Mariko observait sans bouger les scènes qui se déroulaient devant ses yeux. Elle aurait voulu réagir, dire ou faire quelque chose, mais il fallait bien l'admettre, elle était obnubilée par ses «petites bulles de savon» retraçant leur passé. Un peu hébétée aussi. C'était impossible de se souvenir de toute son existence en même temps, d'autant plus quand sa mémoire avait fait défaut pendant des années. Et celui qui l'avait privé de passé était celui qui lui rendait. Plutôt ironique. Il faut dire que réunir deux amnésiques étaient à la base un projet assez risible. Le destin avait parfois beaucoup d'humour, et le hasard se montrait assez cruel. L'avantage des petites brides d'avant qui se déroulaient dans les bulles étaient qu'ils engendraient pour Mariko d'autres souvenirs, et petit à petit, sa mémoire qui ne demandait qu'à sortir refaisait surface grâce à cette élément déclencheur. Ce n'était pas toujours très plaisant. La petite fée qui s'était d'abord sentit d'humeur assez joyeuse, un peu sarcastique, retrouvait dorénavant le masque qu'elle avait porté pendant des années. Inexpressif. A vrai dire, elle ne savait plus vraiment quoi penser. Face à Naram, aujourd'hui, que faire? Mariko ferma les yeux, se frottant les tempes doucement, encore prise d'un mal de crâne. Puis, toujours lentement, avec précaution, elle se retourna vers Naram, le regardant droit dans les yeux. Devait-elle le haïr? Ne rien ressentir en prétextant que tout cela appartenait au passé? Lui pardonner? Ne rien faire.. Elle était encore plus perdue, maintenant qu'elle savait. Ressassant les évènements d'autrefois dans sa tête, elle en cherchait le sens qu'elle s'en était fait quand elle était petite. Mais rien n'avait de sens. Le petit cœur de la fée battait si rapidement, comme les ailes d'un colibri. A quoi bon retrouver sa mémoire, si c'était pour être dans ses états. Avec un soupire ; de rage ou de tristresse, qui sait ; Mariko tourna les talons, faisant quelques pas, le dos tourné au génie. C'était la seule chose ayant un sens qu'elle avait trouvé à faire pour le moment, réfléchir quelques instants, sans la vue de cet être bleu. Encore une fois, le hasard avait été assez ironique, la faisait elle même d'un bleu cependant plus claire. Surement pour être sûr que la fée n'oublie pas. Les bras croisés, elle n'arrivait pas à rester en place, devant sans cesse être en mouvement.

-Je pourrai te dire ce que je pense. Mais je t'estime assez intelligent pour le deviner par toi même, Naram.

Même si ses pensées étaient partagées. Après tout, elle se souvenait maintenant clairement ce qu'elle pensait du génie avant le jour où tout avait basculé. Alors malgré tout... elle n'oubliait tout de même pas qu'il lui avait arraché les ailes, que ce soit pour une noble cause ou non. Au moins, aujourd'hui, une interrogation avait été levée. Mariko savait plus ou moins ce qu'on avait fait de ses ailes. Dans ses moments de réflexion, la petite fée s'était beaucoup demandé pourquoi quelqu'un avait besoin d'ailes, et à vrai dire, ses idées s'étaient arrêtées sur une nappe ou un morceau de robe. Autant faire dans l'originalité. L'impatience gagnait la fée, et sur un ton agacé, elle continua:

- D'ailleurs, pourrais-tu nous ramener au lac? Je pense qu'on en a suffisamment vu.

En effet, même si elle voulait partir, Mariko aurait un peu de mal, pour le moment, et avait envie de pouvoir se cacher derrière un arbre avec Hiro dans ses bras avant que les larmes débordent, toujours et encore mêlées de fureur et de peine. Elle voulait son écureuil près d'elle, qu'il la console, étant donné qu'elle ne trouverai manifestement aucun réconfort, par ici. La petite boule de poils risquait d'avoir de bonnes raisons de haïr Naram. La petite fée ajouta quelque chose en marmonnant, de façon inaudible, ou seuls quelques mots pouvaient être discerner, comme "espère", "moins", et "frère". C'était un petit puzzle de mot.