Tu feuilletais un ouvrage que t'avais prêté Kjěll. Un conte. Depuis qu'elle t'avait parlée et montrée le Monde des Contes, elle ne cessait de t'inviter à t'y intéresser. Pourquoi pas. La couronne et les responsabilités qu'elle impliquait n'était toutefois pas rassurante. Tu ne t'imaginais pas au Pouvoir, quel qu'il soit, même dans un Monde caché. Tout de même, une question revenait régulièrement à ton esprit chaque fois que ton regard se posait sur l'un de ces ouvrages. Avaient-ils tous été construits de la même manière, avec le concours - volontaire ou non - de personnes réelles ? Rudement, tu repoussas l'ouvrage. Tu ne voyais jamais la Petite Sœur venir déposer les livres, probablement pendant tes absences, mais tu savais parfaitement qu'ils étaient à elle.
Le Conte des milles Familles. La Princesse aux petits pieds. La Petite Fille et le Corbeau. L'homme qui se rêvait nuée. Ton regard passait de l'un à l'autre, décryptant le nom de chacun, tous avec une calligraphie différente guidant déjà le lecteur sur l'histoire qui l'attendait. Si elle continuait comme ça, bientôt tu n'allais clairement plus avoir la place de les garder. Tu songeais déjà à les lui rapporter. Pourtant, l'un d'eux attira ton attention. Le Conte d'Auryane. Orthographe différente, mais sonorité identique. C'était amusant. Tu te saisis du livre et l'observa un instant. Les coïncidences étaient curieuses parfois. Tu te saisis du livre pour en tourner la couverture. En filigrane sur le papier y était inscrit le titre dans une écriture ronde, fine et claire. Comme l'histoire précédente, tu te mis à feuilleter rapidement ses pages pour en découvrir l'histoire "d'Auryane". Sauf que ton attention fut bien vite détournée de l'ouvrage. A tes côtés été apparue la fine silhouette de Nymeria. Surpris mais pas moins ravis, tu arquas un sourcil, te levant pour la rejoindre. Mais, tandis que ta main refermais le livre, la Magicienne disparue à tes yeux.
« Qu'est-ce que... ». La relation entre le conte et l'apparition de la Mage Bleue ne fut pas instantanée. D'autant que l'arrivée d'Oriane chamboula quelque peu le fil de tes pensées.
« Rajiv ? Est-ce que ça va ? » t'interrogea la Luxurieuse en te dévisageant.
« Je sais pas trop. » rétorqua-tu en passant la main dans tes cheveux, légèrement agacé de ce qu'il venait de se passer. Aussi décida-tu de passer à autre chose.
« Tiens, regarde ce que m'a ramené Kjěll. » fis-tu en désignant l'ouvrage de l'index. La Déchue s'en saisit et lu à voix haute l'inscription sur son dos.
« Le Conte d'Au... Oh ! Non, je ne crois pas qu'il appartienne à Kjěll. » rétorqua-t-elle en te rendant le livre. Puis elle se dirigea vers la chambre pour en revenir avec les deux mêmes ouvrages en main.
« J'ai le même. Et en double exemplaire en plus. Je pensais aller la voir justement pour lui en filer un du coup, en supposant qu'elle ne l'ai pas, ce qui serait étonnant. » expliqua-t-elle en exposant ses propres exemplaires sur la table.
« T'as regardé de quoi ça parlait ? ». Tu te renfrognas à cette question, levant une interrogation supplémentaire chez ta mentore.
« Qu'est ce que j'ai dis ? » -
« Rien. Juste que j'ai pas eu le temps de voir de quoi ça parlait, non. » -
« Comment ça ? » continua la Luxurieuse en reprenant l'un de ses livres pour reprendre l'inspection interrompue de son disciple.
« Au moment où j'ai ouvert le livre y a... » -
« Oh ! Un enfant ! ». En même temps que la Déchue fit cette constatation devant la silhouette du sauvageon, tu te tus, fixant seulement le nouveau venu.
« Je l'ai déjà vu quelque part. » commentas-tu avant de reporter ton regard sur ton propre exemplaire du conte.
« Ah oui ? Je n'ai pas souvenir de l'avoir vu nul part. » répondit Oriane en s'accroupissant afin de mieux observer les traits du garçon.
« Au fait, je t'ai coupé, tu disais quoi ? ». Tu ne répondis rien. À la place, tu rouvris le livre. A nouveau la silhouette de la petite Magicienne se dessinait face à toi.
« Ça. C'est ça que j'allais te dire. » répondis-tu en désignant celle-ci d'un geste du menton. Ta mentore resta à fixer quelques secondes la Mage Bleue, sans rien dire.
« C'est à croire que le Destin refuse que tu laisses cette petite tranquille. » commenta-t-elle enfin. Si ce n'était que ça, ça devrait aller. Il y avait pire phénomène qu'elle aurait pu avoir à se coltiner sur le dos.
« Tu crois que ça marche comme un miroir ? » commenças-tu à t'interroger à voix haute en passant ta main devant le visage de Magicienne.
« Ou comme la statue ? » -
« Tu connais mon avis sur cette statue. ». Tu haussais des épaules, roulant des yeux, puis observais longuement la silhouette de la domestique avant de jouer un peu avec ses longues boucles brunes. C'est alors que tu pus constater que ce n'était pas une simple ombre de Nymeria, mais bien un véritable corps de chaire et d'os. Un rictus malicieux se glissa sur tes lèvres après une seconde observation. Elle avait rougie.
« Oriane. Viens voir. » l'interpellas-tu en te plaçant derrière la Magicienne, les mains caressant doucement ses épaules.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » fit la Luxurieuse dans un soupir en se levant pour se positionner face à toi, et la Magicienne par la même occasion.
« Observe bien. ». Alors tu fis glisser tes mains le long des bras de la Mage Bleue avant de l'enlacer des tiens et la rapprocher contre toi. Ta joue contre la sienne, tu te décalais afin de pouvoir l'embrasser, la même où résidait cette cicatrice qui l'incommodait tant. Enfin tu souris, taquin, tandis que tu sentais les sensations envahir le corps frêle de Nymeria à chacun de tes actes.
« Je vois. » fit Oriane d'une vois lente en se tournant vers le garçon, toujours présent, après avoir vu la Magicienne mûrir à vu d'œil.
« Ce n'est finalement peut-être pas exactement comme ta statue. » -
« Tu regardes pas qui se cache dans l'autre livre ? » demandas-tu en posant ton menton sur l'épaule de la Magicienne toujours dans tes bras.
« Hum. Pas de suite. Et lâche-la. Je sais ce que t'as en tête. On joue pas comme ça avec les artefacts qu'on connait pas. ». Tu fronçais des sourcils. Tu avais l'impression d'être un gamin fâché par son parent.