Avec ou sans chamallows ?

Tout allait bien. Leur étreinte n'était que tendresse et soulagement des quiproquos qu'ils avaient pu avoir ces dernières heures. Astriid avait pu dire presque tout ce qu'elle avait sur le coeur, et Neah, en Ange modèle et altruiste, allait l'aider à surmonter les épreuves qui se présenteraient à elle. La chance lui souriait, elle était si bien entourée. L'aurait-elle espéré qu'elle n'aurait jamais cru cela possible. Seulement, quelque chose clochait. Le soldat tremblait contre elle et les bruits qui lui parvenaient à son oreille étaient définitivement ceux de quelqu'un retenant ses larmes. Or l'Ange n'était que peu démonstratif de ses émotions et elle ne voyait pas ce qui pouvait provoquer une telle réaction. Qu'elle soit émue soit une chose, elle imaginait cependant mal que ce soit également le cas pour lui. Il avait été très clair dès le départ, il n'aurait aucune difficulté à barrer Astriid de sa vie et de celle de sa famille si elle ne validait pas les critères qu'il fixait pour protéger ceux qui lui étaient chers. C'était elle qui pouvait tout perdre, pas lui. Légèrement perplexe, elle voulut le réconforter en tapotant son dos gentiment. Ses doigts rencontrèrent des cheveux. Longs. Le corps contre elle était menu, voire même moelleux à un endroit où c'était dur auparavant. Astriid ouvrit brusquement les yeux et se recula comme si un serpent venait de la piquer.

Ses prunelles s'écarquillèrent, à tel point que le blanc dominait l'émeraude. Ses mains encore levées comme à mi-chemin de l'étreinte qui les avaient liées furent prises de tremblements fébriles et l'Elfe ouvrit la bouche. Rien ne sortit. Aucun mot ne paraissait être le bon. Parler risquait d'ancrer ce moment dans la réalité, de briser cette bulle où tout était encore possible. Une part d'elle-même s'attendait presque à ce que la jeune fille reprenne les traits de Neah et que le Soldat s'écrie que c'était une surprise. Blême d'horreur, l'Ygdraë semblait pétrifiée dans le marbre tandis que Kitoe passait du rire aux larmes. « Je ne comprends pas. » Souffla-t-elle finalement. « Tu m'as menti ? » Ses pieds l'entraînèrent en arrière. « Neah n'a jamais été là ? » Sottement, elle regarda vers l'armoire comme s'il pouvait s'y cacher. « Ça a toujours été toi. Tu m'as trompée ? » La question n'en était pas une, elle avait la réponse en face d'elle. Son dos rencontra le mur. « Qu'est-ce que tu as fait ? Oh par tous les Ætheri, qu'est-ce que j'ai fait ? » Le regard dans le vide, elle ne parlait plus à Kitoe. La pièce elle-même avait disparu, il ne restait que l'horreur de la réalité. C'était encore pire que la culpabilité qui l'étreignait jusqu'à présent, pire qu'avoir parlé avec la Démone dans les thermes, pire qu'avoir envisagé de s'en faire une amie. Neah n'allait jamais lui pardonner, il allait forcément débusquer le secret. Jamais elle ne serait capable de lui mentir ouvertement, il allait le savoir sans même qu'elle ait à le lui dire, ce serait écrit sur son visage, gravé dans son être de façon indélébile, une honte insupportable. Elle allait tout perdre à cause de la Démone. Cependant, elle ne réussissait même pas à lui en vouloir car elle n'était pas la seule coupable. Sans doute qu'elle n'aurait jamais usé de ce subterfuge si elle n'était pas allée lui parler dans les thermes, si elle avait suivi les conseils de Neah depuis le début. C'était elle l'imbécile. Au fond, elle méritait cette situation. Kitoe était restée fidèle à sa nature, les Démons étaient perfides, tout le monde le savait. C'était elle qui avait dévié de sa trajectoire, qui s'était crue au dessus des grandes lois qui régissaient ce monde. Quelle arrogance, quelle bêtise de penser qu'elle pouvait faire fi de tout ce qui lui avait été inculqué. Elle était comme ces enfants qui avaient besoin de mettre la main dans la cheminée pour être convaincus que le feu brûlait. Le souffle lui manquait, elle sentait sa poitrine se soulever mais sa trachée restait obstinément bloquée. L'Ygdraë porta les les mains à sa gorge, hoquetant, à la recherche d'air. « Je n'arrive plus à respirer. » Elle capta le regard de Kitoe avant qu'un voile noir s'abatte sur ses yeux. Ses jambes défaillirent et l'Elfe se laissa glisser comme une poupée de chiffon le long du mur, s'abandonnant à l'inconscience plutôt que d'affronter cette réalité.

Message IX | 785 mots