Le grand jour. Une femme entourait mon corps du vêtement traditionnel propre aux magiciens. J'allais être couronnée reine après des mois et des mois d'apprentissage. Je n'étais pas certaine que tout ce qu'avait essayé de m'inculquer les Archimages soit resté dans mon esprit mais je leur semblais prête. Nylmord était le seul qui doutait de ma légitimité mais il avait des raisons que je ne pouvais ignorer. Pour m'avoir forcé à participer à la coupe des nations, il avait eu à subir les foudres de ma magie. Autant dire qu'un magicien aussi ancien et puissant que lui avait du mal à se remettre de ce que je lui avais fait subir. Pourtant, ma magie n'était pas la seule fautive car, cette fois là, j'avais décidé, de mon propre chef, de lui montrer que je n'étais un pantin, son pantin. J'allais être reine et la volonté que j'avais mis à la tâche les jours qui avaient suivi avait fini de convaincre. Je souhaitais le meilleur pour mon peuple et, dans un même temps, j'assurai sa préservation grâce à ma magie maléfique. Oh je le jurai, quiconque s'en prendrait aux miens en payeraient le prix fort. Pas de quartier pour les ennemis de la nation. J'étais bénéfique, certes, mais je n'avais pas l'intention de laisser ce statut laisser croire n'importe quoi à n'importe qui. Une discussion avec Eliassen m'avait permis de cesser de douter du bien que je pouvais apporter, m'avait permis d'arrêter de me questionner sur les dégâts que je pourrai engendrer. L'Archimage m'avait fait comprendre que ma magie était une force car elle œuvrait dans le même sens que nos ennemis, parce qu'elle les comprenait mieux qu'aucune autre magie. Ma magie avait le pouvoir de se hisser contre les forces obscures car elle l'était tout autant. J'avais les principes des bénéfiques mais ma puissance n'en avait aucun, aucune limites, juste la volonté de faire cesser ce qui m'effrayait, ce qui m'énervait. S'en prendre à mon peuple signait le début d'un cauchemar long et douloureux.

J'avançais, répétant la cérémonie que l'on m'avait fait répéter une dizaine de fois. Sur les rives du lac de la transparence, plusieurs centaines de magiciens étaient réunis, fixant la traîne de ma robe qui flottait sur l'eau, observant mes pieds qui ne s'enfonçaient nullement dans celle-ci. Le lac de la transparence sembla aspirer la magie des personnes présentes dès que je parvins à l'îlot sur lequel se trouvait le temple de Suris. L'eau devint bleue claire, rayonnant un instant avant qu'émerge des flots un sceptre qui vint se positionner entre mes mains, le joyaux bleu brillant de mille feux. Je sentais sa puissance, une puissance uniquement symbolique mais qui représentait l'acceptation de Suris, des Archimages mais, surtout, du peuple. Ils s'inclinèrent devant moi. J'y pensais, vaguement, mais la magie bleue des magiciens ressemblait à celle de ces étranges créatures venues du continent des glaces. Peut-être n'était-ce qu'une idée ? Je l'oubliai, l'enfermant dans un coin de mon esprit pour me concentrer sur le moment présent. Je m'agenouillai devant le temple, baissant la tête devant la statue imposante du dragon qui prit un instant vie, la bouche de l'animal s'étirant pour cracher du plus profond de sa gorge un feu bleu qui se positionna sur le sommet de ma tête avant d'y former une couronne qui devint des plus solides. Je me relevai, suivant la tradition à la lettre. Aucun faux pas ne devait venir marquer ce jour, Nylmord m'avait prévenu, sinon, cela ferait de moi la reine la plus moquée de tous les temps. Les différents actes symboliques continuèrent, chaque magicien présent offrant un cadeau au dragon originel, un dragon en l'honneur de ma souveraineté, afin qu'il puisse me protéger et faire de moi une reine droite et fière, que nul être ne sera en mesure de renverser. Le peuple priait pour mon avenir et quelque part, il faisait bien car le sien était, de toute façon, lié au mien.

La cérémonie dura des heures entières, mais je n'en fus pas lasse, regardant ces gens venir, prier, espérer. Je trouvais cela beau dans un sens. Néanmoins, la beauté de la tradition fit place à la dureté de la réalité. Lynn avait été absente trop longtemps et beaucoup de choses étaient à revoir. Une fois rentrée dans le repère des magiciens, les Achimages m'apportèrent plusieurs dizaine de parchemins correspondant aux affaires urgentes du Royaume que je devrais traiter au plus vite. Les infrastructures devaient être revues entièrement, des constructions s'étaient effondrées lorsque les sorciers avaient réussir à annexer les terres attenantes au lac de la transparence. Il fallait également que je m'occupe de l'école, d'y apporter des modifications qui attendaient depuis bien longtemps d'être faites. Toutes ces choses qu'il y avait à faire, je les ferai, mais à partir du lendemain. Je voulais profiter, profiter de mon nouveau titre, du fait que mes efforts aient payé. Mais les efforts ne s'arrêtent pas une fois que la couronne est posée sur la tête d'un homme ou d'une femme. Non, ils continuent bien après et doivent s'intensifier, encore et encore, pour toutes les personnes qui croient en cet homme ou cette femme.