« Bleus ? Alors c’est vrai ? En plus d'être devenu le Cul Gelé, t'es devenu bleu ? » Shör se mit à rire et s’assit en face de moi. « C’est pas moche. Ça change, c’est tout. Ce n’est pas vraiment bleu, en plus de ça… Ça tire vers le vert, j’ai l’impression. On dirait la couleur de l’océan par temps orageux. » « … » « Rooo ça va, fais pas cette tête. » Je soupirai. « Allez, on va te trouver une fille. » « Quoi ? » Il sourit. « T’as déjà oublié ? C’est toi qui as demandé avant de partir à Arcadia. D’ailleurs, tu ne m’as pas raconté ce qu'il s'est passé, à part ce que tout le monde sait déjà. » Nous nous étions rapprochés depuis. Je l’écoutais me parler des nombreux problèmes qui constellaient son existence, surtout avec les filles. En soi, ce qu’il racontait restait léger. Ça me faisait du bien. Parfois, je lui avouais quelques-uns de mes problèmes. Pourtant, j’étais resté secret concernant le siège. « … On doit vraiment en parler ? » « Comme tu veux mec, mais je suis sûr que ça a à voir avec ta nouvelle couleur de cheveux. Il s’est passé quoi, que tu me caches depuis que t’es revenu ? » « Pas grand-chose. » « Allez, pas à moi. Je t’ai pas questionné parce que je pensais que tu allais accoucher tout seul mais, au point où t’en es, je vais bientôt être obligé de t’ouvrir le bide pour que ça sorte. » « T’es con. » Il se tourna vers le tavernier. « Deux whisky, s’il te plaît Jérôme ! Lucius a une peine de cœur alors n’hésites pas à forcer la dose ! Il faut bien réchauffer notre Cul Gelé en plus ! » fit-il, tout en envoyant un clin d’œil audit Jérôme. Je fis un mouvement pour l’empêcher de parler. « Arrête Shör ! » « Et si quelqu’un veut le consoler pour la soirée, il en serait ravi ! » cria-t-il. Je m’enfonçai dans mon tabouret, percutai la table de mon coude et cachai mon front et mes yeux avec la paume de ma main.

« Alors, au lieu de faire l’abruti… Si tu me disais ce qui te tracasse ? » « C’est ma belle-mère. Un peu. Pas vraiment mais c’est lié. » « Ah ouais, je vois. Ils se sont mariés, ton père et elle ? » « Non mais bon… » Je soupirai. Mon père faisait partie du problème mais il valait mieux que je me concentrasse sur Laëth. « Il devrait se dépêcher ton père. Elle est bonne l’Aile d’Acier. » Ma main quitta mon front. Je le fusillai du regard. « Quoi ? Avoue qu’elle est pas mal. C’est une guerrière, elle a de la gueule, elle vient de Lumnaar’Yuvon. Elle doit avoir de ces cuisses musclées… Enfin, on n’en croise pas des comme ça tous les jours quoi. » « T’y connais rien en femme. » « Toujours plus que toi. Et pourquoi t’es tout rouge ? » « C’est la colère que tu m’inspires. » me défendis-je. « Ouais ou c’est parce que tu la trouves belle et que tu ne veux pas l’avouer. » « Non ! Ce n’est pas ça ! » « Oh ça va. Détends-toi. C’est pas comme si j’allais lui répéter. Mais ça craint si tu marches sur les plates-bandes de ton père. » « Putain… Je vais t’en coller une ! » dis-je, en me levant sous l’effet d’une impulsion brûlante. Il se mit à rire. « Lucius… Tu sais ce que tu m’évoques ? Un chaton. Plus tu grognes, plus t’es chou. » Je le fixai. « Rassieds-toi, s’il te plaît. Je m’excuse. J’aime juste t’embêter. » « Tss. » fis-je entre mes dents, en replaçant l’une des mèches de mes cheveux. Quel connard.

Mes fesses rencontrèrent de nouveau le bois de l’assise. « Alors ? C’est quoi le problème avec Laëth ? » On posa les verres devant nous. « Merci. » fit-il, avant de reporter son attention sur moi. Je soufflai par le nez, signe d’agacement. « On s’est croisés sur le champ de bataille et elle m’a confondu avec le Prince Noir. » « Outch. » « Ouais. » « Et c’est pour ça que tu t’es teint les cheveux ? » « Oui. » Et pour arrêter de ressembler à mon père aussi. « Parce que vous vous ressemblez ? Comment ça se fait ? » « Pfff… Eméliana pense qu’on a le même père. » « Tu as des nouvelles ? » « Non. Je ne la comprends pas. » Je plaçai mon bras sur la table et enfouis ma tête dedans. « J’en ai marre d’absolument tout le monde. » « Même moi ? » « Ouais. » « Super le pote quoi ! » s’insurgea-t-il faussement, en plaçant le verre dans ma main. « Allez. Ce soir on te trouve une fille pour te faire oublier Eméliana, Laëth et ton jumeau maléfique. » Il ricana. « Enfin… sauf si tu veux rester puceau toute ta vie ? » « M’en fous. »

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