Un silence de mort régnait dans la chambre d'Annabelle. Seuls les grattements de la plume sur le papier laissaient deviner une forme de vie, encore que l'on aurait pu croire à l'action d'un rat en quête de nourriture. Une alarme retentit alors en la forme d'un pivert éthéré qui se mit à harceler les deux adolescentes en piaillant jusqu'à ce qu'elles lâchent leur stylo.
« On échange. ». Melissandre récupéra la feuille de la Magicienne, et inversement. Puis chacune relut la fiche de l'autre. Les réponses correspondaient globalement, ce qui était une bonne nouvelle. Il y en avait d'autres cependant...
« Vivement que cet examen soit passé. Qu'est-ce que ça peut être chiant la magiegéochimie. » souffla Annabelle comme le duo s'était mis à corriger leurs fautes.
« C'est sûr qu'un contrôle sur les personnalités en vogue aurait été bien plus intéressant. » répliqua, moqueuse, l'albinos en se penchant pour attraper un magazine laissé en plan par sa vis-à-vis. Y était affichée en première page la figure d'un homme, blond,
a priori haut en couleur, riche à l'évidence.
« Ha, ha, vas-y moques toi de mes lectures. ». En même temps elle arracha le magazine des mains de l'albinos pour le poser sur son bureau, juste au-dessus d'un essai sur les liens entre les magies contraires. À nouveau l'alarme magique se fit entendre, via un moineau fantomatique cette fois, qui vint se percher sur la tête de lit pour siffler joyeusement. « Mince, c'est déjà l'heure. ». Sans un mot, Melissandre remballa ses affaires, imitée par la brune.
« Je ne sais pas comment tu fais pour suivre ces cours de crimino. C'est glauque... » commenta-t-elle en ouvrant la porte, laissant l'Humaine aller devant elle. Celle-ci passa la main sous la bretelle de son sac. Un papier y était dissimulé dans une couture. Il lui suffit de faire glisser les doigts dessus pour le déloger, le gardant néanmoins dissimulé entre sa main et la lanière. Elle se mit à ricaner intérieurement avec
elles en se remémorant les quelques lignes qui y étaient inscrites :
Mon cœur
Comme l'oiseau de nuit
Frémit en silence sous tes yeux
Et comme lui
Se languit de ces quelques syllabes qui forment
Muscarine
Elle continua ainsi à échanger avec la Magicienne le temps de rejoindre leurs cours respectifs.
« Ah ! » l'exclamation lui échappa alors qu'elle se fit bousculer — assez volontairement, mais ce n'était qu'un détail — par le membre d'un groupe revenant à l'évidence d'un club de sport, considérant l'odeur extrême de parfum, les cheveux encore humides d'une douche récente, et leur gabarit qui laissait deviner qu'ils ne dansaient pas le ballet. Tout en s'excusant, il lui tendit la main pour l'aider à se relever. Aide qu'elle apprécia fortement, accordant cordialement son pardon avant de reprendre son chemin.
« Il t'a tapé dans l'œil ? » fit Annabelle après quelques pas.
« De quoi ? » -
« Depuis tout à l'heure tu souris dans le vide. » ricana-t-elle, espiègle. Melissandre répondit d'un haussement d'épaules. Si elle devait lui faire croire que c'était le cas pour éviter de pousser le questionnement plus loin, alors elle le ferait. Car ce qui la faisait sourire, c'était non pas le garçon, mais plutôt ce papier qu'elle avait réussi à loger dans la poche de sa large veste..