Le vieux mage ferma les yeux un instant et inspira profondément. Aujourd''ui était un grand jour. Peut être l'un des plus excitant de toute sa vie. Son coeur tambourinait follement à l'intérieur de sa poitrine et il ne pouvait s'empêcher de se sentir à nouveau enfant, jeune adolescent fougueux, curieux de toutes les choses qu'il lui restait encore à comprendre, envieux de toutes les connaissances qu'il lui faudra acquérir. Oui, après presque plus de cent ans de vie, cent longues années à parcourir ces terres, il n'avait toujours pas perdu cette faim insatiable de comprendre le monde qui l'entourait, de comprendre le les rouage de cet univers si complexe. Son existante n'avait au final tourné qu'autour de cet ultime but. C'est pour obtenir le savoir qu'il avait quitté son foyer à l'aube de son adolescence, pour cela également qu'il avait rejoint les Voyageurs, puis qu'il était devenu Census d'Illios, Æther de la connaissance. Et c'est également pour cela qu'il était ici en ce jour. Il s'approchait enfin du but.
Barnabé concevait le monde sous deux notions extrêmement complexes qu'il avait essayé de percer à jour, sans jamais y parvenir vraiment toute fois. La première compréhension du monde passerait, selon lui, par l'apprivoisement du temps. C'est lui qui régissait ces terres, il en était certain. Il était maître de tout et c'est pour cela qu'il était si compliqué de le comprendre. Durant sa collaboration avec les Voyageurs, il avait essayer d'en comprendre le fonctionnement, il s'était plongé dans des livres et des grimoires, avait essayé d'obtenir des dons relatifs à cette notion, avait développé une véritable obsession pour lui... C'est ainsi que sa fille avait grandit dans une caravane remplie d'horloges et de montres, se laissant bercer par le bruit monotone des "tic-tac". Et au plus profond de ses recherches, il avait fini par découvrir l'existance des maîtres du temps. Il avait tenté d'en devenir un, mais sa quête n'avait jamais abouti et il avait fini par se faire une raison... Le temps resterait encore quelque chose de flou pour lui.
Mais il y avait également un second domaine qui permettrait au vieillard de comprendre ce qui l'entourait. La magie. Elle était de loin bien plus complexe que le temps, selon lui. Il n'avait jamais réussi à ne serait-ce que comprendre le début de son fonctionnement. Ses mécanismes restaient totalement inconnu au vieux mage, et il n'avait pas l'ombre d'une piste sur sa compréhension. Son obsession passée l'avait pénalisé vis à vis de cette seconde notion car il ne l'avait pas suffisamment étudié lorsqu'il était aux côtés des autres érudits. Certains pourraient sans doute lui en apprendre d'avantage, lui livrer les clefs du savoir mais Barnabé, têtu comme il l'était, souhaitait comprendre par lui même. Il considérait que sa quête devait être synonyme d'efforts, de travail acharné pour ses recherches, et surtout de travail personnel. Qu'on lui livre les explications sur un plateau d'argent ne l'intéressait pas. Ce qu'il voulait, c'était apprendre par ses propres moyens.
Et le voilà devant la porte, tétanisé par l'appréhension -est ce que cet entretien se déroulerait comme il l'esperait ou repartirait-il bredouille et déçu- mais également l'excitation de l'inconnu. Barnabé secoua la tête et se pinça l'arrête du nez. Il reprit une longue inspiration, vérifia une fois de plus que tout était en place et donna trois coups nets sur la porte. Le panneau en bois affichait fièrement un écriteau doré où l'on pouvait lire "
Famille Giancinto, Fabriquants de baguette depuis des générations." Il ne fallut pas attendre longtemps pour que Barnabé n'entende des bruits étranges, indiquant qu'il y avait soudainement du mouvement à l'intérieur. Les bruits s'intensifièrent et bientôt la porte s'ouvrit sur la silhouette squelettique d'un vieillard. Il était plus grand que l'ancien nomade et on devinait sous sa maigre carcasse une musculature autrefois plus développée. Il semblait néanmoins en aussi mauvais état que le voyageur, avec une cane pour s'aider à marcher et un bandeau sur l'oeil droit, lui donnant un air de pirate. "
Que puis-je pour vous ?" demanda-t-il de sa voix sèche. "
Eh bien... C'est que nous avions rendez-vous, monsieur Giancinto." Les deux mages se regardèrent de haut en bas. "
Je vous imaginait plus jeune, et plus en forme." déclara le fabricant sans ménagement. Barnabé ne s'offusqua pas de sa remarque : il s'était douté qu'il ne correspondrait pas exactement aux critères que l'homme aurait attendu de lui. Il se contenta de sourire en patientent jusqu'à ce qu'on l'invite à rentrer.