Malgré tous les efforts qu’il avait consenti à fournir… non, qu’ils avaient fournis, la mission sauvetage se soldait par un amer revers. Ils étaient quatre, quatre bons soldats qui étaient parvenus à franchir les défenses ennemies avec brio, bravant tous les adversaires sur leurs passages comme de véritables héros. Malgré toute cette volonté inflexible, cela n’avait pas suffi. Riyo était probablement le plus désappointé de la troupe, sans doute car il avait pris cet objectif plus à cœur que les autres. Sa bonté étant sur le même plan que sa droiture, il n’en était pas pour autant aussi naïf qu’un enfant. Il savait depuis le début que les facteurs mis en place ne lui permettraient pas d’accéder à deux cents pour cents à la requête de cette femme. S’il avait voulu secourir ce père de famille, c’était avant tout pour se prouver à lui-même qu’il était capable d’aller au-delà des limites qu’on lui avait imposées à la naissance. Privé de magie dans un monde où elle ne cessait de croitre demeurait un véritable handicap pour les Humains. Souvent considéré à tort comme faisant partie de la race la plus chétive à cause de ce manque intransigeant, il s’était toujours débrouillé indépendamment que par l’utilisation de ces sorts aussi destructeurs que bienfaisants. Lui, il avait comme unique faculté de pouvoir brider le privilège des autres. La question est : aurait-il réussi à le sauver à temps s’il avait été comme Arwen, son amie ainsi que Modor ? Peut-être que oui. Peut-être que non. À ce stade, il ne s’agirait que de spéculer sur le mauvais problème. Le fait est qu’il avait échoué pour la simple et bonne raison qu’il n’était pas prêt à marcher seul pour subvenir à ses besoins.

À l’image de son accompagnateur, il devait continuer de progresser pour ne plus jamais avoir pour frustration de ne pas trouver réponse à ces questions. Toutefois, s’il y a bien une chose qu’il pouvait encore faire, par respect pour sa non-promesse, c’était d’entraîner le corps à l’extérieur afin de l’enterrer comme il se doit. Il devait le faire. Il ne savait pas pourquoi, mais il le devait. Ses principes utopistes pouvaient sans conteste être critiqués, mais c’est comme ça qu’il souhaitait vivre sa vie ; sans regret. En aucun cas, il ne cèderait à la facilité. Il jeta un bref coup d’œil à ses compagnons d’infortune lorsqu’en sortant il déposa le corps inerte à la surface du bâtiment, sur la terre aride. Le temps des séparations était venu. Ils n’avaient pas beaucoup conversé depuis cette bouleversante découverte, et le lien qu’ils avaient engendré aurait été possiblement plus consistant en d’autres circonstances. Toutefois, en dépit de ce malheureux incident, le jeune homme se refusait de laisser une image négative dans l’esprit de ces deux femmes. Elles lui avaient apporté son soutien, bien plus que ce qu’il aurait espéré. En s’approchant d’elles, il avança sa main en leur arborant un rictus des plus franc, bien que légèrement forcé afin de contenir cette peine. On lui avait toujours appris à sourire lors de telles situations. Un précepte assez particulier qui avait toutefois le mérite de souvent fonctionner pour redonner du baume au cœur. « Ça va. Nous avons fait tout ce que nous pouvions, c’est en ça qu’il ne faut rien regretter. Vous nous avez été d’un très grand renfort. Sans vous nous serions probablement morts à plus d’une reprise. J’ai beaucoup aimé faire équipe avec vous. Pour ça, j’espère aussi que nous nous reverrons. Prenez soin de vous. » Il remua énergiquement sa main pour les saluer une dernière fois, abaissant fébrilement sa tête, synonyme d’un énième remerciement.

Modor imita son jeune maitre, à l’exception d’une parole bien moindre. Il se contenta d’une simple, mais non moins authentique « Bonne route. » Bien que toujours aussi sobre, l’humain pouvait prétendre sans trop se tromper qu’il avait ressenti plus ou moins la même chose que lui. Il était certes plus rude, mais il avait apprécié ce partage. Elles quittèrent ensuite la zone, s’effaçant en un point illisible au travers de la contrée. Sans dire mot, Riyo se tourna alors vers son ami, et comme promis ils restèrent un temps pour creuser une tombe convenable un peu plus loin, sur une dune modérément plus prépondérante que les autres. Considérant qu’il était mort pour protéger sa famille, il devait reposer près de l’endroit où il s’était sacrifié. Lorsqu’ils eurent fini leurs besognes, ils retournèrent auprès de la — désormais — veuve pour lui apprendre la triste nouvelle. S’il en ignorait toujours les raisons qui avaient poussés à sa capture, il déforma quelque peu la réalité pour appuyer sur l’héroïsme de l’homme. Ils la laissèrent ensuite faire son deuil, remontant sur leurs chevaux détroussés, de nouveau prêts à reprendre la route. « Nous devons poursuivre notre aventure, Modor. Je suis conscient d’avoir vécu une fraction de ce qui nous attend, que ma faiblesse me portera préjudice plus d’une fois. Peu m’importe, nous devons le faire. » « Arrête de causer. Je te suivrais où que tu ailles, alors cassons-nous de là. » Sur ces dernières paroles ornées de compassions, le couple de jeunes aventuriers galopa en direction d’une nouvelle destination.

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