Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~
◈ Parchemins usagés : 4184 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015 ◈ Activité : Professeur | Sam 13 Aoû 2022, 14:04 | |
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Le début de la terreur
Rp précédent : Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
« Convoquez l’Empereur Noir et le Chef des Armées dans mes appartements, tout de suite. » lançai-je à un domestique qui se mit à me fixer avec un air ridiculement tendu. Personne ne convoquait jamais l’Empereur Noir. L’Empereur Noir était seul à convoquer qui il désirait. Mes yeux parcoururent rapidement sa silhouette. Il transpirait de gêne. Il puait la peur. « Trouvez-moi les termes de l’offre faite par Jun Taiji aux Mayfair. » ajoutai-je. Le ciel lançait toujours des éclairs verdâtres qui détournaient l’attention de la populace des problèmes politiques pour le moment. Mes déconvenues au procès semblaient moins importantes que la peur d’une catastrophe imminente. Il me faudrait étouffer l’affaire dans tous les cas. Comme beaucoup d’autres choses. « Et prévenez le personnel que je pars demain pour plusieurs mois. » « Oui, tout de suite, Altesse. » C’était la seule réponse valable. Quand bien même il n'aurait pu satisfaire mes désirs, il lui aurait fallu opiner, en priant pour réussir ses missions. Les rares œillades qu’il avait osé à mon endroit l’avaient convaincu que je n’étais pas d’humeur à épargner qui que ce fût. Il allait donc convoquer l’Empereur Noir, en suppliant Ethelba pour qu’il ne lui tranchât pas la gorge pour son audace.
Coudes sur mon bureau, mains liées, je fixais un espace entre Val’Aimé et Cyrius. Ils étaient tous les deux assis de l’autre côté du plateau de bois, à attendre. « Je vais m’absenter. » finis-je par articuler. Je n’avais pas revu le blond depuis le procès et il paraissait mal à l’aise. Quelque chose, en lui, semblait tanguer, au point d’être sur le point de chavirer. Il réagit à la nouvelle en fronçant les sourcils, là où l’expression du Chef des Armées resta ferme. « Hum, sans vouloir vous presser, il faudrait que vous ne tardiez pas à retrouver votre place sur le trône. » articla le brun. « Je vais m’absenter et je compte sur vous pour épauler l’Empereur Noir dans sa tâche. » précisai-je. Les poings du Chancelier se resserrèrent sur les accoudoirs de sa chaise. Je savais ce qu’il pensait. Aider Cyrius revenait pour lui à s’imaginer faire une accolade à un Bipolaire. « Majesté, si je puis me permettre… » Le blond se racla la gorge en plissant les yeux. Val’Aimé tourna vers lui un regard presque indifférent. Il avait fait exprès de m’appeler Majesté à la place d'Altesse, ce qui était réservé aux anciens Rois, mais ses vices ne paraissaient jamais sur son faciès, autres que son amour pour la mort. « Plaît-il ? » interrogea-t-il le concerné. « Je suis le Roi. » souffla Cyrius, d’un air agacé, en accentuant la première personne du singulier. Val’Aimé inspira, laissa les secondes s’écouler, et articula un « Pour l’instant. » avec le même ton qu’il aurait pris pour avancer un fait. Le regard du Grand Chaos vint caresser mon visage. Ses yeux cherchèrent mon aide, comme un enfant qui aurait tiré la manche d’un adulte en murmurant un « Dis-lui ! Dis-lui que je suis le Roi ! »
Après avoir ignoré son appel, je plaçai l’offre faite par Jun Taiji au centre de la table. « Il a libéré l’esclave. » articulai-je. « Libéré… ? » Dans l’esprit du Chef des Armées, « libéré » signifiait « tué ». « Oui, libéré. Elle ne porte plus la marque des Mayfair et est, à présent, libre. » Le brun resta de marbre. Cyrius poussa une injure meurtrière. « Comment a-t-il fait ? » Val’Aimé et moi parlions de notre père. Si nous n’avions pas été élevés par l’homme en question, ni l’un ni l’autre, le brun attachait une grande importance à sa lignée. Il comprenait aussi ce que cette information signifiait. Jun avait agi en toute illégalité, en plaçant tous les acteurs de cette affaire dans une posture peu enviable. « Ethelba seule le sait. » articulai-je. « Et vous, comment le savez-vous ? » « Il me l’a annoncé. » Il comprenait les tenants et les aboutissants, bien mieux que Cyrius qui semblait plongé dans bien d’autres considérations que la traîtrise de l’ancien Roi. « Que voulez-vous que nous fassions ? » « Nous allons le laisser organiser ce qu’il a promis puis, une fois les festivités terminées, il conviendra de l’éliminer. Il ne fait aucun doute, aujourd’hui, que Jun Taiji, malgré la grandeur de son passé, est devenu un Magicien et a trahi son sang. » Et je pesais mes mots. « Il ne se laissera pas assassiner si facilement. » « Je sais. Juridiquement, sa tête sera mise à prix. Dans les faits, nous empêcherons simplement son retour sur le territoire des Sorciers et confisquerons ses biens, son prestige et ses titres. » Je songeai qu’il s’était sans doute déjà préparé à cette hypothèse. Malgré mon ressentiment, mes commandements étaient on ne peut plus logiques et légitimes. « Et l’Ange ? » demanda Cyrius. Je le fixai de longues secondes, avant de me décider. « Je te laisse décider, Majesté. » soufflai-je. Un petit sourire carnassier apparut sur ses lèvres. Il appuya son menton sur ses mains jointes, et regarda Val’Aimé le temps de se décider. « Mettez sa tête à prix. Si elle revient, tuez-la… et envoyez des soldats pour l’éliminer. Je ne veux plus jamais entendre parler d’elle, à moins qu’elle soit en morceaux, gisante dans son propre sang ! » Après cette déclaration émotionnellement chargée de la part du Roi, le Chef des Armées tourna les yeux vers moi, comme pour avoir confirmation. J’acquiesçai en tentant d’ignorer la jubilation soudaine du blond. « Bien entendu, il faudra s’occuper de la presse concernant le procès mais je propose une méthode bien plus… fourbe que celle consistant à lui interdire toute publication à ce sujet. » Puisqu’il est clair que la tyrannie s’installe mieux en douceur. « Inondez le peuple d’informations diverses et variées. Faites en sorte qu’une fois lue, n’importe quelle information soit remplacée par une autre. Sous le flot incessant, la moindre parcelle de vérité lui échappera. Abrutissez-le sous une masse indigeste d’actualités dégoulinantes. Organisez des débats sur des sujets insignifiants auxquels, au préalable, vous aurez donné de l’importance. Faites intervenir d’éminents chercheurs corruptibles afin de leur faire brasser de l’air. Je veux que ce procès soit oublié d’ici quelques jours. Il ne faut pas que la réputation des Mayfair pâtisse de cet incident. » « Nous pourrions les accuser d’être responsables au lieu de chercher à les protéger. » hasarda Cyrius, qui n’avait visiblement aucune conscience de la puissance de cette famille mais qui n'aimait pas être tenu à l'écart de la conversation. « Non. Les Mayfair ont le pouvoir d’affaiblir voire de renverser la Royauté. Nous devons faire en sorte de les garder dans notre main. » « Surtout après le coup porté à la Religion. » « Précisément. » « Et les Humains. » « Hum. » Je relevai les yeux vers Cyrius. « Je te prie de t’occuper du cas des Humains durant mon absence. » Val’Aimé n’intervint pas. De son point de vue, la seule place de ces cloportes était par terre, le crâne défoncé sous sa botte.
« Et pour Valera Morguis ? » Je pinçai mes joues lentement. Rien ne s’y était produit après l’évacuation que j’avais ordonnée. « Nous nous en occuperons à mon retour. Empêchez quiconque de s’y rendre de nouveau. » « Bien. » Il ne chercha pas à connaître le fondement de mon commandement et passa à une suite de sujets que nous traitâmes sur plusieurs longues minutes. « Enfin, j’aimerais m’entretenir en privé avec vous à propos d’un souci… délicat. » Cyrius leva les yeux. « Je veux rester. » dit-il, bien décidé à ne pas se faire évincer. « De quoi s’agit-il ? » « Votre fils. » Je fis un signe de la tête pour inviter l’Empereur Noir à ne pas bouger. Val’Aimé reprit sans montrer la moindre contrariété. « Votre fils qui, visiblement, n’a pas reçu une éducation appropriée, chose qui ne m’étonne pas étant donné l’ascendance de certains individus sur sa personne. » Il parlait du blond qui ne comprit pas la pique. Il y eut un silence qui s’étala jusqu’à ce que l’Elzagan précisât : « Je suis allé le chercher à Lumnaar’Yuvon et il séjourne actuellement dans ma résidence secondaire. » Je serrai les dents. Il était censé être enfermé dans sa tour et personne ne m’avait averti de sa disparition. « Je me propose comme tuteur, le temps de votre absence. » Les jours d’Érasme seraient sombres au côté de mon frère. « C’est entendu. Faites en sorte de le former convenablement. »
Lorsque Val’Aimé se retira, je restai seul avec Cyrius. « Combien de temps pars-tu ? » demanda-t-il. Il me semblait fébrile. Un petit sourire flotta sur mes lèvres. Je m’avançai vers lui et plaçai mon index sous son menton. « Assez pour te faire souffrir. » dis-je, en plantant mes yeux dans les siens. « C’est à cause de… » Mon doigt aplatit ses lèvres pour le faire taire. « Ouvre-toi les veines pour moi. » ordonnai-je dans un murmure, bien décidé à m’abreuver à ma source favorite avant mon départ. Lorsque son sang coula enfin dans ma gorge, je pensai que lui-aussi aurait du souci à se faire, seul, avec l’Elzagan. Ce serait sa punition. À mon retour, il ne désirerait plus qu’une chose : me remettre la Couronne Noire et se débarrasser de ce fardeau trop encombrant pour ses frêles épaules. « … Je ne me sens pas bien. » « Chut. » Je continuai à le lécher jusqu’à ce qu’il s’évanouît. Après l’avoir admiré, étendu sur le sol, je me baissai, le hissai dans mes bras et portai son corps inconscient à travers les pièces pour l’installer sur mon lit. Je laissai ma magie soigner sa blessure tout en caressant la peau diaphane de sa joue. « Tu mériterais que je te tue. » susurrai-je doucement, avant de me relever et de le quitter. Il n’était pas le seul dans ce cas-là.
1628 mots Fin
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