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 [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius

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Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

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◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
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Kaahl Paiberym
Mar 26 Avr 2022, 22:14



Rois d'une tragédie


Peut-être était-ce à cause de l’alcool mais j’eus une impression étrange, comme un heurt, une illumination soudaine. Pourquoi était-il si agité ? Pourquoi me regardait-il comme ça ? Pourquoi criait-il ? « Tu saignes. » murmurai-je, les mains toujours immobilisées par les siennes. J’avais beau le souhaiter, il n’y avait plus rien de léger entre nous. Pourquoi se mettait-il dans cet état ? Je fronçai les sourcils, en tentant de me convaincre qu’il s’agissait là de sa nature de Réprouvé. Peut-être était-ce le cas mais mes espoirs se jetaient sur les remparts du château d’excuses que j’essayais vainement de bâtir. Pourquoi s’était-il dépêché de venir me voir ? Le fait qu’il le redît en devenait presque douloureux. Ses phrases me plongeaient dans l’incompréhension. Je craignais de comprendre comme j’avais peur de me fourvoyer à force de désirer des choses impossibles. Je ne voyais aucune issue. Il y avait une certaine forme d’amour dans son comportement. De l’amour, de l’attirance, de la dépendance ou de l’amitié. Je n’arrivais pas à déterminer. Peut-être n’était-ce pas le cas, peut-être était-ce simplement le contre-coup de la guerre et du massacre de son peuple ? Était-ce ça ? Était-ce pour cela qu’il s’énervait sur mes phrases mensongères ? Elles n’auraient pas dû l’impacter. Il aurait dû me traiter de connard de Sorcier et m’en mettre une. Mais ce n’était pas ce qu’il faisait. Il me perdait. Son regard me perdait et plus je m’enfonçais dans ses prunelles, plus mon propre désir ne faisait plus de doute. La colère y régnait, forte, intense. Elle était pourtant chargée d’autre chose. Je n’en étais pas certain. Je ne voulais pas en être sûr. Je voulais fuir, en réalité, mais il me tenait. S’il m’avait lâché, aurait-ce changé quoi que ce fût ? Serais-je parti ? Sa prise me faisait mal mais j’en tirais aussi un certain plaisir. S’il me blessait, ça voulait dire qu’il était réel. Il m’effrayait. Je m’effrayais, d’être à ce point focalisé sur lui, sur ses actes, sur ses paroles. Je haïssais cette sensation. Je me sentais faible car trop impacté, trop fébrile, trop attentif. Peut-être étais-je en train d’inventer tout ça ? Peut-être était-ce l’alcool qui me faisait délirer ?

« Qu’est-ce que ça peut te foutre, que je boive et que je me taille les veines ? » objectai-je. Je ne voulais pas qu’il s’attachât à moi. Je voulais qu’il s’écartât. Je voulais être seul. Je n’avais pas besoin de lui. Je ne voulais pas avoir besoin de lui. Je ne pouvais pas prendre soin de lui. Il serait une charge. Il serait de trop. Si je m’attachais à lui, il finirait par me quitter. Il verrait que ce n’était pas possible. Il comprendrait que je n’étais pas comme lui. « Je suis un Sorcier. » dis-je, comme une excuse. Oui, je mentais tout le temps. J’étais violent, tant psychologiquement que physiquement. Et je ne comprenais pas pourquoi il m’ébranlait ainsi, pourquoi une corde vibrait en moi lorsque nous étions si proches. Il me ravageait. J’aurais dû le tuer. Je n’avais pas le droit de ressentir ça pour lui. Il nous mettait en danger à cause de son comportement stupide. « Quoi ? » Un soupçon d’inquiétude me vrilla l’esprit. Il s’écrasa sur le contact de ses lèvres sur les miennes, un contact vif et rude. Et il y eut le baiser, plus doux. Sa caresse se répercuta dans l’ensemble de mon corps et souleva ma poitrine d’une émotion pleine et brûlante. Ma bouche eut envie de plus, de répondre, de bouger contre la sienne. Pourtant, je restai stoïque. Je restai stoïque parce que c’était au-dessus de mes forces. Il y avait ce gouffre, en-dessous de moi. Je n’avais aucune idée jusqu’où je tomberais s’il me poussait dedans ou si je m’y laissais sombrer. Il jouait. Il jouait avec moi. Il faisait ça uniquement pour me mettre hors de moi, parce que je détestais l’homosexualité. Il l’avait dit et seuls ces mots devaient compter, ceux-là, pas d’autres. Je ne pouvais pas, parce que je le haïssais. Mais mon corps n’était pas de cet avis. Il me trahissait parce qu’il se tendait lorsqu’il m’effleurait, parce qu’il était incapable de résister à l’emprise de ses mains. Je savais néanmoins qu’il me suffisait de rester là, sans bouger, sans répondre, sans faire ce que je mourais envie de faire, pour qu’il s’éloignât. Il devait cesser. Il devait cesser avant que mes lèvres ne m’échappassent et que mon tiraillement ne fût trop important. Ma gorge était sèche. J’avais l’impression d’étouffer sous le poids de ma propre décision. Je lui fus reconnaissant d’avoir immobilisé mes mains. Elles auraient eu tôt fait de rejoindre son dos et de s’y attacher, de l’éprouver, de le griffer avant de descendre plus bas et… Je fermai les yeux. Chaque respiration que je prenais emplissait mes poumons de son odeur. Il fallait qu’il cessât, parce que c’était trop agréable, trop chaud et, surtout, trop interdit.

Dans un élan de lucidité, je tournai le visage sur le côté, pour me dégager. Mon regard se fixa sur le mur, de l’autre côté de la pièce. « » Je tentai de chasser l’émotion et de retrouver ma voix. Je ne voulais pas qu’il y lût quoi que ce fût. « Ne recommence plus jamais ça. C’est ton défi pour le Jeu. » articulai-je, avant de déglutir. « En plus, c’est dégueulasse d’embrasser quelqu’un qui vient de vomir. » Je n’avais pas vomi mais qu’importait. Je tournai de nouveau le visage vers lui. « Allez lâche-moi maintenant que t’as eu ce que tu voulais. » Je le fixai avec l’étrange impression d’être cruel envers moi-même avant tout. Mais ça ne pouvait pas être. « Tu pourras te vanter d’avoir forcé l’ancien Prince Noir à t’embrasser. Content ? » Je ne tentai pas de sortir de son emprise. « Je préférais quand on se frappait. Je préfère tes coups à tes baisers. Ça me dégoûte. Tu me dégoûtes… » Je faillis arrêter ma phrase là mais une pointe de culpabilité m’assaillit. Je me sentais mal. Ça me crevait le cœur. « … quand tu fais ça. » Pourquoi devais-je toujours arrondir les angles avec lui ? Pourquoi devais-je toujours être plus gentil que j’aurais dû l’être ? Je me sentais mal. « Allez, bouge. J’ai le corps engourdi à cause de toi. Je ne sens plus rien. T’es trop lourd. » J’avais envie de pleurer et mes yeux ne tardèrent pas à se noyer. « Putain. » rageai-je, entre mes dents. « C’est l’alcool. » J’avais envie de rester avec lui et de le garder contre moi. « Dégage. » J’inspirai. « J’ai encore envie de vomir. Dégage. »

1110 mots
Erasme est officiellement une drama queen  [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 943930617

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Priam & Freyja
~ Ange ~ Niveau III ~

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Priam & Freyja
Mer 27 Avr 2022, 23:46



Unknown

Rois d’une tragédie

En trio | Dastan, Érasme & Lucius



Il regrettait de tenir ses mains, parce qu’il aurait voulu sentir la puissance de sa propre envie. Toutefois, il n’osait pas le lâcher, de peur qu’il ne s’enfuît. Il n’avait pas le droit de partir, plus maintenant. C’était trop tard. Il le désirait trop fort pour le laisser s’évader. Il voulait marquer son corps des empreintes douces ou brutales de sa bouche, modeler sa peau du bout des doigts ou à pleines paumes, l’aimer et le détester en même temps. Il voulait revivre ce que ses songes lui offraient régulièrement. Il voulait éprouver son étreinte comme s’il allait le perdre dans l’heure suivante. Le mouvement de ses lèvres gagna en ardeur et il abaissa son buste vers le sien. Le tissu mouillé de sa chemise le fit frissonner. Ça n’avait aucune importance. Son odeur l’enivrait plus que n’importe quelle boisson. Celle de son sang annihilait sa raison. Chaque seconde arrachait à son esprit et à son corps de violentes déflagrations. Il n’existait pas un instant où il ne se sentait pas perdre pied. Il le voulait et il l’aurait. Pourtant, sa bouche lui échappa. Le Réprouvé s’immobilisa puis se redressa lentement, la respiration haletante, lourde et profonde. La vision du profil d’Érasme lui fit froncer les sourcils. Il avala sa salive et s’humecta les lèvres. « Quoi ? » Qu’est-ce qu’il racontait, ce con ? « T’as pas vomi. Je l’aurais senti. » Là-dessus aussi, il avait menti. Pourtant, cette pensée-là n’effleura pas le Réprouvé. Il était tout entier consacré à un autre monde. Le désir lui brûlait les entrailles.

Lorsque les deux yeux bleus du Sorcier le frappèrent de plein fouet, ce fut pire. Il sentit en lui comme une déchirure, une brutalité soudaine et presque mortelle. Il n’avait pas le droit d’être comme ça. Il n’avait pas le droit d’être lui. Il n’avait pas le droit de poser sur lui ces deux iris céruléens, aussi tranchants qu’accueillants. Il n’avait pas le droit de provoquer ces sensations-là dans son corps à lui, avec autant d’intensité. Il n’avait pas le droit de faire ça et de le repousser. Il n’avait pas le droit de faire semblant de ne pas en avoir envie, lui aussi. Il n’avait pas le droit. C’était injuste. Lui aussi, il devait faire ces rêves. Lui aussi, il devait fantasmer leur union charnelle. Lui aussi, il devait se sentir défaillir dès qu’il humait son parfum. Lui aussi, il devait le désirer comme un affamé se jetterait sur la moindre miette de nourriture. Le Kiir’Sahqon refusait d’être seul dans cette situation. C’était interdit, parce que c’eût été injuste. Comment pouvait-il rester d’apparence si stoïque ? Le Manichéen ne comprenait rien. Il ne voyait pas l’amour qui consumait le Mage Noir et qu’il confondait avec la haine, le mépris et le rejet. Il n’avait jamais compris. Il savait juste qu’ils n’étaient pas rien ; mais peut-être étaient-ils simplement ennemis ?

Le roux serra les dents. Ses mots lui faisaient mal. Lui aussi, il le dégoûtait. Mais il y avait autre chose. Il y avait ce désir auquel il ne pouvait pas se soustraire. Il le répugnait, il savait qu’il était interdit, il avait conscience de sa dangerosité. Mais il n’y avait personne. Personne ne les voyait, personne ne les verrait, et c’était une sensation trop impérieuse pour pouvoir en réchapper. Érasme ne la sentait-il vraiment pas ? Il ne voulait pas y croire. En le rejetant, ne faisait-il pas preuve de la plus grande des mauvaises fois ? « C’est toi qui me dégoûtes, putain, à être comme ça. » grogna-t-il. « T’en as envie aussi. » Il regretta cette phrase dès qu’il l’eût terminée. T’en as envie aussi. Comme moi. J’en ai envie. C’est pas juste une histoire de gage ou de punition. C’est pas juste parce que t’as un problème avec l’homosexualité. C’est plus grave, c’est plus douloureux et c’est plus jouissif aussi. « T’assumes rien. T’es lâche et t’es faible. Ça me dégoûte qu’un peuple comme le tien… » Il ne finit pas sa phrase. D’abord parce qu’il ne s’en sentait pas capable, ensuite parce qu’il vit les larmes faire briller les cornées du Sorcier, puis dévaler ses tempes. Le Réprouvé serra d’autant plus les mâchoires et sa prise autour des poignets de son adversaire. « Arrête de pleurer. » souffla-t-il entre ses dents. Ça lui faisait mal aussi, ça. Ça lui faisait mal de façon particulièrement profonde et intime. Comme s’il n’avait pas entendu les rejets de l’ancien Prince Noir, il cria : « Arrête de pleurer, putain ! Arrête ! » Sa voix se brisa. Il le haïssait, putain, il le haïssait, d’être comme ça, d’être lui, d’être tout ça. L’une de ses poignes se desserra enfin. Il ferma le poing et l’écrasa sur la pommette du Sorcier. « Voilà ! T’es content ? Bordel ! » Il le lâcha tout à fait et se redressa avec brutalité, jusqu’à s’asseoir parfaitement sur son bassin. Il l’avait frappé. Il se détestait de l’avoir frappé. Il se détestait d’avoir envie de recommencer. Le Manichéen pressa ses mains contre son visage. « Putain. » Il les remonta dans ses cheveux, en tirant la peau de son front.

Plusieurs envies se débattaient en lui. Le frapper. Le violer. Le tuer. L’enlacer. L’embrasser. L’aimer. Son poing s’abattit à nouveau, mais cette fois sur le torse du Mage Noir. Il courba le dos, tête baissée. Durant une fraction de seconde, il ne se passa rien, puis ses deux mains fusèrent vers la gorge du brun. Ses doigts s’enroulèrent autour de son cou et serrèrent, mais pas suffisamment pour le priver d’air. « Je devrais te violer et te tuer. J’aurais moins de putains de problèmes. » Il ne pouvait pas s’y résoudre. Ses muscles tremblaient de frustration. Son esprit, peut-être son cœur, ne cédait pas. Son regard perdu dans le sien, il inspira. Puis, aussi vif qu’un chat, il bondit sur ses pieds, tourna ses talons ensanglantés et passa la porte de la chambre en la claquant. Sur le seuil, il s’arrêta net. « T’écoutes aux portes, toi, maintenant ? » lança-t-il, toujours plein de hargne.



Message IX – 1016 mots

Oh on le savait déjà, ça <3




[Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 1628 :


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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Jeu 28 Avr 2022, 13:09



Rois d'une tragédie


« … Il lui manque une case à ton pote. » cracha presque la Réprouvée. Je ne l’écoutai qu’à moitié, une serviette dans la main. Lentement, alors que Dastan avait disparu depuis quelques minutes, je me séchai et l’entourai autour de ma taille. « Oh ? Tu m’écoutes Lucius ? » « Ta gueule. » Si on lui avait dit, un jour, que je répondrais si froidement et si grossièrement, elle ne l’aurait pas cru. Un éclair de colère passa dans son regard. « Tu vas t’… » « Je m’en fous ! » criai-je, avant de me calmer légèrement. « Je m’en fous, d’accord ? Lâche-moi. » Je me débarrassai de ma serviette, enfilai mon pantalon et un haut qui trainait sur le dossier de ma chaise et sortis. Ce que je ressentais me faisait trembler, une forme de colère incompréhensible. J’avais la sensation de me perdre, de plier face à un mal plus puissant que le bien qui m’entourait d’habitude. Peut-être était-ce de la tristesse mal exprimée. Je n’en savais rien. Tout ce que je savais, c’est que le roux s’était jeté hors de ma chambre pour retrouver Érasme. Il avait préféré me quitter pour lui. Quitter quoi ? Je n’en savais rien. Il n’y avait rien entre nous, hormis cette impression diffuse qui m’étreignait le cœur. C’était différent de ma relation avec Güra. C’était comme une nécessité. Comme une urgence. C’était cette impression, celle qui me soufflait que laisser les deux, ensemble, n’amènerait que le pire, la destruction. Pourtant une petite voix plus insidieuse m’interrogeait pernicieusement sur la réalité de ma vérité. Avais-je tort de considérer l’autre comme le visage du mal ? Ce qui me paraissait évident, lorsque je l’avais rencontré pour la première fois, me paraissait maintenant étrangement faussé. Peut-être à cause de mes émotions. Jusqu’où pourrais-je aller pour le vaincre ? J’avais l’impression de jouer l’avenir du Monde alors que nous n’étions que trois adolescents sans pouvoir.

Je me mis à marcher à l’extérieur du bâtiment, trop soucieux pour faire quoi que ce fût de constructif. J’avais cherché le Réprouvé au début, sans succès. Il n’était pas dit qu’il trouverait Érasme, si Érasme était encore là. Pourtant, le Destin se montre souvent malicieux. Je tombai sur Shür. « T’as fini ton verre ? » me demanda-t-il, en appuyant son bras sur mes épaules. Le dragon qu’il entrainait volait plus haut. « Mon verre ? » Il fit une drôle de tête. « Ne me dis pas que t’en as bu plusieurs ! Franchement, je t’ai dit, faut pas te laisser miner par Güra. » Je marquai un temps, incertain, avant de comprendre. « On s’est vu aujourd’hui ? » « … T’es bourré ou quoi ? Bien sûr qu’on s’est vu ! » « Où ? » « Tu le fais exprès ou ? » Je soupirai. « C’est pas moi que t’as vu. » « C’est ça, c’est ton jumeau malé… » Il s’’arrêta. Je lui avais déjà parlé d’Érasme plusieurs fois, d’Érasme, de Laëth, de mon père, de tout ce qui me tracassait. Dastan finirait probablement lui aussi par rejoindre cette liste. « C’est lui hein ? » « Ouais. Il est où ? » « Dans ma chambre. Je me disais aussi que c’était bizarre que tu veuilles boire… » « Il y avait un roux avec lui ? » « Un roux ? Non. Il était seul. Il semblait sur le point de s’ouvrir les veines ce con. J’ai pas remarqué que c’était le Prince Noir et pas toi… En y réfléchissant… il ne m’a pas trop parlé… Il voulait surtout boire ouais. » « Ok. » « Tu veux que je t’accompagne ? » me demanda-t-il, en me voyant tourner les talons. « Non, c’est bon. Je vais lui parler et le sortir de ta chambre. » « Bah… J’ai fini dans vingt minutes je pense. Si tu veux, on pourra boire un coup tous ensemble ? » « Non. Je préfère pas boire avec lui. » J’avais senti de la curiosité dans le ton de Shür.

Lorsque j’arrivai devant la porte de la chambre de mon ami, plusieurs minutes s’étaient écoulées. J’avais marché de façon posée. Je ne voulais pas le voir et, pire, je redoutais ce moment. Je pinçai mes lèvres et me baissai pour regarder par le trou de la serrure. La vision, quoi que parcellaire, était dirigée sur un côté du canapé. Je vis deux paires de jambes emmêlées et je compris. Ils étaient ensemble. Érasme et Dastan. Ensemble, habillés mais probablement enlacés sur le canapé. Je déglutis et me redressai pour m’adosser contre le mur. J’enfouis mon visage dans mes mains et frottai doucement la peau de mon front, ne sachant que faire, ne sachant même pas pourquoi est-ce que je ressentais un déchirement.


T’en as envie aussi. Il y eut un avant et il y eut un après. Je me mis à l’entendre sans l’écouter, enfermé dans cette unique phrase, à l’intérieur même de son sens. Aussi. Ma gorge se noua. Je ne voulais pas qu’il en eût envie aussi. Je ne voulais pas qu’il vît mes désirs et, pire, que les siens se répercutassent sur ces derniers. Je préférais qu’il n’y eût rien, qu’un vide, qu’une moquerie de son côté. C’était plus facile de lutter seul contre des pulsions interdites. C’était plus facile de vivre, sans l’affection d’autrui, sans le poids que cette affection représentait. Oui, j’en avais envie mais je ne voulais pas que cette envie s’accordât avec un « aussi ». De quoi avait-il envie, au juste ? De moi ? De mon corps ? C’était stupide. Stupide et impossible. T’en as envie aussi. Ce n’était pas assez. Ces mots ne voulaient rien dire. Ce n’était pas assez.

Le coup me heurta sans que je ne cherchasse à l’éviter. Un son de douleur sortit d’entre mes lèvres. Je préférais. Je préférais souffrir. Mes yeux se plongèrent de nouveau dans les siens. J’avais envie de sourire, juste comme ça, par insolence. J’étais sous lui et il me dominait. Je préférais. Je préférais qu’il contrôlât parce que je n’étais pas certain de pouvoir contrôler quoi que ce fût de mon côté. Si j’avais été sur lui, qu’aurais-je fait ? Aurais-je fui ? Aurais-je cherché à renverser les rôles, pour qu’il me forçât ? « Putain. » crachai-je, au deuxième coup. « T’as des putains de problèmes ouais ! » Je voulais qu’il me violât. Qu’il pensât me violer. J’aurais une excuse. Je pourrais nier. Je pourrais fuir. Je pourrais jouir, sans que la culpabilité ne s’enfonçât trop à l’intérieur de mes entrailles. Si je l’amenais à le faire vraiment, alors j’aurais ce que je voulais en gardant le plein contrôle de la situation. Je ne serais pas coupable aux yeux du monde. Je serais la victime. Il m’envisagerait comme ça, lui aussi. Mais la vérité c’est qu’il n’aurait fait que suivre mes désirs. Je déglutis. Je ne voulais pas le détruire, je voulais que nous nous unissions pour détruire, ensemble, pour mettre le monde à feu et à sang. Mais je ne pouvais pas être homosexuel. Je ne pouvais pas l’avouer. Il devait me violer. Ça me paraissait si évident.

Alors que mon esprit commençait à concevoir une façon de faire advenir les choses, pris dans les effets de l’éthanol, Dastan se leva. « … Mais… » Je me redressai et passai mes mains sur mes yeux pour sécher les larmes qui s’étaient répandues plus tôt. Il ne pouvait pas partir. Pas maintenant. Pas après ça. Pas après avoir prononcé ce « aussi ». Pas après m’avoir menacé de faire exactement ce que je voulais. Mes pensées s’embrouillèrent et je me levai à mon tour. Mes pas se firent rapides. Je voulais qu’il restât là. Je passai la porte, attrapai son poignet et le tirai vers moi, furieux. « Ce n’est pas assez ! » criai-je, à bout de souffle. Il me fallut un temps pour constater que nous n’étions pas seul. Mon regard croisa l’émeraude de celui de Lucius. « Toi… » Je sentis une haine viscérale me prendre aux tripes. Il était toujours là. Toujours là quand il ne fallait pas. Toujours là où je ne désirais pas le voir. L’adrénaline pulsa en même temps que la rage. J’étais amoché et ivre. J’avais perdu du sang et j’étais trempé. Ça ne m’empêcha pas de me jeter sur le Magicien. Il devait mourir. Sortir de ma vie.

1506 mots
C'est bien chaotique  [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 943930617

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Priam & Freyja
Jeu 28 Avr 2022, 23:34



Unknown

Rois d’une tragédie

En trio | Dastan, Érasme & Lucius



Des doigts menottèrent son poignet. Le Réprouvé pivota vivement, pour se retrouver nez à nez avec Érasme. La colère dansait dans ses yeux bleus. Il le fixa, le cœur battant et le souffle coupé. Qu’est-ce qui n’était pas assez ? Que voulait-il ? Qu’il le frappât encore ? Qu’il lui arracha la langue à coups de dents ? Qu’il le violât ? Qu’il l’écorchât et traînât son cadavre derrière lui ? Qu’il demeurât juste avec lui, alors qu’il lui avait répété de dégager ? Les sourcils de Dastan se froncèrent et ses iris bronze s’assombrirent. Il avait besoin de mots là où le Sorcier égrenait des silences. « Quoi, qu’est pas assez ? » Mais à cet instant, ses yeux céruléens, qu’il affrontait jusqu’alors, dévièrent vers Lucius. En vérité, ce fut toute son attention qui dévia vers lui. Tout son corps, tout son esprit et tout son cœur. Le roux le comprit rien qu’au ton de sa voix. En même temps que lui, il bondit vers l’avant. Il s’interposa si bien entre eux que ce fut sa mâchoire qui reçut le coup à la place du Mage Noir. Sa joue l’élança immédiatement, cependant, il ne s’arrêta pas dans son élan. Ses deux mains empoignèrent le col du Magicien et d’une poussée, il le plaqua contre le mur le plus proche. Son odeur l’assaillit : la sensation qu’elle provoqua attisa d’autant plus sa virulence. « Ça suffit ! » cria-t-il. Il tourna la tête vers Érasme. « Ça suffit ! » Un goût de sang engluait sa bouche. Du carmin coulait sur sa lèvre. Il baissa la tête et cracha. Lorsqu’il la releva, il planta son regard dans celui du Mage Blanc. « Vous êtes aussi débiles que des bicornes en rut. » Ses doigts se desserrèrent lentement, puis il lâcha avec brutalité son col. Il recula d’un pas. Son palpitant tambourinait. Un vague malaise lui chatouillait l’estomac. Il avait endossé un rôle dont il n’avait pas l’habitude. Un rôle de balance, celui du garant de l’équilibre. Il l’avait déjà fait.



Dastan s’inclina au-dessus de la carte. Des pions avaient été disposés sur celle-ci. Grâce à la magie, ils se déplaçaient pour mimer les mouvements des différents régiments, en fonction de toutes les possibilités envisageables. Il s’agissait de trouver la meilleure stratégie. Les armées du Paiberym et du Belegad prendraient en étau celle du Salvatore. Ce même étau, le Réprouvé le sentait autour de son cœur. Hazaan lui avait dit qu’il s’agirait sans doute de la dernière bataille. Les Zaahin avaient parlé. Ils œuvraient en faveur de leurs enfants. Il était heureux de savoir que son peuple en sortirait victorieux, heureux de croire que Lucius survivrait, mais terriblement malheureux de penser au reste. « S’il doit mourir, laisse-moi le tuer. » s’entendit-il dire. Il releva la tête vers le brun. « S’il te plaît. » Il en avait besoin. Il devait le faire. Il le lui devait. Il ne pouvait pas mourir de la main d’un autre : il fallait que Dastan allât au bout de ses choix. Au bout de sa trahison. Il n’avait pas envie de devoir le tuer, mais il avait envie de recueillir ses derniers mots, de sentir son dernier souffle contre ses lèvres, d’être le dernier à l’étreindre. C’était là qu’était sa place, pas ailleurs. Dans leurs étreintes interdites. Dans ces étreintes que le Sorcier haïssait mais qu’il ne cessait de réclamer. Le Réprouvé inspira. Il contourna le bureau sur lequel reposait leur plan, et glissa ses mains sur les hanches du roi. Il le scruta quelques instants, puis se blottit contre lui et fit remonter ses doigts dans son dos. Il avait autre chose à lui dire. Quelque chose d’infiniment plus douloureux, pour tous les deux. Il inspira encore. Puis, doucement, il se détacha du brun, ne conservant qu’une main sur son avant-bras droit. Son regard brun se plongea dans ses yeux verts. « Je n’ai pas prévu de vivre après sa mort, Lucius. » souffla-t-il. Vaguement, il tenta de se justifier : « Je vous aime tous les deux. Pourquoi est-ce que je continuerai à essayer de vivre avec la moitié d’un cœur ? Ce serait même pas vivre, ce serait survivre. » Il soupira et baissa la tête. « Je suis fatigué. » La vérité, c’était qu’il n’avait pas à se justifier. Il n’avait pas à expliquer ni les soubresauts ni les chaînes qui emprisonnaient son cœur. Il n’y avait là aucune rationalité. C’était juste comme ça. Ça avait toujours été comme ça. Il les avait toujours aimés tous les deux et ça avait toujours été impossible. Ils avaient rendu ça impossible. Leurs amours l’avaient écartelé. Il avait essayé de faire tenir l’Équilibre, mais c’était un équilibre si précaire, un déplacement sur le fil du rasoir, une série d’acrobaties au-dessus du gouffre. Ça n’avait pas tenu. Ça n’aurait jamais pu tenir. S’interposer répétitivement n’avait rien d’une stratégie de long terme. Le lien qui dévorait les deux Mages était trop fort. Il l’avait su, dès cette fois-là, dans les couloirs de la citadelle d’Adraha. Ses deux mains vinrent encadrer le visage de Lucius. Dastan s’inclina jusqu’à toucher son front du sien. Il ferma les yeux. « Tout ce que je fais maintenant, je le fais pour toi. Ce que je ferai après, je le ferai pour lui. » Il avait toujours oscillé entre eux. Il avait essayé de choisir un camp. Ça n’avait pas tenu. Ça n’aurait jamais pu tenir. Ça avait toujours été comme ça.



Dastan frissonna. Là, en étau entre les deux frères, il revivait ce qu’il n’avait jamais vécu. Il sentait son palpitant s’écarteler. Son regard allait de l’un à l’autre. Sans s’en rendre compte, il respirait fort. Sa poitrine enflammée lui soufflait des idées folles. Il se contenta de dire : « Vous battez pas. » Il eut l’impression que dans sa bouche, ça sonnait très mal. Ça sonnait vraiment très mal.



Message X – 982 mots

En même temps, avec trois lascars pareils... [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 2289842337




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Kaahl Paiberym
Ven 29 Avr 2022, 20:03



Rois d'une tragédie


Lorsque j’entendis des bruits de pas, je me redressai davantage. J’hésitai, à rester ou à fuir. Le temps que je prisse une décision, c’était trop tard. Dastan était devant moi, armé d’un regard hargneux. Mon corps se tendit, comme s’il avait compris le danger bien avant mon esprit. « Non, je venais chercher Érasme. » articulai-je. « Je ne savais pas que t’étais là. » Avec lui, enlacé par lui. Je ne lui livrai pas ces mots et les gardai jalousement pour moi.

J’allais continuer mon explication lorsque le Sorcier sortit de la pièce à son tour. Je les regardai, une tension gonflant douloureusement ma poitrine. Qu’est-ce qui n’était pas assez ? pensai-je, rejoint dans mon questionnement par le roux qui le posa à voix haute. Seulement, l’autre ne répondit pas. Ses yeux me fusillèrent. Son unique mot fusa, ainsi que son corps. Le mien réagit, comme préparé à cette éventualité. Nous nous étions fait la guerre des centaines de fois. Mon poing s’arma et s’abattit sans que je ne pusse le stopper lorsque je compris la méprise. Le contact de la peau du Bipolaire éprouva mes phalanges. Une question me heurta : pourquoi ? Putain ! Pourquoi s’était-il interposé ? Je sentis une forme de colère naître, une colère qui s’agrandit lorsque la rudesse du mur frappa mon dos. Mes mains se refermèrent sur les bras de Dastan, comme pour l’inciter à me lâcher. Pourquoi avait-il choisi de s’en prendre à moi ? Pourquoi pas Érasme ? Le Mage Noir avait commencé, je n’avais fait que me défendre et j’étais à présent aculé contre le mur alors que lui, là-bas, était libre. C’était injuste.

_______

Mon regard glissa vers lui. Je n’acquiesçai pas. Je n’étais pas d’accord avec ce qu’il exposait. Érasme devait mourir, peu importât qui lui porterait le coup final. Conférer un monopole à Dastan prédisait un possible échec. « Si nous le capturons, tu seras le seul à le tuer. » promis-je, en occultant les autres configurations possibles. Sur le champ de bataille, il pouvait se passer mille événements. Je ne pouvais lui garantir qu’il mourrait de ses mains. Peut-être même périrait-il des miennes. Ce serait préférable. Je voyais mal le Réprouvé se pardonner son acte et, ce, malgré les choix qu’il avait fait. Je soupçonnais également le Sorcier de profiter d’une quelconque proximité pour tenter de le rallier à sa cause ou de le faire plier d’une quelconque manière. Que se passerait-il si le roux tombait ? Si le brun l’achevait, en profitant d’une seconde d’hésitation ? Je serrai les dents. Une pression marqua mes tempes. « Dastan… » murmurai-je, alors qu’il s’approchait. Je désirais lui dire que ce n’était pas la solution, qu’il serait trop malheureux si notre ennemi mourait de ses mains. Il ne m’en laissa pas le temps. Je sentais déjà qu’il allait m’avouer quelque chose qui ne me plairait pas. Je plissai les yeux à ses paroles et déglutis. Ma gorge s’assécha à une vitesse prodigieuse. Il ne pouvait pas être sérieux. « Non. » objectai-je. « Tu n’as rien à faire pour lui ! Surtout pas mourir. » Mon corps avait commencé à trembler. Je l’attirai à moi, comme si le maintenir contre mon torse le ferait renoncer à sa folie, à cette résolution qu’il n’avait pas le droit de prendre. « Sa mort te fera souffrir mais le temps passera et, petit à petit, tu iras mieux. Il ne peut pas avoir planté ses griffes si profondément dans ton cœur ! Il ne peut pas ! Je t’aiderai, je te soignerai. » Malgré ses paroles, je doutais depuis toujours que son amour pour moi eût été aussi intense que celui qu’il avait éprouvé, et éprouvait encore, pour le Mage Noir. Les relations étaient différentes. Entre nous, le poison de la torture n’existait pas. Je n’avais aucune emprise sur lui. Je ne cherchais pas à le culpabiliser, à le manipuler, ou, lorsque je le faisais, ce n’était pas sciemment. Nous avions eu des moments difficiles mais jamais ils n’avaient été difficiles comme ils avaient pu l’être avec Érasme. « Après la guerre, il ne t’empoisonnera plus l’esprit. Tu seras libéré de lui et tu iras mieux avec le temps. » répétai-je. Parce qu’il m’était impossible de l’entendre, de l’écouter. Je ne pouvais pas concevoir qu’il voulût mourir, pour lui. S’il mettait fin à ses jours, alors le Sorcier aurait gagné. Parce que ça signifiait qu’il préférait le rejoindre, lui, au lieu de rester avec moi. Qu’importât la vie ou la mort, il l’aimait plus qu’il ne m’aimait moi. Ce n’était pas un équilibre entre deux amours compliquées. C’était un choix. Et il choisissait Érasme dans la mort, au lieu de me choisir dans la vie.

_______

Mon regard alla du Magicien au Réprouvé. L’étonnement devait encore marquer mes prunelles. Le roux me dépassait. J’avais envie de lui enfoncer une épée dans le corps pour lui faire passer l’envie de s’interposer entre lui et moi. Je ne bougeai pas. Mes yeux se contentèrent de se poser sur le sang qui maculait son visage. Je soupirai, plus calme. Le fait qu’il m’eût choisi avait apaisé mon ire envers Lucius. Pourtant, son comportement ne me rassurait pas. Il y avait comme un paradoxe dans ma pensée. Je le voulais. Je ne le voulais pas. Je voulais l’embrasser. Je voulais le rejeter. Je voulais qu’il me violât tout en sachant qu’un viol se passait de consentement. J’étais consentant. « T’es vraiment un gros con. » dis-je, en m’approchant. Je passai mes doigts sous son menton et levai son visage vers moi pour constater les dégâts. Je le fixai durement un instant et tournai les yeux vers l’autre connard. « Tu peux le soigner ? » demandai-je, à contre-cœur, d’une voix blasée. Sans comprendre pourquoi, les mots du roux avaient emporté ma violence. Je ferais payer sa présence au Mage Blanc mais je m’arrangerais pour que le Bipolaire ne soit pas dans les parages. « Je peux essayer. » répondit-il, en s’approchant. L’une de ses mains vint se poser sur ses lèvres et sa magie s’élança à l’assaut de sa blessure. « Je ne savais pas que vous étiez tous les deux. » articula le Magicien. « Si j’avais su, je n’aurais pas accepté la proposition de Güra. » Je le fixai. « Il paraît que la magie est plus efficace quand celui qui l’utilise ferme sa gueule. » Ses lèvres se déformèrent en une grimace et il soupira, visiblement déjà las de discuter avec moi. C’était réciproque. Il regarda Dastan, comme pour faire abstraction de ma présence. « Tu voudras voir les Dragons ? Le temps qu’on trouve un moyen de vous ramener chez vous, je veux dire. Si on n’est pas de nouveau téléportés là-bas. » Il se tut un instant. « Je me demande où est cet endroit au juste… » fit-il, songeur. Ses doigts caressèrent bien trop à mon goût le visage du Réprouvé lorsqu’ils se retirèrent. Je n’avais pas lâché son menton. Je le fixai et revins au sujet de départ. « Ce n’est pas assez, c’est tout. » J’enlevai ma main. « Et tu devrais t’habiller. Les dragons, je suis sûr que ça mange les crétins roux à moitié nus. » Lucius intervint, comme s’il ne désirait pas que nous parlassions ensemble. « Tu as fait quoi à ton poignet ? » « C’est la faute de Dastan. » dis-je, sans préciser en quoi.

1228 mots
En grandissant ils se calmeront peut-être  [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 943930617

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Sam 30 Avr 2022, 11:52



Unknown

Rois d’une tragédie

En trio | Dastan, Érasme & Lucius



Les émotions de Lucius battaient contre son cœur. Dastan ferma les yeux et se cramponna à lui. Il avait toujours été son point d’ancrage. La main qui se tendait inlassablement vers lui pour le tirer de l’océan de ténèbres dans lequel il se débattait, cet océan de ténèbres dans lequel Érasme voulait le garder. Il n’était pas fait que pour l’Ombre. Il ne pouvait pas se terrer dans le noir et s’y complaire. Il avait besoin de la Lumière. Il avait besoin de se gorger de soleil et de rayonner comme lui. Il avait besoin des deux, d’une sorte d’équilibre, tout comme il avait besoin de la mort et besoin de la vie. Il n’avait pas vraiment envie de mourir, mais il n’avait pas non plus envie de vivre. Il n’avait pas envie de mourir sans lui ; il n’avait pas envie de vivre sans Érasme. Il ne voulait pas être plus que la moitié de lui-même. Il y avait longuement réfléchi. Le seul avantage de la mort, c’était son côté définitif. Il s’en irait auprès des Zaahin : les festins et les batailles s’enchaîneraient jusqu’à ce qu’il en oubliât toute sa vie de mortel. Il oublierait Érasme, et il oublierait Lucius. Il ne resterait d’eux qu’un vague souvenir mélancolique, que quelques rêveries au sein desquelles il se perdrait parfois. C’était sans doute lâche, de préférer mourir. Mais lui refuserait-on vraiment le passage des grandes portes, lui qui avait tant accompli pour les siens ? N’avait-il pas le droit de prétendre à autre chose ? Ne pouvait-il pas abandonner, pour une fois ? Dastan ferma les yeux, et des larmes roulèrent sur ses joues. Il serra le Magicien contre lui. Vouloir mourir, c’était égoïste, aussi. Il savait qu’il laisserait un trou béant dans la poitrine du Roi Blanc, tout comme le trépas du Roi Noir détruirait son palpitant. Quand il tomberait, toutes les griffes qu’il avait accrochées à son cœur, emportées par l’élan de sa chute, l’arracherait à son torse. Il n’en resterait plus rien, sinon tout ce que Lucius avait pu sauver – et c’était beaucoup, mais ce n’était pas assez. Il n’y aurait rien à soigner. Ce qui était détruit n’existait plus. Ce qui était détruit ne pouvait pas être soigné. Néanmoins, il ne dit rien. Chaque mot du Paiberym était un pieu enfoncé dans son âme. C’était comme un avant-goût du cri qu’il pousserait lorsqu’il le trouverait mort sur le champ de bataille – parce qu’il ne pourrait pas mourir ailleurs. Le mieux serait qu’ils s’entretuassent, Érasme et lui. Il pouvait l’y pousser. En aurait-il la force ? Les mains du roux caressaient à la fois le dos et les cheveux du Magicien. « Il sera toujours là, Lucius. » souffla-t-il. Lui et ses ténèbres, lui et sa folie, lui et son amour. Dans son esprit, dans son âme, dans son cœur, dans sa chair. « J’ai besoin de vous deux. » Parce qu’il était vivant. Une fois mort, il n’aurait plus besoin de personne. « Je suis lâche. Je n’ai pas le courage de vivre sans l’un de vous. Je suis désolé. » Il décala son visage et plongea son regard dans le sien. « Je t’aime. » Il s’approcha pour effleurer ses lèvres des siennes. « Et je t’attendrai, dans une autre vie. »



Le menton relevé, Dastan décocha une œillade surprise à Érasme. « Hum. Je viens de t’éviter de te faire éclater la face, tu pourrais au moins dire merci. » répliqua-t-il, avec un sourire à mi-chemin entre l’agacement et l’espièglerie. Il inclina légèrement la tête, comme pour mieux sentir le contact de ses doigts. Il aurait voulu le sentir, plus tôt. Partout. Il frissonna. Pris en étau entre les deux adolescents, son esprit s’emballait plus encore que s’il n’avait été qu’avec l’un des deux. Il ne comprenait pas pourquoi ils lui faisaient un tel effet, de façon si systématique. Lui avaient-ils lancé un sort ? Il frissonna à nouveau. Ça le dégoûtait, ça l’agaçait, ça le perturbait aussi. Quand la main de Lucius s’approcha de son visage, il déglutit. Ses traits se crispèrent et il détourna légèrement sa figure, comme s’il avait craint une sensation désagréable. En réalité, la magie de la Lumière avait la saveur d’une caresse. Les doigts du Magicien sur sa bouche, aussi. Il éprouvait l’envie sauvage de les embrasser. Il se retenait du mieux qu’il le pouvait. Ses mots firent s’entrouvrirent ses lèvres, mais il n’eut pas le temps de répondre avant Érasme. Sa réplique lui arracha un sourire amusé. Il ressemblait un peu à un Manichéen, parfois. Même si un Manichéen aurait tout bonnement réprouvé l’usage de magie. En tout cas, ceux de chez lui.

« Les Dragons ? » répéta-t-il en clignant des paupières, ses lèvres en mouvement contre la pulpe des doigts du Mage. Un frisson, encore, courut dans son dos. Il regretta de l’avoir repoussé, plus tôt. Il avait envie de regoûter à l’un de ses baisers. Il avait envie d’éprouver une nouvelle fois la sensation étrange de son corps d’homme contre le sien. Il avala sa salive et râpa sa langue contre son palais. Ses pensées avaient du mal à se raccrocher aux réalités si terre à terre qu’évoquait le bleu. La caresse de sa main qui le quittait diffusa dans son ventre une vague de chaleur. Il serra les poings et détourna le regard. Érasme parla, ce qui lui permit de se concentrer sur lui, sur d’autres mots, mais aussi sur des ressentis non moins problématiques. Il était le seul à avoir gardé sa main sur son visage, le seul à être encore relié à lui. Lorsqu’il le lâcha, des picotements de déception grignotèrent son palpitant. Ce n’était pas assez, effectivement. Mais tant mieux, tant mieux. « Faut retourner dans la chambre de Lucius, alors. » se contenta-t-il de répondre. Même s’il avait franchement plus l’impression que c’était Érasme qui risquait de le manger s’il restait torse-nu. Ça le fit sourire. Un peu plus éloigné d’eux, il retrouvait un semblant de contenance. Il recula encore d’un pas, avant de hausser un sourcil. « C’est pas moi qui… » Il plissa les yeux et soupira. « Laisse tomber. » Ce n’était ni la peine de revenir là-dessus, ni la peine de placer Érasme dans l’embarras. Il tourna la tête vers Lucius. « On n’a qu’à aller voir tes Dragons, ouais. » Il n’en avait jamais vu en vrai. Juste dans ces rêves, là, avec eux. Il frissonna, encore et encore, toujours.



Message XI – 1076 mots

Franchement, je crois pas xDD




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Kaahl Paiberym
Sam 30 Avr 2022, 17:12



Rois d'une tragédie


« Non ! » Les pièces sur la table tremblèrent. Certaines tombèrent même sous la rudesse de mon mouvement. Je venais de pousser le Réprouvé contre le meuble, pour le bloquer entre lui et moi, pour l’empêcher de partir. Je ne voulais pas de son baiser d’adieu. Je ne voulais pas que nos lèvres s’effleurassent comme ça, pour ça. « Tu ne peux pas faire ça. » Ma colère n’était que l’illustration de ma tristesse et mes yeux s’humidifièrent. « Tu m’entends ? C’est hors de question ! » Je le fixai un instant, avant de me dérober en plaçant mon front contre son épaule. Mes mains étaient posées de chaque côté de sa silhouette, sur le bois. Je le prenais en étau. Je ne le lâcherais plus, plus jamais. « Je préfère qu’il reste en vie. » murmurai-je. « Je préfère qu’il s’échappe, si sa mort emporte la tienne. Je ne pourrais pas vivre comme ça. » Ma paume se fit poing et s’abattit sur le bureau. « Je ne suis pas mon père, Dastan ! Je ne peux pas passer outre ! Je ne peux pas tuer Érasme si ça signifie te perdre ! Je ne peux pas sacrifier mes sentiments aveuglément au profit d’une cause ! Sans toi, cette cause n’a plus aucun sens ! » Mon front recula pour mieux s’abattre sur sa peau. « Tu ne peux pas me faire ça. Pas comme ça. Pas maintenant. » Parce que les Ténèbres m’engloutiraient. Je le savais. S’il n’était plus là, mon monde s’écroulerait. Mes fondations s’effondreraient et, avec elles, ma volonté de voir advenir la Paix. Je ne voulais pas de paix sans lui. Si je voulais un monde plus juste, dénué du mal qu’Érasme représentait, c’était pour pouvoir vivre avec lui, pour pouvoir bâtir un avenir avec lui. Pas sans lui. Pas tout seul. Je ne pourrais rien porter seul, rien supporter. Mes épaules étaient trop fragiles. J’avais besoin de lui. « Je te l’interdis. » dis-je d’une voix brisée. Il n’y avait pas d’autres vies possibles pour nous deux. Les Zaahin, jamais, ne m’accueilleraient dans la mort. S’il mourait nous ne nous reverrions plus jamais. « Si tu meurs, je deviendrai comme lui. »

_______

Mon regard passa de Dastan à Érasme. J’avais tenté d’en savoir plus sur la nature de leur relation mais m’étais heurté à la réplique du brun. Mes yeux descendirent sur le torse du Réprouvé. La forme de son corps éveillait le désir à l’intérieur du mien. C’était évident et légèrement perturbant. Peut-être était-ce ça, finalement ? Le Sorcier n’assumait pas, après une éducation diabolisant les relations entre personnes du même sexe. Supposer son mal-être ne me le rendait pas plus agréable pour autant. Mes efforts avec lui se terminaient toujours de la même manière. Chaque pas que je faisais dans sa direction, à contre cœur, par politesse, étaient récompensés par son talon s’abattant sur mes orteils. Pourtant, dans une optique de relation, parce que le Bipolaire était entre nous, il me paraissait difficile de l’ignorer totalement. S’il n’y avait eu que nous deux, nous aurions sans doute préféré ne pas communiquer. La question de notre proximité ne se serait pas posée. Nous nous serions éloignés d’un même geste. Mais il était là, Dastan, comme un aimant. À quel point le Mage Noir le connaissait-il mieux que moi ? Je n’aimais pas y songer. Le constat que j’en tirais éveillait des blessures irréelles dans ma poitrine. « Je vais vous prêter des équipements. Tu seras peut-être un peu serré dedans. » dis-je, en m’adressant au roux. Je tournai la tête vers le brun. « Pour toi… ça devrait aller. » J’avais préféré une formulation neutre pour faire comprendre à l’ancien Prince Noir qu’il ressemblait à une grande asperge pâlichonne. « Et je verrai avec Shür plus tard pour le problème de sa chambre, vu que certains ici se font passer pour moi pour boire de l'alcool... » dis-je. Je n’avais pas pu constater de dégâts mais je n’avais aucune idée de ce qu’ils y avaient fait. Vu l’état des deux, le fait qu’ils se fussent battus n’était pas à écarter. Battus et aimés, peut-être. Mais je n’en savais rien et je ne voulais pas y penser, au risque de voir resurgir la douleur. Mon cœur se froissait rien qu’en imaginant les lèvres de l’un sur les lèvres de l’autre. Je tentais de prendre un air détaché mais je ne l’étais pas. C’était terrible.

Une fois que nous fûmes vêtus, je les entrainai à ma suite vers un endroit que j’aimais particulièrement, une sorte de belvédère qui offrait une vue incommensurable sur Adraha. Au loin, les montagnes glacées venaient hachurer le ciel. « J’adore venir ici ! » expliquai-je, en plaçant mes bras sur la rambarde. « Déjà parce que ça permet de voir les dragons voler ! » C’était vrai. Des sons puissants fendaient parfois l’air. « Et ensuite parce que… » Je me penchai un peu en avant et criai. « Hééééhhoooooooo ! » Le son se répercuta, en plusieurs échos. Je me redressai et souris. « Il y a des légendes sur cet endroit, comme quoi crier ce que l’on désire permet sa réalisation. » « C’est débile. » me coupa Érasme, d’un air toujours aussi blasé. « Si tu le dis. En attendant, jusqu’ici, j’ai été exaucé. Tu devrais essayer. Un peu d’espoir ne te ferait pas de mal. C’est bon pour le teint à ce qu’il paraît. » Je souris et il grimaça. Je me tournai vers le gouffre. « JE VEUX QUE DASTAN M’EMBRASSEEEEEE ! » L’écho se répercuta pendant que je me positionnai de nouveau face au Sorcier. « Par exemple. » Comme ses sourcils étaient froncés, je précisai ma pensée. « C’est un exemple pour toi. » La gêne revint sur son visage, saupoudrée de rougeur au niveau des joues. Il grogna à moitié. « Qu’est-ce que c’est con, un Magicien, putain. » fit-il, en détournant le regard. Je me mis à rire et le quittai des yeux pour prendre une grande inspiration. Le paysage était magnifique. « Après je pourrai vous apprendre quelques trucs. Enfin, on pourra approcher davantage les Dragons. Il y en a deux qui m’accompagnent, dont un dragon nain qui peut parler et un dragon capable de se changer en homme. Ta sœur l’a vu d’ailleurs. » dis-je, à l’attention de Dastan. « Et puis j’ai un œuf aussi ! Il devrait éclore sous peu. J’ai trop hâte. » Je les questionnai ensuite. « Vous avez des animaux, vous ? Vous en voulez ? » Étonnement, Érasme répondit d’une façon plus engageante que précédemment. « J’ai un chat. Je l’ai nommé Papouille quand j’étais petit. Et j’ai un œuf aussi. Je ne sais pas de quoi… » « Ah oui. Nous aussi on a un chat qui traine dans le jardin mais il n’a pas le droit de rentrer chez nous. Mon père ne les tolère pas. Il dit que ça met des poils partout. Et toi ? » Mes yeux verts se posèrent sur Dastan. Je le trouvais beau. J’aimais qu’il portât mes affaires. « Cette tenue te va bien. Tu devrais venir ici plus souvent. » Je sentis le bleu glacé du regard d’Érasme me transpercer. C'était ça. Il crevait de jalousie.

1183 mots
Je ne crois pas non plus. Ils seront pires  [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 1628

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Mer 04 Mai 2022, 21:35



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Rois d’une tragédie

En trio | Dastan, Érasme & Lucius



Les larmes glissaient contre les joues de Dastan. Il ferma les yeux et renversa la tête en arrière, les lèvres pincées. La douleur qui imprégnait son cœur le tuait. Elle le tuait plus sûrement que tout acte suicidaire qu’il pourrait imaginer. Ses amours provoquaient un éternel déchirement. Il se sentait tiré d’un côté et de l’autre, écartelé sans aucune pitié, massacré sur l’autel des cœurs partagés. Les pleurs de Lucius lui étaient insupportables, tout comme le sang d’Érasme lui serait intolérable. Il aurait voulu pouvoir les unifier en une seule et même personne, parce qu’il les aimait de la même façon, parce qu’ils auraient pu y trouver un équilibre, parce qu’il aurait pu les sauver tous les deux ; parce que ça l’aurait sauvé, lui. Les mots du Magicien lui brisaient le cœur. Son regard qu’il refusait de voir lui brisait le cœur, sa présence et son contact lui brisaient le cœur, son affection et sa tendresse aussi. « S’il ne meurt pas- » Le coup de poing sur le bois l’interrompit. Il rouvrit les yeux et reporta son attention sur le bleu. Malgré sa surprise, ses cornées n’étaient pas moins humides. Assez timidement, l’une de ses mains rejoignit l’avant-bras du Mage Blanc. Son ordre lui arracha presque un sourire : il se contenta d’une grimace et d’un souffle tremblotant par le nez. Dans d’autres circonstances, il aurait peut-être argué qu’il n’était pas son roi et que par conséquent, rien ne le contraignait à lui obéir. C’était vrai, mais il n’avait pas envie de le dire. Peut-être que c’était ce qu’il attendait, cette interdiction. Peut-être pas. N’était-ce qu’une question d’ego motivé par la volonté de se faire désirer, de se prouver qu’il comptait ? Non. Il savait qu’il comptait et il savait qu’il était désiré. Son autre main s’aventura dans les cheveux de Lucius et les caressa tendrement. Il posa son menton sur son crâne. Sous ses yeux, ses épaules voûtées frémissaient. « S’il ne meurt pas, peut-être que je retournerai avec lui. » Il inspira. Il avait fait le choix de s’éloigner d’Érasme pour son peuple, et peut-être pour lui-même. Cependant, il avait conscience du pouvoir qu’exerçait sur lui cet amour interdit. Il savait qu’il aurait fallu peu de choses pour qu’il retombât dans les bras du Sorcier. Il l’aimait et cet amour n’admettait pas toujours la raison. Pas souvent, en réalité. Il avait commis mille folies en son nom. « Et s’il meurt mais que je ne meurs pas, peut-être que je me mettrai à te haïr. Je ne suis pas toujours tout à fait moi-même… » Il y avait l’Ange, le Réprouvé et le Démon. Chacun était capable de l’exécrer pour le meurtre du Roi Noir, chacun pour des raisons différentes. Ils pourraient chercher à lui nuire ou à le détruire. La douleur appellerait la justice, la vengeance ou le massacre. Une fois réalisés, il ne demeurerait rien d’autre qu’un néant discordant. « Je ne veux pas te haïr et je ne veux pas te quitter non plus. » Ses deux mains caressèrent le bleu pour venir se poser sur ses joues et écarter délicatement son visage de son épaule. « Moi aussi, j’ai peur de ce que je deviendrai si je dois vous perdre. » Saurait-il encore aimer les autres ? Tout son amour ne crèverait-il pas avec eux ? Deviendrait-il ce monstre qu’il avait parfois laissé voir ? Quelle vie pourrait-il vouloir mener, sans eux ? Plus aucune guerre ni aucune paix n’en vaudrait la peine. Il avait besoin d’entendre leurs souffles pour caler sa respiration sur ceux-ci, pour que leurs cœurs frappassent leurs poitrines à l’unisson, pour qu’ils se mêlassent, s’emmêlassent et s’entremêlassent. Ses doigts coururent derrière la nuque de Lucius et l’attirèrent contre lui. Sombrerait-il vraiment, si le Réprouvé venait à mourir ? Pourquoi devrait-il devenir cet amas de ténèbres, de colère et de haine qui constituait Érasme ? Pourquoi son cœur devrait-il se plier aux caprices de l’ombre, lui qui était si lumineux ? Le Bipolaire inspira et le serra un peu plus fort contre son torse. « Je ne veux pas te perdre. » Il embrassa sa tempe. « Si tu le laisses en vie, promets-moi que tu feras tout pour que je ne le rejoigne pas, même si ça inclut de me faire du mal, à moi ou à mon peuple. Enchaîne-moi à toi s’il le faut. » Il pressa sa joue contre la sienne, puis enfouit son visage dans son cou. Il avait déjà mal. Il aurait toujours mal. Mais aux côtés de Lucius, c’était un peu plus supportable qu’ailleurs. Sa lumière l’apaisait. « Je t’aime. »



Parvenu sur la terrasse, Dastan s’arrêta net pour embrasser la vue du regard. Il se sentit étrangement petit. Jamais de sa vie il ne s’était retrouvé face à autant d’immensité. Son palpitant se mit à battre plus lentement et plus profondément. Soudain, une ombre gigantesque fendit la blancheur lumineuse du belvédère. Le cœur du Réprouvé, à demi-accroupi, s’affola. Ses poings serrés se tendirent au-dessus de lui, prêts à le protéger ou à engager un combat perdu d’avance. Lorsque ses yeux rencontrèrent la silhouette du dragon, son souffle fut coupé. Il se redressa lentement, incertain. Il n’en avait jamais vu. En fait, il n’avait jamais vu d’animaux aussi titanesques que ceux qui volaient dans le vaste ciel bleu et semblaient jouer avec les pics des montagnes qui clairsemaient l’horizon. Avec hésitation, il s’avança jusqu’à la rambarde. En même temps que Lucius, il se pencha, dans l’attente de quelque chose à regarder. L’écho remonta jusqu’à lui et il sourit. Il se mit à rêver de lieux qu’il n’avait jamais parcourus et à fantasmer l’infinité des espaces. « C’est vrai ? » demanda-t-il en même temps qu’Érasme soulignait la débilité de cette croyance. Il se redressa et le regarda. Une drôle de sensation lui compressa la poitrine. Il avait envie de le prendre dans ses bras et d’admirer toutes les immensités du monde avec lui, ou quelque chose comme ça. Il tourna la tête vers Lucius et son cœur se fendilla. Pas longtemps, juste une fraction de seconde, juste avant que le bleu ne se mit à crier l’inattendu.

Le roux cligna des yeux puis, contre toute attente, éclata de rire, d’un rire léger. « Ouais, je crois pas qu’Érasme ait très envie que je réessaie de l’embrasser. » Il observa le concerné, pendant que Lucius reprenait la parole. Il avait envie de réessayer, pourtant. Il avait envie de s’approcher, d’enfoncer ses doigts dans ses cheveux et de l’embrasser. Il avait envie qu’il répondît à son baiser avec toute l’ardeur de ses « ce n’est pas assez ». Il avait envie de coller son corps contre le sien et de sentir la puissance de son désir. Non. Il se détourna, puis reporta son attention sur le Magicien. Parfois, il oubliait qu’il connaissait sa sœur. C’était pourtant un détail crucial, puisqu’elle se tapait son père et que lui semblait avoir un sacré béguin pour elle. Sa poitrine se froissa. Il tenta pourtant d’afficher un sourire espiègle. « Ouais, ma sœur. On risque de bientôt faire partie de la même famille. » dit-il, sans que ça ne l’amusât vraiment. Ce n’était même pas parce qu’il était en colère – il détestait que Freyja aimât un Magot, mais il n’y songeait pas, et s’il y avait songé, il aurait peut-être eu l’intelligence de se rendre compte qu’il en fréquentait deux un peu trop souvent. C’était simplement que depuis qu’il avait pensé aux lèvres du Sorcier contre les siennes, une étrange mélancolie imbibait son cœur.

Il soupira, et laissa à nouveau ses yeux courir sur le paysage. « Moi ? » Les animaux lui inspiraient très peu de choses. « Mes parents ont deux chevaux et un bicorne. On s’occupe aussi du bicorne et du cerfeuil de Priam et Freyja, quand ils sont pas là. Et j’ai une petite sœur, aussi. » Il sourit, moqueur, et la remarque de Lucius accentua son sourire autant qu’elle l’adoucit. D’ici quelques temps, il ne rentrerait plus dans ses vêtements. À Gona’Halv, sa musculature de guerrier s’épanouirait pleinement et il aurait sans doute besoin de refaire toute sa maigre garde-robe. « Merci. Mais c’est un peu loin de chez moi, ici, je crois. Et j’aimerais bien… » Il frissonna et se détourna. Les mains en appui sur la rambarde, il fixa le gouffre qui s’ouvrait sous ses pieds. Sur la pierre dure et froide, ses phalanges se contractèrent. « J’aimerais bien rentrer chez moi. » termina-t-il dans un souffle. S’il rentrait, pourrait-il partir à Gona’Halv ? Sa mère était-elle en vie ? Sans elle, son père ne pourrait pas assumer seul les travaux de la ferme. Sans elle, il ne savait pas ce qu’il ferait, lui. Il n’avait jamais vraiment envisagé de perdre ses parents, mais tout à coup, c’était devenu une possibilité effrayante. Et si Draegr n’avait pas survécu, elle non plus ? Avec qui s’entraînerait-il et s’entraiderait-il, sur l’île ? Quel corps chaud pourrait-il serrer contre lui, le soir venu ? Il ne voulait pas étreindre un cadavre glacé. Le Réprouvé blêmit. Et Priam ? Freyja ? Ils étaient censés demeurer en retrait auprès des soigneurs, mais avaient-ils maintenu leur position face au carnage que vivaient les leurs ? Et s’ils n’avaient pas bougé, la bataille n’était-elle pas venue jusqu’à eux ? Les intestins de Dastan se nouèrent si fort qu’il crut qu’il allait vomir. « Il faut vraiment que je rentre chez moi. » fit-il, les yeux dans le vague. Il voyait une immensité différente de celle du paysage : c’était une immensité d’incertitudes, de peurs et de souffrances. Brusquement, il se redressa et pivota vers Lucius. « Est-ce que vous avez eu des nouvelles d’Amestris et des Réprouvés, ici ? » On lui avait raconté qu’à l’extérieur de Lumnaar’Yuvon, les nouvelles du monde allaient à une vitesse fulgurante. Il lâcha la rambarde et s’approcha du Magicien. Ses yeux plongèrent dans les siens. « Il faut que je sache. » Il ignorait ce qu’il désirait savoir, mais il était certain que c’était nécessaire. Il tourna la tête vers le Sorcier. « Érasme. Est-ce que quelqu’un t’a dit quelque chose, quand on était là-bas ? Sur ma mère ? Ma sœur ou mon frère ? » L’espoir brillait dans ses prunelles. Il ne savait pas ce qu’il cherchait, mais il en avait besoin.



Message XII – 1721 mots

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Lun 09 Mai 2022, 21:35



Rois d'une tragédie


Les promesses ne sont que des mots. Elles s’envolent, parfois, emportées par le vent. Je levai les yeux de l’artefact et déglutis. Je n’aimais pas les voir ensemble, même lorsqu’ils parlaient de moi, surtout lorsqu’ils parlaient de moi, lorsqu’il parlait de moi. Les promesses de Lucius sonnaient comme des mensonges, des mensonges ou des aveux d’impossibilité. Réduirait-il réellement Dastan à quasi-néant pour l’empêcher de me voir ? Je soufflai par le nez d’ironie. Il ne le ferait pas, parce que le Roi Blanc savait parfaitement que ces agissements-là ne fonctionnaient jamais. Celui qu’il aimait se briserait d’une douleur encore plus désastreuse que celle qu’il ressentait aujourd’hui. Il changerait, au point de devenir méconnaissable. Il ne serait plus l’homme qu’il avait connu, celui pour lequel son cœur battait au-delà de la raison. Je pris une grande inspiration au cours de laquelle mes doigts se posèrent sur la table. Il me manquait. À l’intérieur de ma poitrine, il y avait comme un vide, un vide douloureux, acéré. Ce vide me lacérait encore le cœur, malgré les années. J’aurais pu en mourir, si la vie ne s’était pas accrochée à moi de façon désespérante. À chaque fois que j’avais souhaité enlacer la mort, elle était toujours intervenue, pour m’interdire ses bras, comme elle m’interdisait ceux du roux. C’était un traitre. Je le haïssais. Je le haïssais à en crever d’amour. Et j’étais là, debout, au milieu de cette pièce qui n’avait le goût de rien, à m’enfoncer dans les ténèbres de mon monde qu’il avait fait s’effondrer sur lui-même. Plus rien n’avait d’importance, sans lui. Plus rien n’en aurait. Tout n’était que ruines. Je préférais pourtant abhorrer. Ce sentiment était plus facile que tout autre, plus légitime pour celui que j’étais. Je ne pouvais pas clamer à la face de mon peuple qu’un Réprouvé m’avait brisé, le jour où il avait décidé de rejoindre mon frère dans la Lumière. Pourtant, parfois, cet amour qui ne voulait pas crever ressurgissait et emplissait le vide d’un calme mélancolique.

« Soldat. Allez chercher le Chef des Armées. » ordonnai-je, depuis l’intérieur de la pièce. Je restai immobile quelques minutes, le temps que Val’Aimé ne parût. Nous attendîmes que le sous-fifre eût disparu avant de parler. Il ne s’inclina pas. « Tu voulais me voir ? » « Oui. Nous allons rentrer. » Il y eut un silence. « L’ennemi nous attend. Nous brillerons donc par notre absence. » Je savais qu’il n’était pas dupe, bien que la perspective de la déconvenue des Magiciens et des Réprouvés fût réjouissante. Il s’approcha et posa ses doigts juste à côté des miens, sur la table. « Tu devrais accepter mon offre. » Celle d’oublier. Pourtant, celui-là même qui me l’avait proposée avait été incapable de le faire pour son propre cas. « Tu sais bien que non. » « Tu serais soulagé. » Je détournai les yeux et m’écartai. « Tu viendras ce soir ? » « Oui. » « D’accord. Je t’attendrai alors. » Il y eut un nouveau silence. « Où vas-tu ? » « Voir la mer. » Parce qu’il n’y avait qu’elle pour paraître aussi mélancolique que je l’étais, elle et son ressac, elle et son air iodé. Combien de fois avais-je tenté de me jeter des falaises la surplombant ? Je n’arrivais plus à compter et ça n’avait aucune importance.  


Dissimulé à l’ombre d’un mur blanc, je visualisais les trois adolescents. Je ressentais la jalousie d’Érasme Salvatore, la tristesse de Dastan Belegad et les hésitations de Lucius Paiberym. Pour autant, il ne s’agissait pas des émotions les plus prégnantes. Celles qui régnaient et qui semblaient inéluctables seraient peut-être la cause de bien des morts, à l’avenir. Cet avenir, pourtant, était fragile. « Rien ne t’empêche de rentrer chez toi et de revenir quand tu auras un moment. » « Je ne vois pas ce qu’il viendrait faire ici. » Leurs mots sonnaient comme un combat. L’un essayait d’avancer quand l’autre ne souhaitait que le voir reculer. Je souris. Le Bipolaire, pris entre ces deux êtres antinomiques verrait ses propres paradoxes s’accentuer. Ils souffriraient, parce que les belles histoires n’ont de sens que dans la douleur. Les légendes se construisent ainsi. Les contes que l’on raconte des siècles durant ne sont pas ceux qui illustrent l’ordinaire. Ce déchirement, je le sentais battre au rythme de mon cœur, jusque dans mes veines, par empathie. Et, au-delà de leurs maux, si j’étais ici, c’était avant tout pour laisser advenir certains mots. Je devais attendre le bon moment, celui où leurs jeunes esprits décèleraient une notion qu’ils ne comprendraient peut-être pas tout de suite. Elle les questionnerait. Elle devait les questionner. Sur eux, sur le Temps, sur les Mondes. Un jour, ils comprendraient. Ils comprendraient à quel point la frontière entre le Monde des Rêves et le Monde de la Réalité est mince. Ils comprendraient que les récits oniriques qui les rapprochent ne sont en réalité pas des récits. Néanmoins, avant tout ceci, le Temps devrait s’écouler, passer, faire mûrir leur physique et leur psychisme.

« Euh… J’imagine que oui mais… » Je savais que Lucius ne voyait pas où Dastan voulait en venir. Dans son Temps, la bataille n’en était qu’à ses balbutiements. Elle était vaguement évoquée, comme une possibilité. Beaucoup questionnaient la folie des Réprouvés. La plupart songeait qu’ils n’attaqueraient pas et que les choses rentreraient dans l’ordre, seules, avec le temps. Personne ne se doutait encore, hormis les plus éclairés. « » Le silence d’Érasme me parut parlant. Dans son esprit, il songeait au comportement du Bipolaire, à ses paroles pressées, à leur manque de logique. Il hésitait à lui révéler une vérité pourtant évidente. Il finit pourtant par parler, froidement. Néanmoins, dans les méandres d’une voix qu’il voulait détachée, je pouvais nettement distinguer l’intérêt qu’il portait au roux. Celui qui avait été Prince Noir et le redeviendrait lutterait beaucoup avec lui-même, contre cet interdit, contre son impossibilité à relâcher le contrôle et à avouer être non seulement homosexuel mais, en plus, amoureux de l’ennemi. Là où il resterait debout, tendu, cassant, Lucius se déplacerait avec souplesse, croquant ses désirs à pleines dents. L’un marchait dans un monde de Ténèbres. L’autre dans un monde de Lumières. Au milieu, il y avait ce pont, constitué des deux. Il devrait devenir solide, afin de ne pas s’effondrer sous le poids de la rivalité écrasante des deux Mages. « Tu sais bien que j’en sais rien. Tu étais avec moi durant les derniers instants de la bataille et tu ne m’as pas lâché depuis… » « Euh… Attendez… Je ne comprends pas. La bataille ne peut pas déjà avoir eu lieu. » Si le Temps ne s’écoulait pas de la même façon partout, il y avait une forte similitude entre quelques lieux stratégiques et hautement peuplés. Adraha ne dérogeait pas à la règle.

Je m’avançai. « Dastan Belegad, Érasme Salvatore, je vous prie de me suivre. J’ai été désigné pour vous ramener chez vous. » articulai-je, une fois à leur hauteur. Mon propos n’était pas tout à fait exact. Je devais également les ramener dans leur Temps, avant que la bataille d’Amestris ne changeât de visage. Réparer l’anomalie, tout en distillant les gouttes d’un savoir qui leur serait un jour précieux, telle était ma mission. Je fixai la rambarde et le belvédère un court instant. Le Génie qui œuvrait ici était d'une intelligence remarquable, tout comme ses confrères et consœurs qui s'attachaient à un endroit. Les fontaines à souhaits ne s'appelaient pas ainsi pour rien. Elles avaient, un jour, abrité un Génie. Certaines en abritaient encore.

1240 mots
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Mer 11 Mai 2022, 13:04



Unknown

Rois d’une tragédie

En trio | Dastan, Érasme & Lucius



Les yeux de Dastan couraient le long de la ligne d’horizon. Il voyait dans la danse des vagues tous ses voyages et tous ses rêves de conquête. Il voyait des paysages et des contrées du passé, des images que sa mémoire conservait précieusement. Il voyait un garçon gonflé d’ambition et aussi rayonnant que le soleil, qui ne craignait ni la vie ni la mort. Il parvenait même à aimer les deux. C’était lui, autrefois. C’était lui, avant tout ça. Il inspira et ferma les yeux. L’odeur de l’embrun charria d’autres souvenirs. Le chant des vagues murmurait à ses oreilles. Il voyait et entendait deux adolescents. Ils se poursuivaient sur la plage, s’attrapaient, roulaient dans le sable. Surtout, ils riaient. Érasme ne s’autorisait pas souvent à rire si joyeusement, et pourtant, à ses côtés, durant ces moments-là, il l’avait fait. Le Réprouvé se rappelait l’éclat de son sourire avec une nostalgie particulièrement douloureuse. Il se souvenait de toutes les étincelles incrustées dans son regard bleu, de l’odeur de son souffle et du goût de ses lèvres parfumées d’iode. Il se souvenait des plages de Charmyë et elles lui manquaient. La mer, c’était un fragment de leur histoire. L’océan, c’était les grands yeux bleus d’Érasme. C’était là que le Réprouvé se noyait, immanquablement, inlassablement. Un soupir franchit ses lèvres et il rouvrit les paupières. L’étendue d’eau n’avait pas changé. Il y avait des choses immuables, et puis il y avait tout le reste. Il y avait la vie qui battait son plein, la mort qui glaçait les sangs, et puis il y avait son cœur encendré qui s’effritait lentement, inéluctablement. Les étreintes de Lucius n’étaient pas suffisantes. Il était incomplet, de la même façon qu’il avait été incomplet lorsqu’il se trouvait auprès d’Érasme. Leur guerre faisait rage dans sa poitrine. Le champ de bataille était là. Et lui, il avait beau courir d’un bout à l’autre, passer d’une ligne à l’autre, d’ennemi à allié, de traître à sauveur, rien n’y faisait. Il ne parvenait pas à recoller les morceaux. Il avait beau avoir laissé croire à Lucius qu’il ne s’abandonnerait pas à la mort, il savait qu’il finirait par mourir. Ou bien, il le délaisserait et retournerait vers son frère, pour vivre une agonie similaire. La mort était patiente : il savait qu’elle l’attendrait aussi longtemps que nécessaire. Dans tous les cas, son âme finirait par tomber. Il deviendrait fou. Fou de haine et fou d’amour.

Le Manichéen tourna le dos à l’océan. D’un pas puissant mais lourd de chagrin, il remonta peu à peu le chemin qu’il avait emprunté. Au lieu de rentrer, il bifurqua vers les falaises. Il marcha, longtemps, terriblement longtemps. Avait-ce duré des heures, des jours ou des années ? Peut-être à peine quelques minutes. Peu importait. Il avait besoin de se fatiguer. Chaque jour, il veillait à s’éreinter. C’était son seul véritable moyen de s’endormir. Il se battait, il courait, il marchait, il s’entraînait, il buvait, il baisait, il festoyait, et éventuellement, il finissait par s’écrouler. Dastan leva le nez de ses bottes et s’arrêta. Dos à lui, une silhouette surplombait la mer. Il l’aurait reconnu entre mille. Il la connaissait du bout des doigts, les yeux fermés. Il connaissait chaque courbe, chaque pli et chaque angle de sa peau. Il connaissait l’éclat brûlant de ses iris bleus et le tracé tranchant de sa mâchoire. Les années n’avaient jamais altéré son souvenir. Après quelques battements manqués, son cœur se mit à trembler dans sa cage thoracique. Il heurtait chaque autre organe avec violence. Sans réfléchir, le Bipolaire avança. Érasme. Il l’attirait comme un aimant. Il lui était impossible de résister à son pouvoir d’attraction, impossible d’ignorer sa présence, impossible de ne pas vouloir aller à sa rencontre. Il voulait le serrer contre lui et l’aimer comme il l’avait fait si souvent. Il voulait s’excuser d’être parti et le supplier de lui pardonner. Lui promettre qu’il ne le quitterait plus jamais. Lui jurer amour et fidélité pour le restant de ses jours. Il voulait remonter le temps, refaire l’histoire, bannir le futur. Il ne voulait plus jamais qu’il lui échappât. Pourtant, la silhouette pencha lentement vers l’avant. Le roux pressa le pas, puis se mit à courir. « Érasme ! » cria-t-il, la voix battue par le vent. Il allait tomber. Il allait tomber et s’écraser contre les rochers, en contrebas. Dastan n’aurait qu’à se pencher pour admirer son corps déchiqueté se faire avaler par les eaux. Juste à temps, il attrapa son poignet et le tira vers lui. Emporté par son propre élan, il tomba sur le dos et se retrouva coincé sous le Sorcier. Ses yeux bronze rejoignirent le grand bleu. Il se sentit vaciller. Il ne l’avait pas vu d’aussi près depuis des années. Il respirait fort, tant à cause de sa course que de l’adrénaline et de toutes ces émotions que le Roi Noir faisait jouer, malgré lui, sur les cordes de son cœur. Ils avaient vécu ce type de moments des dizaines de fois, peut-être même des centaines. Combien de temps avait-il passé à le sauver de la mort, à le sauver de lui-même ? Combien de fois l’avait-il entraîné dans sa chute ? Néanmoins, cette fois-là, c’était différent. Ça n’avait rien à voir. « Qu’est-ce que tu faisais ? Tu ne sais pas voler… » souffla-t-il. Ce n’était pas ce qu’il voulait dire. Il avait tellement de choses à lui dire et à lui crier, tellement de choses qui n’avaient pas forcément besoin de mots. Il restait silencieux, ses doigts serrés autour de ses bras, comme s’il avait craint qu’il ne s’échappât. Ça faisait longtemps que ce n’était plus le brun qui lui tournait le dos. Ça faisait longtemps que c’était lui qui s’enfuyait. Finalement, l’une de ses mains remonta avec une lenteur hésitante sur le cou du souverain, sur sa mâchoire, sur sa joue. Sa peau avait la même texture qu’autrefois, en dépit des marques de la magie. Il aurait dû le tuer. Cette pensée le frappa comme elle l’avait toujours fait, puis l’amour la balaya. Il aurait dû le tuer, au lieu de quoi, il avoua : « Tu me manques. »



Le regard de Dastan allait de l’un à l’autre des adolescents. Il ne comprenait pas. Ses yeux se figèrent sur Lucius, comme s’il était à la fois le plus sensé de tous et le plus fou. « Mais… » L’avait-il rêvée ? Il pivota vers Érasme. « J’y étais… On y était. J’ai vu les… » Les images le frappèrent et il se tut, avant de se détourner. Dans le mouvement, ses iris accrochèrent une nouvelle silhouette, qui dissipa le marasme qui menaçait d’engloutir son esprit. Les sourcils froncés, il dévisagea le nouveau venu. Il avait une allure étrange. De longs cheveux bouclés de la couleur de l’ivoire, un haut chapeau noir, des yeux d’or, et ce drôle de costume. Était-il d’ici ou d’ailleurs ? Le Réprouvé n’aurait su le dire. Il jeta un coup d’œil à Lucius. Il n’avait pas l’air de le connaître. Son attention revint sur l’étranger. Quand il parla, il sentit une vague électrique courir dans son dos. Il ne bougea pas, se contentant de le scruter en silence. Fallait-il mordre ou courber l’échine ? Comment pouvait-il connaître son nom ? Qui l’avait désigné ? Pourquoi ? Comment comptait-il les ramener chez eux ? Pourquoi maintenant ? Le Bipolaire ne se sentait pas en sécurité. « Vous êtes qui, vous ? » demanda-t-il, sur la défensive. Instinctivement, il se rapprocha des deux autres adolescents, sans le quitter des yeux. « Qu’est-ce que vous voulez ? »



Message XIII – 1262 mots

Tu parles d'un encadrement, tous les adultes autour d'eux sont zinzins /sbaf
Des semaines que j'attends le bon moment pour caler cette musique [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 2289842337 Maintenant je vais rp qu'avec ça, ouais [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 2075401333




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Mer 11 Mai 2022, 18:01



Rois d'une tragédie


« Tellement prévisible. » dis-je, en faisant en sorte que ses mains ne fussent plus une entrave. Je me laissai tomber sur la gauche et mon dos heurta le sol, à côté de lui. Mon regard se hissa vers le ciel. Quelques nuages trahissaient parfois le soleil. Ils filaient, sans s’arrêter, de plus en plus nombreux et poussés par un vent qui annonçait déjà l’orage. L’horizon ne tarderait pas à se couvrir de menaces illusoires. Les éclairs zébreraient l’étendue et la colère des Dieux résonnerait. Des Dieux ou des Zaahin, peu importait lorsqu’il était là. Je l’avais senti arriver. Il était impossible à ignorer, comme un morceau de verre coincé sous la plante de l’un de mes pieds. À chaque mouvement, sa présence était douloureusement évidente. Je l’avais devinée bien avant que le vent n’emportât son cri. Et j’avais souhaité savoir. Que ferait-il ? Que tenterait-il ? Viendrait-il, comme par le passé, en m’apercevant bien trop proche de la mort ? J’avais fait un pari car il n’était plus si prévisible. Je pouvais lui affirmer ce que je désirais, la vérité demeurait bien différente des mensonges prononcés par mes lèvres. Je fermai les yeux, appréciant malgré moi l’aveu que j’avais choisi d’ignorer. Il me manquait aussi. Peut-être était-ce simplement trop tard pour nous ? Certaines brisures sont irréparables. Il n’est pas possible de recoller les morceaux pour toujours. À un moment, chacun devient si minuscule que l’ensemble se perd, tombe en poussières. Un jour, peut-être ne resterait-il plus rien de nous ? À force de blessures, à force de déceptions, à force de trahisons. « Tu sais, je me suis toujours demandé si, une fois que nous serions morts, quelqu’un écrirait un livre sur nous. » Il en existait déjà mais les propos étaient toujours choisis avec prudence. Il valait mieux parler d’amitié contre nature qu’autre chose. La censure n’avait parfois pas besoin de menaces. Elle se faisait d’elle-même. « Quelqu’un de courageux qui parlerait de la vérité. Ou si, historiquement, nous resterons deux amis déchus. » Je souris. « Remarque, c’est toujours plus glorieux d’être illustré au bras du Roi Blanc. » J’évitais de le regarder depuis le début. « Il n’y a rien pour le Roi Noir. Il ne mérite pas. Il prend, on ne lui donne pas. Qui voudrait lui donner quoi que ce soit ? » Je ris, sans joie. « Tu dis que je te manque. Je te manque aussi quand tu es en lui ? Tu n’es qu’un sale hypocrite. » Je savais qu’il ne l’était pas mais ça n’importait pas. J’avais toujours prononcé des mots qui ne comptaient pas, des mots qui ne reflétaient pas mes émotions, qui ne reflétaient pas ma vérité. Le monde est ainsi fait : les autres sont faciles à manipuler. Sourire en pensant à plisser les yeux pour donner l’aspect de l’authenticité, placer son regard d’une certaine façon pour donner l’impression de se remémorer et non d’inventer. Simple face à ceux qui ne me connaissaient pas. Mais lui savait. Il savait que lorsque je prétendais le haïr, j’avouais en fait l’aimer. Il savait que lorsque je m’écartais sous ses caresses, c’était pour en demander d’autres. « Je me demande aussi ce que nous aurions fait, si tu n’étais pas parti avec lui. Qu’aurions-nous été ? » Je sortis mes yeux du vague et tournai le visage vers lui. « Je te hais, tu sais. »


Mon regard alla de Lucius à l’étranger. Il aurait pu être un Sorcier. Pourtant, s’il l’avait été, il n’aurait pas parlé de la possibilité de raccompagner Dastan chez lui. Alors que le roux posait ses questions, je me plaçai instinctivement devant lui, un mouvement que je regrettai instantanément. Je cherchai immédiatement le moyen de faire passer mon acte pour ce qu’il n’était pas. « Comme vous l’avez si bien dit, je suis Érasme Salvatore. Mon rang devrait faire de moi votre interlocuteur privilégié. Les deux autres me sont inférieurs. » J’essayais de paraître sûr de moi mais le blond dégageait quelque chose qui forçait le respect. Et contre toute attente, Lucius me doubla. Il s’avança et me dépassa. Je plissai les yeux d’agacement. Que faisait-il, ce connard ? « Bonjour. Je me permets d'intervenir. Je suis Lucius Paiberym et mes camarades sont sous la protection de la Pandṓra tant qu’ils se trouvent à Adraha. Vous ne pouvez pas arriver et décréter qu’ils doivent repartir avec vous s’ils ne sont pas consentants. » Sa voix était plus assurée que la mienne, plus ferme également. « Je vous prie de bien vouloir décliner votre identité, comme Dastan vous l’a demandé. » Je grimaçai. Il accaparait le beau rôle. Il endossait celui du protecteur. Il faisait face à l’ennemi potentiel. Je le détestais. Ma voix s’éleva, emplie d’une haine renaissante. « Est-ce que tu peux te mêler de tes affaires ? Est-ce qu’il t’a adressé la parole ? Non. Alors va soigner ton dragon et laisse-nous tranquilles. Personne ici n’a besoin de toi. » Le Mage Blanc tourna la tête vers moi. Visiblement, il ne comprenait pas ma réaction. Pauvre con.

L’étranger, qui n’avait toujours rien dit, finit par prendre la parole. Ses yeux se posèrent sur le Bipolaire. Ça ne me plut pas et je lui envoyai un regard noir. Lucius fronça les sourcils en me voyant faire. Contrairement à précédemment, mon comportement vis-à-vis de Dastan ne semblait plus l'amuser. « Comme je vous l’ai dit, je suis ici pour vous ramener chez vous. Le voyage pourrait prendre des mois sans magie et aucun de vous deux n’est en capacité de se téléporter sur une si longue distance. Au demeurant, je m’appelle Harold. » Sa phrase se termina, comme pour célébrer le début de la nouvelle rixe entre le Magicien et moi. Dans son regard, je lus clairement la suite, ce qui n’empêcha pas son poing de filer tout droit dans mon ventre. Le coup me donna l’impression de manquer d’air. Il était plus fort que moi et n’eut aucun mal à me pousser contre la balustrade. « Qu’est-ce que t’en sais ? » cria-t-il. Je me débattis. « Y en a toujours que pour toi ! » continua-t-il, sans qu’aucun sens ne pût être attaché à ses paroles. « Arrête putain ! » « Non ! Je te hais ! Je veux que tu crèves ! » Il y eut comme un moment de flottement. La barrière contre laquelle il me maintenait s’effaça et nos deux corps commencèrent à chuter, retenus sèchement au bout de quelques secondes par la magie d’harold qui nous ramena sur la terre ferme sans aucun ménagement. Nous nous y écrasâmes douloureusement. Le blond nous ignora et regarda de nouveau Dastan. « Je vais vous ramener tous les deux à Lumnaar’Yuvon. Ce sera l’occasion pour toi de le tuer si le cœur t’en dit. » Il sourit.

1108 mots
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Priam & Freyja
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Jeu 12 Mai 2022, 19:18



Unknown

Rois d’une tragédie

En trio | Dastan, Érasme & Lucius



Dastan garda les yeux accrochés au ciel. Ses bras étendus près de lui, il ne bougeait pas. Si sa poitrine ne s’était pas mue au rythme de sa respiration et si l’ombre d’un sourire n’avait pas marqué ses lèvres, on aurait pu le croire mort. Peut-être l’était-il, au moins un peu ? Un rire soufflé fit tressauter ses narines. Parfois, il se trouvait stupide. Il était déçu de l’accueil d’Érasme, de cette phrase crachée comme une insulte. Mais à quoi s’attendait-il ? À la vérité ? Il n’y avait que lui qui disait ce qu’il pensait et ressentait vraiment – la plupart du temps. Érasme vociférait toujours le contraire – ou presque. Il vivait dans un monde où toutes ses passions étaient inadmissibles. Il s’enfermait dans un déni de façade, quand il savait très bien quel feu le consumait. Il savait très bien que, aussi ténébreux qu’il fût, il ne pouvait pas échapper au soleil. Et lorsqu’il voulait bien l’admettre, certes, les remparts du déni tombaient, mais c’était une forteresse de peurs qui s’érigeait à leur place. La peur d’être blessé, d’être rejeté, d’être délaissé. La peur que le Réprouvé ne finît par se détourner et par lui préférer un autre. C’était exactement ce qu’il avait fait, mais ce n’était absolument pas parce qu’il ne l’aimait pas. Au contraire. Chaque jour, il crevait d’amour pour lui. Il ferma les yeux. « Tu crois qu’on va finir par mourir ? » demanda-t-il, tandis que son sourire s’élargissait. Leur malédiction prendrait-elle fin ? « La vérité, hein ? » Le sourire devint rictus, entre l’amertume et la moquerie. Le courage, il ne manquait qu’à Érasme. Tout le monde savait. Il n’y avait rien à cacher. Dastan n’avait pas peur de ce que l’on pourrait dire d’eux. Évidemment, leur union était contre nature. Néanmoins, si son peuple avait voulu le destituer, il l’aurait fait. Ils savaient. Ils les avaient vus se regarder, ils les avaient vu s’effleurer, ils avaient entendu leurs voix rompues de désir, ils avaient entendu les rumeurs. Il n’aurait rien fallu de plus pour qu’ils le missent à terre, s’ils l’avaient voulu. Ils ne le voulaient pas : ils n’avaient fait que le mettre en garde, lui lancer des piques, lui proposer des alternatives. Le Belegad avait longtemps passé outre. Il avait conscience de sa force. Il avait révolutionné leurs vies. Il avait brisé les normes et cassé les codes, mais rien n’équivalait le prix du succès qui en avait résulté. Alors la vérité, lui, il ne la craignait pas.

Il se redressa sur un coude et le regarda. « C’est pourtant souvent moi qui t’ai pris. » glissa-t-il, une lueur espiègle dans ses yeux bronze. Espiègle, et bien d’autres choses. Ce que disait le Sorcier n’était pas amusant. C’était à la fois triste et révoltant, parce que c’était faux. Lorsqu’il était à ses côtés, il lui avait tout donné. Il n’avait rien eu à prendre ou à arracher, parce que le roux s’était tourné vers lui les bras grands ouverts. Il lui avait tout donné, si bien qu’en partant, il avait été incapable de tout reprendre. Il lui avait laissé des fragments de lui-même. Des fragments qu’il ne récupérerait jamais. Il n’était pas sûr de les vouloir, de toute façon. Les confier à Érasme, c’était comme lui offrir un trésor inestimable. Il n’avait pas envie de le lui retirer. Il voulait qu’il conservât tous ces souvenirs d’eux, et qu’ils pussent encore vivre à travers sa mémoire, comme ils vivaient à travers la sienne. Parfois, quand il se perdait dans les bras de Lucius, il ne pensait qu’à leur étreinte. D’autres fois, il songeait si fort à Érasme qu’il avait l’impression de pouvoir le toucher, l’impression d’être en lui, tout contre lui. Il lui semblait même pouvoir goûter au parfum iodé de ses lèvres. Ce n’étaient que des illusions. Il s’en rendait toujours compte. Le Manichéen baissa les yeux sur l’herbe sèche de la falaise. Ses doigts se fondirent dedans. Il n’était pas hypocrite. Il était simplement déchiré entre les deux frères, par les deux frères. « Oui, ça arrive. » se contenta-t-il de répondre. En vérité, il lui manquait tout le temps, parce qu’il y avait toujours ce trou, dans sa poitrine. Même quand il ne pensait pas à lui, il était là.

Dastan sourit, mélancolique, avant de relever la tête vers le visage du brun. Durant quelques secondes, il ne dit rien. Puis, il répondit : « Oui, je sais. » Un sourire revint flotter sur ses lèvres. « Quel Sorcier pourrait ne pas haïr un Réprouvé ? » Toujours en appui sur son coude, il s’inclina légèrement vers lui. « Quel Sorcier pourrait s’allier à un Réprouvé ? Et inversement. » Il le scruta. « Peut-être qu’on n’aurait rien été. Peut-être que les choses sont simplement rentrées dans l’ordre, et qu’elles ont toujours été destinées à le faire. » Il n’y croyait pas. Sa main libre s’égara dans les cheveux du Roi Noir. Il avait besoin de le toucher. « Peut-être qu’on aurait gagné. » Sans doute. Il était parti à un moment décisif. « Peut-être qu’on aurait été les grands rois d’un monde en ruines. » L’envie de serrer ses doigts autour de ses mèches brunes et de l’attirer vers lui pour lui voler un baiser le frappa, mais il la repoussa. « Lucius serait mort. Tu l’aurais tué, alors que lui sera incapable de t’achever. » Parce que je suis là. « Peut-être qu’on est à un point d’équilibre. » fit-il, songeur. Parfois, il avait la sensation qu’il aurait dû être le pont entre eux, celui qui les maintenait dans un équilibre précaire et qui garantissait un semblant de stabilité. Si tel était son rôle, alors il avait échoué. Il s’était perdu dans ses propres passions. Il s’était perdu dans le grand bleu, puis dans le grand vert. Il s’était baigné dans tous les excès et il y avait abandonné sa raison. « Peut-être que tu aurais accepté de reconnaître la vérité. » Il sourit. « Mais tu la hais encore plus que tu ne me hais. Et tu n’es pas assez courageux pour affronter cette haine. » Il leva sa figure vers le ciel et observa le sombre ballet des nuages. « Tu crois que je cherche la gloire ? » Son regard redescendit sur son ami. Il retira ses phalanges de sa chevelure. « Je n’ai besoin d’aucun de vous deux pour l’obtenir. C’est moi, le soleil. Vous n’êtes que deux petites lunes. » Il sourit, presque amusé, avant de reprendre une expression plus sérieuse. « Je ne suis pas là pour ça. » Il y eut un silence, puis, d’une impulsion, il se projeta pour enjamber le Mage Noir et cala ses mains de chaque côté de son crâne. Il s’assit. C’était une position familière, récurrente, presque rassurante. « J’aurais aimé pouvoir être le pont qui vous relie, mais je crois que je suis surtout devenu le gouffre qui vous sépare. » Ses iris mordorés sondaient les traits d’Érasme, à l’affût du moindre mouvement. « J’ai beau marcher aux côtés de Lucius, la vérité me manque tout le temps. » Il se pencha vers lui et regarda brièvement ses lèvres. « Toi, tu me manques tout le temps. » Son regard plongea dans le sien, puis il s’allongea contre lui et laissa sa tête reposer sur son torse. Ses prunelles naviguèrent sur la crête des vagues agitées. « On aurait pu prendre la mer et s’en aller, loin. Loin de tout ça. » Était-il trop tard ? « Comment tu crois que ça va finir ? »




Dastan observa la joute des deux Mages sans rien dire. À vrai dire, il ne faisait que leur jeter de brefs coups d’œil. Son attention était accaparée par l’inconnu. En fait, leurs chamailleries l’agaçaient plus qu’autre chose. Il aurait pu jeter de l’huile sur le feu, mais sa méfiance à l’égard de l’homme étouffait son espièglerie. « Taisez-vous tous les deux ! » grogna-t-il, avant d’ajouter à l’attention de l’étranger : « Répondez aux questions. » Lorsqu’il posa son regard sur lui, le roux lutta pour conserver toute sa contenance. « Harold. » La consonance était étrange. « Et qui est-ce qui vous env- » Il fut interrompu par le coup que Lucius asséna à Érasme. Aussitôt, le Manichéen pivota vers eux. « Putain mais ! Arrêtez ! Bande de gros cons ! » Alors qu’il s’approchait, dans l’espoir de pouvoir les séparer, la barrière s’effrita. Sous les yeux effarés du rouquin, les deux adolescents chutèrent. « Non ! » cria-t-il en accélérant l’allure. Le son du fracas dans son dos lui fit faire volte-face. Ils étaient là, empêtrés sur le sol. Furibond, son regard se planta sur l’inconnu. C’était lui, c’était forcément lui. Il détestait la magie, putain ! Il voulut lancer quelques mots bien sentis à ce sujet, mais la deuxième phrase de l’homme lui coupa les cordes vocales. Il le dévisagea, la bouche entrouverte, avant de se renfrogner dans une grimace âcre. « C’est pas une question de cœur ! » protesta-t-il. Ça serait toujours une question de cœur. « Et j’ai pas besoin de vos conseils ! Vous vous prenez pour qui ? » Il avança, véhément.

Dans sa course, il trébucha sur une motte de terre et ne retrouva son équilibre que de justesse. Ça sentait… Levant la tête, le Bipolaire embrassa le paysage du regard. Des champs d’or s’étalaient à perte de vue et l’odeur caractéristique des céréales affluait. « Lumnaar’Yuvon… » laissa-t-il échapper, choqué. Une émotion toute particulière lui broya la gorge et lui brûla les yeux. Il pivota. Partout, les étendues dorées. Intactes. Pleines et vivantes. Juste à côté de lui, il repéra Érasme. Ses prunelles se focalisèrent sur lui. Il lui fallut moins d’une fraction de seconde pour percuter. Ils se retrouvaient dans la même situation que dans sa chambre, à Amestris. Sauf qu’ils étaient complètement à découvert. « Dépêche-toi. » Dastan lui attrapa la main et se mit à courir. Ils traversèrent le pré à vive allure. Il reconnaissait l’endroit. Ce n’était pas loin de chez lui, mais ils ne pouvaient pas se permettre d’y aller. Une fois sur le chemin de terre, il bifurqua à gauche. « Surtout, avance ! » lança-t-il à l’adresse de l’ancien Prince Noir. La guerre avait fait partir bon nombre de Réprouvés, et pour une fois, c’était tant mieux. Il y avait peu de chances qu’ils croisassent quelqu’un. C’était une possibilité qu’il ne fallait cependant pas écarter. Au bout de la route, le roux prit la direction nord-ouest. Ils s’enfonçaient dans les terres, et surtout, ils quittaient le cœur du territoire. Seules quelques maisons isolées bordaient la frontière. Il connaissait une grange abandonnée, où il retrouvait Draegr lorsqu’ils avaient envie d’être tranquilles. Personne ne venait là-bas, hormis eux, et elle n’était pas là. Il déglutit, peu désireux de réfléchir à l’endroit où elle pouvait se trouver.

« On va là. » indiqua-t-il dès que la masure fut en vue. Quelques centaines de mètres plus tard, ils s’y engouffraient. Dastan lâcha le Sorcier afin de fermer la porte de l’intérieur, à l’aide d’une solide planche de bois. Essoufflé, il contempla l’ouvrage, avant de pivoter vers son invité d’infortune. Intérieurement, il remercia mille fois Lucius de leur avoir prêté des vêtements. Au moins, ni l’un ni l’autre n’étaient habillés comme des Sorciers. « Va falloir que tu restes là pour l’instant. Dans quelques jours, je pourrai t’accompagner à la frontière, et quelqu’un pourra venir te chercher. » Il était impensable qu’un Mage Noir s’introduisît au sein de Lumnaar’Yuvon. Surtout en ce moment. Ce serait sans doute pris comme une attaque. Les Bipolaires sentiraient l’afflux de magie qui se dégagerait de cette apparition soudaine. « Je t’apporterai à manger, à boire, et des vêtements. D’accord ? » Il scruta Érasme, dans l’attente de sa réaction. Il était presque sûr qu’il allait protester. Ça le fatiguait d’avance. S’il protestait trop, peut-être qu’il trouverait la force de le tuer. Son regard croisa le sien. Il déglutit.



Message XIV – 2000 mots

"Normaux"... j'ai un gros doute, je sais pas pourquoi [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 002




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Jeu 12 Mai 2022, 23:18



Rois d'une tragédie


« Arrête. » murmurai-je, lorsque ses doigts effleurèrent mes cheveux. Il ne m’écoutait pas toujours. Et puis, comment pouvait-il savoir à quoi mon injonction faisait référence ? À son geste ? À ses mots ? Aux deux ? Aux deux, oui. Je n’aimais pas l’entendre affirmer que nous n’aurions potentiellement rien été. Il était le seul fautif. Il était parti. « L’équilibre est la dernière de mes préoccupations. » susurrai-je. Quant à Lucius, malgré ce que le roux disait, j’étais certain qu’il serait capable de me tuer. Essayer, au moins. Mes lèvres s’étirèrent lorsqu’il se prétendit Soleil. Il l’était, éblouissant à en devenir aveugle, brûlant à en crever. Qu’importât qu’il fût Soleil. Ce qui comptait à ses yeux était son peuple. C’était la raison principale pour laquelle il m’avait quitté, parce qu’une éclipse prolongée peut plonger un monde dans l’obscurité et la désolation. Il savait comme moi que lorsque je me distendais sous les caresses de ses rayons, j’étais capable d’avoir raison de lui, d’occulter sa lumière. C’était bien pire, en réalité, car ma présence le contraignait à gonfler à son tour et risquait de le pousser à engloutir absolument tout ce qui se trouvait autour de lui. Son magnétisme ne pouvait qu’avoir raison d’autrui et, finalement, ce n’était peut-être pas moi le véritable danger pour ces terres. C’était peut-être lui, lui à mes côtés. Le croyait-il ? Le savait-il ? Était-ce pour cette raison qu’il avait choisi une lune bien plus docile ? Une lune conciliante ? Une lune moins demanderesse ? Parfois, j’étais certain qu’il ne l’aimerait jamais comme il m’avait aimé, comme il m’aimait encore. Parfois, j’étais convaincu que Lucius n’était qu’un ersatz de ma propre personne, un choix de facilité pour le roux. Je chérissais cette version des faits, celle où il n’y avait véritablement que moi dans son cœur et où le reste n’était qu’un parfait mensonge, un palliatif fabriqué pour qu’il demeurât dans son déni. C’était moi, qu’il aimait. Pas Lucius. Pas ce ridicule Roi Blanc. Il représentait la stabilité, la sécurité, la tendresse, la gentillesse. Il était aimable mais pas passionnément, pas à la folie, pas au point de cesser de respirer, pas au point de tout abandonner, pas au point de s’abandonner soi-même. Je ne pouvais pas le croire. Je ne voulais pas le croire. Ce que je ressentais, moi, pour lui, ne pourrait jamais être détrôné par l’amour que lui portait Lucius. Parce que mon frère était raisonnable, malgré les paroles qu’il prononçait. Moi je ne l’étais pas, parce que, sans Dastan, rien ne méritait d’être sauvé. Rien ne méritait le cadeau de l’existence.

Mon regard se déplaça vers le Réprouvé, à présent assis sur moi. Il s’agissait d’une mauvaise habitude. J’avais pourtant fini par arrêter de lui montrer mon mécontentement. Celui-ci s’était transformé en autre chose, avec le temps. J’avais appris à aimer ce contact, comme il était, comme il venait. « Le gouffre existait déjà avant toi, ne te donne pas plus d’importance que tu n’en as. » dis-je, en tentant de combattre les sensations que notre proximité provoquait en moi. J’essayais avec la fougue d’un tétraplégique sur un champ de bataille. J’essayais pour de faux. J’essayais tout en sachant pertinemment que la chose était impossible. « Arrête. » Il devait arrêter de regarder ma bouche ainsi, arrêter de me regarder tout court. Je déglutis lorsqu’il avala la distance entre lui et moi. « Je ne sais pas. Peut-être que le Soleil devrait laisser les deux Lunes se déchirer sans lui. » dis-je, tout bas. J’y avais déjà songé à de nombreuses reprises, à la possibilité qu’il se retirât de la guerre. « Tu n’as rien à faire entre nous. » susurrai-je. Mes doigts, sur le sol, étaient aussi envieux qu’hésitants. Finalement, après un silence, ils vinrent se refermer sur lui, à la recherche des muscles de son dos, des marques de sa colonne vertébrale puis, plus haut, de la forme de sa nuque et des boucles de ses cheveux. Dans ma poitrine, mon cœur tambourinait. Il n’y avait que deux cas où je me sentais en vie : lorsque je me tenais à ses côtés et lorsque je prenais des risques inconsidérés qui menaçaient ma propre existence. Le reste n’était formé que de vide. Peut-être était-il l’un de ces risques ? « Si tu veux le fond de ma pensée, je préférerais que tout ceci ne devienne pas une stupide tragédie à l’eau de rose. Je ne veux pas que notre histoire soit celle d’un meurtre et d’un suicide, encore moins si Lucius entre dans l’équation. Je te hais trop pour te le permettre. » Mes doigts resserrèrent leur prise sur ses cheveux. « Tu entends ? » Parfois, il m’arrivait de songer à ce que j’aurais fait si j’avais été à la place de Lucius, le Roi Blanc. Ce n’était jamais une bonne idée. Je soupirai et finis par avouer. « Toi aussi tu me manques. » Il me manquait toujours, même maintenant, parce que j’avais conscience qu’il ne resterait pas. Il repartirait vers la lumière. Il était dans mes bras mais c’était comme s’il n’y était pas. Il existait, sans exister. Je me demandai même s’il n’était pas qu’un mirage, une illusion de mon esprit malade, déclinant de trop aimer. Je souris en soufflant par le nez. Tout ceci était ridicule. « Tu me manques, même quand tu es là. » Les aveux brisaient les barrières de mes lèvres impitoyablement. « Je ne veux pas que tu l’aimes. Je veux que tu n’aimes que moi et je crois que tu n’aimes véritablement que moi. Ce serait tellement injuste, sinon. À quoi ça servirait, tout ça ? » À quoi est-ce que mon amour servirait s’il était toujours rabroué par l’aura de Lucius ? Ma voix s'était brisée, comme elle l'avait fait à de multiples reprises par le passé. Elle me trahissait toujours. « Rien n’a de sens. » jugeai-je. « Et ce n’est pas assez. Ce n’est jamais assez. » Il ne m’aimait jamais assez fort. Je ne le sentais jamais assez. Je voulais plus. Je voulais la certitude qu’il resterait, peu importât le reste. Mais il était déjà parti et il repartirait.


Je déglutis lorsque je compris où est-ce que nous nous trouvions. Harold n’avait pas menti. Il nous avait envoyé tout droit dans les champs de Lumnaar’Yuvon. À cette constatation, mon cœur se mit à battre fortement. Je savais ce qui m’attendait, si un Réprouvé me trouvait ici. Ce serait la mort. Ce serait la mort et… Je sentis une pression et l’extension de mon bras. Mes jambes obéirent à l’injonction du Bipolaire bien avant que mon cerveau ne comprît ce qu’il se passait. Ma réflexion se tut, au profit de mon instinct. Rien n’importait, si ce n’était le fait de m’enfuir, de me mettre à l’abri. Mon corps ne ressentit aucun épuisement, mû par l’adrénaline. Tout ce qui comptait était la tâche rousse devant moi. Elle était tout ce que je voyais et fut tout ce qui importa le temps pour nous de nous trouver à couvert. Là, dans cette grange, mon état physique me rattrapa. Mes poumons commencèrent à me brûler, à l’instar des muscles de mes jambes. « Quoi ? » Quelques jours ? Il était complètement fou. Mon regard percuta le sien, pour protester, mais aucun mot ne sortit de prime abord d’entre mes lèvres. Je m’avançai vers lui d’un pas lent. Mon corps me semblait à présent engourdi, comme s’il venait de se rappeler qu’il lui manquait du sang et qu'il était encore alcoolisé. J’eus l’impression de m’écraser violemment contre le Réprouvé. J’étais encore essoufflé. « Quelques jours… » commençai-je, en essayant de reprendre contenance. Il était proche, ce qui ne m’empêcha pas de le scruter à la recherche d’un élément inconnu, d’une réponse à une énigme insoluble, avec les yeux de quelqu'un s'apprêtant à découvrir le sens de la vie. « Je ne peux pas… » J’inspirai. « Je ne peux pas rester là. Ils vont finir par savoir que je suis ici. » Les Réprouvés, peut-être, mais surtout les Sorciers. Ils le sentiraient et ils seraient obligés de venir me chercher. L’endroit était bien trop dangereux pour qu’ils me laissassent ici. « Et s’ils viennent… » Viendraient-ils ? Viendraient-ils jusqu’ici, vu le contexte ? Je n’étais plus le Prince Noir. Ma vie n’avait probablement plus aucune valeur politique. Cette pensée, pourtant, sonnait faux. Elle était fausse. Mon père restait important et il redeviendrait Roi. J’étais l’héritier. « Je… » S’ils venaient, ils le tueraient. S’ils venaient, peut-être qu’ils ne tueraient pas que lui mais les autres ne m’importaient pas. Je fronçai les sourcils, en me rendant compte de mon attachement au roux. C’était douloureux et répugnant. Pourtant, mon visage semblait comme attiré par le sien, attiré à m’en donner le vertige. Je sentais cependant une tension entre nous, comme deux aimants aux pôles identiques face à face, et je pris conscience qu’il suffirait d’un rien, d’un retournement, pour qu’il fût trop tard et que l’attraction fût inévitable. Mon cœur battait toujours, mais ce n’était plus pour les mêmes raisons. Et si je mourais ici ? Et si, lui, mourait ? Je déglutis. Je savais ce que je voulais : ses lèvres. Je le savais mais l’hésitation était puissante. J’étais suspendu au-dessus d’un gouffre. Je sentais qu’il me suffirait de sauter mais mon éducation tentait de me retenir. Néanmoins, lorsque j’ouvris la bouche pour dire quelque chose, le mouvement s’imposa. Mon silence se heurta contre ses lèvres en un geste qui me parut irréel. Avais-je avancé ? Ou était-ce lui ? Je me reculai presque immédiatement, perturbé par la sensation. J’avais l’impression de m’être brûlé sans que la flamme ne fût désagréable, bien au contraire. Était-ce vraiment arrivé ? Non. Non, probablement pas. « D’accord. Je vais attendre là. » m’entendis-je murmurer, une sensation d'inachevé sur les lèvres.

1585 mots
Oui, moi aussi en fait. D'un autre côté, ils seraient chiants s'ils étaient normaux  [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 943930617

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Priam & Freyja
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Priam & Freyja
Ven 13 Mai 2022, 18:11



Unknown

Rois d’une tragédie

En trio | Dastan, Érasme & Lucius



Arrêter. Reculer. Se retirer. Disparaître. Il y avait songé des centaines de milliers de fois. Il y réfléchissait encore, à chaque fois que sa vie lui paraissait trop insupportable, tout le temps. Il aurait pu leur tourner le dos et fermer les yeux sur leur guerre intestine. Il aurait pu rester dans l’ombre et attendre le dénouement. Il était autant fait pour elle que pour la lumière, après tout. Qu’est-ce qui le retenait, alors ? « Je n’ai pas envie que vous mouriez. J’ai peur que, si je pars, l’un de vous tue l’autre. Je sais que ça arriverait. » Il s’interrompit et inspira. « Je ne veux pas. Je ne peux pas. » Peut-être que ce serait pire : ils pourraient s’entretuer. Et lui, il serait là, solitairement entouré de tous. Rien ne pallierait sa souffrance. Ni son peuple, ni ses enfants, ni ses amants, ni ses conquêtes, ni toutes les traversées océaniques du monde. Rien. Peu importait qu’il s’éparpillât : il revenait toujours au centre de son cœur, et le centre de son cœur, c’était eux. Il ferma les yeux. Le palpitant d’Érasme battait à vive allure le rythme de son amour. Son oreille collée contre son torse se berçait de ce chant. Il sourit, frémissant sous les caresses de ses mains. « Oui, j’entends. » répondit-il. « Je crois qu’on est déjà une stupide tragédie à l’eau de rose, tu sais. » Ses mots accentuèrent son sourire, puis ses maux le tuèrent. Ils mettaient l’accent sur autre chose, sur les réalités des paroles, qui étaient toujours plus douloureuses qu’il n’y paraissait. Il enfonça ses dix doigts dans les cheveux du Sorcier et remonta doucement contre son corps. Son visage vint se nicher naturellement dans son cou. Là était sa place. Ses pouces caressèrent délicatement les tempes du brun. Ce qu’il disait lui faisait autant de bien que de mal. Il était heureux d’entendre qu’il comptait encore. Il le savait, il l’avait toujours su, mais quand Érasme l’admettait, c’était toujours différent. Ça lui picotait la poitrine, comme si des milliers de petites bulles y explosaient dans un crépitement de joie. Puis tout retombait dans ce vide qui lui creusait l’abdomen. Le gouffre aspirait tout et ne recrachait que du malheur. « Érasme… » Dastan prit appui sur ses deux mains pour se redresser. Son regard bronze coula dans l’océan de ses iris. Lorsque sa voix se craquelait, il ne pouvait pas lui résister. Il aurait pu tout abandonner pour lui promettre l’univers, si ça avait suffi à le réconforter. Ça le terrifiait. Cette idée, et la sensation qu’elle distillait en lui. Il sentait tout son corps se fendre d’une douleur inénarrable. La peur panique de commettre l’irréparable lui dévorait les entrailles. Il ne pouvait pas tout jeter pour se lover contre le Roi Noir. Il ne pouvait pas laisser son peuple livré à lui-même. Il ne pouvait pas non plus le promettre à la couronne sombre. Il ne pouvait pas le sacrifier pour son caprice égoïste. Il aurait pu ployer l’échine et lâcher sa souveraineté. Il ne pouvait pas. Il y tenait. Il lui semblait que sans elle, il n’y aurait plus eu dans son monde qu’Érasme et Lucius. Il ne pouvait pas vivre ainsi. Sa nation était sa salvation. Son point d’équilibre. « Je t’aime. » Un sourire triste effleura ses lèvres. « Pour toi ce n’est pas assez, mais pour moi c’est trop. » Il s’inclina, jusqu’à pouvoir embrasser sa joue. « C’est injuste, l’amour, et ça n’a pas de sens, c’est sûr. » Sa bouche descendit sur sa mâchoire, puis dans son cou. « Mais on peut créer du sens. On peut lui faire dire ce qu’on veut. » Il était stupide de dire ça. Il était stupide d’agir comme ça. De lui tendre les bras et de le toucher. Il savait ce que son contact provoquait en lui, tout comme il savait quelle portée pouvait avoir ses mots. « Je t’aime. Je t’aime à en mourir. » C’était la vérité, juste la vérité. Pour cela, il le haïssait aussi. Mais c’était une haine insuffisante. Ses lèvres remontèrent jusqu’aux siennes. Il les posa dessus, juste un instant. « Je serais prêt à tellement de choses pour toi. » C’était effrayant. En son nom, il avait déjà commis tant d’atrocités. Il aurait pu recommencer. « Tu me manques tout le temps aussi. Même maintenant. » Le Réprouvé murmurait contre sa bouche. La sensation lui arrachait des frissons passionnés. Il avait envie de l’étreindre, tout de suite. Il avait espéré que les années pussent étouffer le désir qui l’animait, cependant, le manque avait créé un monstre irrépressible. Il repartit dans son cou pour y déposer des baisers. Rapidement, il se redressa. Ses prunelles se perdirent à nouveau dans les siennes. « Je ne veux pas te perdre. Je ne veux pas vivre sans toi. » Au bout de ses mains, ses doigts tremblaient. Dastan pinça les lèvres, se pencha, puis les déroula contre les siennes. Il lui offrit un baiser ardent. Ses phalanges s’animèrent contre la peau du Mage Noir, tandis que son bassin se pressait contre le sien et l’appelait à rejoindre sa danse. Il le voulait. Maintenant. Il voulait qu’ils fissent l’amour. Il voulait sentir ses bras autour de lui et sa bouche sur son corps enflammé. « Tu as raison. Ce n’est pas assez. » souffla-t-il entre deux embrassades.




Ce fut comme un coup de tonnerre. Tout son corps lui parut soudainement engourdi. Les yeux ronds, le souffle coupé, le jeune Réprouvé dévisagea le Sorcier, incapable de réagir autrement que par le silence le plus total. Il ne s’y attendait pas du tout. Ses yeux descendirent sur sa bouche, puis remontèrent jusqu’à ses prunelles. « Tu… » Venait-il de…? Oui. Bien sûr que oui. Il sentait encore le contact de ses lèvres sur les siennes. Elles y avaient laissé une marque qui ne partirait pas, jamais. Ce n’était pas comme quand il lui avait arraché un baiser, sur ce canapé. Ça n’avait rien à voir, parce que ça ne découlait pas d’un gage perdu, parce que ce n’était pas volé mais offert, juste offert. C’était donné. Ils ne s’étaient pas cherchés, ils ne s’étaient pas attaqués, ils ne s’étaient pas lancé de piques, ils n’avaient pas essayé de se battre, ou de se faire du mal, ou de s’écraser. Alors ce pas-là ne pouvait pas s’apparenter aux précédents. Il voulait dire tout autre chose. C’était le premier qui engageait à en faire d’autres. Il s’agissait de l’initiation d’une danse, une danse mortelle. Ils s’y perdraient tous les deux, c’était évident. Quel Réprouvé pourrait ne pas haïr un Sorcier ?

Pourtant, d’étranges sensations couraient dans le sang et les muscles du roux. Il regarda les lèvres d’Érasme. Ses pupilles dessinèrent leur contour et s’imprégnèrent de leur teinte rosée. Elles semblaient l’appeler. Pire, c’était comme si elles lui manquaient déjà. Il déglutit, encore, et ses iris remontèrent jusqu’aux siens, encore. Bordel, il le détestait. Il le détestait de lui faire ressentir toutes ces émotions, et tous ces bouleversements internes auxquels il ignorait quel sens donner. Il devait partir avant qu’il ne fût trop tard. Dastan inspira sèchement, puis se détourna de la même façon. De grandes enjambées le conduisirent jusqu’à la porte, et il entreprit de défaire la barricade, fébrile. Il devait se calmer. Il devait sortir. Il devait s’échapper. Il devait s’éloigner coûte que coûte de ce garçon qui cherchait à l’ensorceler. Ce n’était qu’un sale Sorcier de merde, comme tous les autres. Il aurait dû le tuer, putain. Pourquoi n’arrivait-il pas à le tuer ? Pourquoi ne pouvait-il pas s’y résoudre ? C’était pourtant simple ! C’était putain de simple !

Alors qu’il tenait la planche entre ses mains, il la jeta au sol avec violence. Ses pensées défilaient aussi vite qu’un troupeau de cerfeuils apeurés. Elles avaient la même folie. Brusquement, il fit volte-face et se dirigea vers le Mage Noir, la démarche assurée. Son poing se ferma sur son col. Il l’attira à lui et plaqua ses lèvres contre les siennes. Mues par un désir incandescent, elles s’imprimèrent sur sa bouche en caresses passionnées. Sa main libre s’était frayée un chemin dans ses cheveux bruns et s’y agrippait. Il se sentait glisser sur une mauvaise pente, mais ce type le rendait fou. Il avait envie de le mettre nu et de le prendre à même la terre battue. Il ne pouvait pas. C’était interdit. Il ne voulait pas. Putain, il le haïssait. Il voulait plus. Il ne voulait rien du tout. Rien du tout, et tellement plus. Aussi vivement qu’il s’était collé à son corps, il le lâcha et s’écarta, sans un regard. De son pas toujours rapide, il retourna à la porte. Les deux mains posées dessus, il lâcha : « Referme-la derrière moi. » L’adolescent respirait lourdement. Ses épaules montaient et s’affaissaient en des mouvements accentués. « Je reviendrai ce soir. Le nom de code, ce sera Arcadia. N’ouvre à personne d’autre. Si quelqu’un rentre, cache-toi dans la paille. » Il poussa la porte, sortit et la claqua derrière lui. Puis, il s’appuya contre son bois et leva les yeux vers le ciel bleu. L’une de ses mains se posa sur sa bouche, et il la laissa lentement couler sur son menton. Dans sa poitrine, son cœur tambourinait une sérénade endiablée.



Message XV – 1551 mots

Ah on rigolerait moins, c'est certain 8D




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Kaahl Paiberym
Lun 16 Mai 2022, 20:04



Rois d'une tragédie


Une stupide tragédie à l’eau de rose. Oui, peut-être. Une eau de roses rouges, de la couleur du sang qui ne cessait jamais de couler lorsque nous étions tous les trois. Je fermai les yeux pour échapper à son regard. Je désirais qu’il se noyât dans le mien, pas l’inverse. Pourtant, mon corps était un traître. Il frémissait sous ses doigts, s’électrisait au contact de sa peau. Il suffisait d’un rien, il avait toujours suffi d’un rien : d’un doigt égaré, d’une épaule distraite. Dès qu’il me touchait, le même refrain venait jouer sa mélodie et prononcer des paroles fiévreuses à mon oreille. Mes luttes étaient vaines. Je pouvais nier, grogner, fuir, la finalité était toujours la même : nos lèvres se retrouvaient, comme prises dans une union maudite. Comment ferions-nous, le jour de la fin ? Ce jour où il ne serait plus possible de reculer, où nous aurions épuisé notre montagne d’excuses et où l’un de nous devrait mourir véritablement ? Je savais qu’il m’aimait mais l’entendre le prononcer avait un goût différent, plus réel et dramatique. Je n’étais pas le seul à régner sur son cœur et c’était insupportable, aussi insupportable que ses baisers. Il avait parlé de s’enfuir en mer mais lorsqu’il m’embrassait, j’avais l’impression de déjà voguer dans des flots aussi merveilleux que dangereux. Mon obscurité vacillait lorsque nos lèvres dansaient. J’aurais pu lui promettre de m’améliorer, de me rapprocher de la lumière. J’aurais pu tout prononcer pour qu’il restât avec moi, tout en me sachant incapable de me détourner de la Lune Noire. Pourtant, j’aurais préféré mille fois qu’elle s’effritât et disparût plutôt que de sentir la vie du roux quitter son corps à jamais. « Alors ne repars pas. » dis-je, entre deux frissons. « Reste avec moi. » Ces moments étaient bien trop chargés d’émotions. Combien de promesses nous étions-nous faites ? Combien de promesses avions-nous tenues ? Lorsque nos doigts se liaient, la raison capitulait. Il y avait toujours un point de rupture, celui où il ne m’était plus possible de reculer, où tous mes efforts pour le garder éloigné de moi devenaient inutiles et où l’idée même se muait en dystopie. Je l’aimais lié à moi, contre moi, en moi. Le reste me paraissait intolérable, tellement que mon corps ne pouvait s’empêcher de chercher le sien, d’avaler chaque millimètre de vide dissident. Dans ses prunelles, je voyais mon reflet baigner à l’intérieur de son désir. Le sentir glisser me coupait le souffle. Je voulais qu’il tombât avec moi, pour toujours, à jamais. Je désirais que les Dieux nous figeassent l’un et l’autre, que nos corps fussent transformés en statue siamoise et imbrisable. Je voulais rester avec lui pour l’éternité. Je savais pourtant que mes vœux resteraient lettres mortes. Notre histoire ne pouvait pas s’écrire ainsi.

Mes doigts se resserrèrent dans ses cheveux et descendirent dans son dos, gommant le tissu de ses vêtements. Je voulais éprouver sa peau, éprouver son ardeur. Malgré les années, mon corps se rappelait le passage de ses paumes sur lui, et celui de sa langue. Lorsque je tentais d’oublier, mes rêves me rappelaient l’inoubliable. Ils me plongeaient dans un monde où je sentais son souffle sur moi, comme aujourd’hui. Le mien lui répondait toujours, saccadé, intense. Personne n’arrivait à me mettre dans cet état. Je l’aimais tellement, trop, au point que chaque caresse devenait la source de sensations puissantes et de tourments respiratoires. Et je rejoignis la valse, parce que mon bassin n’obéissait jamais aux injonctions muettes de cette raison réduite au silence. Je connaissais pourtant déjà la sentence. Il repartirait. Il repartirait et peut-être s’agirait-il là de la dernière fois. Je n’étais plus sûr de supporter une nouvelle trahison. Je n’étais plus sûr de supporter de me donner en vain. S’il s’enfuyait de nouveau alors je ne pourrais plus faire autrement que de le tuer. Mes doigts se pressèrent dans son dos, avides. Ce n’était jamais assez. Je voulais plus. Je ne voulais pas qu’il s’arrêtât. Je voulais le sentir en moi. Ma bouche heurta la sienne, encore. Je savais qu’elle avait embrassé celle de Lucius maintes et maintes fois. Je savais que sa peau avait parcouru la sienne. L’imaginer me rendait fou, tellement que le souhait d’annihiler toutes traces de mon frère de la silhouette de Dastan ne cessait de s’intensifier. Mon désir gonflait, pris entre nécessité et évidence. Je l’aimais mais, surtout, je le haïssais de rendre l’amour possible chez moi. « Continue. » capitulai-je à mon tour, en suivant ma raison dans la folie.


« Putain… » Mes doigts longèrent mon front, s’enfoncèrent dans mes cheveux et les serrèrent. « Putain, putain, putain… » Ma main descendit et son dos se posa sur mes lèvres. Je n’essayais pas d’éprouver de nouveau le baiser. Mon geste était anxieux. J’étais anxieux. « Putain. » continuai-je, comme bloqué dans un éternel recommencement. J’étais debout au milieu de la pièce et mes yeux fixaient la porte. Je redoutais qu’il ne revînt. Je n’avais pas bougé. Je n’avais pas remis la planche en place. Dans ma poitrine, l’adrénaline mordait mes organes et affolait mon cœur. J’avais rêvé. Il n’y avait que ça. Je déglutis difficilement et manquai de m’étrangler avec ma propre salive lorsque le déroulé de la scène repassa devant mes yeux. « Putain. » Qu’est-ce qu’il lui avait pris ? Pourquoi est-ce que ce putain de Réprouvé avait fait ça ? Pourquoi est-ce qu’il… ? Parce que ce n’était pas un jeu. Ce n’était pas comme la première fois. C’était plus… « » J’enfouis mon visage dans mes mains quelques secondes et fermai les yeux. Le bout de mes doigts vint frotter mon front, comme si je désirais m’arracher la peau à force d'allers et retours. Qu’est-ce qu’il venait de se passer ? Ma langue passa sur mes lèvres pour les humidifier et je finis par faire quelques pas, juste assez pour me laisser tomber sur le tas de paille. Mes jambes remontèrent vers mon torse et je posai mes coudes sur mes genoux pour mieux tenir mon crâne entre mes mains. Je le revis parfaitement lancer cette planche et pivoter. Le bruit m'avait fait sursauter et j’avais cru qu’il revenait pour me frapper. Le fait qu’il eût attrapé mon col n’avait fait que renforcer ma pensée. Mais non. Non. Ce n’était pas ce qu’il avait fait. Il avait… « Putain. » fis-je, une nouvelle fois, ma voix suivant difficilement les rouages cassés de mes émotions. Tout était en vrac. Je n’arrivais plus à réfléchir correctement, ni à faire des liens logiques. Je n’arrivais pas à savoir, à me figurer une quelconque signification. J’avais peur de ce que cachait cet acte. Je craignais même de m’avouer qu’il avait eu lieu. Surtout, je préférais oublier que j’étais celui qui avais fauté le premier. Ça n’existait pas. Ça n’existait pas mais je sentais encore son contact sur ma bouche et la lourdeur de son souffle. « Non. » décrétai-je fermement. Le vide ne me répondit pas. J’étais seul face à mes hantises. Ça ne se pouvait pas. Je ne pouvais pas ressentir autant, ressentir comme jamais.

Mes doigts serrèrent ma tête davantage. Toutes les filles avec qui je l’avais fait, souvent de force, ne m’avaient jamais procuré la moindre satisfaction. Pas comme ça. Et lui… lui… Il suffisait qu’il m’embrassât pour embraser l’entièreté de mon corps. J’avais l’impression d’avoir volé trop proche du soleil. Tout en moi tremblait de désir et de peur, de haine et d’amour. C’était insupportable. J’aurais voulu qu’il continuât, qu’il ne s’arrêtât jamais. Et, maintenant qu’il n’était plus là, l’envie de le tuer ne devenait que plus forte. Mes goûts étaient contre nature et c’était sa faute ! Je voulais me faire du mal, pour faire sortir le poison de mes veines. Je ne pouvais pas l’accepter. Et lui ? Pourquoi avait-il fait ça ? Il ne m’avait pas regardé, ensuite. Je l’imaginais sans mal tenter de me torturer. Il devait rire, maintenant. « Putain ! » râlai-je, en me trouvant stupide de ne pas l’avoir repoussé. J’aurais dû. J’aurais tellement dû, parce qu’il n’y avait que ça à faire. Ce n’est pas possible, me dis-je, en laissant lourdement mon front retomber sur mes genoux. C’était forcément l’alcool. Il ne pouvait pas me faire cet effet-là. Et si mon père apprenait ce qu’il venait de se passer, il allait me tuer. J’étais déjà puni de base à cause du roux alors je n’osais même pas imaginer la suite. Je me sentis paniquer. Si Elias venait à savoir que je n’étais pas dans la tour à étudier…

Je me levai et fixai la porte. Je ne pouvais pas rester là à attendre que Dastan revînt. Je ne voulais plus le voir, pas après ce qu’il s’était passé. Pas après avoir répondu à son baiser comme je l’avais fait. Mes lèvres avaient dansé avec les siennes et mes mains s’étaient posées sur sa taille. J’avais voulu tellement plus et, quand il s’était retiré, je m’étais senti seul. Seul et con. Je me haïssais. « Et puis merde ! » fis-je, en me dirigeant à grands pas vers la porte. Je n’allais pas rester là. C’était hors de question. Je n’allais pas me terrer. J’allais marcher jusqu’à la frontière tout seul. Je n’avais pas besoin de lui.

1533 mots
Les Réprouvés vont pouvoir faire un commerce de pâté de Prince Noir bientôt [Q] - Rois d’une tragédie | Érasme & Lucius - Page 2 943930617
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