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 ~ La moitié de l'une, le reflet de l'autre ~

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Dim 24 Jan 2016, 19:05

De légers tremblements agitaient les doigts blancs de la Rehla. Prenant une nouvelle inspiration pour recouvrer un semblant de sérénité, elle jeta un regard inquiet à son maître qui la fixait d'un air imperturbable. Le visage impassible, Davos attendait que son élève fasse calme les battements de son coeur pour s'ouvrir à la mélodie qui envahissait le magasin. Incapable de l'entendre, la brune retenait ses larmes et s'efforçait d'imposer le silence au tumulte de ses pensées. Une note perça à travers ce voile spirituel, note qu'elle s'empressa de reproduire sur le piano. Fébrile, elle patientait pour que la mélodie accepte de se frayer un chemin jusqu'à elle. Cependant, rien d'autre ne se passa. Cette note, comme suspendue dans l'éternité, refusait de quitter ses oreilles et annihilait à elle seule tout ce qui la suivait. Retenant un soupir de lassitude, le maître claqua brusquement des mains. « Ce sera tout pour aujourd'hui. Tu reviendras me voir quand tu seras apaisée. En attendant, je ne veux plus que tu viennes ici. » Sa déclaration se perdit dans l'inhabituelle absence de musique qui s'insinuait dans la boutique. Profondément déçue, Callidora songea pourtant qu'il avait terriblement raison. « Je vous remercie, monsieur. Je reviendrais. » Ponctuant son salut d'une révérence discrète, elle saisit la broche qui représentait un violon et l'éleva légèrement jusqu'à son visage. Une douce lumière se mit à irradier autour d'elle avant qu'elle ne disparaisse dans le flot lumineux.

Battant des cils, la brune resta quelques secondes à observer le somptueux bijou. Sa magie ne s'activerait plus tant qu'elle ne serait pas en mesure de se laisser aller. Détente qui pour le moment lui était impossible. Retourner le problème dans tous les sens ne servait à rien : la Rehla ne s'intéressait qu'à des questions périphériques, refusant d'aborder ce qui la meurtrissait réellement. Des élucubrations innombrables tourmentaient son esprit sans qu'elle puisse les en empêcher. Pour une raison inexplicable, depuis ses dernières aventures, son coeur s'emballait de temps à autre sans aucun motif, et il lui arrivait de paniquer pour rien, ou de voir défiler une journée sans se rappeler de ce qu'elle avait fait. La compagnie de n'importe quel individu se révélait insupportable, et quoi qu'elle en dise, rien n'allait. Tout ce dont elle se souvenait lorsqu'elle reprenait conscience, c'était qu'elle devait trouver quelque chose, quelque chose sans quoi elle resterait aussi incomplète et déboussolée. Espérant retrouver le calme à travers la musique, elle s'était rendue au magasin et avait passé quelques heures en compagnie de Davos, mais les choses continuaient à aller de travers. L'impression diffuse que tout autour d'elle se délitait sans qu'elle puisse l'empêcher semblait la rapprocher de la folie. La brune ne parvenait pas à croire ce qui lui arrivait.

Approchant de la maison où elle avait grandi et où elle avait décidé de revenir dans l'espoir de trouver des réponses à ses questions, elle sut instantanément que quelque chose n'allait pas. Le souffle coupé, elle resta à l'abri des arbres tel un prédateur guettant sa proie. Seuls ses yeux dorés luisaient à travers la pénombre du bosquet dans lequel elle venait de se réfugier précipitamment. Imaginer que quiconque ait pu pénétrer dans la petite bâtisse la rendait folle de rage. Cela dit, une peur insidieuse s'infiltrait dans chacun de ses membres comme pour la paralyser. Observer le paysage ne lui apportait aucune nouvelle information. La brune n'entendait que le gazouillis discret des oiseaux et la respiration apaisée du vent. Sans comprendre ce qui se passait, elle décida que le meilleur moyen de savoir était encore de s'approcher. La curiosité qu'elle éprouvait se tentait pourtant d'une méfiance accrue. Personne n'avait pénétré ici depuis son enfance. À moins qu'un vieil ami de sa mère qui n'avait pas appris sa mort ne soit entré pour la retrouver, ce ne pouvait être qu'un potentiel ennemi. Syveth se trouvait à Lua Eyael pour régler quelques affaires et elle savait que cela lui prendrait quelques jours. En outre, s'il était venu plus tôt que prévu, elle l'aurait su à la seconde où elle serait arrivée à la lisière des frondaisons. La créature qui se trouvait à l'intérieur de la demeure ne lui ressemblait pas. Prenant d'infinies précautions, la Rehla s'approcha furtivement de la porte, vérifiant qu'elle n'était pas visible depuis la fenêtre. Le panneau de bois se trouvait entrouvert, comme si celui qui était entré avait craint qu'elle ne se referme à jamais sur lui. D'un geste rageur, Callidora l'ouvrit et envoya instinctivement une sphère de feu qui embrasa tout ce qui avait le malheur d'être sur son passage. Les flammes disparurent presque immédiatement, la brune ne désirant pas réduire sa maison en cendres. « Qui est là ? » Sa petite démonstration de force n'avait été qu'un avertissement à l'égard de l'intrus.


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Dim 24 Jan 2016, 19:20

Abandonner son père, ne serait-ce que pour quelques jours, représentait un sacrifice énorme aux yeux de la jeune femme. Le coeur lourd, elle avait fini par s'en aller pour accomplir ce qu'elle considérait comme une mission, lui recommandant la prudence et lui promettant un retour aussi rapide que possible. Le temps avait passé avec une lenteur indescriptible durant son voyage. Préférant la marche à tout autre moyen de transport, elle revenait là où tout avait commencé. À dire vrai, cela se révélait plus difficile que ce qu'elle avait prévu. Ses souvenirs du chemin à suivre étaient d'une précision frappante, mais elle traînait innocemment, se demandant si elle trouverait finalement le courage de mener à bien son projet. Les merveilles qui assaillaient ses perceptions la détournaient de sa route, une route qu'elle aurait préféré ne jamais avoir à suivre. Cependant, elle devait avouer que le trajet s'était déroulé sans encombres et que le danger avait refusé de pointer le bout de son nez tacheté. Circonstances qui arrangeaient fortement la brune qui n'avait pas la moindre envie de se battre contre quoi que ce soit. Ces terres comptaient suffisamment de morts et de souffrance sans qu'elle en rajoute une couche.

Cet endroit qu'elle connaissait par coeur ne tarda pas à apparaître. Malgré tout ce qu'elle avait fait pour perdre du temps, espérant se décourager en route, elle avait fini par arriver. Une destination qui l'illuminait autant qu'elle la brisait. Revoir ce à quoi elle avait renoncé des années auparavant se révélait profondément perturbant. Le silence qui s'étalait aux alentours ne la rassurait guère. La chance paraissait de son côté : Callie n'était pas là. Aucune présence humaine ne se trouvait dans les parages. Avec appréhension, Téméris emprunta la bande de sable qui serpentait entre les arbres jusqu'à son ancien foyer. Encore quelques instants, et elle se retrouverait aux abords du jardin dans lequel elle avait passé des heures innombrables à contempler les étoiles en compagnie de sa sœur, bercée par les histoires de leur mère. Sa gorge se noua alors qu'elle s'apprêtait à emprunter le dernier tournant. Le tronc noueux qui se tenait en face d'elle, effaçant la vue du lieu béni, elle en connaissait chaque tâche brune, chaque griffure laissée par les écureuils qui fourmillaient sous le feuillage. Ses doigts tremblants rencontrèrent les aspérités du bois, offrant une caresse réconfortante. Sa maison l'attendait.

Sans se précipiter, elle sortit du couvert végétal et prit une longue inspiration, s'autorisant à contempler la demeure qui se dressait devant elle. C'était une merveille d'une simplicité enfantine. Le souffle coupé, elle observa minutieusement ce qu'elle revoyait pour la première fois depuis douze ans. Ses rêves n'avaient jamais idéalisé la réalité, à moins que celle-ci fût tellement belle qu'elle ne pouvait en détourner le regard. Une rivière de souvenirs défila sous ses iris dorés qui semblaient s'agiter en tous sens. S'arrachant aux égarements de sa mémoire, elle rejoignit la porte de la maisonnée en portant une attention sérieuse aux endroits où elle mettait les pieds. Contrairement à ce qu'elle avait cru, le jardin resplendissait de mille verdures sans qu'aucune trace de magie ne fut sensible. À moins que sa sœur soit devenue une jardinière d'exception, ce dont elle doutait franchement, quelqu'un d'autre vivait avec elle. Callidora avait-elle trouvé le bonheur des les bras d'un homme ? Cette pensée lui arracha un soupçon de jalousie qui ne seyait guère à la situation. Quoi qu'il se passe lors de leur rencontre désormais inévitable, elle devait garder la tête froide, sans quoi elle échouerait dans sa mission.

Ouvrant la porte avec brusquerie, elle se retrouva assaillie par un parfum exquis. La fragrance délicieuse des gâteaux que Marianne cuisinait embaumait l'air, s'engouffrant en elle avec voracité. Ne pouvant y résister, Téméris s'approcha de la table où trônait un plat avec quelques pâtisseries appétissantes. D'un geste furtif, elle en saisit un et le porta à ses lèvres. L'impression de revenir à cette enfance adorée où tout était simpe la tenaillait. Le biscuit croqua sous ses dents alors qu'un charmant goût sucré mêlé des souvenirs d'antan envahissait sa bouche. La Rehla se voyait, des années auparavant, enchantant la maison de ses babillements de petite fille, en compagnie de sa sœur, s'interrogeant sans cesse sur tout ce qui tombait sous la guillotine analytique de leurs regards jumeaux. Cependant, l'illusion se dissipa presque instantanément. Un souffle chaud  la frôla. Quelques millimètres de moi, et elle se serait retrouvée en flammes. La porte venait de s'ouvrir avec fracas, laissant apparaître la silhouette menue de Callidora qui prenait l'allure d'une guerrière. Qu'elle avait grandi… Que sa beauté s'épanouissait, comme nourrie des malheurs qui se perdaient sur son chemin… Annihilant ce qu'elle ressentait à la vision de sa sœur ainsi apparue, elle s'obligea à lâcher le gâteau qu'elle tenait toujours entre ses doigts pâles. « Bonjour, Callie. » Elles y étaient finalement, après toutes ces années. Le moment était venu.


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