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 [Q] Tempora mori, tempora mundis recorda | Deccio

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Lun 18 Jan 2021, 17:38



Tempora mori,
tempora mundis recorda.

Thème.

e4oj.jpg
Intrigue : En plein inventaire à l'atelier, Calanthe est téléportée auprès de Deccio, dans l'Antre des Damnés. Ce dernier étant blessé, ils devront s'entraider pour survivre.

Assisse face à l’établi où les créations de son confident prenaient vie, les extrémités de la jeune femme enserraient une plume. Suivant les nécessités du commerce, ils s’attelaient depuis le début de la journée à une tâche exécrable mais d’une utilité indiscutable : réaliser un inventaire. Ayant démonté un tiroir pour le poser au sol, le Déchu énumérait patiemment son contenu. Avant que de passer commande chez ses fournisseurs, il lui fallait répertorier la marchandise toujours en sa possession. « Vingt-six, vingt-sept… Vingt-huit perles de nacre. » Les sourcils froncés, la jeune femme inscrivit soigneusement le compte sur le livret. Retenant un bâillement, elle se concentrait pour former les lettres. Bien qu’il lui restât des lacunes, l’entraînement commençait à porter ses fruits ; elle écrivait avec plus de sérénité. « Tu veux bien m’épeler ça ? » Acquiesçant, le brun accéda à sa requête. Certains termes lui demeuraient obscurs. « L-a-p-i-s l-a-z-u-l-i. » Arrivé à la fin de son examen, il replaça le compartiment, et se releva pour se diriger vers un autre meuble. « Nous avons presque fait la moitié du travail. L'armoire, maintenant. » Quelques minutes s’écoulèrent. Connaissant les limites de l’adresse de la scribe, il avait précautionneusement éloigné le pot d’encre, si bien qu’elle devait régulièrement se lever pour tremper la pointe. Chemin faisant, elle se tourna vers le Déchu. « Dis. On ne pourrait pas prendre une pause ? J’ai envie de faire quelque chose de plus… Amusant. » Le sourire aux lèvres, le brun réduisit la distance qui les séparait. Lorsqu’elle était proche, il désirait de plus en plus succomber aux exigences de son entrejambe. Avide de découvrir ce corps auprès duquel il dormait sans oser le toucher, il se pencha vers elle. Ses lèvres ne rencontrèrent que de l’air.

Ébahie, Calanthe retint sa respiration. Croyant enfin voir Joliel céder à ses attentes, une nausée l’avait prise. L’instant d’après, la familiarité de l’atelier s’était évanouie. D’abord incapable de comprendre la source du phénomène, elle battit plusieurs fois des cils. Le surgissement soudain de l’obscurité heurtait sa vision. Un tambour martelait à ses tempes. Doucement, elle porta une main à son front, comme pour mesurer la réalité de sa chair. Avait-elle rêvé l’ennui de sa matinée, et sa conclusion chaleureuse ? À en juger par l’incohérence des évènements, la probabilité grimpait en flèche. Un parfum de soufre chatouillait ses narines. Dégoûtée par cette fragrance indésirable, elle fit quelques pas, dans l’espoir de s’en éloigner. Peu à peu, ses prunelles s’acclimataient au manque de luminosité. Des formes apparaissaient ça et là, semblables à des bouches prêtes à se refermer sur elle. Au loin, un grondement déchira les ténèbres. Le frisson de l’inquiétude hérissait sa chair. Où diable avait-elle encore atterri ? Naïvement, elle se drapa dans le réconfort du songe ; les environs, alors, perdirent de leur terrifiante superbe. Une chute de pierre eut tôt fait de la détromper. Dévalant des hauteurs, une cavalcade de rochers venait mortellement l’accueillir. Craignant de finir ensevelie, elle poussa un cri apeuré. Ses jambes dédaignèrent la paralysie, et, prenant conscience de leur pouvoir, se mirent à bouger d’elles-mêmes. Toutefois, courir était loin de représenter une solution satisfaisante. Dans la précipitation de ses mouvements, la Déchue s’empêtra lamentablement. Trahie par sa cheville, elle s'étala dans la poussière. Le terrain ne pardonnant pas les maladresses, elle sentit son corps basculer dans le vide.

Au lieu de la joie du réveil, ce fut l’angoisse de la chute. Incapable d’émettre le moindre son, la jeune femme voyait la falaise défiler devant elle. Hors de portée, ses aspérités paraissaient autant de bouches riant de son malheur. Le désespoir cognait dans sa poitrine. À la manière d’une poupée désarticulée, ses membres gigotaient dans le vent, tâchant d’éviter un atterrissage fatal. Fermant les yeux, elle murmura une prière ; elle avait beau ne pas être exemplaire, elle pensait ne pas mériter de trépasser ainsi. Loin de sentir ses os se disloquer contre la roche, une surface étonnamment duveteuse l’accueillit. Enfoncée dans la mollesse d’un corps encore chaud, elle ne réalisa pas de suite sa survie. Timidement, elle tâta ses bras et ses cuisses, vérifiant que rien n’était cassé. C’était un véritable miracle. Le soulagement dissipant temporairement ses craintes, elle s’extirpa de son drôle de matelas. À quelques centimètres d’elle, une lame siffla. Quelque chose lui éclaboussa le visage, s’agglutinant dans sa chevelure. Le blanc déroba au rouge son essence. Le rugissement d’une créature vivant ses derniers instants lui vrilla les tympans. Interloquée, elle se saisit de la première chose qui lui tomba sous la main. Prête à s’opposer à l’agresseur, elle brandit férocement le poireau, défiant du regard quiconque tenterait d’attenter à son existence. Lorsqu’elle croisa les yeux de celui qui causait tout ce tintamarre, elle baissa la garde. « Je connais votre gourmandise, mais n'aviez pas suffisamment de matière pour préparer un goûter avec celui-là ? » Désignant le monstre échoué derrière elle, Calanthe esquissa un sourire. En dépit des circonstances, revoir sa tignasse blonde la réjouissait. Que le danger se tapît encore à l’ombre des carcasses ne lui effleurait pas l’esprit. Tout comme elle n’envisageait pas que le Démon puisse représenter un jour une menace. Subitement guillerette, elle observa le bracelet à son poignet. « Puis-je savoir quel grand péril vous courrez, pour qu’un morceau de ferraille ait décidé de m’envoyer à votre secours ? » L’ironie de la situation lui donnait envie de rire. Toutefois, elle se retint. L'aura sauvage de Deccio la fit pâlir. Sur sa joue, le sang séchait déjà.

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Pour que ça rentre bien en tête:

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Jeu 21 Jan 2021, 21:37

[Q] Tempora mori, tempora mundis recorda | Deccio Z42k
« Il est bizarre ce sol, il est pas palpable. »



« Rapportez-nous cet œuf et nous vous récompenserons généreusement. Faites très attention à vous, ça ne sera pas chose aisée. » C’est sous ces consignes que le blondinet s’était retrouvé à rôder dans l'Antre des Damnés, le corps flétri par ses interminables flâneries à essayer de localiser cette maudite bête ailée. Dans les cieux, elles étaient multiples à se déplacer, à se quereller entre elles ou à simplement chasser les êtres qu’elles estimaient à leur portée, avec parfois quelques erreurs d'interprétations. Il ne comptait plus le nombre de prédateurs qu’il dut rabrouer à coups de genoux dans l’abdomen, mais c’est en partie à la suite de ces confrontations houleuses que l’homme atteignit cette caverne sans être au meilleur de sa forme. « Enfin, j’ai fini par te mettre la main dessus. Ramène-toi. » Le combat dura une éternité, non pas car son surmenage lui causait du tort, mais bien parce que la créature jouissant d’une véritable force de caractère en plus d’être constamment imprévisible. Dans le monde, aucun ennemi n’était plus impitoyable qu’une femelle qui protégeait ses petits, y compris pour un Démon pourtant habilité à des missions bien plus audacieuses. Le duel s’éternisa jusqu’à l’essoufflement respectif des deux monstres, leurs chairs étant partiellement déchiquetées par les déferlements successifs de leur rival. Ce n’est qu’en dépassant ses limites, et aussi grâce à beaucoup de chances que Deccio parvint à toucher un point vital. Son avant-bras enlisé dans son thorax, il le retira, prêt à s’effondrer à son tour.

C’est à ce moment-là qu’une voix familière perça ses tympans. Impossible, encore elle ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Une grimace détériora le visage d’ores et déjà endolori du renard, ses lèvres peinant à produire des sons. « Encore toi… qu’est-ce que tu fiches… là ? » Il s’excusait par avance de ne pouvoir répondre à ses traits d’humour pour des raisons personnelles liées à son indisposition. Qu’importe toute l’énergie qu’on lui arrachait, il en préservait toujours une infime quantité pour assaillir verbalement les opportuns. Saisissant son courage à deux mains, et surtout son sabre, le Démon s’aida de ce dernier pour s’en servir comme d’une canne. S’il la relâchait, il ne fait aucun doute qu’il s’écroulât comme une merde, et pour rien au monde il ne donnerait ce plaisir à la jeune femme. Emplis de noirceurs, ses iris s’attardèrent succinctement sur sa silhouette. « Pas de chance… le spectacle est terminé, princesse… » Dire qu’elle ne tombait pas au moment le plus propice était un euphémisme. Le Vil ne pouvait s’occuper d’elle comme un père envers sa fille, c’est pourquoi elle devrait se satisfaire d’elle-même pour l’instant, car quelque chose de plus impérieux brûlait sur le feu. Titubant péniblement pour se tenir sur ses jambes, Deccio éructa une gerbe de sang. « Putain… cette enflure m’a perforé les poumons… » Malgré la fièvre qui affligeait ses muscles, il avança lentement mais surement jusqu’à un amoncellement de plantes. En s’adossant contre la roche grenue et en se laissant choir délicatement, il s’empara d’une poignée de ses dernières pour ainsi les déposer dans un concave rocailleux.

En remuant ses doigts meurtris à l’intérieur de son uniforme, l’homme ajouta de la poudre aux herbes. De plus, en découpant la partie d’une palme, un liquide visqueux s’écoula pour s’adjoindre aux ingrédients. Enfin, il malaxa le tout avec un morceau de stalagmite avant de répartir la concoction sur ses blessures, se servant de la tige et des feuilles restantes pour se façonner des bandages. Ceci étant fait, il releva doucement la tête, examinant discrètement le bracelet disposé à son poignet, celui-ci luisant de plus en plus intensément à mesure où elle s’approchait de lui. Il ignora tout commentaire à propos du poireau en guise d'épée. « Je vois… c’est donc ça. Décidément… tu as du mal à faire tes adieux, hein ? » Déjà qu’en temps normal le Démon n’était pas particulièrement cordial, mais quand il se trouvait dans un état critique, son irritation augmentait exponentiellement aux tourments endurés. À vrai dire, il s’en voulait d’avoir subi autant face à ce genre d’ennemis, surtout après avoir été prévenu du degré de la menace. Sa technique étant encore perfectible, il se jurait de redoubler d’efforts lorsqu’il recouvrerait sa vigueur perdue. Jetant un bref coup d’œil à Calanthe, il détourna le visage quand elle se ramena auprès de lui. Cherchant un point d’appui pour se hisser, il refusa de le faire en s’aidant d’elle, s’accrochant plutôt aux nervures saillantes qui lui étaient accessibles en tendant le bras. L’orgueil du blond n’avait pas de limites, le message était on ne peut plus clair. « Puisque tu vas pas me lâcher les grappes… trouve-moi un moyen de locomotions. Un cheval, une bête ailée, n’importe quoi. Fais juste gaffe… on n’est pas chez ta mère, ici. » L’Enfer exclu, l'Antre des Damnés comportait la plus grande affluence de truands, d’animaux féroces et de traquenards, omniprésentes quel que soit le chemin abordé. Un novice ne survivait pas plus de cinq minutes dans ce désert, et même un vétéran n’en sortait jamais indemne. En tout cas, il était préférable qu’elle le laisse un peu seul, le temps pour lui de reprendre quelques forces.


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Mar 26 Jan 2021, 22:23



Tempora mori,
tempora mundis recorda.

Thème.

e4oj.jpg De toute évidence, les étoiles veillaient sur l’existence de la jeune femme. En dépit de la situation, elle avait bénéficié d’une chance à laquelle le Démon n’avait pas eu droit. Lorsqu’il cracha du sang, elle eut le réflexe de faire un pas en avant. Toutefois, sa mémoire lui rappelant l’orgueil qui le caractérisait, elle patienta sagement. « Ce sont des choses qui arrivent, quand on joue au bras de fer avec des monstres. » Tâchant de ne pas se focaliser sur la blessure du blond _ sans quoi elle risquait d’éprouver le regrettable besoin de se rendre à son chevet _, elle détailla la créature qui l’avait vraisemblablement causée. Il s’agissait d’une bête de grande envergure. À première vue brun, son pelage s’entremêlait en touffes agglomérées par le sang. Observant sa gueule déchirée par la caresse d’une lame, elle aperçut une langue qui reposait entre des crocs. L’ouverture de sa cage thoracique n’avait rien de naturel. Attentive au moindre détail, elle repéra des pattes, au nombre de cinq. Perturbant son examen, la voix du blond lui parvint. « Au risque de te décevoir, je ne pensais pas franchement à toi. » Bien qu’elle eut l’occasion de l’examiner de près, elle ne parvenait pas à identifier son espèce. S’agissait-il de ce que le livre considérait comme endémique ? Se désintéressant du cadavre, elle approcha du blessé. Ce dernier se redressait, s’aidant de lianes terreuses « Ce n’est pas parce que nous avons couché ensemble que je suis à ton service. » Sa mauvaise humeur se révélait contagieuse.

Calanthe avait beau ne pas appartenir au même peuple que son interlocuteur, elle ne portait pas pour autant de plumes blanches. La fréquence de ses mésaventures la poussait vers une pente dangereuse ; sous ses airs de poupée candide, sa docilité s’érodait. Un instant, elle se perdit dans la contemplation de ses boucles dorées. Peut-être Joliel avait-il raison, en fin de compte. Cependant, elle ne tenait pas à vérifier son hypothèse. Réfléchissant à la demande de Deccio, aucune idée de génie ne germa dans sa cervelle. Alors que l’impatience gagnait ses méninges grippés, un curieux phénomène se produisit. Du ciel surgit un traîneau. Tiré par des rennes au pelage noisette, il s’immobilisa à leur hauteur. Entre des fourrures reposait une multitude de babioles, parmi lesquelles elle aperçut la forme familière d’une pomme d’amour. Devant cette réconfortante vision, la blonde retrouva sa joie de vivre. Ouvrant la porte pour laisser passer le malheureux, elle le gratifia d’une révérence moqueuse. « Si Monseigneur veut bien se donner la peine... » Avant de le rejoindre, elle jeta un rapide coup d’œil aux victimes, regrettant de n’avoir le temps de les examiner davantage. Grimpant dans l’attelage, elle eut la surprise de se retrouver dépossédée d’une partie de ses vêtements. Le souvenir de leur nuit teinta ses joues de carmin. Tâchant de ne pas s’attarder sur son trouble, elle l’interrogea sur ses motifs. « Qu’est-ce que tu cherchais, ici ? Je doute qu’il y ait de l’or dans l’estomac de ces bestioles. » Sans vraiment s’attendre à une réponse _ il n'avait pas pour habitude d'étancher sa curiosité _, elle s’empara spontanément des rênes.

D’un même mouvement, les animaux firent s’élever le véhicule. D’abord surprise, la Déchue sentit le soulagement l’envahir. À ses yeux candides, le danger s’éloignait à la même allure que le sol. La machine paraissait dotée de la volonté de les conduire en lieu sûr ; elle ne tenait même pas les sangles. Se remémorant leur précédente escapade dans les cieux, elle doutait cependant que la conclusion fut aussi agréable. « Puisque je doute que tu possèdes un château où te réfugier dans les environs, tu devrais te reposer. » Qu’il se ménageât un lit entre les coussins pour récupérer des forces représentait pour l’heure sa meilleure option. Malgré sa lenteur, son instinct lui soufflait le péril, qui, à l’ombre des rochers, les guettait en silence ; la tension affermissait ses tissus. Récupérant une boîte qui traînait non loin, elle en examina le contenu. La friandise fondit sur sa langue, sans parvenir à l’apaiser. Ces derniers temps, elle devenait susceptible. « Tu as plutôt intérêt à guérir. Sinon, je viendrai dans l’Au-Delà pour te botter les fesses. Et dépêche-toi. Je ne vais pas veiller sur toi toute la journée. Ce n'est pas franchement une sinécure. » Croisant les bras, elle se désintéressa de lui. Avec le temps, elle commençait à envisager sa douceur comme un fardeau. Avoir cru mourir, quelques instants plus tôt, n’arrangeait rien. Un frisson lui parcourut l’échine. L’obscurité l’empêchait de discerner le paysage. Son regard errant sur des formes indistinctes, elle fit confiance au traîneau pour les mener à bon port, et se plongea dans ses pensées. Que faisait-elle de sa vie, au juste ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à faire taire la voix qui rampait sous sa chair ? Un froissement d’ailes résonna au-dessus d’eux. Inquiète, elle interpella le blond. « Deccio. Réveille-toi. J’aurais bien besoin de tes lumières, là. » Ses connaissances en matière de survie frôlaient le néant, et elle ne pouvait pas compter sur la vivacité de son esprit pour les sauver. Les dents serrées, elle attrapa un patin de métal. Ce dernier servait probablement de pièce de rechange ; ce serait toujours une meilleure arme que le poireau à sa ceinture. La peur rendait ses mains moites. Resserrant sa prise pour ne pas laisser échapper sa lame de fortune, elle fixait anxieusement les alentours. « Nous avons de la visite. » En guise de bienvenue, une créature heurta brutalement l’habitacle.

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Sam 30 Jan 2021, 17:08

[Q] Tempora mori, tempora mundis recorda | Deccio Z42k
« Il est bizarre ce sol, il est pas palpable. »



Ravivé par des vacillements soudains, le blond ouvrit brusquement ses paupières. Suspense intenable et boule de billard, quelle était cette créature infâme ? À vrai dire, il savait exactement de quoi il en retournait. Au sein de l’Antre des Damnés, les principales confrontations advenaient soit contre des bêtes ailées d’un niveau supérieur à celles que l’on trouvait sur les Terres Arides, soit contre des Démons relativement dérangés, moins timorés du fait du climat qui régnait ici. Dépossédé de la majorité de ses forces, Deccio ne se sentait pas de régler ça au pugilat, car il se ferait probablement one shot pour parler en termes techniques. « Pas le choix. Regarde et apprends comment le bluff peut nous sortir des embrouilles. » Puisant dans la vivacité de ses bras, le Vil se hissa sur le devant du traineau afin de faire front à ce monstre véritable. Il devait bien faire deux têtes de plus que lui ; rien d’aberrant étant donné que les natifs revêtaient continuellement leurs formes démoniaques. « ಗಿಫಿಯಲ್ಲಿ ನಿಮಗೆ ಬೇಕಾಗಿರುವುದು ಇದೆ. ಪೋರ್ಟಬಲ್ ಜೋಡಿ ಚೆಂಡುಗಳನ್ನು ಹೊರತುಪಡಿಸಿ. » Sur ce beau discours corrosif, le Maléfique émit un grognement guttural avant de prendre son envol et de s’éloigner sans demander son reste, abandonnant son entreprise de les dévorer vivant. Parfois, le dialogue servait plus que la violence, même quand celui-ci ne signifiait rien de particulier. « Si on veut avoir une chance de survivre ici, nous devons accéder à cette colline par tous les moyens. » Désignant un pic rocheux qui défiait les hauteurs, il réalisait combien ce qu’il demandait dépassait de loin la raison. C’est pourtant bien là-bas qu’ils devaient se rendre, notamment pour livrer l’œuf en question pour lequel il avait pris tant de risques, mais aussi pour recevoir le soutien d’un Sorcier susceptible de les conduire où bon leur semblerait.

Cherchant à apaiser ses tourments, le Vil avala un sachet entier composé de poudres et de fines herbes. À n’utiliser qu’en cas d’ultime recours, cette drogue annihilerait totalement son mal durant un temps restreint. De toute évidence, le contrecoup serait proportionnel aux effets bénéfiques du produit dopant. Autrement dit, s’ils n’atteignaient pas les cimes avant le moment fatidique, Deccio se révélerait si impuissant qu’il ne pourrait plus emboiter le moindre pas. « Nous devons le laisser là. À partir d’ici, c’est entre nous et nos capacités physiques que ça va se jouer. Si l’un de nous flanche, nous n’aurons d’autre choix que de le délaisser. Compris ? » Elle devait réaliser qu’ils auraient plus de chances de s’en sortir à deux s’ils préservaient la même combativité, mais qu’ils périraient également plus facilement si l’un d’eux devenait un poids à traîner. Sa connaissance des lieux lui octroyait une conscience affinée de ce qu’ils s'attelaient à faire, ce qui ne l’avait pas empêché de subir ses méandres topographiques. Descendant du moyen de transport, le Démon attrapa des sangles pour les nouer autour de ses bras, plaçant ensuite l’œuf entre elles en s’assurant qu’il soit figé, insensible aux potentielles turbulences. Dès lors en position, il se frotta les mains, entreprenant enfin l’ascension de cette muraille abrupte. Ils en auraient pour un moment, c’est pourquoi ils n’avaient pas le luxe de s’éterniser en bas de ce massif ni au milieu, car c’est à partir de cet instant qu’ils seraient le plus exposés aux prédateurs, mais aussi aux affaissements réguliers que subissait l’environnement. Le Vil pratiquait couramment l’escalade, et pourtant, la callosité s’imprégna déjà sur la peau de ses mains. « D’ailleurs, je t’ai pas demandé, mais qu’est-ce que tu fous ici ? On ne s'égare jamais dans l’Antre des Damnés par hasard, à moins de le vouloir. » Et ce que l’on y trouvait dépassait rarement les emmerdes. De la même façon qu’on ne cherchait pas des nuages dans l’océan, on ne venait pas arpenter ces terres dans l’espoir de rencontrer une bonne Fae.

Quoiqu’il en soit, si l’ascension se déroula dans les meilleures conditions au début, elle bifurqua vers la tragédie en un éclair, lorsque survenues de nulle part, un escadron de petites créatures dégringola la pente vertigineuse à pleine allure. « Des Tuṇṭas… J’aurais dû m’y attendre. » L’homme glissa ses phalanges au niveau de sa ceinture, extirpant l’épée de son fourreau d’un geste précipité. « Pour faire simple, ce sont des Démons assez faibles à l’unité, mais très nuisibles en groupe, comme c’est souvent le cas en fait. L’agilité consiste leur point fort, c’est pourquoi il faut être doué de bons réflexes pour les atteindre. Ils sont sensibles au froid et supportent très bien le feu. Puisqu’aucun de nous ne possède de quoi les rafraîchir, dans ce cas le mieux à faire reste encore de taper dans le tas. » Attendant avec la même patience qu’un félin qui se couchait dans l’herbe en vue d’attaquer au moment le plus propice, Deccio capta le bon timing pour déverser sa grosse lame en avant, emportant trois des petits êtres dans son sillage d’un seul coup. Toutefois, d’autres profitèrent de ce mouvement pour s’engouffrer dans les ouvertures et lui porter des coups au visage, ou lui piétiner les doigts avec pour objectif de lui faire lâcher prise. S’ils manquaient de force, ils ne manquaient en revanche pas d’imagination pour parvenir à leurs fins, par exemple en empruntant des morceaux de pierre qu’ils jetèrent directement sur eux ou en arrachant des stalagmites dans l’intention de les éperonner façon poiscaille. Dépassé par le nombre qu’il ne put défaire dans sa position, quelqu’un ou quelque chose frôla les créatures avec une vitesse ahurissante, ce qui occasionna la dégringolade d’une multitude d’assaillants. L’acteur de cet appui stratégique prit la forme d’un aigle muni d’un casque à plume, son regard glacial bravant tous ses opposants. Magnifique.



950 mots | Post II
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Lun 01 Fév 2021, 23:15



Tempora mori,
tempora mundis recorda.

Thème.

e4oj.jpg De toute évidence, l’escalade ne comptait pas parmi ses points forts. Les doigts enfoncés dans une cavité, Calanthe tâchait d’ignorer les écorchures qui meurtrissaient déjà ses phalanges. Son manque d’endurance rendait l’exercice difficile. S’assurer des prises fiables représentait un défi de tous les instants. Les muscles de son front se plissaient anxieusement, signe de sa concentration. Sa main se déplaça jusqu’à une protubérance. Érodée par les vapeurs du soufre, elle s’effrita. Affolée, elle chercha la compagnie d’une voisine. La chance fut de son côté. « Hélas, je n’ai pas réservé de séjour en pension complète entre deux falaises. Ce n’est pas la première fois que ça se produit. Je crois que j’apparais lorsque tu es en danger. » Un phénomène absurde, considérant son mode de vie. Il n’avait rien d’une princesse en détresse, et la force d’un chevalier lui faisait cruellement défaut. Se hisser le long de la paroi rocheuse lui donnait des sueurs froides. Obstacle de fumée, la verticalité lui posait un sérieux problème. Les siens l’auraient trouvée risible. Ses ailes, toutefois, restaient sagement repliés, à l’abri de ses omoplates. L’arrivée de nouveaux protagonistes ajouta à la difficulté. « Des Démons ? C’est vrai qu’à bien y regarder, vous avez un air de famille. » Une touche d’humour ne pouvait aggraver leur situation. Admirative de la persévérance de son interlocuteur _ comment parvenait-il à s’accrocher à la vie avec un trou dans le corps ? _, elle redoubla d’énergie. L’adversité l’invitait à puiser dans des ressources dont elle refusait de reconnaître l’existence. Elle faisait de son mieux, tout simplement. Ce n'était pas grand-chose ; parfois, cela suffisait, et, le temps d'un souffle, elle oubliait sa fragilité.

La récompense de ses efforts ne tarda pas à arriver. Une pluie de cailloux salua sa performance. L’un d’eux, saillant comme un rasoir, lui érafla l’arcade. Indifférent à son sort, un liquide carmin s’écoula, brouillant sa vision. Lorsque le voile sanguin se dissipa enfin, elle aperçut l’une des créatures se diriger vers la blessure de Deccio. L’horreur initia l’instinct. Sans égard pour la précarité de sa situation, elle se balança sur le côté pour défaire l’assaillant. Son poing rata de peu la bestiole, s’abattant brutalement en dessous des côtes du blond. « Pardon. Est-ce que ça va aller ? Viser juste n’est pas franchement... » Ce fut le moment que choisit le vide pour réclamer son dû. Avant que ses yeux ne vissent l’inévitable, elle sentit son corps basculer en arrière. Sa phrase se perdit dans le silence. Craignant pour sa vie, elle se priva de la vue, manquant l'intervention du faucon et de ses serres meurtrières. Plus que la volonté de la sauver, un réflexe détendit le bras du Démon. Une tempête broyant ses tempes, elle demeura immobile, dans l’attente de l’impact. Par mépris ou par prudence, les phalanges de son partenaire commencèrent à relâcher leur étreinte. Paniquée, elle ouvrit les yeux. De mauvaise humeur, elle avisa un renfoncement et se glissa à l’intérieur. « Je commence à en avoir assez. Ces choses sont une véritable plaie, et je n'ai aucune patience, ces derniers temps. Ils vont en faire les frais. » Mettant à profit son arme, elle balaya la surface qui surplombait leurs têtes. Malgré leur adresse, les diablotins ne purent éviter la faux qui venait à leur rencontre. Quelques-uns parvinrent de justesse à se dégager de sa trajectoire : ils retombèrent impuissants dans les griffes du blond. Pressée de parcourir les derniers mètres, la Déchue s'extirpa de sa gangue de pierre.

Ils retrouvèrent la terre ferme. Essoufflée par l’ascension, la jeune femme se plia en deux, espérant que la tension sur ses muscles refluerait. Sans doute s’agissait-il d’une promenade de santé pour le blond ; elle ne tenait pas une forme aussi éclatante. Toutefois, son acolyte défiait ses pronostics. « Tu n’as pas l’air dans ton assiette, Blondie. » Allongé contre la terre, il maintenant l’œuf dans son harnais. Dépossédé de ses couleurs, son visage ressemblait à celui d’un cadavre. Inquiète, elle s’approcha, et lui caressa le front. Il paraissait avoir de la fièvre. Perché sur un promontoire, non loin de là, un faucon les observait. Méfiante, elle lui lança un avertissement. « Toi, là-haut ! Si tu le touches, je te plume. » Un tapotement sur la cuisse lui fit savoir qu’ils n’étaient pas au bout de leurs peines. Les sens en alerte, elle entendit un sifflement et se retourna. Un animal se trouvait là. D’une blancheur laiteuse, son corps ondulait comme une rivière. Bien décidée à défendre le blessé, elle se plaça face à l’agresseur, lançant un cri pour s’encourager. Une technique que ses voisins lui avaient fièrement enseigné, à Stenfek, bien qu'elle doutât de l'efficacité de la manoeuvre. « En garde, ma mignonne ! » Pas le moins du monde impressionné, il se jeta sur elle. Dépassée par sa vivacité, elle sentit ses arceaux se refermer sur elle. Piégée, elle décida de se montrer sage, guettant une occasion. Ses méninges, cependant, ne s’articulaient pas suffisamment vite. Les idées lui manquaient, et le lâche resserrait sa prise, contractant son abdomen à intervalles réguliers. Instinctivement, la cage thoracique de sa victime se comprima, espérant échapper à la suffocation. Passant à travers les vêtements, la lame du patin entaillait son torse. Lentement, l'épiderme se détachait. Avec une patience de prédateur, son sang s’écoulait goutte à goutte de la blessure. Des points noirs dansaient devant ses prunelles. D’une rotation du poignet qui lui parut interminable, elle fit pivoter son arme. L’oxygène se faisait rare. Enfin, ce fut au tour de son adversaire de subir la caresse du métal. Offensé de ce contact, il la relâcha, et fila sans demander son reste vers une crevasse. Les genoux tremblants, Calanthe esquissa un sourire, tâchant de se maintenir droite. Des larmes s'accumulaient au bord de ses paupières : elle s'efforçait de les refouler. Sur ces terres, le chagrin et la peur ne menaient qu'à la perte. Pendant le combat, le blond s’était redressé : elle ne voulait pas qu'il l'abandonne. « On peut dire que le comité d’accueil est au rendez-vous. J'ignorais que les tiens étaient si chaleureux. » Jusque là passif, le volatile prit son envol pour s'abattre sur elle. Brutalement, il cisailla de son bec la peau déchirée de son épaule, et s’envola pour se mettre hors de portée. Avant que ses neurones ne saisissent son objectif, la douleur remonta le long des nerfs de l'Envieuse. Sans la quitter des yeux, il engloutit le lambeau de chair. Elle avait la nausée.

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Ven 05 Fév 2021, 20:29

[Q] Tempora mori, tempora mundis recorda | Deccio Z42k
« Il est bizarre ce sol, il est pas palpable. »



Braver ces galopins, c’était comme de se retrouver sous une pluie torrentielle de lamelles aiguisées ; elle n’affectait pas grand monde sur le court terme, mais devenait une véritable plaie à mesure où elle s’éternisait. Les éconduire un à un revenait à débourser plus d’énergie qu’il ne l’aurait fallu pour d’aussi piètres enquiquineurs. Toutefois, ils avaient l’avantage d’arpenter ce terrain chaque jour durant, là où les deux voyageurs ne pratiquaient que très rarement l'alpinisme, bien qu'ils pussent se faire appeler les petits pédestres à l'issue de ce parcours. Surtout la jeune femme, d’ores et déjà submergée par les limites de son corps. « Et bien, Calanthe ! Il serait peut-être temps d’apprivoiser et d’entretenir ces muscles en prévision de ce genre de désagréments. Je ne serais pas toujours à tes côtés pour surveiller tes arrières. » Un comble pour quelqu’un qui se vantait d’être venu pour le secourir. L’histoire, c’est que Deccio ne se trouvait jamais dans les ennuis, ce sont les ennuis qui se trouvaient dans Deccio. Les veines apparentes affluant sur la peau de l’homme, celles-ci symbolisaient le passage de la seconde étape du phénomène d’assimilation. Autrement dit, les effets secondaires n’allaient pas tarder à se faire ressentir s’il continuait à traîner de la sorte. Accumulant un flux de colère noire, le Démon déploya ses ailes, non pas pour voler et s’enfuir tel un pleutre, mais pour se décaler au moment opportun et charger les oppressant. Réalisant une succession de techniques d’arts martiaux, le Vil inspira profondément, les parties de son corps se mouvant harmonieusement en annihilant les interactions superflues. C’est alors que ses poings, ses genoux, ses coudes, son tronc ainsi que ses hanches se coordonnèrent pour neutraliser toutes les créatures sans qu’elles aient l’occasion de persécuter la pauvre Déchue.

Son enchaînement achevé, le blond se posa sur un pic rocheux à l’aide de ses serres. Cependant, tandis qu’il croyait en avoir terminé avec les dissidents, le faucon sur qui ils avaient partiellement pu compter s’en prenait désormais à la jeune femme. « Yare, yare. On dirait bien que tu n’as pas la fibre animale, Cachiante. Je me demande si je devrais te laisser là, tu fais un leurre parfait. » Il se serait bien permis de rigoler un peu en la regardant poursuivre son match, mais du liquide carmin commença à se dérober de ses ongles sous forme de faibles ruissellements. La propagation du venin touchait ses organes plus tôt que prévu, quelle galère. « Mais puisque tu insistes, je prends la relève. » De plus, le caractère fourbe de ce rapace lui donnait l’eau à la bouche. Il voulait le faire sien, l’intégrer dans sa nouvelle équipe, de celle qui se hisserait vers les sommets. Se jetant dans les airs, l’adonis troqua son corps d’humanoïde pour prendre celui d’un charognard encore plus grand ; un pygargue. Puisqu’il désirait tant se confronter à quelqu’un, ils combattraient sur un pied d’égalité. Fondant sur lui afin de contrer son piqué, les deux oiseaux se malmenèrent à base de coups de becs et de serre jusqu’à l’épuisement. En dirigeant ses plumes, il tenailla néanmoins le blond de tous les côtés, parvenant même à lui repousser, son dos heurtant la montagne. Au moyen de son sang, il projeta une quantité incroyable d'aiguilles hématiques, remportant de peu le challenge. « Décidément. C’est pire que l’Enfer ici. Bien, mais continuons. Nous sommes presque au bout. » Ignorant les lésions qui s’étaient agglutinées aux précédentes comme si de rien n’était, le Saraṇi se servit de ses forces restantes pour achever leur ascension dans les plus brefs délais.

Peu de temps après, l’escalade arriva à son terme sans plus de tracas qu’ils en avaient déjà rencontrés. Refusant de prendre une pause étant donné l’urgence de la situation, Deccio manipula les éléments présents dans le périmètre dans le but d’ouvrir le passage qui les mènerait jusqu’au Sorcier. Dans ses souvenirs corrompus, il suffisait de déclencher un mécanisme bien masqué, mais celui-ci avait très sûrement changé au fil des décennies. Furieux, il frappa sur un caillou qui s’estompa dans les cieux. « Si ça se trouve, il n’est même plus ici, fais chier. On est encore loin de la sortie, en plus. » Les choix manquants de lui arriver jusqu'au cerveau, l’heure était grave, c’est pourquoi il invoqua une nouvelle fois ses grandes ailes rachitiques. Le souci, c’est qu’elles se dégradèrent subitement, ses membranes mutilées le confrontant à la dure réalité ; la voie des airs lui était proscrite. « J’aurais dû m’en douter tiens. D’ici quelques minutes, ce sont mes jambes qui seront inopérantes. » « Oh. Cette information me ravit. » Une voix rauque s’éleva de derrière les minerais, une silhouette sombre se dessinant dans la brume opaque qui venait de se profiler. Le moment tombait au plus mal, car une autre rixe le causerait indubitablement à sa perte. La douleur rongeait petit à petit ses os qui menaçaient de se briser au moindre effort considérable. Quant à Calanthe, il doutait fermement de ses exploits belliqueux. Pour la première fois néanmoins, il fit volteface, levant sa main pour taper celle de l’Envieuse. « Je te laisse t’en charger. Alors tâche de faire au plus vite. » Prenant place sur un siège calcaire, un huissement se fit entendre au loin. Parfait.



956 mots | Post III
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Lun 08 Fév 2021, 22:56



Tempora mori,
tempora mundis recorda.

Thème.

e4oj.jpgMalheureusement pour la Déchue, l’hostilité de leur environnement ne s’arrêtait pas aux animaux qui le peuplaient. Vivifié par cette dernière, le Démon s’engagea dans un combat aérien avec le faucon, dont elle peina à comprendre le déroulement. Suivre du regard leurs déplacements lui demandait une concentration considérable, et, sitôt qu’ils disparaissaient derrière des pics rocheux, elle arrêtait de respirer, tendue à l’idée que le blond puisse être blessé davantage. Son angoisse diminuait ses facultés, si bien qu’elle ne bougeait plus du tout, appuyée contre la rame du traîneau. Après une ascension aussi périlleuse, reprendre son souffle n’était pas chose facile, et les zébrures sur son épiderme ne favorisaient pas sa récupération. Il lui semblait que quelqu’un s’était amusé à déchirer méticuleusement la chair, comme pour la dépecer. Elle avait envie de ramener ses genoux sous son menton et de fermer les yeux, jusqu’à ce que l’aventure trouvât sa conclusion. La peur lui retournait l’estomac. Lorsque Deccio revint enfin à ses côtés, elle prit une profonde inspiration. Plutôt que d’adorer le danger, ne pouvait-il pas nourrir une passion pour la vie aux champs ? Abîmée par l’escalade, la pulpe de ses doigts la faisait souffrir, et elle sentait déjà des courbatures s’imprimer dans ses muscles. Toutefois, par égard envers le blond, elle gardait le silence à ce sujet. Son état l’inquiétait. Croyant que la tranquillité leur tendait enfin les bras, elle fut surprise par son annonce. « Je te jure que si tu m’as fait monter jusqu’ici pour rien, ce ne sont pas les monstres des parages qui auront ta peau. » Les sourcils froncés, elle s’imprégna de l’agacement qui pointait à l’horizon, espérant chasser le désespoir prêt à l'engloutir.

Ces dernières semaines, s’énerver devenait d’une facilité déconcertante. Quelque chose tremblait au fond d’elle, attendant l’instant propice pour déverser sa rage sur le monde. Incapable de discerner la véritable origine du phénomène, elle mettait son irritation sur le compte de ses frustrations. Devant l’évanouissement des forces du diablotin, une moue déforma ses lèvres. « Abuser de substances louches n’a jamais réussi à personne. Les excès ne sont pas toujours les bienvenus. » Au lieu d’une légitime reconnaissance, elle réprouvait son recours aux drogues. Que pouvait-il bien lui passer par la tête, pour qu’il manque ainsi de respect à ses facultés ? Malgré sa faiblesse, elle refusait catégoriquement de recourir à ces supercheries. Par moments, elle affectait des attitudes de précieuse ; la propension aux caprices de son enfance avait laissé des traces. Lorsque la voix de l’inconnu s’éleva, elle bondit, en proie à la surprise. Sur les nerfs, elle attrapa par réflexe la main de Deccio. « À votre service, monsieur le prince. » De mauvaise grâce, elle adopta une position défensive. Le Sorcier ne paraissait pas le moins du monde impressionné. Ses doigts se baladèrent négligemment sur le sabre à sa ceinture. La poigne de Calanthe se raffermit sur la rame. Celle-ci lui avait servi à vaincre le serpent. Pouvait-elle réitérer son exploit ? Il suffisait d’un peu d’imagination pour croire à sa victoire. « Dommage que tu le prennes comme ça, petite. Je n’aime pas frapper les femmes. » Délaissant sans une hésitation ses principes, l’homme attaqua le premier. Avec une lenteur désastreuse, son adversaire parvint à parer le coup qu’il lui portait négligemment, dans l’unique but de jauger sa force. Loin d'être à la hauteur de ses attentes, le spectacle ne tenait pas du divertissement.

Malheureusement, la volonté seule n’accomplissait pas de miracles. La jeune femme se rendit rapidement compte qu’il s’amusait, comme si elle n’eut été qu’une mouche s’attardant autour de son visage. L’humiliation lui cuisait les joues. Pour couronner le tout, un bruissement remonta à ses oreilles. L’air lui chatouillait les cuisses. « Vous venez de déchirer mon pantalon. » Sous le choc, elle ne parvenait pas à détacher son regard des fibres éclatées. À quoi bon croiser le fer, après tout ? « Et alors ? Tu vas me faire un procès ? » L’offense lui semblait infiniment plus grande que s’il avait entaillé sa chair. « C’était un cadeau de Belzébuth. » Que penserait le couturier, en voyant qu’elle prenait si peu soin de ses présents ? Et que faisait-elle là, à se battre alors qu’elle se savait condamnée ? N’aurait-elle pas déjà dû mourir ? Qu’elle rejoignît le monde des esprits causerait sans doute moins de tort que son existence confie de péchés. Imperceptiblement, sa lame se tourna vers le sol. Le Sorcier interpréta mal ses propos. « Comme s’il allait s’intéresser à… » Sa phrase resta en suspens. Les yeux écarquillés, il fixait les traits chagrinés de la blonde. Des sillons salés dégoulinaient sur ses joues. « Je rêve, ou tu pleures ? Est-ce un gag ? » Pris d’un incontrôlable fou rire, il baissa sa garde. La Déchue ne profita pas de l’occasion, ayant perdu toute volonté de lutter. Elle avait toujours été faible.

Face à son abandon, son assaillant peinait à conserver son sérieux. Avec mépris, il se détourna d’elle. « Tu n’es pas un problème. Tu n’es pas grand-chose, d’ailleurs. Je ferais mieux de m’occuper de l’autre, avant qu’il ne reprenne des forces. » À ces mots, quelque chose se révolta en Calanthe. Puisque Deccio lui avait demandé de l’aide, elle ne pouvait tolérer d'échec. Laissant son instinct prendre le dessus, elle abandonna son arme. D’un geste imprévisible, elle récupéra une gerbe de terre, et sauta sur le dos du Sorcier. Ses mains propulsèrent l’humus sur son visage pour le recouvrir. Mus par la sauvagerie du désespoir, ses ongles entaillèrent la peau ; elle cherchait ses yeux. Un ou deux asticots tombèrent de ses paumes ouvertes. Remarquant leur présence, son adversaire poussa un cri. Se débattant à la manière d’un animal piégé, il parvint à la faire tomber. Prête à en découdre, la jeune femme roula sur le côté pour se mettre hors de portée, et se redressa tant bien que mal. Néanmoins, aveuglé par sa terreur, l’ennemi se mit à courir en tous sens, comme s’il avait soudainement perdu la raison. Dans sa fuite, ses pieds rencontrèrent le vide d’une crevasse. Vacillant, il disparut du paysage. La brume parut se retirer. Soulagée et confuse à la fois, la Déchue s’approcha du Démon. « Dis-moi qu’on en a fini. S’il te plaît. » Elle ne retenait qu’à grand-peine les sanglots dans sa voix. Tout ce qu’elle désirait, c’était se blottir sous une couverture, et dormir jusqu’au lendemain.

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Sam 13 Fév 2021, 16:53

[Q] Tempora mori, tempora mundis recorda | Deccio Z42k
« Il est bizarre ce sol, il est pas palpable. »



Écorché par les répercussions de son addiction, Deccio tremblait de la tête aux pieds, l’obligeant à agripper fermement son bras gauche afin d’éviter qu’ils ne se propagent et qu’ils ne sonnent l’alerte de son état de transe. Au-delà des invectives de la drogue, l’homme se refusait d’admettre qu’elle l'asservissait de plus en plus sans qu’il ne puisse réfuter son assistance lorsque diverses alternatives s'ouvraient à lui. Il s’autopersuadait d’avoir besoin d’elles avant même de raisonner convenablement à d’autres remèdes moins agressifs pour son organisme. D’une certaine manière conscient de sa dépendance aux psychotropes, le Vil n’en démordait pas pour autant ; il devait en prendre pour pouvoir continuer à se surpasser. Le souci ne résultait pas de son mental, disposé à supporter la plupart des calvaires, mais de son corps, attaché à des contraintes que seule la science fut susceptible de repousser. De ce fait, il acceptait les règles, même les plus strictes. S’il devait endurer la déchéance de sa stabilité psychologique pour atteindre l’excellence, il n'hésiterait pas une seconde. En attendant de calmer ces démangeaisons, le Démon observa le combat qui se déroula sous ses yeux, si tant qu’on pouvait le qualifier comme un combat. Ce dernier prit un tournant des plus… fortuits quand la victoire lui tendit les bras sous l’esbroufe d’une stratégie discutable.

Le Sorcier sombra dans le vide, visiblement offensé par la Sainte Puissante terre sacrée, mère de tous les péchés, conspiratrice de... En gros, elle l’emporta de justesse en profitant de son bouclier en scénarium, débloquant ainsi le succès platine « Ça tombe à pic… ». Celui-ci achevé, l’homme à la crinière blonde se redressa tant bien que mal, ses veines désormais manifestes et obscurcies attestant de son état d’urgence. « J’sais pas trop si je dois te féliciter ou pas pour être l’inventrice d’une technique qui mériterait de paraitre dans tous les ouvrages traitant de la stratégie martiale. On a pas vu mieux depuis la guerre des croissants au beurre pendant la prise de la brioche. » Ceux ayant participé à ce tragique incident s’en souvenaient encore aujourd’hui pour ses incroyables répercussions dans le monde de la boulangerie. Nombreux durent se renouveler pour passer à autre chose, rayant définitivement cette époque de leurs carrières. Une réaction pour le moins compréhensible dans un sens, car c’est bien grâce à ce savoir-faire impérissable que les maitres des fourneaux gagnèrent en popularité par la suite. C’est d’ailleurs pour cette même raison que l’une de ses collègues asseyait une excellente réputation dans le milieu, et ce en dépit de son croque-monsieur un peu trop littéral. Quoiqu’il en soit, la conclusion de cette lutte restait la même, c’est pourquoi il gratifia Calanthe de quelques applaudissements modérés. « Le truc, c’est qu’il s’agissait du type qui était censé nous sortir de là. Je ne connais aucun autre Sorcier assez fou pour se mesurer aux voyageurs, et encore moins aux Démons. Maintenant que la mémoire me revient, je me souviens qu’il blaguait souvent à propos de ça. » Enfin, quelque chose lui disait qu’il allait certainement moins divaguer à présent.

S’approchant du précipice, le détective se pencha en avant pour constater l’ampleur des dégâts. La vision de son corps éclaté contre la roche lui rappelait les heures les plus sombres de cette époque. Proférant un juron, le Démon contracta un nouveau mal au plus profond de sa caboche, sa tête résonnant des coups de marteau de plus en plus frénétiques. Il porta sa main sur son crâne, essayant en vain d’extraire ce mal-être inconsidérable qui accaparait graduellement sa raison. Pour ne rien arranger, sa vue se mêla de mirages, son audition se détériora, et son sens du toucher s’amplifia. La proximité de Calanthe qui le frôla l’espace d’un instant le fit définitivement virer au rouge, l’intoxiqué dégainant précipitamment la lame de son fourreau pour balancer son arme derrière lui avec la ferme intention de la décapiter. « Encore toi, sale Démon ?! Je t’avais pourtant prévenu. C’est vraiment pas le moment pour m’emmerder. » La silhouette de l’importun précédent l’ascension se dessina au milieu de sa figure. Les nerfs apparents, la sensibilité de ces derniers devenait tel qu’il ressentait une petite brise effleurer sa peau avec la même intensité qu’une énorme bourrasque. Se jetant sur la jeune femme, il abattit son épée sur elle, désireux de mettre fin à ses jours. Mais contre toute attente, son bras s’immobilisa à mi-chemin, de solides plumes retenant son ultime élan punitif. Le retour du faucon — d’abord dissident, maintenant héroïque — venait de neutraliser le Démon par le biais d’une substance anesthésiante. Malgré l’engourdissement, il poursuivit son chemin, ne s’arrêtant qu’à quelques centimètres de sa nuque avant de sombrer pour de bon. Son corps, inerte, s’écroula au sol, le cri du rapace perçant le ciel. Aidé de sa vélocité, ce dernier le recueillit à temps, s’élevant vers des hauteurs vertigineuses. L'ombre de ses ailes disparut ensuite derrière les nuages.



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[Q] Tempora mori, tempora mundis recorda | Deccio

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