« Vous êtes Violette ? ». Atsume venait d’attraper la manche de l’Humaine aux cheveux bordeaux. Depuis le temps qu’elle lui courait après, elle espérait que la réponse serait positive. Si l’Orine essayait de faire bonne impression, le voyage avait été éprouvant. Son maître lui avait donné de quoi subsister mais elle n’était clairement pas préparée à la chaleur étouffante du Désert. Le pire, selon elle, restait néanmoins les nuits, affreusement glacées. La rousse se retourna, fixant ses yeux dans ceux de l’étrangère. « Vous n’êtes pas d’ici, n’est-ce pas ? ». « Je dois vous parler. » murmura l’Orine sans répondre à la question. Elle était légèrement torturée, intérieurement. Son maître n’était pas le plus facile à cerner et lui-même avaient ses propres démons – ce qui était risible pour le roi de l’Enfer. « Pourquoi faire ? ». « Je pense que nous pouvons nous entendre… enfin, lorsque je dis « nous », ce n’est pas tout à fait exact. Mon maître m’a envoyée ici dans un objectif précis… Mais c’est un peu délicat. Peut-être pourrions-nous nous entretenir dans un endroit plus… discret ? ». L’autre était légèrement méfiante. « Votre maître me connaît-il ? ». « Pas exactement. Il avait un plan en tête et m’a laissée le soin de trouver quelqu’un qui pourrait entendre mon discours. Une femme blonde m’est apparue, plus tard, me soufflant que je devrais venir vous voir. ». « Blonde aux yeux verts ? ». « Tout à fait. ». « Je vois. Venez. ».
« Alors ? ». « Par où commencer ? ». L’Orine était clairement mal à l’aise. Parfois, elle se disait que Zane essayait de la tester, voir si elle survivrait à la mission ou non. « Mon Maître est le Monarque Démoniaque. ». L’autre émit une sorte de rire étrange. « Mon père était Monarque Démoniaque aussi. » fit-elle après un court silence. Atsume fronça les sourcils. « Quel âge avez-vous ? ». « J’ai arrêté de compter. Mais revenons-en aux faits. ». « Oui, pardon. Hum… Il semble qu’il souhaite entreprendre une sorte de partenariat entre les Démons et les Humains. Les Démons pourraient protéger votre peuple ou une partie, compte tenu de la faiblesse des Anges. ». « C’est assez utopique. Le passé a la vie dure et il semble que l’œuvre de Ludwig soit toujours intacte dans l’esprit de mes semblables. ». « Il savait que la conversation risquait de tourner court. Seulement, il n’est pas fou au point de penser que la totalité des Humains pourraient faire confiance aux Démons d’un seul coup. Je veux dire… vous-même êtes la fille d’un ancien Monarque et, pourtant, vous êtes encore en vie, il me semble. Tout bon partenariat mérite des garanties. Aussi, ce qu’il propose serait un test, à petite échelle. Nous pourrions bâtir une contrée, habitée par des Démons et des Humains, voir si la cohabitation se passe bien… ». Violette servit un peu de thé à l’Orine. « J’entends ce que vous dites et quand bien même je suis entièrement d’accord avec le procédé, je ne peux pas décider de ces choses seule. Je vais en parler à mon Roi. Restez un peu avec moi, quelques jours, le temps que j’organise un rendez-vous. Nous pourrons en discuter plus en profondeur ainsi. ».
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« Damérus… Je ne m’attendais pas à votre visite. ». Sirius s’était levé rapidement, baissant la tête en signe de salutations. Le Roi de Babelsba le regarda avec un petit sourire. « J’avais à faire ici et, en réfléchissant à quelques projets, j’ai pensé à vous. ». « À moi ? ». « Oui, à vous. Vous avez aidé à la construction de Muharkel et vos talents de charpentier m’ont été longuement loués. ». Après un temps, l’Humain demanda : « Que puis-je faire pour vous aider ? Une demeure ? ». « Une ville ? » évoqua le Roi avec un sourire amusé. « Une… ville ? ». « Asseyons-nous, voulez-vous. ».
« Je sais que vous n’appartenez pas à mon Royaume mais peu m’importe. Je suis certain que la Reine de Qaixopia ne m’opposera aucune résistance et qu’elle trouvera mon projet parfait, surtout qu’il est d’origine divine. ». « Ah ? ». « Il y a longtemps, alors que je n’étais pas encore Roi, je pense avoir eu une discussion avec Drejtësi. ». « Oh. ». Que répondre d’autre ? « Bref, fruit de mon imagination ou réalité, peu importe. La Déesse m’a demandé d’étendre les possibles de notre peuple, d’en finir avec notre solitude éternelle. Saviez-vous que lorsqu’Utopia a été construite, beaucoup de peuples de ce Monde ont contribué à la grandeur de la ville ? Ce fait a été partiellement oublié par l’histoire mais ce fut le cas. Je crois que les Humains ne peuvent vivre sans les autres. Nous sommes les Enfants de Sympan, et la plupart des races de ces Terres sont également nos enfants. La magie est apparue dans nos veines, nous avons muté mais, finalement, nous séparer des autres ne nous a rien apporté ; ou si peu. Je pense qu’il est grand temps de nous affirmer, de croire en notre Destin et de renouer un contact depuis bien longtemps brisé. Et puis, je viens d’apprendre une nouvelle qui devrait balayer certaines craintes. ». « Laquelle ? ». Damérus sourit. « Il est trop tôt pour en parler car cela pourrait brusquer les Anges, voire même les effrayer. Ce que je veux que vous fassiez, par contre, est un peu moins risqué. ». « Dîtes-moi. ». « Une coopération avec les Déchus. L’idée serait de construire une ville dans laquelle Humains et Déchus vivraient ensemble. ». « C’est un peu… Comment dire ? ». « Utopique ? Allons, rien ne l’est. Il suffit simplement d’avancer pas à pas. Et si ça ne marche pas, nous reculerons. ». « Et comment comptez-vous vous y prendre pour faire accepter l’idée ? ». « Comme toutes les autres idées. Il suffit d’en parler, d’instiller des images, des bruits, dans l’esprit des gens. Petit à petit, ils se feront à la chose, ils l’envisageront et elle paraîtra vite normale. ». Damérus le croyait vraiment. En réalité, il attendait beaucoup de la coopération avec les autres peuples. Il voyait grand et sur le long terme. Pour lui, toutes les entreprises de ce type seraient bénéfiques, pour les Humains mais pas que. Si tous les peuples des Terres du Yin et du Yang possédaient des villages mixtes, les guerres deviendraient de plus en plus compliquées à mettre en œuvre sans blesser ses propres ressortissants. Il devait simplement mettre le tout en œuvre et attirer à son côté des Humains de confiance et aussi déterminés que lui à l’expansion.
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« T’en penses quoi, toi ? ». Amir leva les yeux vers Yasmine d’un air endormi. Il était tôt et cela faisait maintenant dix minutes qu’elle lui parlait d’ouverture. Les rumeurs avaient commencé on ne savait trop comment. Quelqu’un en avait parlé à quelqu’un d’autre et cela avait créé un effet boule de neige aux limites non encore définies. Les commerçants se faisaient une joie d’aborder la question dès qu’ils en avaient l’occasion et tout le monde y allait de son avis, plus ou moins renseigné, plus ou moins extrême. « Je n’en sais rien. » fit l’homme en se redressant, comprenant que le sujet était important. « Déjà… Je ne suis pas sûr qu’une coopération avec toutes les races serait une bonne chose. Et ensuite… Qui te dit que ces races aimeraient nous avoir sur le dos ? Ne nous considèrent-elles pas comme des boulets, après tout ? ». Il remit un peu ses cheveux en place, attrapant ensuite un peigne pour se coiffer. Yasmine prit l’objet et se plaça derrière lui afin de l’aider à démêler sa tignasse de jais. Ses cheveux étaient souples et solides. « Je ne sais pas, tu leur as posé la question ? ». « Non mais c’est ce qu’on dit. ». « Oui et si demain je te dis que j’ai vu un éléphant vert dans ta chambre, tu me croiras ? ». Il soupira. « Ce n’est pas la même chose roo. Tu m’énerves un peu. Je te dis simplement que c’est ce que j’ai toujours entendu. Je ne peux pas vérifier toutes les informations de l’univers. Il me faudrait des centaines de vies pour ça… ». « Oui et toi tu préfères faire la grasse matinée. ». « Exactement. ». Il sourit. « Non mais je ne sais pas, Yasmine. C’est dur de se faire un avis sur la question. Je ne suis personne et n’ai aucune responsabilité au sein de notre peuple. Je serai Roi, je ne dis pas mais… ». « Nan mais en admettant que tu sois Roi. Est-ce que tu penses que ça vaudrait le coup ? ». « Sans doute mais je demanderais déjà à parler aux autres Souverains. Et puis, je commencerais peut-être par coopérer avec des races pacifiques, histoire de ne pas me faire trahir. Sincèrement, les Sorciers, j’ai pas confiance… Ils sont fourbes et rien que l’idée de coopérer avec eux… Berk. ». « Moui. Je pense que les Humains aussi, peuvent être fourbes. ».
1533 mots
Explications
Hello ^o^
Il s'agit d'un rp événement à message unique ouvert à tout le monde =) En gros, des bruits courent un peu partout d'une possible coopération des Humains avec d'autres races. Ça court chez les Humains, ça court chez les autres races, ça court quoi xD Ce n'est pas clairement défini. C'est à dire qu'il n'y a pas de projets à la clef qui est avancé mais juste l'idée comme quoi des races chercheraient à coopérer avec les Humains ou que les Humains chercheraient à faire de même, sans vraiment identifier les autres races ^^ L'objectif du rp est de faire se positionner votre personnage sur la question, en fonction de sa race, de ses mœurs, de l'histoire qu'il peut avoir avec les Humains etc. Je vous demande de vous creuser la cervelle, en gros, de peser le pour, le contre, en fonction des spécialités de votre personnage ^^
Fin du rp : le 19 mars, 23h59 =)
Gains
Pour 900 mots = 1 point d'intelligence Pour 450 mots de plus, soit 1350 mots = Un deuxième point d'intelligence.
Invité Invité
Dim 27 Jan 2019, 17:20
«Tu as entendu les dernières rumeurs ?» ; «De quoi ? Non, je suis resté toute la journée de garde. Il y avait un convoi de caravanes, avec des malades et des gens extrêmement pressés de rentrer chez eux... Un vrai foutoir.» Ludwig Riel regardait son assiette de soupe d'un air morne. Ce qu'il n'avait pas dit, c'était qu'il y avait beaucoup de marchands étrangers dans ce convoi et que c'était surtout ce fait qui ne lui avait pas plus. Les étrangers apportaient le Kan’Ghar avec eux, le mal, pour lui. Il avait passé douze heure dans la mauvaise humeur, à les regarder entrer pour violer le havre de paradis qu'était Utopia. «Allez ! Fais pas genre ! Je crois savoir ce que tu penses de cette histoire, mais moi, j'ai besoin de te l'entendre dire. » ; « T'es chiant, Marid. Tu sais d'où je viens, tu sais qui est mon père adoptif. Tu pourrais boire un coup en fermant ta gueule et laisser ton imagination trouver la réponse à tes questions.» Sa voix avait éclaté sans qu'il ne puisse se contrôler, faisant se retourner plusieurs têtes dans leur direction. Son ami se rembrunit. «Merde. Pardon. Je voulais pas...» ; «Ouai, je sais. C'est moi, je suis un peu tendu et je n'ai pas envie d'en parler.» Ludwig se brûla la langue et le palais avec une cuillère du liquide trop brûlant, ce qui lui donna une autre raison pour grimacer. «Tu en auras envie, un jour ? Je veux dire... Si tu n'en parles à personne, ça ne risque pas de s'arranger.» Bon sang. «Je sais. Je te promets que tu seras le premier à savoir, si un jour je trouve le courage. Ok ? » ; «Ok !» Marid semblait persuadé qu'il pouvait l'aider. Son meilleur ami s'imaginait mille et une fantaisies sur la raison pour laquelle Ludwig cachait sa main dans un gant en cuir, n'arrivait à dormir qu'une nuit sur deux et haïssait vraisemblablement tout ce qui n'était pas Humain. Il souffrait en silence de voir Ludwig rester dans son malheur et son silence borné et ne daignait pas lâcher l'affaire contrairement à d'autres qui abordait le sujet sur le ton de la moquerie.
Plus tard dans la nuit, Ludwig sondait le plafond de sa chambre, les bras croisés derrière sa tête. Il ne dormait pas. Il avait développé une capacité incongru pour ne dormir que trois heures par jour et ne pas être une vraie loque pendant ses journées. En fait, cela tenait à son instinct de survie. Dormir signifiait rencontrer les cauchemars que Devaraj avait fabriqué exprès pour lui... Le jeune homme n'était pas certain d'y survivre et avait déjà, à force d'imprudence ou de faiblesse, faillit en mourir plusieurs fois. Il ne s'abandonnait au sommeil qu'en présence proche de beaucoup, beaucoup d'autres Humains, afin d'être certain que la magie du Fumeur Macabre serait annihilée. Ce soir en particulier, son esprit était trop emcombré par les fameuses rumeurs pour avoir envie de se reposer. Il grognait, soufflait, se retournait dans son lit en se rongeant les dents. «Tu dors ?» ; «Non, connard.» Marid poussa un soupir exaspéré et se releva de sa couchette. «Par Drejtësi. Je t'entends ruminer aussi fort qu'un marteau sur le toit. Va faire trois fois le tour d'Utopia en courant à cloche-pieds et laisse-moi pioncer. Tu devr-» ; «Tu y crois toi ?» ; «Quoi ?» Cédant à l'envie de discuter, le brun alluma la torche qui reposait accrochée au mur. Il prit de l'eau d'une bassine entre ses mains et s’aspergea la tête. Les sautes nocturnes de son colocataire étaient devenues monnaie commune depuis bien longtemps. «T'aurais pas pu me poser la question tout à l'heure à la taverne quand je t'en parlais. Enfin ! Bin... Oui et non. Enfin j'en sais rien ! T'as vu la guerre, t'as vu ce qu'il s'est passé ? Je crois pas qu'on puisse être certain de quoi que ce soit dans ce monde. » ; «Moi, je suis certain qu'on veut nous manipuler.» ; «Toi, tu as un problème dans ta tête. Tu penses aussi ça de la serveuse qui t'as dragué, et du commandent qui t'as envoyé nettoyer les toilettes la dernière fois.» Les deux soldats étouffèrent un brusque rire. Estimant la conversation terminée, Marid se recoucha. «Tout n'est pas noir ou blanc, Ludwig.» dit-il simplement en fermant les yeux. Les rumeurs parlaient de possibles alliances, d'une ouverture vers l'extérieur, de cohabitation. Lui, qui n'avait jamais rien vu d'autre que les murs d'Utopia, était curieux. Contrairement au blond, sa vie avait été très calme jusqu'ici. Ludwig soupira brusquement. C'était facile pour lui, Marid n'avait pas vu son village et sa famille se faire exterminer par des Monstres et des Cataclysmes causés par la Reine des Sirènes. Il n'avait pas subit un apprentissage houleux de la part du Roi des Chamans, il n'avait pas été enfermé, ni battu, ni obligé de boire du sang ou de manger des cœurs humains, et il n'avait pas eu à s'enfuir avec ses propres moyens de l'Île Maudite. Il ne souffrait pas quotidiennement d'une malédiction injuste et sans nom pour un crime qu'il n'avait pas commis. Se retournant sur le côté pour ne plus voir son ami, l'Humain serra plus que nécessaire la couverture entre ses doigts; «Les Chamans, ils sont très noirs.»
Ils étaient tous les deux assis l’un face à l’autre. Les jambes croisées, ils tenaient la même position, si ce n’était qu’Ash’latt semblait plus à l’aise et était accompagné de son fidèle sourire. Entre eux, une table basse en ébène. Ils y avaient tous les deux déposé leur tasse de thé. Chelae n’y avait pas touché depuis le début de cette entrevue, où ils n’avaient encore échangé que de brèves salutations. L’homme finit par briser le silence glacial :
-Cela faisait longtemps que nous ne nous étions pas vus.
-C’est vrai.
Il était aussi vrai qu’il ne lui avait pas manquée. Elle se serait bien passée de le voir. Il lui avait écrit des lettres. Beaucoup de lettres. Elle n’avait jamais répondu, par facilité, et désireuse de couper les ponts avec cette énergumène. Elle avait tout fait pour l’éviter. Tout ce qu’elle avait souhaité était de ne plus jamais entendre parler de lui. Elle avait cru pouvoir le laisser seul, en plan, au milieu de cette société où il n’était rien. Chelae regarda une nouvelle fois le sapin qui trônait derrière l’homme. Il paraissait tout bonnement ridicule qu’un sapin ait pu la ramener en face du problème que représentait Ash’latt. Pourtant, s’il disait vrai, il n’aurait pas pu la téléporter ici sans celui-ci. C’était d’ailleurs au pied de l’arbre qu’elle était apparue, alors qu’elle s’était trouvée dans les couloirs de sa maison un instant auparavant. Il fallait admettre que pour le coup, même si elle s’était jouée tout du long en sa défaveur, il avait gagné cette bataille. Surprenant. Chelae ne tirait qu’une seule observation plaisante de cette nouvelle rencontre : pendant toutes ces années, elle avait beaucoup mûri. Pas lui. La terrible histoire qui le talonnait devait y être pour quelque chose. Il avait beau vouloir faire croire le contraire, il était encore faible. Il n’arrivait pas à se débarrasser de cette fragilité, si bien que Chelae ne le trouvait plus aussi impressionnant qu’auparavant. Néanmoins, il continuait de lui faire peur, car il était dangereux de par sa simple existence.
-Vous ne dites rien. Comment-allez-vous ? Que vous arrive-t-il de beau ces temps-ci ?
-Je vais très bien. Mais vous serez déçu d’apprendre qu’il ne m’arrive rien de particulier. Si ce n’est le fait de vous revoir aujourd’hui.
Son ton était cassant et particulièrement désagréable. Chelae croisa ses jambes dans l’autre sens. Elle ne le regardait pas dans les yeux. Elle avait juste envie qu’il se taise et qu’il la laisse partir. Ce malfrat avait posté plusieurs serviteurs dans la pièce. Elle savait qu’il y en avait d’autres dans le couloir qui menait à la sortie. Il lui avait déjà fait le coup, il y a longtemps, pour la ralentir et ainsi pouvoir la harceler un peu plus. Ash’latt se pencha doucement pour boire une gorgée de son thé.
-Vous êtes nerveuse. C’est bien dommage. Je ne vois pas ce que vous pensez que j’ai l’intention de faire. En tous les cas, je pense que vous vous méprenez, Chelae. Je ne veux pas parler de ça. Il marqua une pause. Elle restait de marbre. Je voulais simplement prendre de vos nouvelles après autant de silence. Mais puisque vous ne semblez pas encline à ce genre de discussion, nous pouvons parler d’autre chose. Comme… les Humains, par exemple.
La femme le regarda enfin, avec interrogation.
-Les Humains ?
-Oui, vous n’avez pas entendu ? Prenez un peu de thé. Je serais déçu que vous pensiez que je tente de vous empoisonner. Vous savez que ce genre de complot ne me réussit pas, et je n’en ai aucun intérêt.
-Si, je suis au courant. Elle se pencha pour prendre sa tasse, la porta à ses lèvres mais ne but pas. Poison ou pas, elle n’en avait pas l’intention. Pourtant le parfum qui en émanait était enivrant. C’était un thé d’excellente qualité, il n’y avait aucun doute là-dessus. Ils envisagent de vivre avec d’autres races, ce qui est absurde. Où voulez-vous en venir ?
-Je vous le dis, juste discuter. Mais vous avez raison, c’est absurde. Voilà qui nous fait un point commun, n’est-ce pas ? Chelae eut un rictus et cela contenta Ash’latt. Si nous formons des races distinctes, ce n’est pas pour rien. Nous ne sommes pas faits pour vivre ensemble. Autant qu’un chat ne vit pas avec un chien, ou que l’aigle ne reste pas avec le cochon. Elle acquiesça. Elle ne souligna pas que c’était son père qui disait ça, parfois. Il devait le savoir. Sorn est toujours aussi bien ancré à ses principes. Mais il me semble que vous n’êtes pas sans savoir que j’ai eu mon temps… d’inactivité pour réfléchir. Être faible m’a permis de réaliser beaucoup de choses. Cela vous paraîtra peut-être futile, mais les plus grandes chutes peuvent être les plus formatrices. J’en suis venu à prendre conscience d’une évidence à laquelle nous ne réfléchissons pas assez : un Alfar peut être nul, débile. Devenir un Näg n’est pas si difficile que cela ; en fait, c’est à la portée de tout le monde. Être un moins que rien, tout comme ces peuples auxquels Drosera se ferme depuis des années. Nous ne sommes pas si loin d’être comme eux, quelque part.
Chelae fronça les sourcils. Il délirait totalement. La folie ne l’avait pas épargné.
-Les Alfars cherchent à tendre vers la perfection et donc l’indépendance totale vis-à-vis des autres races. Il ne s’agit pas de regarder en arrière, vers nos points communs, nos origines ou que sais-je, mais de constater que nous rallier à des êtres aussi impurs ne feraient que nous tirer vers le bas. Jusqu’à la destruction de notre civilisation. Ce serait du gâchis mené par des décisions ridicules.
-Si je puis me permettre, votre famille vit en harmonie avec les Altae depuis des générations…
-Les Murs sont des êtres fidèles. Ils respectent notre volonté et seulement la nôtre. Contrairement aux autres, ils nous aident à nous élever. Ça n’a rien à voir. Et je pensais que nous parlions des Humains.
Elle ne voulait pas qu’ils parlent de sa famille. Ash’latt rit doucement. Elle avait raison, il s’égarait. Il devait être un peu trop obsédé par les Arcesi.
-Soit, excusez-moi. Les Humains… Ils sont restreints. Ils désirent acquérir du pouvoir et de l’influence. On dit que leur Anti-Magie peut être dévastatrice. Peut-être en avez-vous déjà ressenti les effets ?
-Jamais. Dothasi soit louée.
-Moi non plus. Mais il est tout de même terrifiant de constater qu’ils sont capables de détruire les êtres constitués de Magie. L’on dit que d’autres en perdent la raison, voire se suicident.
-Pensez-vous qu’ils seraient capables d’annihiler toute notre Magie ? Toute la Magie ?
Ash’latt réfléchit un peu, tout en buvant de petites gorgées.
-Cela prendrait du temps. Mais s’ils se mettaient à coloniser l’ensemble des Terres du Yin et du Yang, s’ils devenaient suffisamment puissants…
-Ils détruiraient le monde. Notre monde n’est rien sans Magie. L’histoire de Délix se reproduirait, d’une certaine façon.
-Tiens, je vous croyais dévouée à la même cause que votre père ?
-Je le suis. Néanmoins, il pense que les Humains étant l’une des premières races ayant vu le jour, elle n’est qu’un brouillon à éliminer. Je ne prendrais pas ce risque pour des raisons d’équilibre. Je pense plutôt qu’il faut surveiller les non-Alfars, les limiter, afin que nous, nous puissions mieux nous élever.
-Oh, je comprends mieux…
Il se rendait compte qu’ils n’avaient jamais vraiment appris à se connaître. Ils n’avaient fait que se confronter mutuellement à des formalités. Ils n’avaient toujours vu dans l’un comme dans l’autre qu’une façade derrière laquelle se cachait une seule et unique ambition, détachée de tout contexte et de toute réelle pensée. Ils s’étaient toujours vus vivant l’un contre l’autre et cherchant à se défier sans cesse. Leur échange se trouva être étonnamment instructif. Il fut également remarquable par la tension qui avait progressivement quitté les lieux. Ce ne fut qu’après près d’une heure que Chelae ne repensa à qui elle avait affaire et reprit sa rigidité.
-Si vous le permettez, j’ai quelques affaires à terminer. Je devrais rentrer.
-Puisque le devoir vous appelle, je vous en prie. Ce fut un plaisir de discuter avec vous, Chelae. Nous devrions le faire plus souvent. Je vais vous raccompagner jusqu’à la sortie.
-Ce ne sera pas nécessaire. Merci. Au revoir.
Ash’latt sourit. Il aimait son ton tranchant.
-Au revoir, Chelae.
~1393 mots~
Invité Invité
Dim 17 Fév 2019, 21:20
L’Ombre était adossée contre un mur de pierre aux aspérités inconfortables pour tous être non brumeux. Les bras croisés, elle regardait le paysage sans vraiment y apporter une importance. Sa nature la rendait insensible à la beauté du panorama qui s’offrait à elle et n’avait guère l’envie d’user d’illusion pour apprécier le spectacle. La jeune femme aspirait juste à la tranquillité et à la réflexion. Chose qui semblait de plus en plus difficile à trouver. Les pas d’une prochaine visite dérangeante raisonnèrent dans le couloir. Il ne faisait aucun doute que la personne se dirigea dans la pièce. Aaliah soupira avant de tourner la tête pour observer le visiteur qui venait d’ouvrir la porte sans même prendre la peine de frapper ou d’annoncer sa présence. Le Chaman se moquait des convenances et était de toute façon sur un même piédestal que l’Ombre. Aussi, elle ne lui fit aucune remarque et attendit qu’il l’informât sur la raison de sa venue. Ce qu’il fit aussitôt.
« Je suppose que tu as entendu les rumeurs ? — Bien des rumeurs circulent sur les Terres du Yin et du Yang ! lui fit-elle alors remarquer. Aurais-je dû accorder de l’importance à l’une d’elles en particulier ? — Oui, celle qui se fait de plus en plus insistante… Il n’y en avait qu’une seule qui circulait de manière insistance et le Chaman qu’il n’avait besoin d’en dire plus pour que l’Ombre retrouvât d’elle-même celle à laquelle il faisait allusion. — Ah oui, la coopération des Humains avec d’autres races. »
Même si l’Ombre voyageait peu depuis quelques temps, ses oreilles n’avaient pu échapper à cette rumeur qui se chuchotait à chaque taverne. Elle prenait de l’ampleur sans pour autour devenir plus précise. Les Humaines chercheraient à s’associer, mais personne ne savait vraiment dire avec quelques races en particulier. Les paris allaient bon train pour les deviner. Aaliah n’aimait pas les devinettes. Aussi, elle ne s’était guère attardée sur le sujet. Elle déjà bien assez avec ses projets pour user de son précieux temps à déblatérer sur cette rumeur. L’Ombre arqua un sourcil interrogateur, cherchant à comprendre les intentions du Chaman. S’il la dérangeait, c’est qu’il souhaitait communiquer un peu plus sur le sujet, voire émettre des idées. Aaliah le soupçonna déjà de tenter une collaboration si la rumeur venait à s’avérer. Pour quelle autre raison prendrait-il la peine de venir en discuter avec elle ?
« Cela pourrait-être une bonne idée, fit le Chaman afin de continuer la conversation sachant qu’Aaliah ne chercherait pas creuser un peu plus le sujet. — De nous associer aux Humains ? Même si elle l’avait deviné, elle ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Dans le fond, elle avait espéré se tromper. Dois-je te rappeler que tu apprécies peu la présence d’humain autour de toi ? — Ce n’est pas pour moi que je propose une possible collaboration, mais pour la mise en place de ton projet. Avoir des alliées, quels qu’ils soient, ne pourront être que bénéfiques. — Avec des humains, insista-t-elle en dévisageant le Chaman. Nous serons constitués d’Ombre, l’oublierai-tu ? La présence d’humaine nous… gênerait, termina-t-elle en optant pour un mot plus courtois pour définir ce que le Ma’Ahid des Humains risquait de faire subir aux Ombres qui les côtoieraient. — Nous ne serions pas non plus obligés de vivre à proximité d’eux, soupira le Chaman devant le manque d’effort d’Aaliah pour comprendre les avantages d’une alliance. Et puis, il suffit d’envoyer les bonnes personnes pour communiquer. — Je suppose que tu me désignes parmi les bonnes personnes ? Émit la jeune femme, non sans une pointe d’ironie dans la voix. A tous les coups, cette conversation finirait mal. — Tu es même la mieux qualifiée de nous tous, lui répondit-il avec un large sourire. — Sur quel critère de sélection te bases-tu ? Cette fois, Aaliah fut étonnée par les propos du Chaman et se demanda s’il avait encore bien toute sa tête. Il avait probablement bu plus que de raison avant de venir la voir. La jeune femme n’était pas la meilleure pour dialoguer et sa nature n’était pas des plus idéales pour un échange prolongé chez les Humains. — Tu as la capacité de devenir humaine, lui rappela-t-il alors, bien qu’il fût certain que l’Ombre n’avait pas oublié le pouvoir de la couronne qu’elle détenait. — Donc, ta proposition est que j’aille voir les Humains pour leur proposer une alliance entre nous… en étant moi-même humaine. Devant l’absurdité d’une telle situation, l’Ombre hocha la tête en levant les yeux au ciel. Et après, c’est moi qui émet des projets foireux… — Pour plus de logique, tu peux te présenter à eux en tant que Chaman ou Eversha, argumenta Zachariah en sachant que l’Ombre avait également la capacité de donner l’illusion d’être une Chamane. — De mieux en mieux, s’énerva Aaliah en haussant le ton. Je doute fort que les chefs de ces races acceptent l’idée qu’on puisse prendre position à leur place. Et puis, si c’est pour se faire passer pour un Chaman, pourquoi tu ne te dévoue pas à cette tâche ? — Parce que ce n’est pas à moi de défendre la légitimité de ton empire ! Se défendit aussitôt le jeune homme en élevant également la voix. Si tu veux l’étendre et le faire connaître, s’ouvrir à des coopérations avec d’autres races peut s’avérer intéressant. Car ce n’est pas en restant plantée devant le paysage que tu arriveras à faire quoi que ce soit… L’homme savait où frapper verbalement pour faire réagir l’Ombre. Outrée, celle-ci ne mit pas longtemps à lui lancer un regard sombre, mais il ne lui laissa pas le temps de protester. Tu n’as qu’à te présenter sous une race inventée, après tout, imaginer des identités qui t’arranges cela ne te dérange pas d’ordinaire. La jeune femme comprit le sous-entendu de la dernière réplique. Le Chaman n’appréciait pas d’avoir été épousé sous une autre identité et semblait éprouver une certaine satisfaction d’émettre cette frustration à chaque dispute. — Tu comptes me rappeler cela à chaque fois ? Grommela-t-elle les dents serrées par l’énervement. Le Chaman était souvent insupportable, mais elle devait faire avec son tempérament. Ils se disputaient constamment, elle pouvait compter sur un soutien sans faille de la part de Zachariah. — C’est juste pour que tu n’oublies pas, se contenta-t-il de répliquer. Le Chaman était patient certes, mais la frustration le rendait moins pondéré dans ses propos. Il savait que la nature fière et têtue de l’Ombre étaient ses meilleurs atouts pour avancer, à condition de les mettre à l’épreuve en les titillant. Et à ce jeu, le Chaman était imbattable même s’il prenait régulièrement le risque de se faire tordre le cou par l’Ombre colérique. Il croisa les bras sur son torse et défia la jeune femme du regard. Alors, que veux-tu faire ? Reste là ou tenter d’apporter quelque chose de concret à tes projets ? — Tu ne me laisseras pas tranquille tant que je n’aurai pas essayé, n’est-ce pas ? » Demanda-t-elle-même si elle en connaissait d’avance la réponse.
Le Chaman pouvait se montrer très impliqué, voire très insistant, dans certaines de ses propositions lorsque celles-ci lui semblaient avantageuses pour l’Ombre. D’un signe de tête, il confirma son envie d’une tentative de communication. Soit, je vais y réfléchir. Elle n’avait de toute façon guère le choix si elle espérait un peu de calme. Le Chaman semblait sceptique et attendit une nouvelle confirmation plus convaincante. Il avait l’habitude de voir l’Ombre se défiler en acceptant une proposition pour l’oublier ensuite une fois que ces interlocuteurs avaient le dos tournée Aussi, il attendit en tapotant le sol du pied pour agacer la jeune femme dont il connaissait son affection pour le silence. La jeune femme soupira en secoua la tête devant l’entêtement du Chaman. Il devait difficile de le berner et de le faire quitter une pièce. Seul son grand-père avait cette capacité, mais étrangement, son ancêtre ne semblait pas vouloir intervenir.
« Il faut bien que je réfléchisse sur la manière dont je vais les aborder, répondit-elle en s’avouant vaincue. Elle ne pouvait décemment pas aborder les Humains sans prendre un peu de recul. Et puis, je souhaiterais avant tout m’assurer de la véracité de ces rumeurs ».
Avoir des arguments pour mettre en place une alliance ne servirait à rien si les Humains ne souhaitaient pas au final s’allier. De plus, ceux-ci préféreraient peut-être se tourner vers une race forte et plus solide. L’Ombre favorisait la prudence, ce que le Chaman autorisa. Afin de la laisser réfléchir aux différentes manières d’approcher cette ouverture, il quitta la pièce et la jeune femme put enfin s’adosser à nouveau sur le mur pour observer l’horizon, pensive.
1434 mots
Invité Invité
Lun 18 Fév 2019, 19:45
Depuis quelques jours, les messes-basses allaient bon train dans les couloirs de l’école. Chose étrange. Il n’était pas rare de voir les esclaves baisser la tête et se taire devant nous. Mais la plupart du temps, j’avais l’impression qu’une fois notre passage, ils reprenaient leurs activités, ne se souciant pas de continuer leurs conversations secrètes. Ce n’était pas le cas cette fois-ci. Cela avait même alerté les professeurs qui se dépêchaient de faire circuler les bavards à force de menaces et autres malédictions. Ce n’est qu’une fois en ville, que je compris l’origine des cancans.
J’étais cachée dans une ruelle qui donnait directement sur la grande rue. Je lisais d’un air absent un livre consacré à lister les cents meilleures malédictions réalisées par mes pairs. Cela aurait pu être intéressant, si je n’avais pas d’examen sur le sujet dans la semaine. Alors, pour me distraire, entre chaque paragraphe, je levais mon nez du vieux volume et j’observais les passants. Il faisait beau ce jour-là et de nombreux sorciers se promenaient dans le centre-ville. Certains faisaient des emplettes et d’autres s’étaient installés sur les terrasses, sirotant des liquides tous plus différents les uns que les autres. J’avoue que j’enviais un peu ceux-ci, qui pouvaient se désaltérer au soleil. Je n’avais pas prévu de dépenses pour la journée, c’est pourquoi je n’avais emporté que mon livre d’étude. Pour compenser mon infortune, je dévorais des yeux ces chanceux en écoutant leurs conversations. Certains serveurs étaient des esclaves et allaient de tables en tables pour demander les commandes des clients. J’avais appris à les reconnaître dans la foule de part leur attitude servile.
« Mais fais attention, sale cabot ! »
Mon attention fut captée par ce sorcier énervé qui s’était levé de sa chaise. Je constatais alors que l’esclave avait renversé son verre sur sa chemise. Le sorcier, devenu rouge de rage, s’époussetait et sa compagne faisaient des gestes vers l’esclave, lui intimant de déguerpir sur le champ. Le propriétaire des lieux, un vieux sorcier au ventre bedonnant, accouru aussi vite que sa bedaine le lui permettait en lançant milles excuses au client mécontent. Quand il lui proposa de lui offrir ses prochaines boissons, le sorcier se calma un peu et se rassit, non sans avoir maudit à plusieurs reprises l’esclave maladroit. Le tenancier repartit d’où il venait, ce qui me permit de mieux observer le couple. Lui était blond, et même s’il était toujours de mauvaise humeur, il possédait de ce que j’appelle une beauté froide. Les sourcils étaient encore froncés, et il émanait de lui une puissance qui me fit comprendre de me tenir loin de lui, pour ma propre sécurité. Sa compagne était un peu plus fade. Elle semblait un peu éteinte assez côté. C’était une brune aux yeux sombres. Elle semblait un peu ailleurs, comme si l’accident du verre renversé était de l’histoire ancienne. Elle avait l’air absente, ce que mon comparasse lui fit remarquer : « Tiens-moi au courant si je t’ennuie ! » lui lança-t-il d’un ton hargneux.
Elle tourna son regard vers lui et lui répondit par un sourire sans vie.
« Je réfléchissais à tout ça. »
« Laisses tomber. Tu sais très bien que tu n’es pas faite pour ça. Les plans : c’est moi, qui les construit. Toi, tu te contentes de faire ce que je te dis ! Combien de fois faudra-t-il que je te le répètes ? »
Son air hautain me confirma que je n’appréciais pas le moins du monde cet énergumène.
« Et puis, » continua-t-il « tu te fais trop de soucis. Et pour rien. Ce ne sont que des rumeurs. »
Prise par la curiosité, je refermais mon livre et le posa à mes côtés. J’avançais mon torse et allongeais le cou pour ne pas rater une miette de leur conversation. Quand il était question de rumeur, comment pouvait rivaliser un vieux ouvrage poussiéreux ?
« Des rumeurs qui proviennent de plusieurs de nos contacts ! Mon avis est de les prendre au sérieux. » dit la femme.
« On en a rien à faire de ton avis. »
Elle n’avait pas l’air plus offusquée que ça. Je supposais sur le moment qu’elle devait avoir l’habitude du comportement de son ami.
« Et si c’était vrai ? Crois-tu que cela impactera nos affaires ? Si les humains s’alliaient avec d’autres races, crois-tu que nous risquerions la faillite ? Après tout, le trafic d’esclaves est plutôt fructueux chez les sorciers, mais certaines races les apprécient également. C’est un revenu non négligeable. Si les humains faisaient affaires avec eux, nos bénéfices s’en trouveront impactés, tu ne crois pas ? »
Elle croisa les jambes alors qu’elle s’arrêtait de parler, attendant une réponse de son compagnon. Ce dernier ne prit même pas la peine de la regarder et se contenta de siroter son breuvage. Elle continua alors, espérant, sans doute, une réaction de sa part.
« Ne crois-tu pas qu’en plus de tout ça, l’alliance des humains avec d’autres races peut être vu comme une rébellion ? Ne crois-tu que cela va donner une lueur d’espoir pour nos esclaves ? Ne crois-tu pas que les esclaves que nous vendons se rebifferont ? Ne crois-tu pas qu’ils se sentiront plus puissants ? Ne crois-tu pas qu’ils feront tout pour détruire leurs chaînes ? Qu’ils essaieront de tuer leurs maîtres ? »
C’était à son tour de s’énerver. C’était la première fois que durant cette conversation, je percevais un éclat brillant dans ses yeux. Est-ce ça la peur ?
« Et que pouvons-nous y faire ? » lui répondit alors le sorcier tout aussi emporté.« Crois-tu qu’à nous deux nous pouvons arrêter ce qui se trame dans l’obscurité ?! »
« Je ne peux pas rester là, à siroter une liqueur dégueulasse, pendant qu’on n’est peut-être en train de perdre notre butin ! »
« Tiens toi tranquille ! Notre rôle est très clair ! Nous capturons, formons et vendons des esclaves. Ça s’arrête là ! »
« Mais ... »
« Maintenant, tais-toi ! Tu m’a foutue la migraine ! T’es vraiment la meilleure pour me pourrir la vie ! Tu sais quoi ? J’me tire de là. Si je reste encore quelques minutes à t’écouter, je risque de perdre mon sang froid, et tu sais ce qui arrive quand je perds mon sang-froid, n’est-ce pas ? »
Pendant que la brune déglutissait, le sorcier s’était déjà levé et partait de terrasse sans un regard en arrière, la laissant seule attablée. Mais j’étais déjà perdue dans mes pensées. Alors c’était de ça dont tout le monde parlait. L’alliance des humains avec d’autres races. Mais avec lesquelles ? Ce n’est sûrement pas avec les sorciers qu'ils tenteront l’expérience. Même si je pense que certains seraient ravis de faire affaires avec nous … Les magiciens peuvent évidemment donné le change, mais n’est-ce pas ce qu’ils faisaient déjà ?
J’attrapais mon livre et partit en direction de ma maison, la tête en pleine ébullition. Tout cela me paraissait tellement compliqué ! Si une telle alliance avait lieu, nous serions les premiers au courant, non ? Je devrais donc attendre encore un peu avant d’avoir le fin mot de l’histoire. Cela ne m’empêcha d’élaborer toutes sortes de théories. Est-ce qu’une alliance pouvait modifier notre façon de vivre ? Peut-être. Tout cela, c’était de la politique ! Est-ce que cela changerait quelque chose à mon avenir ? Est-ce que cela m’empêchera d’être une sorcière puissante ? De réussir mes études ? Imaginons un instant que les esclaves humains disparaissent, je voayis très bien les mages noirs trouver d’autres solutions pour nous apprendre à torturer, mutiler et briser les gens. Et, évidemment, il faudra en payer d’autres pour faire les tâches ingrates dont ils avaient la charge … mais serait-ce si difficile ? Depuis ma rencontre avec Lyod, je n'étais plus sûre de rien. J’avais l’impression de combattre une partie de ma personnalité qui essayait de faire surface. Si les mages noirs l’apprenaient ils feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour s’assurer que je ne changerai pas de bord. Ce n’était d’ailleurs pas mon attention : mais combien de fois déjà avais-je ressenti ce malaise lorsque nous nous entraînons sur ces humains dans les cachots ? Combien de fois m'étais-je mordu la langue pour me retenir d’aller aider ces malheureux ? Et combien de fois m'étais-je retenue de ne pas éviscérer leurs tortionnaires ? Ne serait-ce pas un juste retour des choses, si les choses changeaient un tant soit peu ?
1380 mots.
Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1999 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Mar 19 Fév 2019, 01:38
-Ce sont des créatures détestables, ne trouves-tu pas ?
Leigh souriait à cette simple idée, qu’elle avait émise en réponse à ses pensées silencieuses. Celle-ci la faisait frissonner, la faisait presque glousser avec euphorie. Du bout des doigts, elle continuait de caresser la peau nue de la jeune femme allongée à ses côtés. Elles n’avaient rien fait. Elles étaient juste là, partiellement déshabillées. Il faisait froid et humide. Ça ne dérangeait pas spécialement Leigh. En revanche, l’autre commençait à trembler. C’était le nom qu’elle lui avait donné : l’autre.
-Dommage que tu n’en sois pas une. Une jolie Humaine.
Elle aurait aimé savoir ce que ça faisait de perdre toute sa magie. Elle aurait aimé ressentir ce vide, ce gouffre que l’on devait ressentir au fond de soi. Elle n’avait jamais pu l’expérimenter. Déjà Sorcière, elle aurait aimé. Elle et son frère avaient eu pour projet de voyager un peu histoire de s’en procurer un ou deux et d’essayer des trucs, par curiosité. Malheureusement elle était morte trop tôt. Elle avait loupé le coche. Elle se demandait s’il l’avait fait, du coup. Certainement. Agazio n’était pas du genre à pleurer ses proches. Il ne lâchait jamais ses objectifs autant qu’elle n’abandonnait pas les siens. D’ailleurs, se promener en terre humaine faisait partie du haut de sa liste de choses à faire. Elle était trop faible pour le moment. La preuve, sans deux hommes supplémentaires, elle aurait été incapable de ligoter l’autre. Elle, elle n’avait fait que la bâillonner. L’autre était une esclave qu’elle était parvenue à « louer » pour une somme assez conséquente et des services supplémentaires. Elle l’avait choisie, elle, parce qu’elle la trouvait particulièrement belle. Belle, mais elle avait aussi eu le droit à une fille farouche et qui s’était débattue lorsqu’on l’avait forcée à retirer ses vêtements. Maintenant, elle ne pouvait plus faire grand-chose. Ses liens étaient fortement serrés. Ils devaient lui faire mal. Leigh s’allongea sur le dos comme pour regarder le plafond. Mais ses yeux étaient aveugles et bandés.
-Est-ce que ça serait seulement possible ? Ils sont bien parvenus à vivre avec les Anges. C’est que tout doit être possible. Personne ne peut vivre décemment avec des Anges. Ils sont bien trop ennuyeux.
A moins, bien entendu, d’entretenir avec eux une relation sulfureuse, brodée de domination et de souffrance. Là seulement ils devenaient intéressants. Leigh pensait que les êtres les plus opposés étaient fait pour se confronter, se détruire. Tout était déjà voué à la destruction, cela prenait donc sens. La confrontation était semblable à une catalyse. C’était pourquoi elle pensait que les êtres doués de Magie devaient se mélanger aux Humains, tout comme les Démons défiaient les Anges, ou les Sorciers les Magiciens. C’était drôle, d’ailleurs. Cette esclave était une Magicienne. C’était peut-être la raison pour laquelle elle l’avait tant désirée. Il lui restait un arrière-goût de sorcellerie.
-Ne serait-ce que pour l’aspect provocateur des choses, ce serait magnifique. Les Anges seraient fous. Et toi, qu’en penses-tu ?
Naturellement, Leigh ne pouvait voir le regard vitreux de l’autre. Elle avait oublié que cette dernière avait été droguée, aussi. La Démone chercha son visage et défit le bandeau qui l’empêchait de parler. Tout ce qu’elle entendit fut un soupir de soulagement. Sa seule réponse.
-Je vois, dit-elle songeuse en se tournant de nouveau vers elle, c’est bien dommage, j’aurais aimé un peu de conversation. J’aurais aimé que tu me dises si les Anges tenteraient de reprendre les Humains sous leur aile ? Est-ce que ça serait pécher ? Un peu d’Orgueil ou d’Avarice ? De la Jalousie ?
Elle aurait aimé enfoncer ses ongles dans sa chair, mais elle ne pouvait pas. On lui avait dit de ne pas l’abîmer. Alors à la place, elle ne faisait que frôler sa peau du bout des doigts. Bien sûr qu’elle était totalement favorable à cette association. Humains et Démons… Ce serait certainement chaotique. Ce serait beau. La raison pour laquelle les Humains feraient ça, elle n’en savait rien. Peut-être avaient-ils un goût pour la perversion. Peut-être était-ce simplement par attrait, pour faire bonne figure auprès de la race la plus grandiose de ce monde. Et eux ? Le simple plaisir de se divertir en pervertissant, elle supposait. Un moyen d’étendre son influence. D’humilier les Anges. Voilà. S’il arrivait qu’une cité démoniaco-humaine de construise, Leigh savait d’avance qu’elle y résiderait et y ferait sa vie. Elle trouverait un métier qui concilierait les deux races. Elle s’y voyait déjà ouvrir un bordel ou un établissement du même acabit. Si elle avait bien appris quelque chose étant petite, c’était que les alliances, c’était bon pour le commerce.
-Restez chez vous…
-Pardon ?
Leigh se redressa doucement. L’autre avait parlé avec toutes les difficultés du monde. Sa bouche était molle.
-Et pourquoi ?
-Vous êtes… destructeurs… sauvages… è ridicu…
-Vraiment ? Son sourire s’effaça doucement, mimant la désillusion. Elle approcha son visage de celui de l’esclave. Des sauvages ? Hmm… je ne sais pas. Je ne t’ai pas fait trop de mal, il me semble. Je pense que si un monde comme l’Enfer peut se tenir, c’est qu’il n’est pas si destructeur que ça… Tu sais, je suis une personne optimiste. Les gens ont tendance à l’oublier parce qu’optimiste et maléfique, ça ne va pas toujours ensemble. Je ne vois pas ce qu’il y a de ridicule à essayer. Rien de négatif ne peut en sortir, si ce n’est, au pire, une perte de temps et quelques morts. Mais nous ne sommes pas à ça près. Nous avons l’avantage du nombre et de l’éternité.
Leigh embrassa le visage de la jeune femme puis se blottit contre elle. Son aura était répugnante, emplie d’une magie qui se voulait pure et claire. Pour elle, il n’existait qu’une seule sensation pouvant être aussi étrange et désagréable. Elle se demandait vraiment à quoi pouvait ressembler l’Anti-Magie. Mais à moins de l’avoir ressenti, c’était aussi impossible qu’essayer d’imaginer une couleur qui n’existait pas.
Kyra Lemingway ~ Déchu ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 4880 ◈ YinYanisé(e) le : 22/03/2016◈ Activité : Tenancière (rang I) ; Négociatrice (rang I) ; Reine du monde des contes à mi-temps
Mar 19 Fév 2019, 12:56
L'ouverture
Tu étais assis sur un banc, près d’une fontaine, depuis plusieurs minutes déjà. Accoudé à tes genoux, le menton logé derrière tes mains croisées, tu fixais d’un regard neutre la bâtisse en face de toi. Le ciel était couvert et une brise fraîche rafraîchissant la nuque soufflait à travers les rues. Ce serait une triste journée où le soleil n’aurait pas sa place et où les nuages, voyageurs libres et indomptables dont nulles frontières ne pouvait arrêter la course, seraient maître des cieux. Un temps qui n'invitait ni à la promenade, ni aux jeux d’extérieur. Dommage. Un peu de distraction n'aurait pas été de refus. Tu étais sortis pour te changer les idées. Cela faisait quelques temps qu’un bruit courait et tu ne pouvais t'empêcher d'y songer. Une rumeur que l'on se racontait aux coins des rues et que l’on débattait sous le toit des chaumes. Mais pouvais-tu seulement évoquer ce sujet sous ton propre toit. Tu avais eu besoin de sortir. Alors même que tu t’inquiétais pour celui qui deviendrait l'Ange Gardien de ton fils, tu apprenais que, de l'autre côté, ils envisageaient de nouvelles alliances. Vraiment ? Tu finis par te lever de ton banc pour reprendre la direction de ta maison. Finalement, tu ne te sentais pas mieux que tout à l’heure. Peut-être même était-ce pire.
Tu passai rapidement le pas de la porte et signifiai ton retour en même temps que tu posai ta veste sur la patère. Tu entendis la voix de Miela te répondre depuis la cuisine. En la rejoignant, tu la détaillai quelques secondes avant de reprendre, « Vous devriez vous poser de temps à autres. ». Elle arrêta son mouvement en levant les yeux dans ta direction, plongeant ses prunelles noisettes dans les tiennes avant de t'adresser un sourire affectueux. « Je suis juste enceinte. Pas malade, ni handicapée. Ne vous inquiétez pas pour moi, je peux encore porter un couteau. C’est pour vous par contre que je m’inquiète de plus en plus. », ajouta-t-elle en pointant le dit couteau dans ta direction. Elle avait raison. Tu avais beaucoup réfléchi dernièrement. Jusqu'alors tu ne trouvais que peu de solutions à tes problèmes. Tu avais alors revu ces problèmes d’une nouvelle manière pour les aborder d'une nouvelle façon. Mais aujourd’hui ce qui te tracassait le plus était une problématique bien plus récente.
Tu voyais le regard insistant de la nourrice, qui n'avait toujours pas repris sa tâche, posé sur toi. Il était évident qu’elle avait décidée d'en discuter, ce qui t'ennuyais évidemment. S'il y a bien une personne avec qui tu voulais éviter ce sujet c’était elle, surtout en ce moment. Vos avis étaient bien souvent divergents sur ce genre de sujets. Pourtant il te semblait évident que tu n'en réchapperait pas. « Je suppose que vous êtes au courant de ce bruit qui court ? » - « Un bruit ? Lequel ? Il y en a tellement… », fit-elle en reprenant la découpe des légumes. Tu gardais le silence quelques secondes avant de lui répondre. « Celui selon lequel les Humains auraient soudainement décidés de s'allier à d'autres races. ». Cette fois c'était à la nourrice de se taire, posant à nouveau le couteau en douceur sur la planche. « Oui... Celle-là... Bien sûr... ». Elle prit une inspiration, détournant son regard du tiens. Tu comprenais alors qu'elle aussi devait déjà avoir songé à cela, et qu'elle aussi devait s'être dit qu'il était mieux d'éviter un tel sujet en ces lieux. Un instant tu te posais la question sur la suite de la conversation. Est-ce qu'il était bon de la continuer ? Ce fut l'Humaine qui y répondit. « Si vous me permettez... Je pense que ceux qui ont réfléchis à ça sont probablement ceux qui ont dû perdre un des leurs à cause... ». Elle ne termina pas sa phrase. A nouveau elle détournai le regard en se pinçant la lèvre. Tu savais ce qu'elle aurait voulu dire. ''A cause des Anges''. Des Humains qui avaient perdus confiance envers les Gardiens après que l'un d'eux ne se soit sacrifié au nom d'Ahena. Ça ne t'étonnait guère.
« Et qu'en pensez-vous, vous, de cette décision ? ». Elle releva rapidement les yeux dans ta direction, étonnée du calme avec lequel tu avais prononcé ces mots. « Je ne sais pas trop... Si l'on s'associe à d'autres races bénéfiques, il ne devrait pas y avoir de problèmes. » - « Comme les Ygdräes qui se sont repliés sur eux mêmes et dont le seul moyen d'en voir un est qu'il sorte de sa cité ? ». Miela fronça des sourcils. « Une partie des Déchus sont des Anges qui ont cédés au péché. Ils ont aidés les Anges lors de la dernière guerre contre les Démons. Ils... » - « Ils ont aidés ? », tranchas-tu, empêchant l'Humaine de continuer. « Je pense sincèrement qu'ils aidaient juste à empêcher le Mal de proliférer plutôt qu'ils n'aidaient mon peuple. ». Cette fois ce fut à ton tour de prendre une inspiration. « Il y a bien une chose que je refuserais, c'est de voir mon enfant grandir au milieu de la déchéance libertine et malsaine de ces Ailes Noires. ». Tu marquais une pause, tournant ton regard en direction de la chambre d'Avetis avant de reprendre, posant de nouveau ton regard sur la nourrisse, « Le passé n'est pas fait pour être oublié, mais bien pour ne pas commettre les mêmes erreurs et réfléchir à de nouvelles possibilités et opportunités. » - « Ces nouvelles alliances ne sont-elles pas de nouvelles opportunités ? », rétorqua-t-elle sur la défensive. Tu restais à l'observer quelques secondes en silence, sans détacher ton regard du sien avant de lui lâcher simplement, « Vous avez donc réellement arrêté de croire en la capacité des Anges à vous protéger. ».
Avant notre venue, rien ne manquait au monde. Après notre départ, rien ne lui manquera.
La jeune femme marchait le long du couloir, le regard dans le vague. C’était encore une journée qui commençait. Les enfants de l’œil amenaient les captifs sur leur lieux de travail. Aujourd’hui, leur petit groupe irait en rejoindre un autre dans leur tâche. Il n’était pas rare en soir que ce genre de chose arrive, mais ils n’avaient jamais été fusionnés à ce comité là. Quelques minutes suffirent à ce qu’ils aient rallié le chantier qui se profilait. Ce n’était rien de vital ou d’urgent, seulement un caprice de leur tortionnaires, qui voulaient arranger et aménager la salle où ils mangeaient. Elle était immense, ça demanderait beaucoup de travail et de temps. A peine eurent-ils foulé la pièce de leurs pieds, qu’ils virent leurs frères et sœurs du groupe auquel ils avaient été jumelés arriver. Shanxi leva les yeux pour observer les différents visages qui le composaient. Elle s’attarda sur l’un d’eux, qui lui était bien plus familier que les autres. C’était Fergus. L’ange mentirait si elle disait qu’elle n’avait pas été remplie de joie en le voyant, mais surtout, elle était soulagée. Un sourire discret se dessina sur les lèvres de l’homme lorsqu’il croisa le regard de la jeune femme. Il avait l’air surpris de la croiser en ce lieu, mais c’était une des rares surprises agréable ici.
Les démons donnèrent quelques consignes, avant de tourner les talons pour s’installer dans une salle adjacente à celle où les vertueux travaillaient. Les enfants de l’œil n’auraient peut-être pas directement les yeux sur les captifs, mais cela ne voulait certainement pas dire qu’ils pourraient faire ce qu’il leur chante, loin de là. Il étaient juste à côté, et eux-mêmes avaient précisé qu’ils viendraient jeter un œil à leur travail de temps à autres. Les emplumés se réunissaient soit en petit groupe de trois ou quatre individus, soit en binômes. Quelque part, ils se réjouissaient de pouvoir choisir leurs partenaires. Sans hésitation, Fergus vint rejoindre Shanxi, un seau à la main. « Ça faisait longtemps. Je suis content de te voir. » La jeune femme lui offrit un sourire timide. « Moi aussi. » L’ange se saisit d’une sorte de balais, qu’elle donna à son comparse, avant d’en prendre un deuxième qui lui était destiné cette fois-ci. Quelques instants durant, un silence de mort régnait entre les deux vertueux qui s’attelaient à leur tâche. Ils ne savaient pas de quoi parler. Fergus aurait aimé savoir comment se sentait son amie, mais quelque part, il ne pouvait se résoudre à lui poser la question. Et pour cause, ces lieux rendait la réponse évidente.
Au lieu de ça, le captif décida d’aborder un sujet moins épineux. « Dis-moi, tu as entendu le bruit qui court ? » Shanxi se tourna vers lui d’un air interrogateur. « Par rapport aux humains. J’ai entendu les gars qui gardaient ma cellule discuter d’une possible alliance entre les humains et d’autres peuples. Apparemment, ils chercheraient des alliés. » La jeune femme s’offrit un moment de réflexion. Cette rumeur, il lui semblait l’avoir également entendue. « J’espère qu’ils ne vont pas s’allier aux démons. Nos peuples ont toujours été très liés, tu sais. Je ne voudrais pas qu’on perde encore autre chose à cause de ces foutus démons. » La frustration tirait les traits de son comparse. Lui qui semblait si las auparavant, il était au bord du gouffre aujourd’hui. Il ne voulait pas connaître l’échec à nouveau. L’ange ne savait pas vraiment comment réagir. Elle voulait lui apportait le réconfort dont il avait besoin, mais ne savait pas comment s’y prendre. Après tout, Shanxi n’avait pas les réponses qu’il cherchait, et lui mentir n’était pas une option.
Fort heureusement, la jeune femme n’aurait pas à user d’un tel stratagème, le captif ayant repris contenance assez rapidement. « Et toi ? Qu’est-ce tu en penses ? » A nouveau, elle fut prise de court. Shanxi ne savait qu’en penser à vrai dire, et elle n’était pas sûre de pouvoir émettre un avis pertinent sur la question avec le peu d’information qu’elle avait. « Je ne suis pas sûre… Je n’aimerais pas non plus qu’ils s’allient avec les démons. Le fait qu’ils se tournent vers d’autres peuples ne me paraît pas être une mauvaise chose. S’ils pouvaient nous épauler, on ne pourrait rien demander de mieux. » Fergus esquissa un léger sourire. « Je doute que ça arrive, mais ce serait bien si c’était le cas. J’aimerais pouvoir y croire en tout cas. » L’ange haussa tristement les sourcils. « Vous semblez beaucoup les apprécier. » - « Les humains ? » Il ne pu s’empêcher de soupirer. « Oui, je pense qu’on peut dire ça. Pourquoi ? Tu ne les aimes pas, toi ? » Le prunelles de la jeune femme quittèrent son interlocuteur pour se perdre quelques instants sur le mur devant lequel ils étaient. « Non, je les aime bien aussi je crois. Enfin, je n’y avait pas trop réfléchis jusqu’à aujourd’hui, mais je n’ai rien contre eux tout cas. Puis, ils s’intéressent aux autres aussi maintenant. » Les commissures des lèvres de Fergus se levèrent en un sourire. « Tu es totalement pour, alors ? » Ses mirettes virent à nouveau soutenir son comparse. « Oui, comme je l’ai dit, je ne vois pas cela comme quelque chose de mauvais. A moins qu’ils ne s’allient avec les démons, il y aura toujours une petite chance pour que nous puissions un jour sortir d’ici. » Il n’était pas dans ses habitudes de se montrer aussi optimiste. Pourtant, Shanxi n’était pas pessimiste de nature, mais son nouveau quotidien avait beaucoup sapé l’espoir qui avait pu l’animer les premiers jours.
Cette attitude avait beau être des plus inattendues, elle ne manqua pas de décrocher un franc sourire au captif, dont le cœur semblait désormais plus léger. En soi, elle n’avait pas menti ou omis de faits. Cela restait une possibilité, bien que peu probable. « Le fait qu’ils affectent notre magie ne te fait pas peur ? » Fergus savait pertinemment que beaucoup n’appréciaient pas de savoir un humain dans les parages à cause de ce qu’ils faisaient à leur magie. Il était curieux d’entendre la réponse de son amie à ce sujet. Celle-ci semblait d’ailleurs déjà plongée en pleine réflexion. « Je ne peux pas vraiment dire que je suis à l’aise avec cette idée. » L’homme s’esclaffa, tandis que la jeune femme semblait perplexe. « Je m’en doutais. Personne n’est vraiment à l’aise avec ça. Beaucoup en ont peur même. Cela dit, s’ils décident de s’allier à nous, on n’est pas vraiment en position de faire les fines bouches. » Shanxi acquiesça d’un signe de tête. « Vous en avez peur, vous ? » Le captif croisa ses bras sur son torse. « Comme toi, je ne suis pas à l’aise avec le fait qu’on m’ampute de ma magie. Maintenant je ne peux pas nier que j’ai toujours été curieux quant au lien qui uni nos deux peuples. J’avoue que l’idée de pouvoir être lié étroitement à l’un d’eux, et de pouvoir le protéger si une menace pèse sur sa personne, m’a toujours séduit. » C’était peut-être l’une des rares fois qu’il mentionnait un concept qui régissait le peuple angélique, et qui n’était pas un moyen parmi tant d’autres de s’en sortir dans cet enfer. En effet, Fergus ne lui avait pas trop parlé des us et coutumes de son peuple, préférant favoriser la survie de la jeune ange qu’elle était.
Elle aurait pourtant aimé en savoir plus, mais le comportement de son comparse était compréhensible. Il ne voulait pas la faire aspirer à une vie qu’elle ne connaîtrait peut-être jamais. D’abord venait la survie, avant de pouvoir s’autoriser à rêver. Certains ne pensaient pas ainsi, et pour les plus faibles, cela leur était bien souvent fatal. Si ce n’était pas aux coups de leur geôliers qu’ils succombaient, c’était la folie, la tristesse, la colère et la frustration qui les faisaient tomber. On leur avait déjà tout enlevé, jusqu’à leur identité, et il semblait qu’ils n’avaient pas fini de perdre leurs fondements. Tant qu’ils seraient aux mains des enfants de l’œil, il en serait probablement ainsi. C’était une vérité que Fergus abhorrait. Plus il en comprenait les rouages, plus il sombrait. Tout ce qu’il espérait désormais, c’est qu’il n’emporterait personne dans sa chute.