La salle était plongée dans le silence. Seul la plume grattant sur le parchemin brisait l’absence de bruit. Malgré l’heure tardive, il était rare de trouver une salle de cours vide à l’Université. Aussitôt les classes terminées, les étudiants s’empressaient de trouver une place à la librairie ou une salle de classe inoccupée pour pouvoir continuer à travailler. Réviser les formules et ingrédients de potions sur lesquels ils seraient interrogés, ou s’entrainer pour les sorts et tracés de runes. Là où certaines races laxiste auraient laissé les étudiants rentrer chez eux pour profiter de leur soirée après seulement une ou deux heures de devoirs, il était ici très mal vu de quitter les lieux avant onze heures du soir. Souvent, les élèves ne voulaient pas être vu les premiers à quitter la bibliothèque, ce qui expliquait pourquoi les étudiants s’arrachaient les salles de cours : là, au moins, personne ne pourrait se moquer d’eux s’il préféraient rentrer plus tôt… C’est souvent ce qu’il se passait. Chaque élève servait de garde à ses voisins, qui le surveillait tout autant, le forçant implicitement à s’acharner au travail, donnant tout ce qu’il pouvait et plus encore pour atteindre l’excellence. Pourtant, ce n’était pas à cause de la pression des études que la Dementiæ occupait l’une de ces salles. Non la brune était tout simplement peu sociable et elle préférait davantage la solitude d’une salle vide. De plus, il y avait toujours un idiot pour discuter à messe basse ou un emmerdeur pour renifle lorsqu’elle allait à la bibliothèque. Rentrer chez elle n’était pas non plus une option, pas lorsqu’elle craignait de croiser son père qui se hâterait de lui donner une tâche à faire, l’empêchant de travailler sur ses cours. Sans oublier cette pimbêche qui se permettait de la traiter comme une domestique, à lui donner des ordres et la toiser avec mépris. Non, elle était bien plus tranquille ici, dans une salle de cours. Comme à son habitude, elle avait déposé ses affaires sur un bureau et avait sorti plusieurs dizaines de manuscrits qu’elle avait étalés sur les tables et les chaises, lui permettant de jeter des coups d’œil pour trouver des informations plus rapidement.

Lorsque la blonde entra dans la salle, Sybella ne la remarqua pas tout de suite. En fait, ce en fut que lorsqu’elle ouvrit la bouche pour la saluer que l’empoisonneuse se rendit compte de sa présence. Elle avait oublié que la plus jeune devait lui rendre l’un de ses devoirs et, pendant une seconde, elle la toisa avec agacement, se demandant ce qu’elle pouvait bien lui vouloir. Puis la pile de feuilles qu’elle tenait dans ses bras lui rappela qu’elle avait décidé de lui laisser une seconde chance… elle était bien trop gentille. Si elle s’était contenté de lui mettre un zéro, elle se serait évité cette peine… Elle regrettait de ne pas avoir pris cette décision, mais il était trop tard désormais. Retenant un soupir, la professeure posa sa plume et poussa ses propres parchemins pour libérer l’espace de son bureau. « Posez ca ici. » ordonna-t-elle à sa disciple. « Bien, vous recevrez vos résultats dans la semaine. J’enverrai également un rapport détaillant l’évaluation de vos compétences et les détails de vos notes. Vous pourrez avoir accès à ce rapport si vous en faites la demande auprès de votre professeur. » expliqua-t-elle d’une voix détachée, comme si elle avait déjà répété cette explication des dizaines de fois. Ce n’était pas le cas. Toupinou était la première élève qu’elle avait jamais eu et serait sans doute la dernière.

Sybella attrapa la première page du devoir et commença à survoler ce qui avait été écrit sans plus faire attention à la jeune fille. Elle s’était imaginé qu’elle s’en irait aussitôt mais, à la place, elle déposa quelque chose d’autre sur sa table. Arquant un sourcil, la brune toisa l’élève de derrière le parchemin. Du chocolat ? C’était une drôle de chose à faire, encore plus à offrir à celle qui l’avait encadré lors de ce tutorat… Néanmoins, le présent fut accepté d’un simple « merci bien » murmuré du bout des lèvres. Pensant l’entrevue terminée pour de bon, l’alchimiste se replongea dans son analyse de document mais fut surprise par le second cadeau de la blonde : un baiser sur sa joue. Elle fut si choquée qu’elle ne réagit même pas, laissant l’impertinente s’enfuir en courant. Plusieurs longues secondes s’écoulèrent avant que la jeune femme ne secoue la tête en soupirant et ne se reconcentre.

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