Candice observait son allure dans un miroir, s'assurant que sa coiffure était impeccable et que son ornement était correctement installé sur sa longue chevelure noir de jais. Ses yeux carminés scrutait avec attention les détails de sa tenue, alliant ces deux couleurs dominantes, comme une parfaite prolongation de son physique. Son être svelte était rehaussé par un maquillage léger, lui donnant un air plus mature. La Sorcière avait depuis longtemps abandonnée le fait d'essayer d'avoir un corps athlétique. Certains ont la chance de prendre très vite du muscle, mais ça n'a pas été son cas. Au moins, sa grande taille lui permet d'assurer une certaine prestance, ce qui n'est pas rien. Peut-être que les choses changeraient à l'avenir, car après tout, la demoiselle était encore une adolescente, même si cela ne l'empêchait pas d'être une des héritières d'un Mage Noir. Cadette de sa fratrie, on ne l'oublie pas pour autant dans un coin sombre et oublié. Son éducation est stricte, sans once d'attachement pour éviter tout basculement. Très tôt, son ascendant l'initie à la Science et, très assez méfiant quant au devenir de son enfant, le Mage Noir ne lui confie que des tâches ingrates lié à ses lubies, notamment, le fait de conserver dans leurs cages les spécimens de ses expérimentations. Elle les nourrissait, leur faisait peur, se chargeait de mater les éventuels réfractaires et s'occupait également des cadavres, récupérant ce qui pouvait être utile avant de le balancer aux ordures. Elle méprisait les esclaves. À part peut-être un. Un Humain de son âge qui lui est totalement soumis. Il répond à la moindre de ses volontés, réalisent tous ses caprices. Elle adore voir son sang couler. Candice ressent pour cet Humain une passion malsaine. Vraiment malsaine.

La Sorcière relâchait un soupir. Sans doute était-ce là un point commun avec son géniteur. Ce dernier adorait les Humains. Ils étaient résistants et avait une sorte de défiance à leur égard avec leur maudite Antimagie. Il fallait être relativement puissant pour tenir dans une pièce où vivaient plusieurs de ces animaux. L'expérimentateur avait un net favoritisme pour les femmes de cette race. Le fait qu'elles pouvaient enfanter leur fournissait un certain vivier et évitait de trop lever des soupçons. Leur but ? Il était très simple. Sa Famille menait des recherches très infructueuses sur l'Antimagie. Infructueuses, car elle était la redoutable ennemie de la magie. Plus elle est puissante, plus ils sont impuissants. C'en était un véritable souci, y compris pour leurs espions qui se faisaient assez vite repérer et ce, malgré leur mille précautions. Comme s'ils étaient capables de sentir ce que leurs corps rejetaient. Son Père avait depuis longtemps l'ambition d'en reproduire les effets. Ou l'annihiler. C'est vrai qu'il s'agissait là de quelque chose d'assez désagréable. À force de les côtoyer, Candice avait même l'impression que sa magie déclinait en dehors de leurs séances. Cette chose répugnante était un véritable poison pour la grandeur d'un peuple comme le leur. Seulement, les Humains n'étaient pas vraiment la priorité. Le peuple était faible, disparate et prêt à s'éteindre au moindre éternuement d'un être puissant. Ces recherches n'étaient utiles qu'avec l'idée de priver leurs ennemis de leur magie et de pouvoir les asservir avec la leur, qui serait alors intacte. Rien que l'idée semblait sublime. Rien que l'idée de voir cet horrible Magie Bleue s'éteindre chez les Mages Blancs et de pouvoir les écraser avait de quoi la motivée.

La demoiselle plissa les yeux. Elle trouvait fâcheux un tel égarement de sa part. Elle terminait de réaliser sa coiffure pour éviter de se mettre en retard à la réception réalisée en dernière minute par la Femme du Gouverneur de Valera Morguis. C'était surprenant que nombre d'entre eux furent conviés, mais personne ne ferait l'affront de refuser. Cela lui permettrait de se détendre un peu et de rencontrer quelques personnes de son âge. Étudier autant en classe que lorsqu'elle revenait chez elle l'épuisait, c'était un rythme assez soutenu et il lui restait encore tant de choses à apprendre. Elle entendit la voix de sa mère lui demander avec sévérité si elle était prête. Candice se redressait et se dévoilait à cette dernière, qui semblait approuver le choix de sa tenue. Cette dernière la laissait se débrouiller seule, mais ne tarissait pas les critiques si cela lui déplaisait. Ils se mirent alors en route. En chemin, la Sorcière apprit que cette réception avait été organisée en l'honneur du retour du Prince Noir, revenu à l'improviste entre les murs de la cité. Il y avait à son encontre des rumeurs désobligeantes. Surtout depuis qu'il avait fait écorché des malotrus s'en étant pris à son épouse. Au fond de son coeur, Candice aurait bien aimée observer ce spectacle. La Princesse Noire avait de la chance de l'avoir pour époux, tant il défendait son honneur. Encore un peu et sans doute aurait-elle été jalouse, mais elle n'avait pas la prétention d'intéresser qui que ce soit à son âge. Ce serait à elle d'obtenir ce qu'elle désirait. Si elle voulait un mariage prestigieux, elle-même devait devenir quelqu'un d'indispensable à ce couple. Rien ne venait aux fainéants.

En entrant dans la salle de réception, Candice su rapidement qu'il s'agissait du genre de soirée où l'on discutait plus des travaux et des alliances qu'un véritable amusement. Les Sorciers étaient si sérieux. C'était amusant à observer à ses yeux encore enfant. Oh, que non. Elle ne s'imaginait pas courir dans les robes des dames ou faire des blagues aux garçons, rire à tout va et renverser des verres, ce serait puéril à souhait et lui vaudrait sûrement la pire remontrance jamais offerte de mémoire de Sorcier. Tandis qu'elle riait en portant un verre à ses lèvres tout en observant les toilettes des convies, son regard croisait celui d'un autre. Un sourire. Captivant. C'est à cet instant que tout vola en éclat. Le tremblement remontait de ses pieds vers le haut de son crâne, secouant avec violence dans la salle dans laquelle ils se trouvaient. Certains perdaient l'équilibre, des verres en cristal se fracassèrent au sol tout en répandant leur contenu. Passé la surprise, tous s'interrogeait sur l'origine de cette violence secousse. Le coeur de la Sorcière battait à la chamade de crainte. Et si la glace se rompait, les ensevelissant ? Elle imaginait aisément des éclats glacés traversé le plafond vers lequel son regard était tourné. Une fois son appréhension passée en voyant que la structure tenait bien, quelqu'un vint crier dans la salle qu'une violente explosion s'était déroulée près du Quartier des Esclaves. Plusieurs éclats de voix, des pas précipités, quelques annonces. Tout se passait si vite dans un temps suspendu. Que s'était-il produit pour que tout Valera Morguis tremble ainsi ? Peut-être un aléa naturel que personne n'aurait su prévoir ? Tout semblait plus calme.

Son Père maugréait dans le salon. Le Quartier des Esclaves avait été touché de plein fouet et sans doute de précieux spécimens seraient perdus. On les conviait à ne pas trop se déplacer en extérieur, mais les Mages Noirs expérimentés furent mandater sur les lieux vu l'urgence de la situation. Candice avait dû attendre longtemps avant de pouvoir retourner chez eux, les occupations n'étant plus vraiment à la célébration, mais sur les rumeurs qui circulaient. Quelques temps plus tard, le redoutable événement était encore sur toutes les lèvres. Les murmures disaient que le Prince Salvatore avait été vu là-bas. Allait-il bien ? Était-il la cause de cet incroyable nuage étrange que tous disait dangereux ? Son expérience avait-elle mal tournée ? Tout ceci demeurait assez flou et les informations parvenaient au compte-goutte. Certains corps avaient été découverts, mais pas celui du Prince, introuvable depuis le soir du drame. Heureusement que l'épouse du Gouverneur avait fait déplacer les expériences pour éviter un drame encore plus grand, celui de l'inconscience de laisser ces dernières près du peuple. Son Père restait furieux d'avoir perdus quelques esclaves et il s'attendait à ravoir une rétribution digne de ce nom pour compenser les pertes financières. Lui en avait après celui qui avait laissé la sécurité se dégrader à ce point au point de saboter les projets d'un autre. Candice reposait les yeux sur son livre en souriant. Même les meilleurs pouvaient lamentablement échouer.

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« Que pensez-vous de celle-ci ? » demanda la guide, ne cherchant même plus à cacher son agacement. « Y a-t-il assez de pièce ? Suffisamment d'éclairage ? Pas trop de voisinage ? » Une pointe de moquerie perçait dans son timbre. Elle trouvait les exigences de sa cliente particulièrement ridicules. Elle avait commencé par lui montrer les demeures les plus cotées, celles que tous les nouveaux habitants de Valera Morguis souhaitaient généralement pouvoir s'offrir. Des habitations qui convenaient parfaitement pour se transformer en laboratoire, puisque la cité sorcière était un pôle scientifique. Pourtant, la femme avait continué de refuser, visite après visite, les propositions que lui faisait l'agence. Les prétextes avancés par la sorcière semblaient si dérisoires et si grotesques que la scientifique avait d'abord soupçonné la visiteuse de ne pas avoir les moyens de s'offrir les structures qu'elle lui proposait. Mais, à force de descendre dans les prix, la guide avait fini par abandonner cette hypothèse. Tout du moins, ce n'était pas tout ce qu'il y avait. L'idée que cette intruse puisse envisager d'organiser des soirées mondaines de façon régulière avait également germé mais avait vite été balayé au vue des demeure que le duo visitait désormais. « Vous convient-elle ? » pressa la guide. Elle n'avait pas que cela à faire. Si elle avait accepté de faire des visites pour ses employeurs, elle était avant tout une scientifique et une expérience importante l'attendait. Cette pimbêche ne faisait que la retarder dans son travail.

« Mmh... Elle n'a pas l'air si mal... » laissa enfin entendre Vulpina tout en donnant un regard critique sur la salle à vivre. Lentement, elle s'approcha de la fenêtre et tira le rideau poussiéreux pour regarder ce qu'il se passait dehors. « Qu'en penses-tu ? » demanda la mage noire tout en se retournant vers l'homme qu'elle avait emporté avec elle. Slen resta immobile un instant avant de sortir de la pénombre dans laquelle il était resté tout au long de la visite, à tel point que la guide en avait oublié sa présence. « C'est de loin celle qui correspond le plus à vos attentes, depuis ce matin. » confirma-t-il. La Cartomancienne se fendit d'un sourire tout en s'approchant de lui. Le déchu était devenu son jouet favoris, depuis qu'elle l'avait trouvé dans les boyaux de cette cité. Cela la rendait nostalgique de se retrouver ici avec lui, lui faisant repenser à leur rencontre. « Ne t'en fais pas, même si nous sommes dans une ville remplis d'esclaves, tu resteras mon serviteur préféré. » murmura-t-elle au blond, ce qui sembla le tendre encore plus que d'habitude. Malgré tout, il se força à ne pas réagir. Si elle tolérait un semblant de rébellion lorsqu'ils n'étaient que tous les deux, il en était tout autre chose lorsqu'ils étaient accompagnés. Prenant une profonde inspiration, l'ailé plaça ses mains dans son dos et fixa son regard droit devant lui, ignorant au mieux le sourire cruel dessiné sur le visage de celle qu'il aimait. « Bien, alors c'est décidé ? Vous allez la prendre, cette maison ? » s'impatienta l'autre sorcière. Vulpina reporta son attention sur elle. « Je ne sais pas. J'ai remarqué une drôle d'odeur en arrivant dans le quartier. Je pensais qu'elle finirait par disparaître, ou plutôt que je m'y ferais mais ce n'est toujours pas le cas. De quoi s'agit-il ? » A l'entente de ce sujet, la femme sembla se raidir mais essaya de cacher au mieux son mal-être. « C'est que, peu de temps avant votre arrivée à Valera Morguis, une expérience située dans les quartiers des esclaves, à quelques pâtés de maison d'ici, a dégénéré et a conduit... l'explosion de plusieurs demeures. Le sujet de ces expériences se doit de rester confidentiel, le Prince Elias lui-même convoitait ces recherches. Néanmoins, il semble évident que les produits utilisés devaient être d'une certaine dangerosité. » « Et une certaine nocivité, également. » « Sans doute, oui. » « Voudriez-vous me dire s'il y a eu des décès, dans l'explosion ? » voulut savoir la visiteuse en insufflant un soupçon de magie pour forcer son interlocutrice à parler, ce qui ne sembla pas ravir la concernée. Celle-ci hésita avant de lui répondre à nouveau, toujours incertaine, comme si elle se demandait si elle pouvait lui raconter tout cela. « Plusieurs chercheurs. Et également le Prince Elias... Enfin, rien n'est certain, nous n'avons pour l'instant pas été capables de retrouver sa dépouille mais plusieurs témoins l'auraient vu se diriger et entrer dans le bâtiment d'où proviendrait l'explosion. » « Mmh... Intéressant. » Vulpina fit un nouveau tour de la pièce. « Et qu'en est-il des morts depuis l'incident ? » Cette fois-ci, la guide haussa les épaules, comme pour montrer qu'elle ne répondrait pas à cette interrogation. Sans y être invitée, Vulpina s'introduisit dans les pensées de la scientifique et y trouva les réponses qu'elle cherchait. « Oh, c'est si mauvais que cela ? Quinze personnes dans le voisinage proche en seulement une semaine. Sans parler des anciens propriétaires. » La guide sembla comprendre ce qu'il venait de se passer et laissa un grognement contrarier accompagner une posture défensive. La mage noire s'arrêta un instant. Elle songea sérieusement à abandonner l'opportunité qui se présentait à elle. Elle souhaitait sérieusement acquérir une demeure ici, afin de se libérer peu à peu de l'influence de celui qui lui faisait de l'ombre. Mais emménager ici, alors que les gens semblaient tomber comme des mouches les uns après les autres, était peut-être un trop grand risque à prendre pour pouvoir gagner son autonomie. Si elle était à son tour contaminée par la chose qui touchait les habitants et décédait à son tour, tous ses efforts seraient réduits à néant. Elle n'était pas arrivée jusqu'ici pour se laisser bêtement avoir.

Slen se positionna aux côtés de sa maîtresse en silence. Lui aussi se mit à observer par la fenêtre. En étant attentif, on pouvait apercevoir au loin les bâtiments qui avaient été détruits. « Je n'ai pas remarqué de runes ou de dispositif de protection dans la demeure. Seulement quelques gravures pour repousser les intrus un peu trop curieux dans les pièces des sous-sols, sans doute pour garder leurs expérimentations secrètes. » Vulpina ne répondit rien, attendant la suite de la proposition. « Si vous preniez le temps de sécuriser l'endroit, il deviendrait sans doute habitable rapidement et vous ne risqueriez plus rien. Vous n'aurez pas à avoir peur de mourir. » « Oui, peut-être. Mais rien ne le garantit. Je n'aurai pas d'assurance, aucune certitude. » « Dans ce cas, pourquoi ne pas y laisser plusieurs esclaves ? Laissez-les vivre ici et s'ils sont encore en vie dans un mois, vous pourrez considérer l'endroit comme hors de danger. Je pourrais même y rester pour vous. » La Cartomancienne laissa un sourire amusé illuminer son visage. « Bien essayer. Tu sais que je ne te laisserais pas ici sans ma surveillance. » Slen ne se laissa pas abattre par cet échec et continua son plaidoyer. « En mettant cela en avant, vous pourrez négocier un bon prix. La mort des anciens propriétaires plus le risque de nouveaux accidents dans ces quartiers moins... prestigieux. Sans oublier l'hypothèse du sabotage : un quartier peu recommandable, en somme. Cela vous donnera un avantage. » Vulpina sembla satisfaite par la proposition et sembla y réfléchir. « De même pour les esclaves laissés ici. Si vous les achetez alors qu'ils ont potentiellement été contaminés par les fumées et autres détritus... Ils pourraient vous mourir entre les doigts. Encore une fois : une source d'économie. » « Oui mais ce que tu dis est à double tranchant. S'ils meurent bel et bien, j'aurai investit le peu d'argent que j'ai pour rien. » « Dans ce cas, n'achetez pas plus que ce que vous aurez réussi à économiser avec la maison. » Vulpina réfléchit quelques instants avant de soupirer. « Bien... Tu m'as convaincue... Tu vois, c'est pour ça que je t'aime bien. Tu as toujours des bonnes idées pour moi, Slen. » Pendant un instant, le déchu répondit au sourire enchanteur de l'immaculée, avant de se souvenir de qui se cachait réellement sous ces traits innocents. La sorcière retint un rire en tournant les talons pour entamer les négociations.

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