La pluie avait cessé de battre l’entrée de la grotte dans laquelle dormait les deux égarés. Ils s’étaient réchauffés l’un contre l’autre, tentant de récupérer un peu alors que leurs os étaient trempés. Ils s’étaient mis à plusieurs dizaines de pas de l’entrée de la grotte, le jeune homme craignant que les statues monumentales vues à l’entrée ne puissent venir dans la nuit. Un relan de cauchemar d’enfant, un il-ne-savait-quoi de sombre qui se cache sous notre couchette et qui nous attend. Mwayer ouvrit les yeux.
- C’est quoi ça ?
Le plafond était illuminé par pleins d’étoiles qui se suivaient et qui partaient au loin.
- J’sais pas. J’l’ai pas vu hier.
- C’est fou..!
Le jeune Alfar se leva et resta fixé sur le plafond, quelque chose dans ces points de lumière battait de manière régulière. Une pulsation, deux coups courts, un silence, deux coups courts, un silence. Marana leva ses doigts et sentit, en effleurant le plafond, le même flux qu’elle avait ressenti chez son camarade. Deux coups courts, un silence, deux coups courts, un silence. Les deux Alfars marchèrent sans plus de discussions. Ils suivaient cette pulsation, Marana en tête, sentant le flux traverser les murs et derrière, Mwayer qui marchait maintenant les yeux fermés pour se concentrer. Deux coups courts, un silence, deux coups courts, un silence. Sans arrêt, la même rythmique. C’est à ce même rythme qu’avançaient maintenant les deux compagnons qui s’étaient sans s’en rendre compte adapté à ce qui se passait autour d’eux. Deux pas courts, un arrêt, deux pas courts, un arrêt, deux pas courts, un arrêt, sans discontinuer, deux…pas…courts, le chemin était long, mais ne le semblait pas, un…arrêt. Une énorme lumière.
La réaction était univoque, les yeux plissés, ils se regardèrent avant de regarder autour d’eux, tétanisé par la surprise.
- Dix. Il y a dix soleils. Regarde, si on plisse les yeux, on en distingue les contours.
- Regarde Gamin ! Là ! Un phénix !
- Où ça ?!
Elle lui pointa un nuage. Il avait l’air de voler. L’Alfar mit longtemps à le trouver, à en distinguer les contours, mais quand ce fût fait, il ne put se détacher de lui. En le suivant des yeux, il tomba sur d’autres nuages, aux formes étonnantes, mais plusieurs avaient la forme de cet oiseau de feu.
- Tu crois au présage Ma’ ?
Elle ne répondait plus. Elle aussi était captivée. A chaque brise, les nuages riaient, jouaient, sautaient, il y avait des tortues, des dragons, des serpents, des tigres et une foule de phénix. Les deux compagnons étaient émerveillés et voilà longtemps que cela n’était plus arrivé. Marana prit le temps de regarder son « maître » Alfar. Elle sourit.
~ T’as déjà tellement grandi. J’me demande pourquoi ton apparence ne suit pas… T’iras loin Mou’. Cette date au-dessus de ta gueule, t’arriveras surement à la repousser, gamin. Tu fais quoi ?
- Attention Gamin !!
Lâchant le fil de ses réflexions, elle vit Mwayer tomber dans une fontaine étrange. Elle ne prit le temps de remarquer que l’eau qui y coulait venait de rien et ne s’écoulait nulle part. Elle vit juste la tête de celui qu’elle avait toujours appelé gamin disparaître sous l’eau et au moment où elle s’apprêtait à plonger, elle revit ses cheveux blancs détrempés apparaître à la surface. Il éclata de rire.
- Suis-moi !
Il ouvrit grand les yeux sous l’eau et malgré le flou ambiant qui régnait il réussit à percevoir au lointain une lumière plus vive que le reste. Quelque chose qui n’avait d’ailleurs rien à faire sous une fontaine. Il entendit au loin Marana qui plongeait pour le rejoindre. Elle essayait de lui dire des choses, mais l’eau absorbait les bruits et les traduisaient par des bulles qui s’élevaient en continu.
Alors que la fatigue de Mwayer s’accentuait, il parvint, à bout de souffle devant la porte de lumière qu’il avait vu. En sortant, il inspira de tout son soul et se laissa tomber. Un peu d’eau avait réussi à se frayer un chemin jusqu’à ses poumons, mais il cracha très vite sous les à-coups de Marana.
- T’es vraiment un imbécile, Gamin ! Tu pouvais pas te contente…
Devant eux, huit portes, immenssissimes s’élevaient et les toisaient sans bouger. Seule une d’entre elle semblait délabrée, close, mais délabrée. Il inspira un coup, regarda la Dullahan avec une flamme dans les yeux et courut pour traverser une des portes. Lorsqu’elle se précipita à sa poursuite, elle se retrouva nez à nez avec la pierre qui lui intima de rester au sol après le coup que la porte lui avait assénée. L’Alfar était maintenant seul.
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