Bouton d'Or s'étendait à perte de vue. Erza posa la pointe de son épée sur le sol, consciente que ce ne serait sans doute pas si facile que ça de construire un orphelinat. D'ailleurs, elle ne savait même pas pourquoi elle écoutait cet abruti de Volen. Peut-être l'homme lui tendait-il un piège ? Après tout, ce ne serait pas si étonnant. Elle l'avait menacé de lui prendre le trône, elle ne voyait pas pourquoi il accueillerait la nouvelle avec le sourire et, pire, chercherait à l'aider. Mais bon, elle n'avait pas d'autres choix. Sa grand-mère l'avait prévenu. Son rang actuel ne lui permettrait pas d'atteindre le trône, même si elle le prenait par la force. Elle n'avait aucune légitimité, ou une seule, dont il valait mieux ne pas lui parler : sa parenté avec Zéleph. Oui, elle était sa fille, mais non, si elle obtenait le trône, ce ne serait pas en étant portée par son prestige. Elle ne resterait pas dans l'ombre d'un père absent qui, du surcroît, avait disparu sans laisser la moindre trace. Elle grogna, se rendant compte qu'elle s'était arrêtée de marcher. Non, rien à faire, elle allait le construire cet orphelinat, avec ou sans aide ! Elle se mit donc à marcher de plus belle, tel un taureau enragé qui était bien décidé à raser un village entier. Dans ses yeux brillait une étrange lueur, un brin démoniaque. Aussi, quand elle arriva sur la place du village, elle grimpa sur la fontaine, pointant son épée vers les passants. Elle n'avait pas besoin de se présenter. Tous ici la connaissaient. Non seulement elle était la fille de Zéleph et de la femme qu'il avait épousé, une déesse, mais en plus de cela, elle faisait partie des champions de la Coupe des Nations. Elle bénéficiait d'une popularité raciale d'autant plus étendue de ce dernier fait. Néanmoins, elle voulait en remettre une couche. Elle qui détestait dire son nom en temps normal, aujourd'hui elle ne pouvait pas faire autrement que de le clamer haut et fort. Sinon, pourquoi ils l'aideraient ? Elle n'avait rien de spécial, rien de remarquable. « Je suis Erza Taiji Stark ! ». Par les Ætheri, elle aurait bien eu besoin d'un verre à ce moment précis. Ce n'était pas si facile de rallier les foules. « Et j'offre un verre à quiconque m'aidera à construire un orphelinat ! ». Elle leva son épée en l'air par hasard, comme elle levait parfois sa chope dans les tavernes pour quémander encore un peu de bière. Au début, les villageois restèrent silencieux, tout simplement parce qu'ils devaient s'attendre à quelque chose de bien plus fort, bien plus épique, mais, finalement, en bons vivants qu'ils étaient, ils finirent par lever leurs outils en l'air également, tous poussant un cri de victoire. Finalement, peut-être la trouvaient-ils assez attendrissante dans le fond. Néanmoins, tous constatèrent bien vite qu'elle n'avait vraisemblablement aucune idée de ce qu'elle faisait. « Bon... Qui sait ce qu'il faut pour construire un orphelinat ? ». Un silence s'installa, rompu par le bruit de quelques oiseaux de passage. Un homme finit par s'avancer. Grand, il était aussi large à cause de la masse musculaire impressionnante qui couvrait chaque centimètre de son corps. Son cou faisait le double de ce qu'il aurait dû faire. Son regard était décidé. « Moi, Erza, je sais. ». Ils savaient tous ici, à leur plus grand damne, que la fille de Zéleph était incapable de parler le Zul'Dov. Le problème majeur était que certains Réprouvés refusaient de parler la langue commune, par fierté peut-être. Ils avaient à présent un territoire à eux, ils étaient chez eux et beaucoup pensaient que c'était aux étrangers de faire des efforts pour s'adapter à leur civilisation. « Bien ! Donc... je te nomme chef de la construction ! ». Un sourire apparut sur les lèvres de l'homme. « On le construit où ? ». « Euh... ben... J'en sais rien... ». Elle désigna au hasard un endroit qui ressemblait vaguement à l'endroit le plus dangereux de Bouton d'Or, proche d'une réserve d'outils impressionnante et d'un point d'eau dans lequel tournait une roue. « Là ! ». Le colosse finit par rire, amusé. « Tu as un sens de l'humour intéressant fillette. ».

« Ce que l'on peut dire c'est que dans sa médiocrité, elle sait quant même attendrir les foules. ». « Son charisme est aussi prononcé que celui d'une bûche de bois. ». « Oui. Elle n'est pas Zéleph et ne le sera jamais. Pourtant, son jeu est bien plus riche que celui de son père en terme de relations. ». Une main verdâtre avança un pion sur un échiquier. « Voyons... Fille d'une Déesse. » « Déesse qui n'en sera plus une très bientôt. ». « Mais qui le redeviendra. ». « Exact ». La voix continua. « Fille d'un homme si puissant qu'il était considéré comme un Dieu avant sa 'disparition'. Élevée par un homme qui nous pose bien des soucis... un ancien Génie de malheur d'une puissance également remarquable. Élevée ensuite par un autre homme, cruel et sanguinaire mais aimant ses enfants, qui deviendra bientôt un Dieu. ». « Future femme de l’Élue des Cieux, spéciale aux yeux du Dædalus, sœur de l'Edelweiss Éternel. Devons-nous vraiment continuer ? ». « Protégée par nos soins durant des années... ». « William. ». L'un des esprits du temple venait d'entrer dans la petite réunion qui se tenait là. William n'aimait pas particulièrement la situation, cette latence. Sympan ne semblait pas se montrer et il n'aimait pas ça. Personne ne savait. « Crois-tu que ceux qui côtoient les Dieux possèdent un Destin remarquable obligatoirement ? ». « Son Destin sera difficile. Le passé va la rattraper, cruel passé qu'elle a préféré oublier. Peut-être que celui-ci empiétera sur son côté angélique un temps. ». « N'énonce pas le Destin avec aussi peu de certitude, William. ». « Maintenant que Sympan est de retour, le futur n'a jamais été aussi incertain. ».

« Erza... ». La Réprouvé était en train de dormir sur un tas de planche en bois. L'homme qui avait été nommé « chef de la construction » par la jeune femme la regardait d'un air à la fois attendri et désolé de ce qui allait se produire. Elle avait travaillé tard la veille avec eux et les fondations de l'établissement étaient terminées, ainsi que la moitié des murs. Seulement, s'ils voulaient finir, ils devaient utiliser les planches de bois sur lesquelles la Réprouvée était allongée, justement. Il avait essayé de la réveiller à maintes reprises mais il semblait qu'elle avait un sommeil très lourd. Il soupira, l'appelant une dernière fois avant de mettre une main sur son épaule, une autre sur sa cuisse. Il finit par la pousser. La jeune femme tomba à la renverse, ayant juste le temps de se réveiller pour protéger son visage. Quelques secondes plus tard, elle était debout, fixant l'homme de ses yeux rouges, visiblement enragée. Elle n'attendit pas pour se jeter sur lui. Une lutte commença, aucun des deux ne semblant vraiment apte à se calmer. Néanmoins, la pression retomba d'un coup et après avoir mordu le poignet de l'homme, elle finit par éclater de rire, roulant sur le côté en se frottant la joue droite, douloureuse. Ils étaient couverts de boue mais elle n'en avait que faire. Elle se sentait bien ici, à vrai dire. L'ambiance n'était pas la même qu'au château Malkavian. Il y avait de l'espace, il y avait des gens qui lui ressemblaient, un peu. Ils reprirent donc le travail.

Plus tard, en soirée, les volontaires se retrouvèrent à la taverne pour le troisième soir consécutif. Erza n'avait pas voulu venir avec eux les autres, préférant dormir à la belle étoile sur son tas de planches. Mais cette fois, elle se devait d'être là. Il ne restait plus grand chose à mettre en place. Ensuite, il faudrait simplement transférer les enfants et recruter du personnel compétent pour prendre soin d'eux. « Au fait, je m'appelle Jenzo » lui signifia le chef de la construction en s'asseyant en face d'elle. C'est vrai qu'elle ne lui avait pas demandé son nom. « C'est étrange que tu ne parles pas notre langue. ». « Pas vraiment. ». Elle n'avait pas été Réprouvée toute sa vie. Enfin, cela faisait partie des choses qui ne se disaient pas trop. Elle n'avait pas envie de raconter son existence à cet homme qu'elle connaissait à peine, surtout qu'elle-même ne se rappelait pas vraiment de ce qu'elle avait vécu dans le futur. « Hier j'ai vu quelqu'un, une femme qui dit vouloir te servir. Elle connaissait ton père. Elle pourrait t'apprendre la langue et quelques trucs. Enfin, je dis ça je dis rien. ». Il but quelques gorgées de la chope qu'il tenait dans la main, un bruit de satisfaction sortant de ses lèvres. « Cela dit, j'ai entendu dire que tu voulais le trône. C'est Volen qui t'a demandé de venir ici et de construire un orphelinat n'est-ce pas ? ». « Perspicace » murmura-t-elle, le nez dans son verre. « Si tu veux le trône, il va falloir que tu t'améliores un peu. Personne ici ne voudra d'une reine qui ne parle même pas notre langue, peu importe qui est ton père et peu importe qui est ta mère. ». Elle leva les yeux au ciel. « Je n'avais pas l'intention de revendiquer quoi que ce soit en leur nom. Vous me voyez tous comme ça de toute façon, la fille de Zéleph et de Mitsuko, une fille lâchée de tout le monde qu'il vaut mieux aider. Ou alors la petite fille à son papa qui vient pour prendre l'héritage. Mais un trône ça ne s'acquiert pas par hérédité que je sache ! Je m'en fous de ce que vous pensez ! Si Volen me donne son trône, c'est que je le mérite. m*rde ! ». Elle se leva, prenant sa chope avec elle.

Une fois dehors, elle regarda le ciel et les champs qui s'étendaient à perte de vue. Elle aussi elle voulait faire de grandes choses pour les siens, même si elle ne parlait pas la langue. Elle soupira. Le problème c'est qu'elle n'était ni son père, ni sa mère. Ils l'avaient abandonné lâchement dans tous les cas, pourquoi elle voudrait être eux ? Erza se mit à marcher, l'air frais lui faisant du bien. Peut-être devrait-elle rester ici un peu... le temps de s'acclimater ? Peut-être devrait-elle rencontrer la femme dont Jenzo lui avait parlé ? Déjà, elle devait finir l'orphelinat. Elle commençait à en avoir marre de tous ces regards braqués sur elle. Ils ne la connaissaient pas ici. Ils ne connaissaient que son nom et, en plus, ils se permettaient de lui donner des leçons. Énervée, elle finit par retourner au chantier pour continuer toute seule à bâtir. Bricoler l'apaisait et en vu de ce qu'il restait à faire, elle aurait fini avant le petit matin.

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