Valseuse noire
Nymeria

Intrigue ; Nymeria se prépare pour le bal de Lagherta : organisation de l'épreuve pour trouver un cavalier, cours de danse, trouver une tenue, etc.

« Alors ? » demanda Elyanna en se laissant tomber à côté de Nymeria. Cette dernière était assise dans la cours du château, sur les marches d'un péron étriqué - la porte d'un couloir des domestiques. Elle était venue s'installer ici pour prendre sa pause déjeuner, seule, loin du brouahaha constant qui planait dans les quartiers où vivaient ses collègues. La déchue, qui la connaissais comme si elle l'avait faite, selon ses propres dires, n'avait eu aucune difficulté à retrouver sa cachette. Elle avait deviné que la brunette chercherait à s'isoler plutôt que de chercher la compagnie des curieux et des commères. « Tu as décidé ce que tu allais en faire ? » insista l'Aile Noire, tendant le bras pour piquer un morceau du pain que grignotait sans appétit sa camarade. Nymeria esquissa une moue boudeuse. Elle ne fit pas l'affront de feindre l'ignorance et de lui demander de quoi elle parlait. Le sujet était trop récent, trop effrayant aussi pour qu'elle puisse prétendre ne pas y penser à longueur de journée. En réalité, ça la tracassait tellement qu'elle en était devenue étourdie : son travail s'en était vu déterioré. La première fois qu'elle avait fait tombé un service en porcelaine, on avait mis cela sur le compte de l'émotion - une telle nouvelle, ça n'avait pas pu la laisser de marbre. La seconde fois, lorsqu'elle s'était perdue dans les couloirs secrets des domestiques, on avait mis cela sur l'excitation de l'idée de se rendre au bal, et non pas seulement pour y travailler. La troisième fois, quand elle avait échangé les sauces pour accompagner les plats des invités, on avait commencé à sérieusement froncer les sourcils. Le problème, c'était que ce genre de maladresse s'était répété et que l'indulgence de son entourage s'amenuisait progressivement. On attendait d'elle qu'elle se ressaisisse, qu'elle assume son rôle ou qu'elle le céda.

Cependant, faire un choix se révélait aussi complexe et au moins aussi terrifiant que la perspective du bal en lui-même. Et si elle se décidait à décliner l'offre et à revendre la fève ? Elle pourrait s'en tirer avec une coquette somme - la magicienne ne s'était pas attendue un instant à recevoir autant de propositions de la part d'inconnus variés pour lui racheter l'objet maudit. Mais ce geste ne risquait-il pas d'offenser le souverain des mages noirs ? Cela risquait-il de ruiner les efforts que sa propre reine avait mis en place durant tant de temps pour relier leurs deux nations. Elle ne pouvait pas risquer d'offenser l'Ultimage des ténèbres - quoi qu'une petite voix vicieuse lui répétait inlassablement que personne ne s'intéressait à quelqu'un d'aussi insignifiant qu'elle, et qu'elle pouvait céder sa place sans que le monarque ne s'en aperçoive ; au pire s'en réjouirait-il. Alors, devait-elle accepter le prix que lui octroyait la fève qu'elle avait remporté par hasard ? Dans ce cas, était-elle prête à danser avec Elias Salvatore en personne ? Le souvenir de sa présence, aux abords du Lac, suffisait à la faire frissonner d'effroi et à faire naître des angoisses. Si elle s'approchait de lui au point de valser avec lui... Elle n'était pas certaine que son cœur - ou son esprit - y résiste.

La mage blanche soupira avant de croquer résolument dans son repas. Elle mastiqua avec entêtement sa bouchée avant de hausser les épaules. « Je ne sais pas... J'imagine que je vais m'y rendre. » fit-elle. Son manque de décision la plongeait dans une paralysie qui finirait tôt ou tard par la conduire à accepter la danse qui lui revenait de droit. « Les autres cavaliers et cavalières noirs n'ont pas cédé leur place, à ce que j'ai entendu dire... » Priam Belegad et Jeanne Euskara. Deux figures connues et fortes... Pas étonnant qu'ils aient tous deux accepté leurs rôles la tête haute. A leur côté, la domestique devait faire pâle figure. « Je ne m'intéresse pas à dame Euskara et monsieur Belegad. Je m'intéresse à une certaine magicienne, timide comme un Feluche et plus maladroite qu'un chiot. » répliqua la Luxurieuse en esquissant un sourire réconfortant à l'intention de son amie. Celle-ci ne put s'empêcher de lui retourner son sourire. « Je danserai au bal. » répondit finalement Nymeria avec davantage d'entrain. « Bien ! » s'exclama l'Aile Noire. « Dans ce cas, ne reste plus qu'à te trouver une robe appropriée, des souliers confortables, et puis, un cavalier digne de ce nom ! » La mage écarquilla les yeux. Un cavalier. Elle n'y avait pas du tout songé, mais puisque l'empereur Salvatore ne serait pas son partenaire attitré - ce rôle revenait à Adam Pendragon - elle se devait de venir accompagnée pour le reste de la soirée. Et cela ne pouvait signifier qu'une chose : elle devrait organiser une épreuve, pour que ses prétendants puissent essayer de gagner sa main. Nymeria inspira profondément. Elle espérait simplement qu'elle ne se retrouverait pas seule, sans aucun participant possible.

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« Comment tu te sens ? Nerveuse ? » demanda Elyanna d'un air taquin. « Tu poses sincèrement la question ? » répliqua la magicienne, se triturant inconsciemment les mains. « Simple politesse. » renchérit la déchue, s'approchant de son amie. Une vague d'excitation frappa la brune : les émotions d'Elyanna se répercutaient en elle, tel un écho vague et pourtant persistant, brouillant ses propres sentiments. Avec le temps, elle avait appris à discerner lesquels lui étaient propres et lesquels venaient la parasiter. Cela n'empêchait pas l'invasion psychologique d'être agaçante ou - comme c'était souvent le cas avec la Luxurieuse - embarrassante. « Bien, ne faisons pas attendre tes prétendants ! » renchérit celle qui se régalait de la situation.

Nymeria haussa les sourcils. Cinq. Cinq garçons - ou plutôt, des hommes - s'étaient présentés au point de rendez-vous pour participer à son épreuve. C'était plus que ce qu'elle avait espéré. Elle n'était pas vraiment sûre de pouvoir compter Gaspard, l'un de ses collègues, qu'elle soupçonnait d'être présent uniquement pour la rassurer - elle avait partagé au détour d'une conversation craindre de se retrouver sans personne pour se présenter à ses côtés sur Lagherta. Esquissant un sourire timide, la jeune femme prit le temps de scruter les visages qui lui faisaient face. Pas de tête blonde. Pas de sourire mutin ou taquin, ni d'yeux brûlant d'un désire insatiable. Pas de Rajiv, donc. « Tant mieux. » pensa la brune. Vraiment ? Alors pourquoi y avait-il ce léger pincement au fond de son cœur, cette crevure dans son palpitant qui ne savait mentir : c'était la déception, l'amertume, l'espoir qui se crève et se mue en chagrin silencieux - mais pas moins présent. « Ca vaut mieux. Si on y était allés ensemble, qui sait si les étranges lutins d'Amshloumkarhya ne seraient pas revenus à la charge ? » Les paroles qu'on se murmure à soi-même pour essayer d'apaiser les plaies, colmater le creux béant dans la poitrine, nier la culpabilité d'y avoir cru, celle qui enserre le cœur et creuse l'estomac. Alors on ignore, on refoule, on prétend qu'elle n'existe pas en se berçant d'illusions et de faux-semblants.

La magicienne, papillonna des yeux, relâchant la lèvre qu'elle s'était mise à mordiller. Anxieuse, elle se racla la gorge et leva haut le menton, comme pour se donner un air plus confiant que ce qu'elle était réellement. Elle ne tint pas longtemps et à peine son regard croisa-t-il celui d'un inconnu que ses épaules s'affaissèrent de nouveau. « Bonjour tout le monde. » commença-t-elle, sa voix tremblant déjà légèrement. « Et merci à vous tous d'être venus aujourd'hui pour participer à cette épreuve. Je veux dire, mon épreuve. » En faisait-elle trop ? Elle avait l'impression de se liquéfier sur place, face à ces regards braqués sur elle. « Pour la remporter, il vous faudra trouver la fève que j'ai caché dans le terrain, et me la rendre. Le premier qui y parviendra aura gagné ma main. » expliqua la brune, de sa voix la plus maîtrisée possible. Il y eu un moment de flottement, comme lorsque l'on attend quelque chose de vous sans que vous ne sachiez de quoi il s'agissait... « Oh ! » comprit finalement la mage. Hésitante, elle finit par taper dans ses mains d'un coup sec. « Vous pouvez commencer. »

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First Impressions - Adrian Johnston

La mine surprise de la magicienne accueillit celui qui se présentait à elle. « Mademoiselle Vaughan. » la salua-t-il d'une révérence. Avec gêne, la concernée réalisa qu'elle n'avait pas pensé à demander l'identité de ses prétendants. Pour pallier à cette maladresse, elle se concentra sur ce qui l'avait d'abord interpellé en reconnaissant la silhouette de l'homme. « Mais, vous êtes trempé... Où êtes-vous donc allé chercher cette fève ? »  s'enquit-elle. Un sourire amusé embellit le visage de son prétendant. « Pour faire simple, je me demande si monsieur Nikolaï ne serait pas secrètement un sorcier... Ou bien, peut-être est-il simplement très mauvais perdant... Dans tous les cas, j'ai terminé dans la marre. » résuma le garçon avec une pointe d'amusement dans le timbre. « Oh. » fit la domestique. « Ça veut dire que vous... Vous l'avez bien trouvé ? » Pour toute réponse, le mage bleu tendit son poing, attendant que la magicienne présente sa main. Là, il y déposa la fève du cavalier noir. « Ça signifie que j'aurai le plaisir de vous accompagner au bal. » fit-il. Nymeria ne put retenir son sourire ravi. Elle avait soudainement le cœur plus léger. « Et à qui avons-nous l'honneur ? » demanda Elyanna. « Antonin. » commença le mage. « Antonin Ward. » fit-il. Son regard ne se dégageait pas pas du visage de la brune, caressant la cicatrice avant de se river aux perles émeraudes. « Félicitation, Antonin. » continua la blonde. « Pourriez-vous nous communiquer votre adresse ? De la sorte, nous pourrons vous communiquer l'heure de rendez-vous pour venir chercher Nymeria et l'accompagner jusqu'aux pontons. »

Un peu plus tard, après que la brune eu rassemblé les autres participants pour les remercier de leur implication mais leur annoncer la victoire du mage bleu, le nouveau couple se promenait autour de la mare dans laquelle Antonin avait gagné un plongeon. La domestique était allée lui chercher une tenue pour se changer, quelque chose de sec et plus confortable. « Nous nous sommes déjà rencontrés... » laissa échapper la mage bleue. Cette impression ne l'avait pas quitté depuis qu'il lui avait rapporté la fève. Réfléchissant, elle essaya de se souvenir. « La galette ! C'est vous qui m'avez aidé, n'est ce pas ? Lorsque... » Sa phrase resta en suspens. Qui l'avait rassuré, lorsque la vue de l'empereur noir l'avait paralysée sur place. Un sourire ravi se dessina sur le visage du prétendant. « Je pensais que vous n'alliez pas me reconnaître. Ou que vous m'aviez oublié, tout simplement. » confia le jeune homme. Nymeria esquissa un sourire coupable. Elle avait bien failli ne pas identifier le Ward.

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