« Je … Je ne t'ai jamais vu ainsi.» Presque ébahi, Gabriel contemplait Vanille. Il la trouvait belle, dans sa grande chemise de nuit blanche. Elle serrait doucement contre son cœur Ismaël, qui gémissait tout bas. Il venait tout juste de manger. Et pour qu'il s'endorme à nouveau, elle le berçait lentement en murmurant une petite mélodie. Suite aux paroles de son amant, elle sourit. « Ne te méprend pas. Je m'en occupe.» - « Avec une once d'amour tout de même, ma belle.» Elle haussa vaguement les épaules, une petite moue contrariée aux lèvres. « Pas réellement. Pour moi, ce n'est qu'un … gamin inutile. Il pleure, dort et mange, incapable de bouger ou de parler. Une créature brute, qu'il me faut façonner. Et je ne ressens strictement rien à son égard. Rien du tout.» Elle n'en avait pas l'air troublée, pas plus que ses paroles terrifiantes ne la heurtaient. Gabriel, un peu dépité, choisit de ne rien ajouter à ce sujet. « Et je suppose que tu n'as toujours pas la moindre information sur la race à laquelle il pourrait appartenir ? » - « Non. Son père est passé par la moitié des espèces possibles de nos terres. Quant à moi, dans mes veines coulent le sang de nombreuses autres races, sans compter sur le fait que je suis l'une des rares hybrides qu'il existe. Il peut être … à peu près tout et n'importe quoi. » - « Son appartenance raciale sera très certainement révélé plus tard. » - « Oui mais j'aimerais savoir. Ça me rend assez curieuse.» - « En tout cas, il n'a pas l'air d'avoir de marque distincte.» - « Elles pourraient très bien se développer tout tard. Ce n'est qu'un nourrisson. Et puisque j'ai absorbé Blanche alors que je le portais encore, elle peut l'avoir influencé. Ce serait une horreur.» - « Je doute que ton fils soit un Ange. Et si par un hasard des plus étranges il l'était, il ne tarderait pas à perdre l'immaculée blancheur de ses plumes pour des teintes plus sombres.» Vanille laissa son regard perçant glisser sur Ismaël. « C'est un Sorcier.» - « Comment ...» - « Je le sais, c'est tout.» Il haussa les épaules. Mieux ne valait pas contredire une femme qui venait d'accoucher. Et plus largement, mieux valait ne pas contredire Vanille.

« Où est ta fille ?» Un sourire aux notes acides se dessina sur les lèvres de la Belle. « Elle est un peu chamboulée après avoir assisté à l'évaporation de sa tante. Je n'ai même pas eu à l'enfermer. Elle reste dans sa chambre et n'en sort plus. Je la fais tout de même surveiller, dans l'hypothèse folle où elle déciderait d'intervenir de façon inconsidérée. Mais elle préfère de toute évidence se lamenter et se laisser presque mourir. Loin de moi l'idée de l'en empêcher.» - « Ce n'est pas forcément bon pour ton image de marque que la Princesse se comporte ainsi.» - « Le peuple ne la considère pas sincèrement comme une Princesse, car je ne la mets pas vraiment au devant de la scène. Clémentine, qui n'est que ma cousine, à le rang de Princesse. Ismaël est le Prince de la Cité. Nausicaa, elle, n'est pas grand chose. Une assistante personnelle, à la rigueur.» - « Bien.» Vanille rit. « C'est amusant. Regarde ces cheveux.» dit Vanille en caressant le petit duvet du sommet du crâne de son fils. Ils étaient d'un argent clair. « Avec une mère comme toi et un père douteux, a quoi t'attendais-tu ?» - « Il est parfait. Si parfait. J'aurais aimé pouvoir l'élever en même temps que son frère. Mes projets auraient été davantage ambitieux.» Elle remit doucement le petit dans son berceau, et ferma la porte de sa chambre. Les appartements magiques étaient fabuleux.

Au petit matin, Vanille rédigé un billet. Une lettre des plus brèves, qu'elle envoya à son vieil ami qui, aux dernières nouvelles, était Chaman. « Félicitations pour ton fils.  Ismaël est parfait. V.» Et elle le fit porter pour l'un de ses serviteurs les plus fiables, une femme qui lui vouait une plus grande fidélité : Martha. Quelqu'un frappa. « Entre Nausicaa.» souffla la Reine en soupirant. Silencieuse, la jeune femme, dont les trais étaient tirés par la fatigue, s'approcha lentement. Elle voulait simplement voir le bébé.