il soupira, puis tourna la tête vers Lilith, responsable de sa chute. Lorsqu’elle entendit sa question, un sourire illumina le visage de Raphaël. « Si tu me prends par les sentiments, je vais pas refuser une demande pareille ». Lui dit-il.

Le jeune homme tourna la tête vers les deux hommes en train de se chercher, tourna à nouveau les yeux en cherchant autre chose, puis revint sur Lilith. « Par contre, par sûr qu’ils ne finissent pas par s’apercevoir de ton absence ». La sienne, ils s’en ficheraient sûrement. Enfin, ils le chercheraient peut-être pour voir si l’Elémental ne faisait pas des siennes, et tentaient de s’aborder le navire. Sans attendre, il posa une main sur l’épaule de la jeune femme, et les téléporta tous deux. Ils réapparurent la seconde d’après sur l’épave. « Deux secondes, je reviens ». A nouveau il se téléporta, cette fois-ci près de ses affaires que quelqu’un avait jetées dans un coin, et qui était sans surveillance. Il attrapa son bâton, puis repartit, réapparaissant prêt de la jeune femme. « C’est bon, on visite ce génial bateau hanté ? ». Lança-t-il en souriant, ne s’inquiétant pas de ce qu’ils pourraient trouver. Au contraire, il était même pressé de découvrir le danger qui les attendait. Et ça ne se fit pas attendre. Aussitôt qu’il fut revenu, le bateau se mit soudainement à bouger, ce qui fit perdre l’équilibre à Raphaël qui se rattrapa en quelques pas. L’Elémental se précipita alors jusqu’au bord du navire, et se pencha. L’eau semblait soudain remonter. Il se retourna vers Lilith. « On s’enfonce dans l’eau ». Il n’avait rien à craindre, mais elle… Il voulut avancer vers elle pour la téléporter à nouveau en sécurité, mais le navire accéléra sa plongée, comme s’il avait senti les intentions de Raphaël. Rapidement, le pont fut submergé, et ils se retrouvèrent la tête sous l’eau. Raphaël ne remarqua pas tout de suite qu’il ne se mettait pas à flotter. Et le bateau continuait de s’enfoncer, le mât disparaissant bientôt de la surface. L’Elémental réussit enfin à atteindre l’Orisha, inquiet qu’elle s’étouffe, et sur le point de la téléporté.

« Quoi, tu pensais que j’allais te lâcher ? ». Lui répondit-il un sourire malicieux éclairant son visage. « Non ! Pas alors qu’une aventure nous attend ». Et c’était une simple vérité. Raphaël n’était pas du genre à s’enfuir face au danger. Bien au contraire, il fonçait dedans tête baissée. Cela lui donnait la réelle impression d’être vivant. Il était un de ces drogués à l’adrénaline qui vivaient dans ce monde. Il ne s’imaginait pas vivre sans elle, et encore moins rester tranquillement dans une maison avec un boulot comme un bon pourcentage de la population. La façon dont il pensait de l’adrénaline, il avait parfois l’impression qu’il la voyait comme sa compagne. Un comme lorsqu’il évoquait son rapport avec l’eau. Sauf que l’une et l’autre n’était pas de véritables personnes. Cette façon de penser était réellement ridicule, peut-être allait-il devoir sérieusement penser à arrêter d’être aussi bizarre. Quoique non… Ca c’était  improbable. Il est totalement irrécupérable.

Le jeune homme regarda Lilith, leur visage exprimant à tous deux leur surprise. Et tous deux sur le même sujet. Lui il pouvait respirer dans l’eau, ce n’était pas le problème, mais pas elle… Enfin, vu sa tête, ce n’était pas normale qu’elle aille aussi bien. De plus, elle pouvait parler également. Raphaël regarda autour d’eux, et répondit. « Ouai, t’as raison, c’est étrange. On aurait eu une invitation que ça aurait à peine était surprenant ». Répondit-il. C’est vrai que ce bateau semblait leur tendre les bras en apparaissant de manière aussi mystérieuse. S’ils n’avaient pas eu ce goût pour l’aventure, ils ne seraient pas montés, mais c’était peut-être fait exprès. Il aurait pu ne pas se montrer face à d’autres voyageurs. Enfin, cela restait à voir, ainsi que l’endroit où ils se dirigeaient. Et, tandis que l’Orisha admirait le paysage, Raphaël préférait faire quelques tests. Il se mit à sautiller sur place. « Bizarre, on dirait que la gravité est toujours la même ici ». Il leva la tête vers Lilith. « Et on dirait que tu n’es pas affecté par la pression de l’eau». Et pourtant, vue la vitesse à laquelle ils s’enfonçaient, elle aurait dû être écrasé par le poids terrible de l’eau.

L’Elémental entendit l’angoisse dans la voix de sa compagne de route, et il pencha la tête sur le côté, ne comprenant pas pourquoi. Puis une idée le traversa. Cela devait être stressant de se retrouver sous l’eau pour elle, contrairement à lui qui l’avait déjà fait, et n’avait aucun risque, même si le sort qui permettait à Lilith de vivre se désactivait. D’ailleurs, Raphaël ne pourrait sûrement pas intervenir si cela se déroulait de cette manière. Elle serait écrasée par la pression avant qu’il ne puisse la téléporté sur le Libertad. Mais elle sembla oublier cette angoisse pendant un instant lorsqu’elle vit les animaux marins, et la beauté du spectacle qui s’offrait à eux. L’Elémental se posta à côté d’elle, le nez en l’air. Il était beaucoup moins surpris, et ébahit. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait ça, et, comme il se désintéressait vite des choses, il avait fini par ne plus être impressionné par ce qu’il voyait actuellement. C’était triste cette vision des choses, et c’était un souci dont Raphaël ne se rendait pas compte. « Ouai, c’est sympa. Même si on croise pas mal de monstres dans les océans »

Raphaël baissa à nouveau la tête lorsqu’il entendit Lilith. Il se rapprocha de la proue du navire, et se pencha au-dessus de la rambarde, pour pouvoir voir l’endroit où semblait se diriger le bateau. « Je reviens, je vais voir ça de plus près !». S’exclama-t-il, sachant que leur transport mettrait plusieurs dizaines de minutes avant d’atteindre ce qu’ils voyaient. Puis, sans attendre, il sauta en dehors du champ de protection, et se mit à nager, se servant de l’eau comme d’un propulseur. Raphaël ne mit pas longtemps à arriver au niveau des colonnes. Une longue allée de tours bordait ce qui aurait pu être un chemin à la surface. Au bout de ce chemin se trouvait un temple magnifique et gigantesque, même Nathaniel aurait pu entrer. Des colonnes étaient disposées tout autour, soutenant le toit. Raphaël voulut s’y précipiter, mais il s’arrêta juste à temps, se disant que cela risquait d’être dangereux. Ce n’est pas ça qui allait l’arrêter, mais il se souvint du navire, et de l’Orisha. A deux, ils avaient plus de chance de sortir d’ici, vu qu’il semblerait qu’on les ait attirés ici. L’Elémental fit demi-tour, et revint sur le pont. Il s’approcha de l’Orisha. « On se dirige vers un temple, assez grand. Il risque d’y avoir de l’action, ça m’étonnerait que quelqu’un ait fait tout ça juste pour nous dire bonjour ». Lui dit-il, mais, plutôt que de dire ça de manière sombre, il avait un grand sourire sur le visage, se retenant de sautiller sur place, pressé de voir ce que lui réservait cette aventure. Et son excitation augmenta lorsque le bateau toucha le fond, sa quille frottant contre le sol. Raphaël fut projeter à terre à cause du choc, mais se remit très vite debout, l'envie de sauter le démangeant.