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 Paris débiles [PV Reddas]

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Sam 13 Aoû 2016, 17:39

「 Paris débiles 」
Eärhyë luttait. Ultime partielle de conscience dans un corps étranger, elle bataillait pour tenter de reprendre le contrôle de la situation et la maîtrise des soi. Seulement, comment aurait-elle pu parvenir à reprendre forme humaine, après avoir dépensé toute son énergie dans sa lutte contre le vent mugissant ? Alors celle qui était devenue prisonnière de son double changea de tactique. Dépitée, le souvenir de sa promesse que Reddas ne deviendrait pas une cible mettait un point d’honneur à la hanter. Elle craignait qu’après l’annihilation de ce nouvel obstacle à leur défi, la Bête prenne le parti de s’attaquer à son partenaire, chose dont la pointe de conscience qui représentait Eärhyë s’en voudrait toute sa vie. Du moins si cette dernière ne s’achèverait pas assez subitement dans les prochaines minutes à venir.

La Bête ne discernait pas facilement les formes et les couleurs dans le noir, ainsi l’animal plissa-t-il les yeux pour tenter de visualiser la chose qui les attaquait. Enfin, en vérité il n’attaquait pas réellement, il défendait davantage son territoire et, ça, la Bête pouvait parfaitement l’accepter. Seulement il acceptait un peu moins d’être troublé lors d’un repos bien mérité. Et l’adversaire était également devenu un prétexte pour se défouler. Le félin choisit ainsi de bondir à l’aveuglette, présentant que leur assaillant progresserait au centre du couloir auxquels le Suceur de Sang et lui-même faisaient face. Griffes étincelantes et gueule retroussée sur des crocs baveux, le bond le fit atterrir sur un flanc de l’animal, faisant rugir ce dernier de douleur. Seulement, la morphologie d’un ours – car il s‘agissait en effet d’un ours polaire – était bien plus massive que celle d’un simple lynx des neiges. Ce dernier fut sèchement agrippé puis vivement projeté contre la paroi, laissant le félin étourdi. Se relevant difficilement, le lynx accéléra pour gagner du terrain, rejoignant le compagnon de son Réceptacle. Celui-ci déclara alors quelque chose, qui fit feuler le félin mais réfléchir la bribe de conscience qui luttait toujours dans ce corps. Le contrôle de la faune… Doit y’avoir moyen d’inculquer le respect à cette grosse boule de poils, n’est-ce pas ? La Bête ne semblait pas l’entendre de cette oreille. Elle accroissait son emprise sur elle dans le pur objectif de réprimer cette enquiquineuse dans les oubliettes de son esprit. Tu ne… fais pas le… poids ! Réfléchis ! Eärhyë faiblissait autant que le félin, sonné par le premier coup défensif.

En parallèle de sa lutte, Reddas ne restait pas inactif, lui donnant ainsi du répit. La Bête se léchait une petite plaie au niveau de la patte sans perdre de vue un seul instant le duel qui faisait rage. L’humanoïde bougeait dans des mouvements vifs, ne restant jamais plus de quelques secondes à la même placée pour échapper aux coups patauds mais non moins violents de l’ours. Seulement, après la lutte dans le blizzard les corps étaient affaiblis et la fatigue l’emportait sur la vivacité. Reddas subit un coup au niveau du pectoral qui le plongea hors de l’action. Sous l’impulsion inquiète de la jeune femme, la Bête rugit en bondissant, devenant de ce fait l’intérêt principal de leur adversaire. Eärhyë profita de ce répit dans la volonté de son Esprit Totem pour tester son pouvoir. Que la Bête soit occupée à attaquer et se défendre lui laissait le champ libre pour quelques instants, de précieuses secondes que la Bélua ne devait pas gâcher.

La jeune femme n’avait jamais utilisé ce pouvoir, appréciant trop sa propre liberté pour interférer dans celle d’autrui, même envers un animal, sauvage par nature. La blonde avait rejeté tout entraînement et craignait à présent de sa vautrer, chose qui accentuerait la difficulté dans le combat. Poussant toute son énergie dans cet assaut mental, Eärhyë se concentra sur l’ours, cherchant à atteindre son attention, son  cerveau ou son aura. Comment le contrôle interviendrait-il ? Et soudain elle le vit, une petite lueur vers laquelle sa conscience s’engouffra. Par le biais d’image apaisante et salutaire, elle tenta d’inculquer à l’omnivore des notions de paix et de sérénité. La Bélua ne sut jamais si son don avait fonctionné. Elle fut simplement témoin de voir leur ennemi déconcentrer avant qu’une flèche ne vienne sonner le glas. Une étrange douleur mentale blessa la conscience d’Eärhyë, qui n’eut d’autre choix que de prendre du recul. Lointaine lueur diffuse dans un esprit sauvage et hostile, la Bête avait le champ libre pour faire ce qu’elle souhaitait.

Le félin avait faim, trop faim. Soif aussi. Soif de liberté et de sang, faim de chair, la première ne s’acquérait que si les deux derniers étaient assouvis. Le Suceur de Sang divaguait dans une étrange de métaphore, des paroles que la Bête ne comprit pas. Elle en avait cure de toute façon, déjà son pas s’allongeait en direction du cadavre à l’air tant appétissant. De la chair fraîche sur commande. Ses crocs plongèrent dans la fourrure, traversant la graisse pour atteindre le meilleur, la tendresse d’une viande prometteuse.
Une chose à laquelle le lynx ne s’attendait pas survint alors. L’humanoïde plongea lui aussi ses crocs, soutirant la chaleur de son repas par saccades régulières. On disait parfois que le partage d’un repas pouvait rapprocher deux corps ennemis et créer des alliances. Ici, ce fut tout le contraire. La Bête se voyait déposséder de son repas par un larcin des plus outranciers, sa fierté en était révoltée et il ne comptait pas laisser faire sans réagir. Grimpant sur le flanc du cadavre pour prendre de la hauteur et ainsi indiquer sa supériorité, le félin baissa le museau pour rugir au nez de ce voleur.

Et dans une lueur lointaine, très lointaine, la conscience d’Eärhyë luttait avant d’être le témoin d’un nouveau massacre…



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Ven 19 Aoû 2016, 00:59

L'instinct primait sur la raison. Je n'étais guère différent d'une bête en m'adonnant à de tels actes primitifs. Ma soif submergeait mes esprits, et je n'eus de cesse dans cet assouvissement qu'en sentant le danger me guetter à nouveau. Ne répondant que par le flair, je relevai la tête pour me heurter à l'expression agressive du lynx qui fut tantôt mon allié. Son regard fort peu avenant laissait présager des germes flottants de la discorde qui saupoudraient ce dîner improvisé. Je n'appréciais nullement d'être interrompu au milieu de ma collation, et encore moins de passer du statut de prédateur à celui de proie. Mes yeux se plissèrent, surveillant les actes de l'animal. J'avais lâché ma lance et me retrouvai désarmé face à ses crocs et ses griffes. Dans cette configuration, je ne pouvais espérer me défendre décemment en cas d'attaque. Conséquemment, je reculai lentement, inéluctablement courroucé d'abandonner mon repas au félin. Je tentai d'apaiser la menace en soufflant les sommations suivantes.

 « Doucement… Doucement... »

Ces murmures ne m'empêchèrent point de chercher à récupérer mon arme. Toujours penché, je laissai ma main glisser à même le sol pour m'emparer de ma lance, prêt à réclamer mon gibier qui me revenait de droit. Il m'était inconcevable, en dépit du caractère peu ragoutant du repas, de l'abandonner à un simple animal alors que j'avais besoin de ce sang. Ma primalité bestiale empiétait sur ma lucidité, et j'oubliais presque avoir affaire à une alliée. Fort heureusement, l'espace d'un instant, un éclair de raison me traversa, me prémunissant contre un geste qui se serait avéré fort regrettable. Si l'envie de reprendre mon bien par la force m'animait toujours, ma suggestion préalable à la Bélua me revint. N'avais-je point proposé de parlementer avant d'ouvrir les hostilités ? Je n'avais certes point fait preuve de patience, mais je tentai quand même.

 « Eärhyë ? Que t'arrive-t-il ? Reprends-toi ! »

J'en appelais à l'éveil de ma véritable alliée. Si sa conscience sommeillait quelque part dans ce corps, peut-être pouvait-elle agir avant que la situation ne dégénérât ? A défaut, ce regain de clairvoyance calma temporairement mes ardeurs pour dissiper partiellement mon désir de sang. Ma soif persistait à son odeur, mais je refrénai – bien que difficilement – cette irrésistible envie de m'en abreuver à nouveau. Pour ne point céder à mes pulsions, j'optai pour me mettre à l'écart, sans pour autant quitter le lynx du regard. Je songeai un instant à l'extérieur, mais cette solution ne m'enchanta guère en raison du blizzard incessant. Il ne me restait donc qu'à m'aventurer vers l'intérieur pour explorer ce que les profondeurs de la caverne me réservaient. Cela me tiendrait à l'écart jusqu'au retour d'Eärhyë, qui, visiblement, ne répondait point ou n'était en mesure de manifester quelque signe intelligible témoignant une réception de mon appel. Je me dérobai dans la galerie, abandonnant l'animal à son appétit.

**

Mon épuisement me fit rapidement perdre patience. Je n'avais qu'un désir – celui de me ressourcer. Poursuivre la marche même à l'abri de la tempête constituait un effort pénible accentué par ma blessure toujours présente. Je m'étais assis un instant, attendant un moment sans le moindre indice de sa manifestation, et finis par rebrousser chemin. A mon retour, la Bélua dormait, visiblement rassasiée par son dîner. Les restes me parurent bien trop abjects pour que je m'en serve. Mon appétit se volatilisa, même si ma faim persistait doucement. J'éprouvai un certain ressenti pour ce désagrément. Mon regard se porta sur ma partenaire et son corps dénudé. En tant que vampire, je n'éprouvai que de l'amertume. Par ces circonstances, je n'avais nul désir d'exploiter sa faiblesse passagère. Pire encore, je la pris en pitié. Sans couverture et par ce froid, son état laisserait à désirer au lendemain. Je palliai cette inconvenance en déposant l'une de mes fourrures sur sa chair. J'étais moi-même exténué. Du courage. Nous arrivions à la moitié de l'épreuve. Je ne pouvais réellement percevoir si le soleil approchait, mais au vue de la fatigue m'assaillant, je n'eus d'autre choix que d'imiter ma partenaire. J'optai pour la paroi opposée comme support d'adossement. Dans ces conditions, toute once d'énergie était bonne à sauvegarder.

**

Mon sommeil fut fort agité. En cause : le blizzard incessant s’immisçait sporadiquement dans notre abri. Encore habitué à la chaleur de la route de Varna, ce gel persistant était loin de se révéler comme mon climat de prédilection. Nul sommeil réparateur me fut offert : j'émergeai dans l'épuisement après un énième souffle glacial. Je ne me sentais nullement bien, et la tempête persistait sans relâche – s'aggravait même. Nous n'avions visiblement d'autres choix que de rester dans cette grotte. Je toussai. Ce froid devenait tout bonnement insupportable, et je me languissais de l'écoulement du dernier jour. Entre deux quintes de toux, je lançai la chose suivante à ma partenaire, ne me mouvant d'un iota de ma position, enroulé dans ma couverture.

 « Rassure-moi. Il est hors de question que nous tentions de monter plus haut. Sommes-nous du même avis ? »

Mon exténuation suintait de ma voix.
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Ven 19 Aoû 2016, 16:30

「 Paris débiles 」
La gueule de la Bête s’étira dans un rictus peu avenant qui laissait mal transgresser son amusement. Cette petite chose d’apparence si fragile s’agréait la légitimité de le traiter de la sorte, murmurant des sommations bien futiles face à sa puissance. De quel droit se permettait-il de voler son repas pour ensuite lui ordonner de se tenir tranquille ? La Bête grognait de plus belle, prêt à bondir à la première incartade de cet être malingre. Celui-ci repartit dans la parole, invectivant directement la petite chose fragile qui servait de Réceptacle. La patience de l’animal s’éteignit et la Bête rugit de colère, balançant un coup de patte servant à faire reculer davantage le Suceur de Sang.
Pourtant, à l’intérieur du félin, dans une dernière petite bulle de résistance, la conscience d’Eärhyë persistait dans sa lutte pour reprendre le dessus. Les « doucement » de son allié l’aurait fait hurler de rage si la Bélua avait eu une bouche pour proférer le moindre son. De son interrogation directe et ses injonctions avait naquis la honte. Elle qui se croyait si forte, elle qui croyait avoir progressé depuis son départ du Rocher, voilà que la réalité revenait la gifler avec un mordant agressif. La jeune femme s’en voulait d’abandonner Reddas dans cette quête au profit d’une entité plus maléfique car plus imprévisible encore qu’elle-même ne l’était déjà.

La Bête eut le plaisir de voir le Suceur de Sang battre en retraite dans la noirceur de la grotte, laissant par ce recul la totalité de leur proie. L’animal n’était pas mesquin, il lui laisserait peut-être une petite part quand il aurait lui-même terminé de se sustenter, si tant est que la créature d’apparence chétive ait encore assez fin pour rogner dans les restes. Rabattant ainsi le caquet à l’écho lointain d’une voix sous son crâne, la Bête se retourna pour poursuivre le festin, tranchant dans la chair tendre pour s’emparer des meilleurs morceaux. Un repas délectable dont l’animal avait été privé depuis bien longtemps…
Eärhyë rendit les armes. La Bête faisait preuve d’une trop grande détermination pour pouvoir être battue par un simple jeu de volonté, elle qui avait entièrement consumé cette dernière dans sa progression dans le blizzard. Sa conscience reflua avant de s’éteindre, purement et simplement. Etrangement, comme si l’Esprit Totem ne pouvait fonctionner sans une infime présence de son Réceptacle, le félin bailla avant de s’allonger sur le flanc pour s’endormir. Peu à peu, comme par une magie aléatoire, le duvet se rétracta, laissant apparaître une peau plus pâle que d’ordinaire, quelques traînées bleues trahissant l’empreinte de morsures du froid. Etendue sur la roche humide et glacée, la jeune femme cauchemardait. Pour elle, il n’y avait aucune transition entre la réalité et le monde du rêve et son inconscience lui présentait des images du félin attaquant, griffant, mordant le Vampire jusqu’à ce que tout mouvement opposé s’arrête. Ils ne se connaissaient que depuis deux jours, mais Reddas n’avait commis aucun impaire et Eärhyë n’avait aucune raison de souhaiter sa mort, raison pour laquelle elle gémissait de terreur autant que de froid dans son sommeil, malgré la fourrure épaisse qu’on vint lui poser. Si ce geste altruiste eut le dont d’amoindrir ses tremblements, l’inconscience, elle, bataillait toujours, et la Bélua finit par se réveiller dans un sursaut qui la redresse sur le séant. La morsure du froid agressa ses épaules à découvert et la jeune femme se hâta de ramener la peau sur elle pour s’en préserver. Ses yeux s’habituèrent à la faible luminosité de la cavité avant de se poser sur Reddas, endormi. Rassurée de son sort, la blonde se passa une main sur le visage pour tenter de chasser les dernières brumes de son cauchemar.

Se levant en silence, la fourrure entourée autour d’elle, elle aménagea son coin pour avoir sa cape sous elle et dans son dos et la fourrure prêtée par Reddas sur elle. De ce fait, elle pouvait s’asseoir et ramener ses jambes contre elle pour conserver sa chaleur du mieux qu’elle le pouvait. Impossible dans de telles conditions de se rhabiller. Désabusée, la jeune femme haussa les épaules. Qui disait peau sur elle disait forcément que Reddas avait déjà vu son corps, ce qui à présent ne lui faisait plus rien. D’autres prérogatives avaient davantage d’importance, comme le fait de survivre dans un endroit si hostile. Hormis sa viande séchée et la carcasse de l’ours, qui grâce au froid ne dégageait aucune odeur nauséabondes – ce qui aurait été un comble dans leur situation – il ne lui faudrait pas trop compter sur de la nourriture extérieure. Comment le Vampire pourrait-il s’en sortir alors que la Bête lui avait volé sa seule source de nourriture au cours de la nuit ? La jeune femme se confondait entre apitoiement et honte. Si elle avait eu plus de force, plus de volonté, elle aurait pu protéger son allié de ce conflit interne. Au lieu de cela, la Bélua venait peut-être de le condamner. Il lui avait dit en taverne, y’a de cela une éternité, qu’il survivrait un certain temps sans gorgée sanguine, pourtant Eärhyë doutait qu’il fasse autant le brave dans de pareilles conditions. Elle croisait secrètement les doigts pour qu’il ne lui arrive à rien, à lui qui avait été si peu rancunier qu’il l’avait préservée des gelures au cours de la journée.

Eärhyë en était là de ses réflexions lorsque la luminosité faiblit progressivement, laissant entendre la venue de la nuit. Bien que ce fait la rapprochait de Phoebe, cela amènerait aussi un blizzard plus ardent et par conséquent une baisse de la température. La Bélua resserra sa fourrure contre elle, les tremblements l’assaillant à nouveau, lorsque Reddas prit enfin la parole. Sa demande, incongrue au vu de leur situation, fit naître un vague sourire sur les lèvres gercées de la blonde.


On ne devrait pas tenter les Aetheri. Nous sommes suffisamment emprisonnés dans ce blizzard pour que le défi soit accepté. L’autre idiot de Vampire n’aura qu’à voir nos têtes pour comprendre qu’on l’a traversé, de toute façon.

Eärhyë ne doutait pas d’avoir une mine horrible à regarder, elle qui se sentait engourdie par le froid. Malgré cela, un malaise naquit chez elle, renforcé par son cœur qui resserrait dans la poitrine. Elle s’en voulait ardemment et se voyait mal comment échapper à la gêne de quelques excuses méritées.

Ecoute, pour cette nuit… Je suis désolée. Je n’avais plus aucune force, Elle – le mot était formulée de telle sorte qu’on percevait clairement la majuscule dans sa prononciation – en a profité.

Puis, en sentant le poids de la couverture si douce au toucher, la jeune femme s’empressa d’ajouter, ne voulant pas passer pour une ingrate :

Et merci pour la couverture. Tu… Tu n’était pas obligé de me couvrir, surtout après les événements de cette nuit…

La jeune femme se mordilla la lèvre, les gerçures amenant le sang. Elle s’en voulait pour tout et ne savait comment s’exprimer.


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Dim 21 Aoû 2016, 16:04


Soumis à la fatigue et bientôt assailli par la soif, mon corps peinait à lutter contre l’atmosphère glaciale. Grelottant, j’accusais péniblement les diverses salves de quintes de toux que j’étais incapable de refréner. Seule une fragile façade d’humour me permit de lutter contre ce désagrément persistant, cherchant à oublier ma condition par la légèreté. Je doutai cependant m’accrocher à un tel paradigme longtemps, notamment si mon état venait à empirer. Privé de nourriture la veille, je ne pouvais compter sur de quelconques capacités régénératrices, aussi maigres fussent-elle. Le spectre de la disette risquait, en outre, de m’accabler lourdement si je n’étais point dans les meilleures conditions pour y faire face, et cette crainte impactait sérieusement mon mental. Me montrer « plaisant » devint la dernière de mes priorités.

Bien qu’ayant disposé d’un repas, Eärhyë se trouvait également tourmentée par le blizzard. Chacun d’entre nous cherchait à bénéficier de la moindre once de chaleur à laquelle il pouvait accéder à en juger par le rapport que nous adoptions vis-à-vis des couvertures qui nous emmitouflaient. La Bélua fit cependant part d’un malaise supplémentaire la molestant : celui de la culpabilité. A la bonne heure. Je n’étais point friand d’excuses, même si elles arboraient de louables intentions. Demander pardon ne s’accordait point avec mon genre – je préférais qu’on s’abstienne de commettre un impair plutôt que de regretter ce dernier. Je n’avais toutefois point d’énergie à gaspiller dans les reproches, et je me contentai d’afficher un regard neutre à l’égard de mon interlocutrice. Je ne formulai aucune réponse sur ce point.

Quant à ses remerciements… Je ne pouvais prétendre avoir agi par excès de charité. J’avais simplement préféré me prémunir de complications ultérieures en cas de fatigue extrême chez ma partenaire. Si, comme elle l’affirmait, la faiblesse avait libéré la Bête la veille, j’avais tout intérêt à ménager ses ressources pour qu’un incident aussi fâcheux ne se réitérât point. Une fois encore, je n’étais nullement disposé à me montrer particulièrement aigre à ses propos. En revanche, je fis l’effort de répliquer, cette fois-ci, non sans entamer ma phrase par un toussotement, sur un air qui ne se voulait ni espiègle, ni sévère.

 « Kof… Contente-toi simplement de dompter la Bête la prochaine fois. Je ne garantis point être aussi bienveillant à sa prochaine manifestation. »

En énoncer cela, je ne pus m’empêcher de spéculer sur les conséquences d’un affrontement avec le lynx la veille. Qui de nous deux aurait triomphé ? Sans doute l’animal en raison de ma blessure. Cette image me renfrogna légèrement. J’appréciai difficilement les alternatives où j’étais perdant quoiqu’il arrivât. Je scrutai brièvement le cadavre de l’ours. Celui-ci se révélait tout bonnement inexploitable. Le peu de sang que j’avais été en mesure de lui soutirer était semblable à un fond de verre d’eau qu’on offrait à un assoiffé. Doucement, mes pulsions gagnaient en terrain, m’accablant de surcroît. Je jetai un coup d’œil à l’extérieur. Le blizzard n’avait que partiellement cessé. La neige tombait encore, et les rafales ne s’étaient point estompées. Seule l’intensité avait diminué. De toute évidence, nous étions coincés, et je ne pus échapper à l’interrogation suivante. Comment parviendrais-je à étancher ce besoin que je ne pouvais plus ignorer ?

Je frissonnai toujours. Cette incommodité concourrait avec ma soif. Mon regard se porta alors sur la Bélua, tout aussi grelottante. Je me mis à envisager des perspectives qui écrasaient ma raison. Pour subvenir au froid, ne pouvions-nous point accorder nos énergies respectives pour nous réchauffer ? Une proposition allant à l’encontre de la bienséance atteignit mon esprit, d’autant plus méprisable que nous nous avérions tous deux crasseux. Dans le cadre de la survie, je m’autorisai à dénigrer les bonnes manières par nécessité. J’espérai que cette idée fût acceptée par Eärhyë, car il serait autrement plus gênant d’essuyer un refus sur une suggestion aussi peu gracieuse à formuler. J’accomplis un effort surhumain pour me relever sans lâcher ma fourrure, puis m’avançai dans sa direction pour lui dire.

 « Nous ne pouvons visiblement point sortir. Je crains que ce froid n’ait raison de nous. Je te propose que nous mettions en commun ces fourrures pour que nous nous réchauffions mutuellement. Des objections ? »

Je n’affichai aucun enthousiasme en énonçant cela. Je me contentai de m’asseoir à ses côtés, attendant sa réponse. J’allais probablement à l’encontre de sa pudeur, mais je n’en avais cure. Chacun devait prendre sur lui-même pour espérer tirer quoique ce soit de cette collaboration. D’autant plus que la gestion de la chaleur ne réglait point l’intégralité de mes tracas. La soif était toujours présente, et en m’approchant d’Eärhyë, le désir de l’étancher en lui mordant le cou m’envahit subitement. J’eus un instant d’absence, cédant presque instantanément à cette pulsion qui s’était accaparée de mon être comme jamais auparavant. Se pouvait-il… qu’elle fût vierge ? La panacée, le délice absolu que pouvaient espérer quelqu’un de ma race ? On disait que les yeux des vampires viraient au rouge lorsque leurs envies se manifestaient. On ne pouvait s’y tromper au mien. Je baissai le regard, cherchant à contrôler le peu de raison à laquelle je parvenais à m’accrocher. Pouvais-je… lui demander… ? Ne serait-ce… qu’une légère… ? Argh. Je me sentis défaillir. Je ne pouvais… que difficilement… dialoguer… Et sans doute… me retenir… Elle était à portée… Affaiblie… Pareillement à moi… Elle me devait… une faveur, non… ? Oui… Pour m’avoir volé… mon repas…

Mon regard s’orienta vers elle. Droit dans ses yeux. Je la fixai. Son odeur m’enivrait. Je me rapprochai. Ma main toucha son épaule. D’un geste, je cédai. Cédai à la morsure. Le festin. La libération. Je ressentis immédiatement l’effet. Cette ressource… était sublime. Divine même. J’oubliai tous mes maux – mon esprit était conquis. Savourant ce nectar, je veillai à n’en laisser échapper aucune goutte. En perdre constituait un crime. Je me sentis renaître, empli d’une nouvelle énergie. Cette sensation… je la gravai à jamais dans ma mémoire. Le sang des vierges était… le plus beau des trésors.

Je finis par relâcher ma proie, me léchant les babines. Le froid comme la faim n’étaient plus que de lointains souvenirs. Je risquai de faire face à un problème tout autre, à présent. Quand bien même, je n’en avais cure. Je ne regrettai point mes actes, contrairement à ma victime. J’assumerais sa réaction, quelle qu’elle fût. Pour ce somptueux breuvage, j’étais prêt à transgresser toutes les règles de bienséance. Ou même de respect.
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Dim 28 Aoû 2016, 17:02

「 Paris débiles 」
L’indifférence de Reddas ne fit qu’accroître son anxiété et son malaise. Eärhyë n’était pas friande d’excuses, ce qui rendait l’acte encore plus unique. Qu’elle offre ses excuses étaient toujours une preuve de sincérité et de culpabilité évidentes. Que Reddas rejette cela fut plus douloureux que s’il l’avait giflée. La jeune femme soupira, se remémorant les premiers instants de leur rencontre. Elle si sûre d’elle et rieuse, lui si hautain et condescendant, presque réservé. Au fil de leur ascension, ils s’étaient ouverts un peu plus, à l’autre, partageant des galères ensemble, se soutenant, devenant témoins solitaires des splendeurs que recelaient jalousement la montagne. A présent ils avaient belle allure, emmitouflés dans leur fourrure, emmitouflés dans leur silence respectif. Ces ruminations permettaient au point de penser à autre chose qu’au froid glaçant, insupportable. Même sous la couverture, la jeune femme tremblait. On avait beau chercher à refermer la moindre aspérité, l’air et le froid trouvaient toujours le moyen de sauter les obstacles pour vous mordre. Reddas prit enfin la parole, faisant vivement relever le nez de la jeune femme qui s’était abaissée, comme pour mieux se cacher. Eärhyë hocha la tête en réponse à cette menace à peine voilée. Elle se doutait bien que si Reddas ne gardait pas rancœur de son premier sursaut incontrôlé – ce dont elle doutait déjà – réitérer la faiblesse provoquerait forcément une réaction plus explosive, ce qu’elle voulait éviter. Il fallait être franc avec soi-même, la blonde n’avait même plus la forme de remuer son bassin, comment pourrait-elle se défendre face au Vampire ?
Un Vampire… Eärhyë fronça les sourcils, devinant qu’elle allait divaguer dans ses pensées… Dans son enfance, elle avait entendu bon nombre de contes lors des veillées hivernales, quand le temps glacial accroissait la tension d’une histoire d’horreur adaptée au jeune public et contée avec goût. Si les récits fourmillaient de mille et unes races plus extravagantes les unes que les autres, les Vampires avaient également été mis à l’honneur. Hors, il avait semblé à la petite Bélua que ces créatures ne succombaient pas à la caresse du froid, leur peau renforcée et marmoréenne étant elle-même glaciale. La température devenait par ailleurs une notion qui les laissait indifférents. Il était étrange que Reddas en soit affecté. Peut-être qu’une information importante échapper à la Bélua qui lui aurait permis de comprendre son état. Quoi qu’il en soit, la douche froide que lui avait assenée le Vampire par son silence fut une excellente raison pour faire taire sa curiosité.


Ce raisonnement fut à l’origine de son petit rire, lorsque Reddas lui proposer une des plus grandes lois de la survie, mélangeant la chaleur de deux corps différents pour créer une étincelle de chaleur, ou un sentiment de chaleur. S’il est irrémédiablement froid, je vois mal comment je pourrais me réchauffer… Eärhyë hésitait, visiblement dubitative quant au sort que son choix pouvait engendrer. Refuser équivaudrait à s’éteindre à petit feu ; accepter, et elle risque d’avoir plus froid encore… Cela dit, la fin était inéluctable s’ils ne commettaient rien pour entraver la force dévastatrice des éléments. Le Vampire, visiblement épuisé, alla s’appuyer contre le mur sans attendre plus longtemps une réponse qui tardait à venir. Il veut peut-être me faire payer l’attaque de la Bête en me glaçant davantage… Après tout, c’était tout à fait possible, si le bonhomme était rancunier, chose qu’Eärhyë n’avait su déterminer sur les deux jours passés ensemble. Finalement, la jeune femme secoua lentement la tête, la fatigue ayant raison de sa vivacité coutumière.

Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.

Qu’il prenne se remarque comme ça lui chante. Cela faisait quelques heures que le mal était fait. Leur relation se dégradait à vue d’œil et rien ne pourrait inverser la courbe, d’autant plus par ce climat extrême.
Ereintée par ce simple fait d’avoir parlé, la jeune femme ramena difficilement les genoux contre elle et posa son menton dessus, se sentant une fois de plus dériver au pays des divagations assoupies. Elle n’eût guère le temps de penser à beaucoup de choses. Reddas, si très proche ni trop loin, remua à côté d’elle, créant des répercussions sur la fourrure qui la recouvrait. Tournant son regard vers lui, elle n’eut que le temps d’aviser ses pupilles fortement et étonnement sanguines avant de tomber dans une sorte de chrysalide spirituelle, une transe qui l’empêchait de remuer le moindre cil. Une légère douleur cisailla son cou avant d’être d’emblée anesthésiée. La bouche ouverte en signe de total abandon, ni Eärhyë ni la Bête n’eurent le réflexe de se rebeller. Le moment était étrangement trop parfait, légèrement voilé, pour qu’elle sache quelle réaction lui accorder.


Il fallut beaucoup de temps après que Reddas l’ait relâchée pour qu’Eärhyë reprenne conscience de la vie. Plongée dans cette transe sur un temps à la fois si long et si court, la jeune femme ne s’était doutée de rien. Son émergence fut toutefois douloureuse, comme si elle réintégrait brutalement une réalité qu’elle refusait, à laquelle elle souhaitait ardemment se soustraire. Comme un doux rappel des événements passés, la Bélua glisse ses doigts fins sur les deux petites plaies laissées à vif. D’abord indifférence, les implications de cette présence discrète eurent le don d’achever son état catatonique.

Qu’est-ce que… T’as…

Le sang, qui s’était quelque peu renouvelé le temps de la transe, affluait au niveau du visage, colorant ce dernier de faibles rougeurs. La blonde avait compris que Reddas l’avait utilisée, s’étant approchée dans le seul but de prendre sa revanche. S’était-il rendu compte qu’elle, en tant que conscience reléguait dans un corps, n’avait eu aucune emprise sur la Bête, que cette dernière avait agi seule dans son attaque ? Et lui, si hautain, n’avait pu contenir un élan de vengeance ! Eärhyë serrait et desserrait les poings, les membres légèrement rouillés par la raideur provoquée par le blizzard. Peu importait, si elle pouvait réagir par les gestes, les mots seraient ses armes.

Espèce de fumier ! Le sang de l’ours ne t’a pas suffi, il a fallu que tu prennes le mien ?! Prendre le sang d’une innocente dans un excès de faiblesse, c’est ça qui te fait jouir ?! Ma parole, mais regarde-toi ! Si hautain, si… mais tu es tellement écœurant !

Les mots venaient trop vite pour qu’ils soient réellement compréhensifs. Le Vampire avait néanmoins la chance que la Bête soit trop étourdie pour intervenir et réagir à sa façon.
Eperdue dans sa colère, un bras finit par sortir de sa tiède cachette, fusant vers le visage de Reddas dans le but ultime de défouler sa haine sur ce visage inexpressif.



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Mer 31 Aoû 2016, 00:20

Jamais auparavant je n'avais eu l'occasion de goûter pareil délice régalien. Le plaisir procuré par le sang d'une vierge dépassait l'entendement – la raison n'avait d'autre choix que de se soustraire à son implacable volupté. La fièvre de la passion m'envahit à mesure que je me sentis parcouru d'un renouveau. On me purgeait du venin induit par les crocs du givre. On ravivait une flamme qui s'était éteinte, dévorée par le blizzard. On expulsait les germes de la fatigue. On m'offrait un festin digne d'un roi. On me…

Les mots m'abandonnèrent alors que je savourais, me délectais de ce breuvage divin. L'incommodité de tantôt m'apparaissait comme un souvenir distant que je balayai d'un geste de la main – aussi nonchalant que celui que j'accomplis pour aspirer les dernières gouttes de sang. J'avais atteint un état outrepassant la satiété : l'ataraxie me procurait un nouvel élan d'énergie. Inspirant profondément, avec un enthousiasme semblable à celui qui aspire à la vie, je m'éloignai doucement de la Bélua. Regrettais-je, ou regretterais-je d'une quelconque façon cet acte ? Nullement. La jouissance procurée était caractérisée par une intensité telle qu'un vertueux n'aurait été en mesure d'y résister. Mon geste envenimerait-il ma relation avec Eärhyë ? Très certainement. S'il était à refaire, aurais-je à nouveau cédé ? Plutôt deux fois qu'une. En aucun cas, je n'éprouvais la moindre once de culpabilité. Après tout, n'était-ce point là une conséquence logique de l’œuvre de ma vis-à-vis, elle qui m'avait laissé sur ma faim la nuit dernière et poussé dans un état de faiblesse m'encourageant à me rapprocher d'elle ? Assurément, ma conscience baignait dans la tranquillité la plus totale… pour le moment.

A son réveil, et de façon fort prévisible, la Bélua s'offusqua de ma morsure. Sans doute prit-elle cet affront pour une trahison ; elle laissa les insultes fuser. Je n'eus cependant l'occasion de laisser mes sentiments être affectés d'une quelconque façon par ses paroles – ses gestes belliqueux captèrent immédiatement toute mon attention. Sa main s'approcha dangereusement de mon visage pour l’égratigner. Tout outrage que je venais d'accomplir ne méritât point qu'elle s'en prît à mon faciès. Profitant de mes nouvelles ressources, je réagis sur le champ en saisissant son bras fermement pour le maintenir en place, l'empêcher de me porter à nouveau atteinte. J'en fis de même avec l'autre par prévention et la plaquai contre l'une des parois. Le regard sévère, je me ressassai rapidement du danger que pouvait représenter la Bête. Il était hors de question de la laisser céder à une transformation. En conséquence, il me parut nécessaire de calmer ses ardeurs prestement. Qu'aucune erreur ne soit permise : les tourments du regret ne m'effleuraient en aucun cas. Seul l'instant de survie primait. Sans doute devais-je prétexter, m'excuser alors que je ne le pensais nullement, mais un tel compromis risquait de constituer une condition irréductible à mon salut. J'engageai les pourparlers avec un ton grave.

 « Un impair involontaire chacun. Nous voilà à égalité. Je n'ai point eu l'occasion d'étancher ma soif hier, la Bête m'en a empêché. La faim a eu raison de ma conscience. Sache que je n'ai guère voulu te porter atteinte, initialement. »

J'activai ma réflexion pour lui fournir des arguments adéquats, pouvant me donner raison en dépit de mes mensonges éhontés. Un prédateur savait tromper sa proie. Un diplomate savait éviter un conflit. Je fis appel à mon éloquence pour convaincre une Bélua peu disposée à disculper ma culpabilité évidente. Une idée germa notamment dans mon esprit, et les mots suivirent presque immédiatement pour l'exposer.

 « Si j'avais voulu te porter atteinte dans un état de faiblesse, ne penses-tu point que je t'aurais prise au dépourvu au cours de ton sommeil ? Tu ne m'aurais opposé aucune résistance, et il m'aurait suffi de m'éclipser tel un voleur. »

Le dernier argument avait été prononcé à la hâte, sans réelle réflexion mûrie sous-jacente. Le blizzard m'aurait dissuadé d'une telle voie de sortie, et je ne le réalisai qu'après l'avoir énoncé. Qu'importait. J'espérai qu'elle ne tînt point rigueur, que l'idée de fond la persuadât. Fallait-il que je supplémentasse ce discours de fausses excuses ? S'il n'y avait que cela pour la satisfaire ainsi que pour m'épargner des affres de représailles, je pouvais bien mentir, faire l'effort adéquat. Prétendre n'était point un verbe qui m'était étranger. Certes, il s'accordait mieux à d'autres conditions, mais je me résignai à y céder pour cette fois-ci. L'urgence me le mandait. Je baissai mes yeux, feignant l'apitoiement. En guise de bonne foi, je la relâchai et lui signifiai mes regrets.

 « Je te présente mes excuses pour avoir cédé de la sorte. Cela ne se reproduira guère. »

Des paroles vides de sens, quoique faciles à respecter. Il ne nous restait plus qu'un soir, et j'avais étanché ma soif. Le seul danger, dorénavant, ne résidait point au travers de quelconques besoins physiques. Simplement à travers la réaction d'Eärhyë.

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Mar 06 Sep 2016, 15:18

「 Paris débiles 」
La sensation était étrange. Ce don su sang, pour involontaire qu’il fut, l’avait plongée dans une transe voluptueuse contre laquelle il était difficile de s’échapper, voire tout simplement de résister. D’abord immergée dans une bulle d’incompréhension, c’est finalement l’horreur de la scène qui la propulsa hors de cet état catatonique que la Bélua détestait tant, elle qui était davantage portée vers l’action pleine d’énergie. La réponse à cet acte atroce selon sa propre vision des faits était donc prévisible. La main partit, nerveuse et précise. Futile aussi. Ne disait-on pas que la force d’un vampire n’avait aucun égal ? La blonde aurait été bien incapable de répondre à cette idée reçue, Reddas était le premier de son espèce qu’elle rencontrait, si on mettait à part la taverne de Vampire où elle s’était arrêtée il y a de cela deux jours. Une éternité plus tôt. Le Suceur de Sang – Eärhyë ne le voyait réellement plus que de cette façon, à présent – intercepta donc son geste sans laisser l’impression d’y mettre une force colossale. Au contraire, il prit même le temps d’attraper sa deuxième main tandis qu’il immobilisait la première par une clé de bras qui soutira un discret gémissement de douleur à la féline. Le Lynx feula en elle en quittant à son tour cette chrysalide immobilisatrice de volupté, mécontent de ce traitement des plus drastiques, une atteinte directe à son orgueil développé. Pour étrange que cela fut, le Totem ne prit pas le relais, peut-être en raison de l’influence de la morsure. Plaquer contre une paroi glaciale, toujours dénudée, comme une brindille par un vent de tempête, la Bélua serra les dents en subissant ce traitement, sans aucune force pour se débattre ni même protester a minima. Toute à sa douleur, autant physique que mentale, la jeune femme se rendit toutefois compte du changement dans le regard de Reddas, comme s’il comprenait quelque chose qui lui échappait totalement, à elle. Il libéra par la suite sa prise sur ses mains, lui permettant ainsi de s’éloigner de la paroi rocheuse, blessante par quelques petites égratignures. Eärhyë massa ses poignets endoloris sans cesser de serrer les dents, visiblement meurtrie dans son amour propre.

Le Suceur de Sang lui offrit alors ses excuses les plus placides, ce qui la laissa totalement de marbre, exactement comme lui un peu plus tôt, lorsqu’elle faisait part de son sentiment de culpabilité. Certes, ils étaient quittes. Seulement, une victime prétextera toujours d’avoir vécu un préjudice plus grand qu’un autre, la douleur présente décuplée au centuple. La situation n’était pas exceptionnelle et Eärhyë se sentait violée dans sa plus grande intimité, la blonde n’échappait pas à cette généralité. Elle reconnaissait l’avoir agressé, et encore elle n’était pas véritablement consciente. Reddas, lui, avait répondu à son instinct primaire, pourtant elle ne parvenait pas à lui accorder le pardon. Il aurait pu résister. Les hauteurs grouillaient d’animaux en hibernation, il aurait pu patienter. Quand on était aussi raffiné que l’apparence le laissait croire, on ne cédait pas à la première impulsion venue. L’habit ne fait pas le moine, pensa amèrement la jeune femme, se promettant de toujours conserver ce dicton à l’esprit, à l’avenir.
A présent, la question reposait sur la décision à prendre. Devait-elle lui pardonner alors que Reddas se confondait en des excuses aussi vides de sens que les yeux du Suceur de Sang ? Qu’il soit sincère aurait été visible dans ses yeux, or ces derniers ne dégageaient absolument rien en cet instant. « Nous voilà à égalité », telles avaient été ses paroles. La jeune femme serra et desserra les poings, indécise. Si elle n’était pas satisfaite de la situation, elle ne voulait guère jeter de l’huile sur le feu alors qu’il lui faudrait encore souffrir la présence du Vampire pour une période certaine. Seulement, une amitié, sa confiance, ces deux notions n’étaient plus acceptables pour lui. Pire, il venait carrément de salir le respect qu’elle aurait pu éprouver pour sa race.


C’est ça, finit-elle par articuler, les lèvres serrées sur des mâchoires contractées. Le seul moment où j’ai dormi en ta compagnie, tu étais trop faiblard pour te traîner jusqu’à moi. Et pourtant il l’avait fait, pour lui demander « gentiment » de partager leur chaleur. La jeune femme se mordit l’intérieur d’une joue, s’en voulant d’avoir été si faible au moment le plus critique. Trêve de rigolade, tes excuses ne valent pas un pet et je n’ai plus de temps à perdre avec un faux jeton. Je ne sais combien de temps nous sommes partis. Je m’en moque, à dire vrai. Attendons que le blizzard cesse et on redescend. Je n’ai plus envie de m’amuser.

Car toute cette expédition avait commencé ainsi, sur un défi lancé au hasard par un ivrogne de la race de Reddas, qu’Eärhyë avait accepté comme une vaste plaisanterie, un gag. Elle en avait soupé, ne voulait plus retrouver que le confort d’une route fraîche, pas glaciale.
Le bon côté de cette rixe avait été le réchauffement du sang. La chaleur avait quitté ses membres pendant un temps, mais l’adrénaline retombait et la morsure du froid étreignait sa peau comme un glaçon. La jeune femme se décala prudemment, mûe par la méfiance, pour se saisir de vêtements de rechange planqués dans son sac de voyage. Une fois habillée, la blonde alla attraper la fourrure pour la tendre vers le Vampire.


Tu ferais mieux de la brûler, ca va probablement puer le fauve pour tes narines délicates.

Il leur fallait à présent attendre que le blizzard retombe. Eärhyë, blottie dans sa cape, perdait toute notion du temps à fixer les flocons dégringolant gaiment du ciel jusqu’au sol. La tempête se tassait, la vision gagnait un horizon plus vaste toutes les demi-heures. Perdue dans ses pensées, la jeune femme mit un dernier clou sur sa relation avec Reddas. Dorénavant, elle restait en sa compagnie simplement an cas de danger insurmontable seule. Une fois en bas, elle reprendrait sa route sans un regard en arrière. Sauf peut-être pour se prémunir contre une éventuelle attaque du Suceur de Sang, apparemment rancunier.


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Mer 07 Sep 2016, 23:11

L'hypocrisie dont je faisais montre découlait d'un objectif précis : ne point éveiller la Bête chez cette femme animale. Le reste m'avait apparu superflu, du moins au premier abord, et méritait que j'en fisse l'impasse. Les propos acerbes de la Bélua m'arrachèrent toutefois un froncement de sourcil involontaire marqué par le mépris. Qu'elle supplémentât ces derniers d'injures s'avérait tout bonnement inadmissible sachant qu'elle avait été la pionnière des impairs. Pour qui se donc prenait cette sauvageonne ? De quel droit se permettait-elle de m'insulter de la sorte ? Je plissai vivement des yeux, affichant un regard aussi dédaigneux qu'une garce de sa condition le méritait. Je n'étais point un sain, je l'admettais, mais qu'elle se gardât donc de considérer l'élan d'altruisme que j'avais manifesté la veille dans sa réflexion ! J'en regrettai presque de ne point avoir agi selon la ligne de conduite dont je me défendais. Le déplaisir se mua en irritation, l'exaspération céda à l'aversion. La répugnance qu'elle me soutira m'incita même, subrepticement, à gifler l'insolente. Je me gardai cependant de céder à cet instinct primaire – seule une farouche traînée de son acabit s'abandonnait à pareil geste en guise de réponse. Mon statut lui était supérieur, ma réplique devait s'accorder à mon genre. S'il s'avérait indéniable que mes excuses se montrassent dépourvues de valeur, leur placidité ne justifiait nulle discourtoisie. Je rétorquai en ce sens sèchement à l'impertinente, peu disposé à tolérer cet excès d'orgueil de sa part.

 « A défaut de contrôler ton corps, surveille ta langue. Je ne t'ai point insultée ni menacée, et mieux vaut ne guère outrepasser cette limite. Le confort d'une fourrure gonfle la gratitude, dit-on. Je constate à juste titre que la reconnaissance te submerge présentement. »

Elle blâmait la fausseté de mes regrets ? A la bonne heure ! Cette catin n'était guère mieux logée que moi à occulter le service salutaire dont elle avait bénéficié ! Qu'elle fît peu de cas de sa responsabilité résumait fidèlement son personnage : égoïste et viral, pareille à la Bête qu'elle « blâmait » dans sa déperdition instinctive. Je ne croyais plus en ce prétexte controuvé. L'unique qualité que je pouvais vanter chez cette sauvage résidait dans la délicatesse de son sang. Le reste ne m'inspirait guère plus qu'exécration. Il me tardait de me défaire de sa compagnie et de ce climat devenu insupportable. Sitôt le défi arrivé à son terme, j'envisageais de me précipiter dans un bain afin de m'affranchir des crasses et courbatures accumulées au cours de ce séjour. A ce sujet, la traînée proposa que nous séparassions à la venue de la première éclaircie. L'un des rares et ultimes terrains d'accord que nous pouvions élaborer, à ce stade.

 « Agissons de la sorte. »

Expéditive et brève, ma réponse fut aussi sèche que le geste adopté afin de récupérer mon bien – la couverture si « généreusement » prêtée à la Bélua. Elle m'avisa d'en disposer, de la brûler, puisqu'elle venait de la souiller. Je souris amèrement, peu amusé à sa remarque. Cette expression s'accordait davantage à la réplique sarcastique à laquelle je m'adonnai.  « Ou l'offrir à un Bélua en rut, pour m'accorder à ses indomptables pulsions. » Je ne m'étais point décidé sur le sort de cette fourrure, mais m'en contrefichais. L'animale m'avait offert le bâton pour la battre et je ne m'en privais point. Quoique, encore une fois, je devais veiller à faire montre de modération pour ne point éveiller la créature au risque de subir une déconvenue dont je me dispenserais. Je calmai donc les ardeurs en ne surenchérissant davantage, patientant jusqu'à l'accalmie du blizzard. Bien évidemment, je surveillai ma vis-à-vis épisodiquement. Hors de question de me laisser prendre par surprise par manque de vigilance. Lorsque l'éclaircie tant espérée se manifesta, la Bélua ne cacha point son languissement relatif à une soustraction des lieux. Il ne figurait point dans mes intentions de la saluer – depuis quand se souciait-on de formules de politesse avec un animal ? Je patientai alors quelques instants après sa sortie, afin de me lever à mon tour pour regagner la vallée avant un sursaut climatique. Peste fût cette acceptation de défi. J'espérai ne point subir d'ultimes déconvenues alors que je dévalai la pente.
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Dim 02 Oct 2016, 20:31

「 Paris débiles 」
Le Lynx grognait de colère mais la rage de la blonde lui prodiguait toute l'énergie dont elle avait besoin pour contenir l'élan bestial. En revanche, cette rage ne séparait pas les deux entités réunies dans ce même corps et leurs perceptions de l'instant restaient intimement liées. L'Esprit Totem percevait tout le ressenti du Suceur de Sang, aucun doute n'était possible sur la question.
La jeune femme n'était pas habituellement sèche dans le quotidien, on pouvait même plus facilement dire qu'elle était froide. Mais le comportement de Reddas abrutissait le sien et le rendait plus sauvage… Ainsi sa réplique au propos de la fourrure ne fit naître qu'un rire sarcastique à sa partenaire, qui se garda bien de répondre. Sa reconnaissance aurait été davantage visible si ce Suceur ne s'était pas servi lui-même. Et la récompense avait été généreuse pour le service rendu. Le Vampire parlait d'ingratitudes mais c'était le plus ingrat d'entre eux.  


Un Bélua en rut… Un Bélua monstre aurait davantage de retenu qu'un Vampire de ton acabit, pour reprendre ton vocabulaire. Mais je suppose que ce serait un nouveau débat qui diviserait les pensées.

Le ton était aussi amer que son regard était glacial. Quelques heures furent encore nécessaires à la disparition du blizzard. D'un pas alerte et son air déterminé, Eärhyë réajusta son sac sur les épaules et s'engouffra dans la brèche, cet air apaisé qui contrastait avec le chaos de ses pensées. Deux jours encore avant cette décadence, elle découvrait une grotte magique et harmonieuse. Un instant éphémère croisé y'a une éternité.

La descente fut toute aussi longue. Il leur avait fallu du temps pour atteindre ce point, il faudrait la même chose pour retourner dans la taverne où tout avait commencé, là où sa bonhomie était encore fringante et pompeuse, un poil insolent aussi. La jeune femme ne savait pas ce qui lui avait pris de paraître si présomptueuse, cette mise en scène devait renforcer le ressenti de Reddas à son sujet. D’un autre côté, elle s’en moquait éperdument. Elle avait d’autres chats à fouetter, même si la jeune femme ne pouvait totalement effacer le regret. Alors la Bélua progressait dans sa désescalade sans plus se préoccuper du Vampire ni à sa sécurité. Qu’il se foule un membre ou se luxe une vertèbre, elle s’en moquait éperdument. Le temps qu’ils regagnent la plaine le défi serait remporté, le reste n’avait plus d’importance. Même la beauté toute particulière de la neige givrée n’effleurait plus son cœur d’un possible apaisement comme le ferait un retour aux sources. Dans le tumulte de la rancœur et de la haine, la pensée ne laissait aucune place à la beauté.

Alors que la lune déclinait dans le ciel, des lueurs apparurent au loin, trace d’un retour à la civilisation. Les foulées de la Bélua se firent plus grandes, plus empressées, moins prudentes. Peu importait, le Lynx serait à même de finir le chemin à sa place si elle venait à se rompre une cheville. Eärhyë ne savait toujours pas si Reddas la suivait, même si elle n’avait en réalité aucun doute sur la question. Il n’aurait pas produit tant d’efforts sans obtenir les félicitations des gens de sa race. Ou bien il va se vanter d’avoir volé le sang d’une imprudente… La jeune femme serra les poings, regrettant d’avoir remis cela sur le tapis. Relevant ses pupilles vers les pâles lueurs, la blonde s’obligea à garder la tête froide jusqu’à ce qu’elle arrive à bon port. Elle pourrait toujours laisser le Lynx exploser un animal pour éliminer leur haine, plus tard.

Il fallut encore une heure pour atteindre le village où naquit cette aventure. Toujours pressée, la jeune femme ne fit aucun détour et se dirigea directement vers la taverne, réfrénant une furieuse envie d’enfoncer la porte d’un franc coup de pied. Ca aurait fait tâche dans le paysage, en territoire hostile. Pas dit que j’aurai assez de sang pour tout le monde, après tout. Si la remarque fit naître un quelconque amusement en elle, rien sur son visage ne le laissa paraître.
Sans prendre la peine de commander une boisson, la jeune femme chercha du regard le Vampire de malheur et infléchit sa course une fois repéré. Elle s’assit à sa table sans permission et planta ses pupilles pâles dans des yeux purpurins.


Je suppose qu’on ne gagne rien pour avoir survécu ?

La simple fierté d’avoir tenu aussi longtemps sans y perdre un orteil
, répondit le Vampire avec ironie, toute trace d’alcool absente de ses traits. La jeune femme hocha vaguement la tête avec la sensation de s’être fait berner. D’un autre côté, elle n’avait rendu aucun service, elle ne pouvait s’attendre à autre chose… Alors elle se releva, réajustant à nouveau son sac sur l’épaule. Il n’y aura pas que la fierté, que je retiendrai de ce voyage. Si cela sonna comme une sentence, ce ne fut pas l’effet escompté. Pourtant le regard qu’elle porta sur son « partenaire » de route fut suffisamment convaincant du contraire. Froid et placide, il portait le goût d’une promesse. Puis la Bélua franchit le pas de la porte, désirant s’éloigner au plus vite de cet endroit infâme.


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Mar 04 Oct 2016, 10:59


D'insipides répliques à de bancales insultes, le dialogue perdit tout sens constructif. S'il était tentant de poursuivre cette joute verbale ; persister dans la sottise n'apportait rien de profitable. Une maigre satisfaction tout au plus, d'autant plus modeste qu'elle relevait d'un simple triomphe sur une regrettable mijaurée. En valait-elle la chandelle ? Assurément non : l'escalade d'une discorde incontrôlée pouvait attiser fâcheusement le courroux de la bête. Je me gardai donc de répliquer une énième fois. Ne subsistait, en vérité, qu'une issue raisonnable de ce grotesque échange : la séparation. Celle qui fut jadis une partenaire de route pour le moins utile muta en gêne, en poids superflu dont il me fallait me défaire avant que n'apparussent les germes des inimitiés et de la rivalité. Je n'avais point de temps ni d'énergie à gaspiller dans une vaine lutte avec la Bélua – le climat se suffit pour qu'il retînt toute mon attention. J'adressai un simple rire sarcastique en guise de conclusion, sans surenchérir davantage.

Non sans mécontentement, j'observai attentivement le départ de cette animale. L'absence d'intempéries mêlée à l'aboutissement de cette épreuve contribuèrent à construire une certaine satisfaction. L'orage passé, je me ressassai la délectation du divin breuvage qui m'avait été offert au cours de ces pérégrinations. S'agissait-il là d'une perspective entraperçue par le vampire de l'auberge ? Je me questionnai, tout en gravant dans ma mémoire gustative la teinte unique de ce délicieux mets que constituait le sang d'une vierge. A l'image du vin tentateur et endiablant les esprits, la délicatesse de cette boisson incitait pernicieusement au crime, à la capture de pucelles et autres délicieuses détentrices d'un aussi remarquable atour. Ses vertus goûteuses et revigorantes marquèrent mon esprit par leur singularité, me poussant presque à faire abstraction à mon environnement. La levée d'un vent frais m'ôta de ma rêverie, me rappelant l'hostilité du climat. Je me concentrai sur ma route jusqu'à ce que les formes caractéristiques du village m'apparussent. Je ne tardai point à regagner l'auberge, désireux de conclure cette riche épopée. En dépit de cette fabuleuse récompense, mon corps était éprouvé par la fatigue, et je me languissais d'un bain parfumé, me délivrant de ma crasse.

Le lanceur de défi était toujours là, à sa place, me contemplant avec une certaine satisfaction au moment où je m'approchai de lui. Le sourire qu'il arbora me décontenança quelque peu. Ma mine devait paraître fort risible et ma chevelure poisseuse. Cette inconvenance me déstabilisa quelque peu. J'arquai un sourcil pour initier le dialogue, mais il me devança sans attendre que je m'exprimasse. « Eh bien, je vous félicite d’avoir relevé le défi. Ne vous sentez-vous pas un peu plus maître de vous-même ? » De sa phrase suintait l'ironie et la raillerie. J'en vins à douter de la mainmise que je pensais posséder sur le déroulement des événements. Il était vrai, notamment, que j'avais tout bonnement cédé à la pulsion sans laisser place aux détriments de ma volonté pour m'accaparer du sang d'Eärhyë. Je ne pus, en outre, refréner une brusque réminiscence de ma chute, de mon altercation avec le lynx ou encore de ma fragilité face au blizzard. Par je ne savais quel procédé, mon interlocuteur était parvenu à dissiper l'euphorie relative à la morsure au profit du doute, de l'ébranlement de la fierté.

Je plissai le front, soucieux et dubitatif. Cela ne me seyait guère. N'avais-je point triomphé, dans la finalité ? Je me devais de regagner confiance.  « Si bien sûr. J'ai su profité des merveilles de ce voyage et de ses singularités. » Sa singularité pour être exact. Le sang de ma partenaire ne figurerait probablement guère au menu de futures expéditions. Mon interlocuteur sembla comprendre ce que sous-entendit cette formulation au vue du rire qu'il m'adressa.  « Oui, oui. Merveilles et singularités… » Il marqua l'accent sur ses derniers propos quelques instants avant de reprendre, bifurquant sur un sujet détourné. La malice de son regard n'en demeurait pas moins révélatrice de ses pensées.   « Il va de soi, bien entendu, que vous cherchez à apprécier les beautés de notre beau continent. Où avais-je la tête ? Je peux peut-être vous recommander d'autres endroits ? »

La conversation s'orienta bien curieusement. Instinctivement, je ne doutai point de sa capacité de compréhension, mais ne saisis guère sa réaction. Peu importait. Je suivis le fil de la discussion sans détenir de réelle occasion de clamer ce que j'avais accompli. Sans doute l'évoquerais-je à ma Dame, une fois que j'arborerais un apparat davantage présentable...
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