Ils échangèrent un regard. Une lumière si vive et si pur devait sans doute être celle d'une lumière solaire se reflétant dans de l'eau. Avait-il atteint aussi vite l'océan ? N'avaient-ils pas fait le bon choix de galerie ? Pourraient-ils ressortir et...Recommencer ? Non. Ce devait être le genre de choses où on avait droit à une seule et unique chance. Mancinia ravala sa salive, priant Drejtësi que ce ne soit pas le terme de cet aventure. Songer à sa divinité lui donnait subitement mal au crâne. Inspirant pour chasser ce qui devait être dû à la fatigue et à l'anxiété, elle reprit sa marche d'un pas prudent. Le coeur battant. L'eau s'écoulait toujours sur son pont à environ la moitié de la salle avant de tomber dans le vide : avant de tomber dans un immense bassin. Comme celui se trouvant à l'entrée, il était taillé à même la roche, s'enfonçant cette fois-ci à mi-hauteur d'homme. Et c'est là qu'elle le vit. Seul, au centre de ce lac. Cette Pierre qu'elle recherchait. Elle irradiait en prenant le rayon de lumière qui lui tombait dessus, faisant miroiter l'éclat lumineux avec l'aide de l'onde où elle était enfuie. Zandalor ne s'était pas trompée. Mancinia était comme envoûtée par la magnificence de ce Diamant enfoui. Elle resta immobile, consciente du sacré de ce lieu, mais elle prit son courage à deux mains et se glissa dans l'eau. Kamiya s'envola de son épaule pour se mettre sur celle de l'Humain. Lui aussi sidéré par la beauté chimérique de ce qui trouvait ici.

— Si on avait su que ce serait aussi simple, souffla-t-il.

Bertolt restait derrière, comprenant qu'il assistait là à quelque chose d'unique. L'Humaine avait les yeux fixés sur la gemme étincelante et essayer de faire abstraction de ses appréhensions. Jamais elle n'avait vu pareil joyau, même les Diamants que les Orines fournissaient n'étaient pas aussi brillants. C'était indéfinissable. Mancinia fit un pas, puis deux, puis trois. Légèrement ralentie par l'eau, mais parvenant au but de ses recherches, elle fût parcourue d'un frisson à l'idée de saisir cet objet entre ses doigts. Une fois parvenue devant lui, elle s'enfonça un peu plus dans l'eau pour le prendre. Elle se sentait si légère. Son bras se décolla de sa hanche et se dirigea vers le Diamant, effleurant son rebord lisse. Et rien. Elle voulut d'abord le tirer, mais le Diamant restait comme fixé au sol. Elle ferma les yeux. Déçue. Elle s'y était attendue. Une sorte de rejet. Après tout, elle croyait aux Aetheri, pas en Sympan. Elle le ressentait au fond de ses tripes. L'Humaine n'insista pas. Elle ne saurait pas si la magie résistait à l'antimagie, elle ne saurait pas si ce Fragment soignait tous les maux. Bertolt le voit, se sent triste pour son amie. Mais ils n'avaient pas faits cela en vain. Jusqu'à ce que Mancinia le voit tout autant que lui. Dans son dos, Bertolt tremble et elle le sait, elle le sent. Lui qui craignait les scorpions, à quoi devait-il penser désormais ?

Elle l'entend aussi. Respiration rapide, positionnement du pied rendu incertain par des tremblements, déglutition parasite pour tenter de juguler l'effroi. Comment aurait-il pu en être autrement ? Elle-même redresse son regard. Redresse son corps de manière mécanique en saisissant Nibelungen dans ses mains. Au-delà de tout entendement et de toute la logique existante, au-delà de tout ce qui avait dirigé la vie de Mancinia depuis son enfance : elle vit naître devant son regard effaré une terrible créature. Naître était un bien grand mot tant son apparition ne les secouaient pas plus que ne l'aurait fait un caillou qui roule, mais la hargne et le cri strident qui émana de ce morceau de pierre d'au moins trois mètres de haut avait de quoi les faire rire nerveusement. L'Humaine demeura sans bouger en fixant cette chose qui se faisait de plus en plus imposante, libérée de ses entraves terrestres. Un grondement suivit d'un bruissement léger, le vent émanant de ce lieu se calme. A l'arrêt. Il était arrivé. La Créature de Pierre les guettait, amenant avec elle la Mort ou mille tourments. Malgré l'incertitude, malgré la peur, malgré toute émotion on ne peut plus naturelle en pareilles circonstances, Mancinia et Bertolt avaient choisis de faire front. Quand viendrait ce moment, il serait trop tard pour penser et il faudrait agir, mû par les pulsions de survie que l'un comme l'autre avait développée au cours de leur vie. Espérant que cela suffise à les sauver...

750 mots
31 | 32

La Créature de Pierre qui se dressait devant eux était impressionnante. Il dépassait Mancinia de plus d'un mètre et la liquéfiait sur place. Il était fort probable qu'elle l'aurait engloutie si son compagnon ne s'était pas précipité vers elle, saisissant son poignet pour l'attirer en arrière et la faire tomber dans l'eau. Quand la voix de Bertolt s'éleva, les battements affolés du coeur de Mancinia cessèrent et perçu l'urgence de leur situation en oubliant ses propres craintes. Ils avaient choisis de faire front, mais si la panique les gagnait, ils étaient perdus. Pourtant, ce n'était pas quelque chose dont elle avait l'habitude qui étreignait son coeur : c'était la terreur. La plus pure. Celle qu'on ressent quand on va mourir.

— Je ne peux pas...
— Alors, on se tire d'ici !

Bertolt lui prit le bras et l'entraîna à sa suite tandis que l'immonde Créature se dirigeait vers eux d'un pas lent, mais assuré. Puis, son compagnon relâcha son emprise sur elle dès qu'elle eut quitté l'eau, espérant se rendre vers l'ouverture où cette chose aurait bien du mal à les suivre. Mancinia s'élança à vive allure, aussi rapidement que le lui permettait ses jambes et son souffle. Une fois proche de l'ouverture, elle stoppa sa course en osant un arrêt et en se retournant. Est-ce que Bertolt la suivait ? Non. Il avait dégainé son arme et s'apprêtait à faire face.

— Bertolt !
— Je le retiens, profite-en pour t'enfuir !

Si sa volonté lui apparaissait clairement, elle peinait à accepter l'idée de le laisser seul, l'abandonnant derrière elle sans nul autre défense que son épée contre ce titan fait d'une pierre gluante abominable et dont l'oeil sanglant ne cessait de visé cet homme. Pourtant, ce n'est pas un de ses gros bras de pierre qu'il abattit pour le mettre hors d'état de nuire, mais une sorte de liquide qu'il cracha d'une ouverture sur son abdomen. Visqueux et vert. Bertolt devint amorphe, comme paralysé et semblait même manquer d'air. Son corps fût ensuite pris de spasmes et il s'effondra dans l'eau. Il lui avait suffi d'un instant. Tout comme Mancinia reprit le dessus sur sa peur. Elle était enragée, furieuse, hors de contrôle ! Elle ne pourrait jamais clairement définir ce qui lui prit à ce moment précis, mais voir son compagnon ainsi se faire prendre produit en elle un déclic irréversible. Elle vit rouge, tout simplement. Et elle fit un pas en arrière pour venir le sauver, le venger, Drejtësi savait quoi. Tout et n'importe quoi. Tout qui puisse le sauver.

— HEY ! JE SUIS ICI, SALOPERIE !

La Créature de Pierre vint dans sa direction sans attendre la conclusion de sa phrase. Extirpant son corps rocheux de l'eau. Elle ne savait pas ce qu'elle allait faire, mais elle s'en fichait. Elle dressa Nibelungen devant elle et...Soudainement, son regard se perdit dans les confins de ses pensées, sa vue s'assombrit et tout devint noir. Elle ne ressentait plus rien, sauf un calme absolu. Plus rien n'était douloureux. La Créature de Pierre se figea. Puis la douleur frappa Mancinia. Elle avait mal, si mal au crâne. Mancinia tomba à genoux sans en prendre conscience, se mit à quatre pattes, les mains sur les oreilles, ne voulant pas y croire. Ce son. Des scorpions venaient de rentrer dans la salle. Des centaines. Ceux se trouvant dans la pièce d'à-côté venaient de débouler. Elle les vit s'approcher et, dans un effort surhumain, se laissa glisser dans l'eau. Nageant, ou pataugeant, vers Bertolt. Il respirait encore, mais son corps commençait à devenir flasque et visqueux. Il peinait à respirer, comme s'il allait devenir...Autre chose. Les scorpions prirent d'assaut la Créature quand Mancinia hurla de rage de le voir dans cet état. Et Bertolt serra sa main dans la sienne, elle refusait de la lâcher malgré les suppliques de son compagnon mourant. Était-ce pour lui donner du courage dans ces derniers instants ? Était-ce pour ce donné du courage à elle-même ? Mille émotions grondaient en elle, aussi sûrement que grondait la pierre et le vent.

Que pouvait-elle faire ? Il devait bien y avoir un moyen de le soigner ! Mais...Oui, sa solution était là. Sous son nez. Et elle n'allait pas abandonner la vie d'un ami pour un vulgaire bout de caillou récalcitrant. Mais elle avait besoin de sa puissance !

— Soigne-le ! Pour l'Amour des Dieux, soigne-le !

Ignorant les cris stridents de l'amas de pierre ensevelis sous ses ennemis. Mancinia sentit quelque chose de chaud sur son épaule et en la regardant, la blessure que Kamiya lui avait infligée venait de disparaitre. Les rayons devinrent plus forts, plus chauds. Elle dû fermer les yeux et tout cessa. Quand elle les rouvrit, tout était terminé. La Créature de Pierre avait disparue, les scorpions tournaient autour du lac, comme mécontents, avant de se disperser. Mancinia comprit que l'eau était salée. Sa peur ne lui en avait pas fait prendre conscience avant. Et Bertolt. Il se redressa d'un coup, comme s'il sortait d'un mauvais cauchemar. Regarda partout autour de lui et, lorsqu'il se sentit en sécurité, respira. La remerciant d'un hochement de tête avant de regarder sa main. Mancinia la sortit de l'eau et observa ce fichu Diamant coller dans sa main. Elle le secoua un peu pour voir.

— Il ne semble plus réagir. Sans doute que sa magie ne pouvait servir qu'une seule et unique fois... ?

Elle le lui tendit. Il refusa.

— Je veux que tu la conserve, Mancinia. Elle est à toi.
— Mais...Tu m'as aidé. Et son pouvoir à disparu. Un tel Diamant pourrait se revendre cher.
— Tu travailles dans la Joaillerie, non ? Fais-en une somptueuse parure et fais-en offrande à une Aether. Maintenant sortons d'ici.
— Et on sort comment ?
— Par la porte que ce gros tas nous a offerte en se dégageant de la pierre ?

Mancinia se retourna et sourit en voyant les traits de lumière passer dans la roche, comme une ouverture béante sur le monde. Le destin était chose curieuse, mais quel qu'il soit, Mancinia était prête à lui faire face et à l'affronter. Elle avait tant apprit de ce voyage, tant de découverte sur les beautés et les frontières de son monde. Son regard avait eu la chance de se porter sur une merveille des temps anciens, un joyau inestimable et aux pouvoirs insoupçonnés, que ce soit dans la douleur ou dans l'euphorie. La jeune femme était fière, mais aussi encore sous le choc de l'aventure qu'elle venait de vivre, au cours de laquelle elle avait fait une belle rencontre et offert à sa vue de belles visions. Elle avait tant appris sur elle, mais aussi sur son nouvel ami qu'elle considérait désormais comme un frère, avec qui elle avait affrontée maints périples, frôlant le trépas de si près qu'elle avait presque su sentir son souffle glacé dans sa nuque. Mais tout est bien qui finit bien.

1 143 mots
32 | 32