Ezechyel ~ Ygdraë ~ Niveau IV ~ ◈ Parchemins usagés : 838 ◈ YinYanisé(e) le : 27/08/2014◈ Âme(s) Soeur(s) : Mircella Rumblee ◈ Activité : Stratège
Dim 09 Fév 2020, 00:50
Partenaire : Solo Intrigue/Objectif : Il y a un problème qui est survenu entre une poignée d’Ygdraës et des Humains du détachement. L’Anti-Magie des derniers tapent royalement sur le système des premiers et, depuis quelques jours, vous notez la tension qui existe entre les deux groupes, qui s’ignorent ou se disputent violemment. Mandaté par votre famille pour représenter les Elfes, il est de votre devoir de calmer les tensions et de rappeler aux deux partis que le but de ses explorations n’est pas seulement de trouver de nouvelles terres pour les Anges, mais de renforcer les alliances, créer de nouvelles et espérer, par ces expéditions, trouver une certaine harmonie entre ces différents peuples.
Assis en tailleur sur les lattes du plancher de sa chambre, Aramis semblait plonger dans une sorte de transe spirituelle. Les yeux clos, l'homme était simplement en train de méditer, sondant au plus profond de lui-même la paix intérieure, bien que les oscillations fréquentes du galion angélique missent sa concentration à rude épreuve. Il inspira. Malgré les jours et les nuits qu'il avait passés en Mer, à sentir les flots marins s'agiter sous la plante de ses pieds, le sylvestre s'acclimatait péniblement à l'instabilité de cet environnement, déplorant en silence la perte du couvert forestier qu'il avait quitté afin d'accomplir cette traversée aux confins de toute civilisation. Il expira, libérant tout l'oxygène qu'il avait accumulé dans ses poumons, avant d'ajuster sa position, le dos bien droit. Le corps aussi fixe désormais qu'une statue de pierre, seul le soulèvement de sa poitrine, qui se gonflait à des intervalles réguliers, indiquait explicitement qu'il était toujours conscient. En face de lui, immobilisée dans la raideur d'une posture similaire à la sienne, se tenait Marilla Lalwendë, une Elfe à la peau aussi claire qu'un rayon de lune. Son visage, ceint par le voile sombre de ses longs cheveux ondoyants, était perlé par les gouttes d'une fine couche de sueur, preuve que l'activité à laquelle ils s'adonnaient était loin d'être ordinaire. Cette séance de méditation servait, en vérité, à délivrer l'esprit du Cyraliel de l'influence néfaste de sa maladie, propre à tous les Ygdraë appartenant à son clan. C'est pourquoi, de l'extrémité de ses doigts fins, la sylvestre faisait jaillir des volutes de Magie aux subtiles lueurs d'argent qui s'élevaient doucement dans les airs en formant de somptueuses arabesques, alors que le Yi, qui engorgeait son sortilège, abandonnait progressivement son corps svelte pour pénétrer dans celui, plus robuste, de son comparse masculin. En temps normal, la femme n'aurait pas eu besoin de puiser dans ses propres forces vitales pour accomplir cette prouesse magique, mais la pauvreté de végétation et la pression du Ma’Ahid – qui amoindrissait considérablement sa véritable puissance – la contraignaient à se pousser dans ses derniers retranchements. Dans tous les cas, au contact revigorant de l'énergie naturelle, Aramis ne put réfréner le soupir de complaisance qui franchit bien malgré lui la barrière de ses lèvres. Seulement, le réconfort suscité par le traitement provisoire possédait un petit côté jouissif qu'il était presque impossible de réprimer sans une grande volonté. Si cela restait assez distrayant pour la quiétude de son activité, l'Elfe réussit aisément à retrouver le rythme initial de sa respiration en une poignée de secondes. Les ombres hargneuses qui avaient peint les traits de son visage auparavant se dissipaient peu à peu, comme si l'aspect de son physique éprouvait la pressante nécessité de se conformer à l'état de son subconscient.
Plusieurs minutes défilèrent avant que l'Ygdraë aux cheveux blonds ne se décide à clore sa séance de relaxation. Il commença d'abord par ouvrir les paupières, battant celles-ci à quelques reprises pour adapter ses yeux à la lumière qui s'y infiltrait subitement. Sa partenaire, quant à elle, se laissa tout simplement tomber au sol en ventilant à perte d'haleine son souffle. Sa cage thoracique se contentait de monter et de descendre à une vitesse ahurissante tandis que son faciès, déjà si livide pourtant, semblait – aussi surprenant que cela puisse paraître – perdre le reste de ses couleurs. Réagissant au quart de tour, l'homme se précipita au chevet de sa comparse dans un élan de bienveillance. « Vous allez bien ? » posa-t-il sur un ton alarmé. Bien évidemment, le petit hochement de tête que lui adressa spontanément Marilla ne parvint pas à le convaincre de sa sincérité. « Vous permettez ? » Le Cyraliel attendit d'avoir son aval avant de lui toucher le front pour en mesurer la température. Ce dernier était brûlant. « Vous devriez aller voir un médecin. » annonça-t-il posément. L'Elfe n'avait pas la prétention de se considérer comme un expert dans le domaine médical, mais après l'activité à laquelle ils s'étaient tous les deux consacrés, il n'était guère étonnant que sa semblable en ressente un profond malaise. Elle avait dépensé tant de Yi pour le guérir après tout, et la présence, bien que faible, du Ma’Ahid ne devait pas faciliter son processus de récupération non plus. « Je vais bien, je vous l'assure. » protesta la sylvestre. Et comme pour prouver la valeur de son assertion, elle obligea ses jambes à la porter jusqu'à son lit sur lequel elle s'installa confortablement. « J'ai juste besoin... de me reposer un peu. » - « En êtes-vous sûre ? » - « Oui. » - « L'examen médical ne durera pas très longtemps. » La voix de l'homme ne laissait pas de place à la discussion. Réalisant alors qu'elle ne bénéficiait d'aucune échappatoire, Marilla abdiqua à la demande de son collègue en soupirant.
« Ça ne peut plus durer ainsi ! » Amère et virulente, la voix avait surgi dans la salle en imitant l'intensité d'un mugissement qui fit frémir les tympans de tous les gens présents. Comme une seule entité soumise à une volonté commune, plusieurs têtes se retournèrent pour jauger les traits de l'individu à l'origine de ce beuglement tonitruant dont les échos continuaient de vibrer à leurs oreilles. Affligé par la honte et l'embarras, Aramis se pinça l'arête du nez en dissimulant une partie de son visage derrière ses doigts. « Baissez un peu le ton, je vous en prie. » articula-t-il entre ses lèvres pincées. Il déployait des efforts colossaux pour ne pas laisser transparaître son agacement. « Nous ne sommes pas seuls ici. » Son interlocuteur voulut protester, mais en prenant conscience de tous les regards étrangers qu'il attirait inévitablement sur lui, il finit par se raviser. Pour autant, il ne renonçait pas à exhiber la fureur qui enflammait le fond de ses yeux. « Ça ne peut plus durer. » répéta l'Ygdraë sur un ton plus convenable, mais pas moins accusateur. « Combien d'Ygdraë sommes-nous censés laisser souffrir avant que vous vous décidiez à agir ? » Il s'adressait à son comparse en Hyriël afin de garantir leur intimité. Étendue sur un lit à proximité des deux hommes, Marilla se redressa légèrement. « Tu exagères, Maedhros. Le Ma'Ahid est peut-être lourd à supporter, mais on s'y habitue. » - « Visiblement, ce n'est pas ton cas. » - « Les médecins ont dit que j'ai souffert d'un malaise passager. » protesta-t-elle en plantant ses iris dans ceux de son supérieur. « Et puis, ce n'est même pas le Ma'Ahid qui m'a mise dans cet état pour commencer. » Il s'agissait de la vérité. En voulant aider le Borghild à soigner sa maladie, elle s'était rendu compte, au beau milieu de l'opération, qu'elle avait largement sous-estimé la quantité nécessaire de Yi à lui transférer pour le soulager de son mal persistant. Elle aurait dû mettre fin à son tour de Magie dès l'instant où ses premiers signes de défaillance avaient commencé à l'oppresser, mais dans son arrogance butée, elle avait contraint son corps à franchir des limites insensées. Tout compte fait, son acharnement avait bel et bien porter fruit puisqu'elle était parvenue, en dépit de l'improbabilité supposée de son succès, à libérer la conscience du Cyraliel de ses entraves pathologiques. Naturellement, l'Elfe avait tant bien que mal accusé le contrecoup de sa témérité, mais elle mentirait en affirmant qu'elle n'était pas fière du résultat de son accomplissement malgré tout.
Maedhros fixa la sylvestre d'un air dubitatif. « Peut-être bien, mais malheureusement, je ne peux pas en dire autant des autres. Le Ma'Ahid agit comme un véritable poison sur mes hommes. » rajouta-t-il à l'intention du brûlé dont la seule réponse fut de soupirer. Pour tout dire, cette discussion commençait à l'agacer : plus elle persistait à s'étirer, plus sa patience s'en voyait désagréger. L'Ygdraë refrénait une envie morbide de proférer toutes les injures qui chatouillaient son palais, soucieux de maintenir sa bonne image auprès de ceux qu'il était censé écouter. Inspirant une grande goulée d'air dans sa poitrine pour refroidir l'ardeur bouillante de ses pulsions, il dirigea son œil voyant sur le faciès rougissant de colère de l'autre homme. « On vous a pourtant informé, avant que nous quittions Melohorë, que des Humains prenaient part à ces expéditions. Seriez-vous en train de me dire que vous et vos hommes ne vous y êtes pas encore faits à l'idée ? » Il prit bien le temps de détacher chaque syllabe en formulant sa question pour bien faire ressortir l'absurdité de la situation. Aramis n'avait pas la prétention de s'ériger en défenseur de la cause humaine, mais la Dagmar Borghild lui avait confié un rôle important à jouer et préserver l'harmonie entre les Elfes et les représentants des autres ethnies faisait partie, qu'il le veuille ou non, de ses responsabilités. Le sylvestre ne portait pas les Enfants de Sympan dans son cœur non plus, mais il tentait malgré tout de les tolérer au minimum. Maedhros renifla bruyamment. « Ce n'est pas ça le problème. Le problème, c'est que les Humains ont déjà causé des malaises à mes hommes en les privant de Magie. Et pour ceux qui sont encore capables de s'en servir, le Ma'Ahid ne fait que gêner leur performance. Les Humains sont un fardeau. » - « C'est pour ça que vous passez votre temps à les fuir comme la peste ? » souleva Marilla en fronçant les sourcils. Il ne s'agissait pas d'une question. Le Borghild, quant à lui, étouffa un grognement. D'une part, il n'était pas surpris que certains Ygdraë se sentent démunis en présence des Fils de Sympan, mais de l'autre, il faisait seulement là le constat de l'ampleur du problème. « Je ne peux pas approuver ce genre de discours Maedhros, mais vous avez bien raison sur une chose. » finit-il par concéder avant que le concerné ne s'accapare de son tour de réplique. « Cette situation ne peut plus durer. »
Aramis déposa ses coudes sur le bastingage de la proue, le buste légèrement incliné vers l'eau de la Mer. Ses iris émeraude observaient l'horizon sans vraiment y prêter attention, l'esprit ailleurs. Les bourrasques de vent agitaient ses longs cheveux blonds dans tous les sens et pourtant, c'était à peine s'il les ressentait fouetter la peau de son visage. L'homme réfléchissait. Il repensait à la discussion qu'il avait froidement échangé avec Maedhros un jour plus tôt. En songeant à l'animosité qui avait incendié le regard orageux de ce dernier en parlant des Humains, le Cyraliel commençait à perdre espoir en la possibilité de trouver un quelconque terrain propice à la réconciliation. Le pire dans tout cela, c'est que les tensions opposant les Ygdraë aux Enfants de Sympan ne s'étaient même pas apaisées depuis – au contraire. Les conflits entre les deux partis demeuraient relativement civilisés, mais leur nombre avait pourtant crû de façon exponentielle. L'air qui flottait sur le navire était devenu si lourd et oppressant que le sylvestre avait l'impression de suffoquer à vrai dire. Un soupir traversa ses lèvres, las. Il était trop fier pour l'admettre, mais la situation le dépassait complètement. Il avait beau faire tourner ses méninges en quête de la solution idéale, il n'arrivait tout simplement pas à la trouver. Comment était-il censé convaincre ses comparses de prendre leur mal en patience, alors qu'ils étaient déjà au bout du rouleau? L'Elfe soupira une seconde fois. Le rôle d'ambassadeur se révélait être plus complexe qu'à prime abord et pour couronner le tout, il n'était qu'un débutant dans la sphère du métier. Seulement, son manque d'expérience ne pouvait en aucun cas justifier un quelconque désistement de ses responsabilités et c'est pourquoi l'Ygdraë, malgré sa lassitude persistante, refusait d'abandonner la lutte. Il regrettait secrètement de subir les effets du Ma'Ahid qui l'empêchait d'utiliser ses pouvoirs afin d'asseoir plus facilement son autorité sur les dissidents. Néanmoins, Aramis ne se faisait pas d'illusions, ayant pleinement conscience que ce n'était pas avec sa puissance magique qu'il parviendrait à réaliser un tel tour de force. Pour tout dire, même en temps normal, le sylvestre devait s'estimer heureux de réussir à invoquer la Magie, mais il pouvait bien se permettre de rêver un peu.
« Si vous êtes en manque de compagnie, puis-je me joindre à vous ? » La voix soyeuse de Marilla jaillit doucement à travers la sérénité de la nuit. Guidé par le son de ses mots, le sylvestre se retourna. Avec son teint inconcevablement blanc, la jeune femme semblait resplendir sous la lumière de Phoebe et des étoiles, tel un fantôme descendu de l'Au-Delà. Le brûlé sourit. « Avec grand plaisir. » D'un geste de main, il l'invita à prendre place à ses côtés. « Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? » Lui demanda-t-il en se tournant légèrement afin d'établir un contact visuel. L'Elfe avait passé toute la journée de la veille à l'infirmerie avant que les médecins l'autorisent finalement à partir. « Mieux. » Elle laissa momentanément ses iris dévier sur l'horizon. « Les médecins m'ont proscrit d'utiliser la Magie pour quelques jours encore, mais j'ai suffisamment récupéré pour réaliser des petites corvées ici et là. » - « C’est une bonne chose que vous vous soyez rétablie aussi vite. » - « Merci. » Un petit silence s'immisça pendant un bref instant. « Qu'est-ce qui vous tracasse? » L'homme serra les dents, ses doigts martelant frénétiquement le bois de la balustrade. « C'est à propos de ce qu'il s'est passé avec Maedhros ? » Il acquiesça d'un hochement de tête. « Il n'est pas le seul à être venu me voir pour se plaindre des Humains et de leur Ma'Ahid, hier. En fait, je reçois de plus en plus de complaintes à ce sujet, à croire que votre hospitalisation serve de prétexte à certains pour justifier leur intolérance. » - « Je ne leur permets pas. » La nouvelle semblait l'avoir vexée. L'homme, quant à lui, se passa une main sur le visage, manifestement épuisé. « Il est vrai que leur attitude désobligeante nuit à la bonne entente et à la bonne humeur sur le bateau, mais on devrait bien finir par trouver une solution. » - « C'est ce que j'espère moi aussi, mais le combat n'est pas gagné. » La sylvestre inclina la tête vers le ciel, pensive. « Vous devriez reparler à Maedhros, mais en présence de ses hommes cette fois. » - « Vous avez une idée en tête ? » - « Pas vraiment, mais je suppose qu'en leur rappelant le but de ces expéditions, ils finiront par entendre raison, peut-être. » - « Nous devrions inviter quelques Humains à se joindre à nous, dans ce cas. J'aimerais beaucoup entendre ce qu'ils ont à dire de tout ça en vérité. » La discussion restait encore le meilleur moyen pour régler des différends de croyances et démanteler des préjugés. Il était grand temps de remettre les pendules à l'heure.
Le lendemain même, quand la course de Jeriel s'eut achevée à travers le ciel pour relayer son domaine à la pénombre étoilée de Cléophée, Aramis engrena la dernière phase de son plan afin d'en constater le véritable aboutissement. Il avait passé toute la nuit dernière à cogiter sur le contenu d'un discours, à méditer sur les solutions viables qu'il avait à sa disposition tout en joignant l'effort réflectif à la sagesse de Marilla qui avait manifesté sa fébrile volonté d'engagement, avant de réussir à tâter ne serait-ce qu'une piste satisfaisante de dénouement. Pourtant, dès que l'aurore avait peint de rouge et d'or les voiles du vaisseau, les deux sylvestres s'étaient attelés aux préparatifs pour concrétiser cette simple ébauche d'idée en prenant grand soin de ne pas laisser ces derniers les distraire durant leurs heures de corvées, conscients de la nécessité d'atteindre le rendement exigé par le travail qu'ils devaient fournir quotidiennement avec le reste de l'équipage en dépit des circonstances alarmantes. Le duo s'en était bien sorti de manière générale, mais la fatigue, autant celle de corps que d'esprit, commençait progressivement à les rattraper. Néanmoins, ce fût avec le sourire et une bonne gaieté de cœur qu'ils se présentèrent chacun à leur tour devant les Elfes et les Humains qu'ils étaient parvenus à rassembler sur le pont du galion malgré les quelques vents capricieux et les rafales glacées qui soufflaient au-dessus de la Mer. Aucun de ces individus n'était là par hasard en vérité, puisqu'il s'agissait des principaux instigateurs de la querelle ethnique qui menaçait la bonne entente collective, ceux qui avait contribué à mettre le feu aux poudres, en quelque sorte, en envenimant les relations qu'ils devaient entretenir auprès des représentants de l'autre race. Les identifier avait été un véritable jeu d'enfant pour l’ambassadeur et sa collègue dont le professionnalisme les avait conduits à réaliser une petite enquête afin de connaître le nombre exact de réfractaires de la paix : les Ygdraë et les Enfants de Sympan qui avaient refusé de prendre part aux disputes au profit de la conciliation s'étaient révélés être une source inépuisable d'informations aussi fascinantes que précieuses. Ceux-ci n'avaient même pas hésité à pointer les personnalités belliqueuses présentes sur l'embarcation, par sensibilité honnête mais juste à la mission qu'Aramis et Marilla s'évertuaient à accomplir depuis maintenant deux jours.
L'homme se racla la gorge, essayant d'imposer le son de sa voix par-dessus les murmures et les plaintes mécontentes qui jaillissaient de son assemblée. En tout, celle-ci devait compter tout au plus une quinzaine de dissidents répartis entre les effectifs des deux peuples en conflit. C'était beaucoup moins que ce qu'il avait escompté la veille, avant de se coucher – comme quoi il détenait là la preuve formelle que les gens qui jappaient le plus fort étaient toujours ceux que l'on entendait le plus. Pour autant, le Cyraliel avait dû faire preuve d'un certain doigté simplement pour garantir que la réunion ait lieu, usant de stratagèmes divers et variés afin d'accueillir au même endroit des esprits détracteurs sans que ces derniers ne soient mis au courant de la présence simultanée de leurs antagonistes du moment. Un complexe et habile subterfuge en somme qu'ils – Marilla et lui – avaient jugé tristement nécessaire pour servir les besoins vertueux de leur cause. Personne ne serait venu autrement. Cela dit, leurs victimes, pour qui le piège qu'on leur avait tendu leur paraissait, de seconde en seconde, plus évident, manifestaient déjà, pour la plupart, leur envie pressante de rebrousser chemin. En balayant les visages crispés de ses invités, Aramis repéra Maedhros qui s'était adossé à la balustrade du pont, un peu en retrait par rapport au reste du groupe. Le brûlé sourit. « Vous vous demandez sans doute pourquoi moi et ma collègue ici-présente vous avons tous réuni ici. » débuta-t-il sur un ton de confidence pour apaiser les tensions. « Certains d'entre vous en ont peut-être déjà une idée, mais dans le doute, il est toujours préférable de venir clarifier la situation. Avant toute chose, pour ceux qui ne me connaitraient pas, je suis Aramis Borghild, l’ambassadeur ygdraëen envoyé pour représenter les miens au cours des explorations. » Il adressait cette remarque aux Humains exclusivement. « Mon devoir impose donc d'entretenir des relations favorables entre les Ygdraë et les représentants des autres peuples, de consolider des alliances ou, à l'inverse, d'en façonner des nouvelles, de même qu'il m'appartient de trouver des solutions efficaces pour régler toutes formes de mésententes. » Le sous-entendu était clair. « Je ne suis pas en train de prétendre que vos différends sont injustifiés, ni de dire de vous aimer inconditionnellement, envers et contre tout. Cependant, je tiens à insister sur le fait que le but de ce voyage n’est pas seulement de trouver une nouvelle terre d’accueil pour les Anges, mais de bâtir une harmonie entre nous tous. » Il fit une pause. « C'est pourquoi je vous ai invité ici non pas pour vous réprimander, mais pour que vous puissiez enterrer la hache de guerre et trouver des points communs avec votre prochain en dehors de tous préjugés et de toutes idées préconçues. » Son sourire s'élargit. « Et quoi de mieux pour apprendre à se connaître que de partager un verre tous ensemble ! » Une telle proposition se refusait difficilement et puis, l'alcool était un bon moyen de délier les langues, même celles des plus aigris, en plus de briser des barrières que l'on n'oserait jamais franchir autrement. C'est ainsi que la soirée put prendre son envol dans une ambiance festive qui perdura jusqu'aux premières lueurs de l'aube.
