Partenaire : Solo [Dürdane Bēkara]
Objectif / Intrigue : Cette année, les professeurs de Dürdane et d'Erkan leurs proposent de créer un cadeau pour fêter Ësse'Aellun qui sera distribué au hasard par des coursiers.

– Bonjour les enfants ! lança gaiement la Professeure Akli en entrant dans la salle de classe.

Elle s'occupait du cours au nom pompeux de « Culture et Connaissances des races et des empires : intérieur et extérieur » ce qui correspondait, en substance, à un cours d'histoire avec parfois des quelques éléments sur les autres races.

Dürdane n'aimait pas ce cours, et encore moins la Professeure qui avait tendance à les infantiliser comme aujourd'hui. Bien sûr que la jeune fille ne s'estimait pas adulte, mais elle n'avait plus cinq ans non plus...

– Comme vous le savez, reprit-elle avec entrain, la fête d'Ësse'Aellun approche à grand pas, et j'ai décidé cette année – en accord avec le reste du corps enseignant – de vous proposez quelque chose de nouveau dans le cadre de notre cours. Vous allez voir, ça va être amusant !

Un murmure d'interrogation se souleva dans la salle tandis que Dürdane, elle, commençait à s’inquiéter. Être aussi enjoué cachait forcément quelque chose. Qu'avait-elle bien pu prévoir d'abominable, surtout en rapport avec ce cours rébarbatif ?

– Chut, chut ! Écoutez-moi jusqu'au bout, s'exclama la Professeure en faisant des gestes avec ses mains pour appuyer son discours. Cette année, afin de faire rayonner la culture Humaine dans le monde entier, vous allez créer un cadeau de vos propres mains que nos merveilleux commerçants de Babelsba distribueront au hasard partout sur les Terres du Yin et du Yang ! N'est-ce pas une idée fabuleuse ?!

Trop enjoué. Beaucoup trop enjoué... pensa Dürdane en se prenant la tête dans les mains.

Elle avait déjà Erkan pour ça et cela lui suffisait bien amplement, elle ne ressentait clairement pas le besoin de rajouter une autre personne aussi guillerette dans la même pièce. Ça fatiguait la jeune fille rien que d'entendre sa Professeure parler.

– Ça veut dire que même des races maléfiques pourraient recevoir nos présents ? C'est horrible ! s'indigna Onder d'une voix forte.

Pour une fois, Dürdane ne pouvait pas lui donner tort et cela l’agaçait prodigieusement.

– Eh bien, dois-je vous rappeler qu'Ësse'Aellun est notre Æther de la famille et de la bienveillance ? Il est bon envers tout le monde alors nous nous devons de faire de même pour l'honorer.

Pourquoi vouloir se rapprocher des autres races ? songea Dürdane qui avait tendance à mettre toutes les races magiques dans le même panier que celles dites maléfiques. Déjà qu'elle avait du mal à supporter la présence des Anges...

– Je vous demanderais de tous jouer le jeu, continua la Professeure Akli, sinon je serais dans l'obligation de baisser votre note dans ce cours, et ce n'est pas ce que nous voulons, n'est-ce pas ?

Onder était outré par cette obligation et il le fit bien savoir, reprit en cœur par plusieurs élèves. La Professeure eut un mal fou à faire revenir le calme dans sa classe et encore plus à donner cours ensuite.

Lors de la pause du midi, les conversations allait bon train dans la cantine. À priori, leur classe n’était pas la seule à avoir reçu cette consigne de créer un cadeau pour un parfait inconnu et cela provoquait un clivage entre ceux qui trouvait l'idée bonne et ceux qui la détestait quelle qu'en soit la raison. Certains, comme Dürdane, n’appréciaient tout simplement pas les races magiques, d'autres s'interrogeaient sur la pertinence d'offrir quelque chose fait main à quelqu'un qui, quoi qu'il arrive, pouvait faire mieux avec de la magie. Tandis qu'Erkan, indifférent à tout cela, réfléchissait déjà à voix haute, sa créativité étant parfaitement aiguillonnée.

– Bon, il faut que ce soit quelque chose fait de mes mains, qui puisse faire plaisir à n'importe qui, possesseur de magie ou non... Mais est-ce qu'il y a moyen de demander de l'aide à quelqu'un ? Professeure Akli n'a pas donné d'instructions particulières sur ça ! Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ?! Et toi, Dane, tu as déjà une idée ? demanda-t-il en se tournant vers la jeune fille.

– Absolument pas... répondit cette dernière en secouant la tête.

Elle n’était en effet pas très douée de ses mains et il faut dire qu'avec tous les cauchemars qu'elle faisait en ce moment elle était épuisée et estimait qu'elle avait d'autres choses plus importantes à penser que de trouver quoi offrir à un parfait inconnu.

Plusieurs jours s’écoulèrent sans que Dürdane n'ait la moindre idée. D'aussi loin qu'elle se souvenait, elle s’était toujours débrouillée pour offrir à ses proches des cadeaux déjà fait. L'année dernière par exemple, elle avait acheté à Erkan une petite figurine en bois représentant un chat roulé en boule et avait offert à son père et à elle un lot de bol en céramique. Rien d'exceptionnel en somme.

– Dane chérie, demain nous commenceront nos préparatifs à l'aube si tu souhaite toujours m'aider à la boulangerie, annonça Müjdat en embrassant sa fille sur le front.

Elle était revenue à la demeure familiale pour sa permission et s’apprêtait actuellement à essayer de dormir. Elle hocha mollement la tête ce qui interpella son père.

– Tout va bien ma Petite Perle ? Tu sais que tu peux tout me dire, n'est-ce pas ?

Dürdane aurait aimé pouvoir lui parler de ses cauchemars, lui dire qu'elle avait peur de dormir et que cela la rendait encore plus irritable en journée, qu'elle était épuisée à essayer de se contrôler et à faire comme si de rien n’était. Qu'à l'Askeri tout ne se passait pas exactement aussi bien qu'elle le lui décrivait, qu'elle se sentait nulle et qu'elle n'arrivait à rien... Mais aucun son ne réussit à franchir la barrière de ses lèvres, toutes ses angoisses restant coincées dans sa gorge et formant un nœud inextricable. Comment aurait-elle pu avouer tout ça à son père ? Comment aurait-elle pu admettre devant lui qu'elle n’était pas à la hauteur de sa fierté ?

Müjdat eut un sourire triste.

– Je comprends. À ton âge, j'imagine qu'il y a des choses qui ne se disent plus à son père, mais sache que je serai toujours là pour toi. Dors bien ma petite Dane, à demain.

Cette nuit là, Dürdane mit un temps fous à s'endormir et ses cauchemars la réveillèrent bien avant l'aube.

– Bon, la dernière fois que tu m'as aidé, tout ne s'est pas passé exactement comme prévu, mais il ne faut pas que ça t’empêche de recommencer, expliqua Müjdat en mettant son tablier et en tendant le sien à Dürdane.

Ils s’étaient retrouvés comme convenu au lever du jour dans la partie arrière de la petite boulangerie.

– Avant toute chose, on va allumer les fours, reprit son paternel. Je t'ai déjà expliqué plusieurs fois comment il fallait s'y prendre, est-ce qu'aujourd'hui tu veux le faire ?

Dürdane acquiesça, encore à moitié somnolente. Ce n'est que lorsque son père lui tendit deux grosses bûches qui serviraient de support au feu qu'elle comprit dans quoi elle s’était embarquée.

– Oh, heu... tu es sûr que ce n'est pas trop dangereux que ce soit moi qui gère cette partie ?

– Fais toi confiance, et puis, je suis là s'il y a le moindre problème, l'encouragea Müjdat.

Dürdane était dubitative mais elle plaça tout de même les bûches de telle sorte à permette à l'air de circuler en dessous de son tas de petit bois puis après un dernier regard vers son père qui hocha la tête en souriant, elle frotta la pierre à feu en direction de son allume-feu qui s'embrasa.

– Eh bien, tu vois, ce n'était pas si difficile, la complimenta son père. On va laisser le four monter tranquillement en température puis on poussera notre feu au fond. Je le ferais cette fois-ci.

– Merci, murmura Dürdane.

La jeune fille trouvait que le feu avait quelque chose d’inquiétant à toujours être prêt à dévorer la moindre chose qui l'effleurait, et le manipuler ne la rassurait pas.

– Pour cette session, je te propose de réaliser toi-même toutes les étapes d'une recette que je vais te donner au fur et à mesure. Tu es d'accord ?

Müjdat demandait toujours l'avis de Dürdane et il ne l'avait jamais forcé en rien. C'est sûrement pour ça que l'idée de reprendre la boulangerie ne la rebutait pas, elle avançait à son rythme et sous les encouragements constants de son père.

Après que Dürdane eut donnée son accord, Müjdat commença sa leçon :

– La première étape est de réunir tous les ingrédients dont tu vas avoir besoin. De la semoule, de la farine, du beurre, de l'huile, du sel, et évidemment, de la fleur d'oranger.

Tandis que Müjdat énumérait cette liste, Dürdane se précipitait au quatre coins de la cuisine prenant les jarres correspondantes. Une fois qu'elles furent toutes posées sur le plan de travail central, Müjdat reprit la parole :

– Pour cette recette, il va falloir préparer une farce. Elle se fait à base de dattes réduites en pâte. Ce n'est pas difficile à faire, mais pour cette fois je t’économise cette étape. Tu en trouveras dans le placard du haut. Il faudra aussi de la cannelle et surtout du miel. (Müjdat laissa un temps à Dürdane puis continua ses explications.) Maintenant que tu es sûr d'avoir tous les ingrédients nécessaire, tu peux passer aux ustensiles. C'est important de bien s'organiser !

Ainsi continua l'exercice de Dürdane sous la dicté de son père. Müjdat, d'une infinie patience, la laissa se tromper dans les dosages pour pouvoir mieux lui expliquer comment les rectifier ; la laissa se salir et éclabousser le plan de travail pour mieux lui apprendre à bien gérer ses ustensiles. Il ne fit jamais à sa place, même lorsqu'il fallut plonger la préparation dans l'huile brûlante.

– Tu vois, là c'est bien coloré. Tu peux à présent les récupérer en faisant attention et les plonger dans le miel.

Une fois que cela fut fait puis égoutté, Müjdat se tourna vers sa fille, un sourie rayonnant plaqué sur le visage :

– Félicitations ma Petite Perle, tu viens de réaliser tes premiers makrouts !

Dürdane était exténuée par l'effort de concentration que lui avait demandé l'exercice, elle s'affala donc sur une chaise en soufflant avant même de penser à savourer sa victoire, mais son père enchaîna :

– Je suis fière de toi, et tu peux l’être aussi. Tiens, goûte-en un.

La jeune fille attrapa tant bien que mal le makrout que lui tendait son père et en avala une bouchée. C’était sucré et réconfortant, Dürdane se sentit soudainement revigorée et elle se redressa sur sa chaise.

C'est moi qui ai fait ça de mes mains ? pensa la jeune fille, interloquée.

– L'avantage avec cette pâtisserie c'est que bien conditionnée, elle se conserve longtemps, ajouta Müjdat.

C'est là que l'illumination frappa Dürdane :

Mais oui, je n'ai qu'à offrir ça pour la fête d'Ësse'Aellun à l'Askeri !

Lorsqu’elle demanda l'autorisation à son père, ce dernier lui répondit que c’était là une très bonne idée qui semblait parfaitement répondre aux critères imposés par sa Professeure.

C'est ainsi que le jour du rendu des cadeaux, Dürdane arriva avec plusieurs makrouts emballés dans un tissu, le tout enfermé dans une caissette en bois. Elle avait également glissé une carte sur laquelle était sobrement écrit en Commun :

« De la part de Dürdane Bēkara, du Royaume de Qaixopia. Bonne fête d'Ësse'Aellun. »

Post I – 1886 mots [Terminé]

Cadeau du Secret Ësse'Aellun: