Orenha ~ Eversha ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 92 ◈ YinYanisé(e) le : 02/04/2023 | Lun 09 Oct 2023, 16:28 | |
| Le ventre creux Typhon & Orenha ☛ RP lié : Le Bal de Seaghdha ☚
Un soupir de soulagement ébranla la poitrine d’Orenha lorsque la besace de cuir lui apparut sous le tapis de mousse. Elle la fouilla un instant pour vérifier que tout y était ; c’était le cas. Elle ne contenait presque rien, à vrai dire, mais c’était tout ce qu’elle possédait. Rien n’avait vraiment de valeur si ce n’était le passeport qui lui était nécessaire pour utiliser les pontons.
Lorsqu’elle s’était réveillée seule au milieu d’un champ sans le moindre souvenir de ce qui l’avait amenée là, elle avait craint d’avoir tout perdu. Elle était tant affaiblie qu’il lui avait fallu plusieurs minutes pour se relever. Malgré la brume qui envahissait son esprit, elle avait pu aisément reconnaître les lieux ; l’immense nappe chatoyante que constituait le Lac Bleu ne pouvait être confondue avec quoi que ce soit d’autre. Au loin, Orenha pouvait apercevoir Vervallée qui surplombait l’étendue d’eau. Heureusement, sa cachette n’était pas loin. Peut-être n’avait-elle pas été déposée là comme elle l’avait initialement pensé mais qu’elle s’était écroulée avant d’atteindre sa destination. Lentement, elle s’était dirigée vers le petit bosquet qui se nichait en contrebas, au pied d’un talus abrupt. La glissade dans la terre piquetée de roches saillantes et de branchages lui avait arraché une grimace de douleur. Tout son corps l’élançait. Mais elle ne s’était pas découragée et était parvenue à retrouver la souche creuse où elle avait mis ses affaires à l’abri.
« Vous voilà. » Les quelques noix qui tapissaient le fond du sac roulèrent dans sa paume ; c’était tout ce qui lui restait comme pitance, et ce n’était pas assez. La Femme-Gerbille les enfourna dans sa bouche, se forçant à les mastiquer le plus longtemps possible pour calmer la faim qui lui tordait les entrailles. Il lui semblait qu’elle n’avait pas mangé depuis des jours. Les noix n’eurent que pour seuls résultats de décupler son appétit et dessécher sa gorge. La nouvelle priorité serait d’étancher sa soif ; elle aurait tout le temps de réfléchir à ce qui lui était arrivé plus tard.
Ajustant la bandoulière de sa besace sur l’épaule, elle tourna le dos à la civilisation et se laissa engloutir par l’ombre des arbres. Sans un sou en poche, la ville ne lui serait d’aucun secours et de toute façon, elle ne s’y sentait pas plus à son aise qu’un poisson hors de l’eau. L’Eversha avait fait un peu de repérage ; plus loin, le bois s’épaississait jusqu’à devenir une vaste forêt, son terrain de prédilection, le seul qu’elle connaissait. Ragaillardie par ses retrouvailles avec ses maigres possessions, elle se mit en route moins laborieusement, même si chacun de ses pas lui coûtait, d’autant plus que le sentier forestier se faisait de moins en moins égal au fur et à mesure que le paysage devenait plus sauvage. Elle se mit à remonter le cours d’un ruisselet qui lui semblait prometteur et en fut récompensée par la découverte de sa source seulement une vingtaine de mètres plus loin. Ses genoux fléchirent plus qu’ils ne se plièrent à sa volonté lorsqu’elle se mit à quatre pattes pour avaler l’eau fraîche à grandes goulées voraces. « Merci Phoebe. » fut tout ce qu’elle put articuler d’une voix étranglée une fois sa soif étanchée, avant de lever le nez vers la cime, dense et protectrice. Les éclats de l’astre du jour parvenaient encore à la percer ça et là ; la nuit et sa guide étaient encore loin. Lorsque la jeune femme reporta son regard sur la surface de l’eau, qui avait enfin repris son vernis lisse après l’assaut de ses furieuses lampées, son cœur manqua un battement.
Dans l’eau claire, une femme plus pâle que la mort la fixait de ses yeux exorbités, billes noires au milieu d’un visage crayeux, un linceul presque entièrement couvert de sang pendant en lambeaux sur le corps décharné. Horrifiée, la Femme-Gerbille bondit en arrière, et la vision disparut. « La magie du Lac coule jusqu’ici ? » Si les pontons pouvaient transporter les corps et leurs âmes dans d’autres lieux, peut-être que les plans d’eau pouvaient aussi faire office de miroirs vers l’outre-monde ? Orenha se pencha timidement en avant et effleura la surface de l’étang du bout de ses doigts. L’apparition se brouilla mais resta là, immobile et muette, comme prisonnière de la source. Ce n’est que lorsque les ondulations cessèrent que Ren comprit qu’il ne s’agissait que de son propre reflet. Le soulagement fut bref, rapidement remplacé par une profonde angoisse. « Qu’est-ce qui m’est arrivé ? » Son murmure n’eut que pour seules réponses les bruissements des feuillages et le gazouillement du ruisseau.
Mais la faim s’éveilla de nouveau, plus forte encore que précédemment, maintenant que la soif s’était tue. Elle n’avait pas le temps de se morfondre, quelle que fut l'étendue de sa confusion. Elle décida de se débarrasser de sa tenue aussi cauchemardesque que peu pratique. Le tissu était tant gorgé de sang qu’il en était devenu rêche et rigide par endroits ; pour gagner du temps, elle le taillada avec son couteau et le laissa choir sur le sol. C’est à ce moment qu’elle remarqua que son corps était recouvert de plaies étranges ; des paires de trous sanguinolents, espacés l’un de l’autre de quelques centimètres, qui se concentraient surtout sur ses bras mais qui ponctuaient aussi ses cuisses. À certains endroits, elles étaient accompagnées d’hématomes qui fleurissaient en nuances de bleu et de jaune. Ravalant la peur grouillant dans sa gorge, la jeune fille attrapa une chemise et un pantalon en chanvre dans sa musette et les enfila rapidement. Elle gardait les souliers : ils avaient pris une vilaine couleur à cause du sang, mais étaient en parfait état.
Il lui fallait maintenant trouver de quoi remplir son estomac. Prenant une direction au hasard, elle s’enfonça dans la forêt. Elle espérait pouvoir glaner ce qu’il lui faudrait : noix, baies, fruits, champignons, plantes et fleurs comestibles. Lorsqu’elle vivait dans sa meute, la cueillette était l’une de ses spécialités, elle connaissait donc une grande variété de denrées forestières. Pourtant, au fur et à mesure qu’elle progressait, fouillant arbustes, buissons, sol et racines, ses mains et son ventre restèrent désespérément vides. Elle ne reconnaissait rien. La flore d’ici était distinctement différente de celle du Rocher au Clair de Lune. Au bout d’une longue marche infructueuse, elle s’allongea sur le tapis forestier, humant l’odeur de terre. À ce stade, c’était elle qui finirait par nourrir les vers. « Bon appétit... » souffla-t-elle à un mille-patte qui se frayait un chemin sous une feuille en décomposition.
Soudain, une effluve de viande grillée chatouilla ses narines. La Femme-Gerbille bondit aussitôt sur ses pieds. Cette odeur, qu’elle trouvait répugnante d’ordinaire, l’avait immédiatement fait saliver. Abasourdie, elle se laissa guider entre les arbres par le parfum que son corps réclamait si violemment.
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Typhon Gargantua ~ Eversha ~ Niveau V ~
◈ Parchemins usagés : 921 ◈ YinYanisé(e) le : 09/01/2019 ◈ Activité : Chasseur [Rang III] & cuisinier [Rang III] | |