Je dois admettre avoir oublié quel jour Iehisa avait reçu sa fameuse lettre, celle qui l'invitait à rejoindre les rangs du collège des magiciens, celle qui le définissait donc comme un être différent. Nous le savions depuis longtemps bien sûr, les premiers doutes avaient jailli lors de notre première patrouille en dehors d'Utopia, notre cadet ayant alors ressenti une étrange sensation une fois la protection éloignée. La deuxième fois nous avions la preuve. Notre frère était un magicien. Cela n'avait fondamentalement rien changé, il avait vécu toute sa jeunesse sans magie, avait vécu avec nous, fait ses premiers bêtises avec nous... Kaz avait aussitôt déclaré :

« Ça fait rien je t'aime quand même. »

Ce cri du cœur sortit au bon moment avait suffit à sceller une amitié extrêmement forte dont j'étais parfois un peu jaloux. Kazuhisa ne nous avait devancés, Tosh et moi, que de quelques secondes mais cela montrait la différence ; une différence qui n'entachait en rien nos relations cela dit. Nous avions beau nous ressembler sur de nombreux points, moralement, nous étions tous différents à notre manière et n'en restions pas moins frères.
Cette lettre avait donc sonné comme une sorte de remise en cause de ce moment, de cette philosophie ; comme si la gentille mais sévère réalité était venue punir les méchants enfants turbulents. Ensemble nous lui avions dits : Tu sais quoi réalité ? On t'emmerde.

Pourquoi je vous raconte ça ? Ma foi c'est simple, parce qu'en ce jour nous nous tenions devant le collège des magiciens. Quelques jours plus tôt nous avions croisé l'un d'eux dans une taverne, pas méchant pour un sou et il n'avait pas nourrit l'injuste (j'ai parfaitement conscience qu'ils n'y sont pour rien) ressentiment que nous éprouvions pour eux. Mais nous avions discutés pendant quelques heures, il nous a parlés du sanctuaire et des connaissances qu'il renferme, des savoirs que ces derniers contenaient. Ces paroles n'étaient pas tombés dans les oreilles d'un sourd, des connaissances c'est justement ce qu'il nous manque. Iehisa c'était aussitôt porté volontaire, quitte à retarder sa participation de plusieurs années mais nous avions de suite répondu non. On ne laisse personne derrière. On avise d'abord, on décide ensuite ; je sais que cela lui avait fait plaisir.

Pour autant nous avions décidé de suivre cette piste et, ni une ni deux, nous avions mis le cap pour ce mystérieux sanctuaire situé sur les berges du lac de la transparence. Chevaux harnachés, matériel préparés, notre moral était partagé entre appréhension et beau fixe. Nous avions enfin un but mais nous craignions d'y laisser l'un des nôtres, fut-ce temporairement, et ça ne plaisait à personne. Le voyage fut sans histoire, malgré l'ambiance parfois un peu lourde, et nous atteignîmes, au terme de deux semaines de voyage, enfin notre destination. Il fallait reconnaître que le lieu était beau, le lac n'avait pas volé son nom ; sa taille couplée à sa limpidité en faisait un lieu tout simplement impressionnant. C'était d'autant plus vrai pour nous, habitants d'Utopia (ça m'énerve de ressentir ça tout le temps), qui n'avions jamais vu une aussi grande étendue d'eau en pleine terre (oui parce qu'on a quand même vu la mer) ; l'eau douce était pour nous ressource précieuse et nous en avions une abondance devant nous.

« C'est... beau. »

Yep, pas mieux. J'avais souvent envisagé ma vieillesse dans une villa dans le voisinage d'une oasis à profiter du soleil tout en admirant la verdure bordant ma demeure ; je pense que j'aurai pu le faire ici aussi. Il y avait moins de soleil mais ça n'en restait pas moins très appréciable comme cadre.

Une pluie fine se mit à tomber, nous tirant de notre contemplation pour nous diriger vers le lieu où se trouvait, supposément, le sanctuaire. Là en revanche nous fûmes un peu déçus et pour une raison simple : il n'y avait rien. Aucun édifice colossal en vue, aucun bâtiment mystérieux à même de cacher cette impressionnante somme de connaissances que ce magicien avait décrite. Il s'était foutu de nous ou quoi ?

« Attendez... c'est quoi ce truc ? »

Kazuhisa pointa l'horizon, proche du lac, avec un regard méfiant. Je plissais les yeux et tâchait de comprendre ce qui avait bien pu attirer son attention, en vain. Je m’apprêtais à lui demander des précisions lorsque j'aperçus quelque chose, comme un contour, une silhouette floue ; plus je la fixais plus elle se précisait, au point d'en acquérir de la substance. Le processus était cependant lent et aucun de nous ne ressentait l'envie d'attendre que le bâtiment (je suppose) daigne enfin faire son apparition. J’éperonnais donc mon cheval, suivi par les autres, et me dirigea au galop vers la base de cette apparition.

Lorsque nous arrivâmes à la base, approximative, de l'édifice, celui s'était déjà beaucoup mieux défini, bien que toujours fantomatique, et nous donnait une idée bien plus précise de ce qu'il était. Ma conclusion était simple : l'endroit, ne serait-ce que d'un point de vue visuel, valait sa réputation. Mais un mouvement aux abords de l'édifice attira mon attention : plusieurs personnes discutaient, visiblement avec animation, et se tournèrent dans notre direction, alertées par le bruit de nos chevaux. L'un d'eux se détacha du groupe et vint nous trouver :

« Ah ! Je suppose que vous aussi avaient été attirés par l'annonce ? »

Toshihisa s’apprêtait à réfuter mais je le devançais pour une réponse plus floue mais tout aussi valable :

« Nous sommes toujours prêts s'il y a du travail. »

Le magicien, du moins je le suppose, approuva d'un hochement de tête avant de continuer :

« Et bien vous arrivez juste à temps ! Je m’apprêtais à envoyer le premier groupe mais puisque vous êtes là, vous pourrez partir en même temps. »

Ce faisant il avait désigné de la main son fameux groupe : une humaine. Ou plutôt non, une humaine et un loup blanc. J'ai horreur de faire des délits de faciès mais il y avait un truc dans l'allure de cette jeune femme qui me poussait à la penser différente, quoi je ne sais pas mais il y avait quelque chose. Je me tournais cependant vers eux et les salua, un sourire en prime :

« J'espère une fructueuse coopération. »

Oh par les Aetheris ! Mais qu’est qui se faisait dans ce continent qui devait être interdit pour moi ? Mais qu’est qui se faisait chez les magiciens, dans le lac de transparence ? J’étais devenue folle ma parole… Si La reine Takias savait que j’étais venue chez les magiciens, je pensais que je me ferais pendre par le reste du conseil d’Aeden. Depuis un petit bout de temps maintenant, j’avais l’impression que la colère et la haine de notre reine augmentaient rapidement. A chaque fois qu’on parlait de sorciers, ou de magiciens, elle ne pouvait pas résister à l’envie de daigner ces races et de se mettre en colère. Je pouvais la comprendre…

Auparavant, j’étais une humaine qui s’était faite transformée par un magicien, qui avait juste peur de nous. Enfin, bref, c’était mon destin d’être devenue une élémentale de l’eau, et je m’étais habituée aujourd’hui à être de cette race. J’avais trouvé une deuxième famille dans ce nouveau monde. Bon, maintenant que j’étais dans le lac de transparence, j’avais entendu que les magiciens faisaient une cérémonie de purification avec le célèbre feu bleu. J’avais déjà lu cela dans des livres dans la grande bibliothèque d’Aeden ou même dans les parchemins du Temps. Mais, j’aimerais bien voir cela de mes propres yeux et d’écrire un petit récit de ce que j’avais vu ou de ce que j’allais voir prochainement. Par contre, il fallait juste que les magiciens ne remarquent pas que j’étais une élémentale de l’eau, sinon, cela chaufferait pour moi et mes fesses.

De plus, je n’avais pas envie de déclencher des problèmes entre nos deux peuples, donc je devais rester discrète et de ne pas causer de problèmes durant la cérémonie des magiciens. J’étais venue avec mon fidèle compagnon, Emndel, mon loup blanc qui me suivait partout dans mes voyages. J’étais heureuse d’être avec lui, il me protégeait beaucoup avec son champ de force ! C’était très utile de faire cela !

-Bon, Emndel, il faut faire attention aux magiciens, tu dois rester discret et calme ! Tu fais bien attention à ce que tu fais pendant cette cérémonie, je n’ai pas envie d’avoir …
-Eh vous là !
-Qui moi ?
-Oui, vous !
-Qu’est qui se passe au juste … ?
-Nous avons besoin de votre aide !
Hein ? Pourquoi un magicien voulait avoir de mon aide ? Bonne question, mais je n’avais pas la réponse pour le moyen. Il me demanda de le suivre jusqu’au bord du lac. Je le suivis tranquillement mais je ne comprenais pas ce qu’il se passait au juste ! J’avais peur qu’il découvre que je suis une élémentale et que je pourrais me faire tuer à tout moment, sur leur territoire. J’arrivais près d’un groupe de personne, composée de trois personnes et des hommes en plus. J’en avais de la chance aujourd’hui, dis donc. Mais avant d’arriver vers eux, on m’expliquait qu’on avait besoin d’aider pour la cérémonie, car l’Archimage n’était pas là pour l’instant, qu’il était occupé à faire une autre mission pour les magiciens. Donc, il fallait qu’un groupe crée le feu bleu et du bon déroulement de le cérémonie. Je ne connaissais pas du tout cette cérémonie, mais il me l’expliqua aussi dans la foulée :

-Il s’agit d’une cérémonie pour les magiciens qui sont morts au combat ou pas, on les purifie avec le feu sacrée bleu et pour qu’ils reposent en paix dans le lac de transparence, le berceau des magiciens.

Je comprenais mieux maintenant cette cérémonie. Puis, on me présenta à ces hommes. L’un me gratifia d’un beau sourire en disant qu’il voulait une bonne coopération :

-Je suis ravie de travailler avec vous, monsieur ? Ah, je me nomme Winnie ! Alors comme cela, nous devons faire cette cérémonie ensemble, c’est bien cela ?

Encore une fois, je ne devais pas donner mon vrai prénom. Si un magicien connaissait le nom de l’esprit élémentaire de la glace, je pensais que je me ferais tuer sur le champ, donc je prenais mon surnom qu’on m’avait donné, y avait longtemps maintenant ! Je lui souris avec un des plus beaux sourire que j’avais. J’avais hâte de savoir ce qu’on devait faire maintenant et d’observer cette cérémonie.

nombre de mots:

Donc il fallait retrouver une espèce de feu bleu pour assurer le bon déroulement d'une cérémonie mortuaire ? Bien bien. Surtout ne pas laisser paraitre mon scepticisme et faire comme si.
Je pris donc la peine de continuer dans les salutations en assurant la présentation du groupe :

« Enchanté mademoiselle, mon nom est Yoshihisa et voici mes frères : Kazuhisa, Toshihisa et Iehisa. »

Je ne vous cache pas qu'à plus d'une reprise nous avions eu des remarques sur nos prénoms, certains ayant considéré que hisa était notre nom de famille, d'autres rapidement essayé de les raccourcir pour plus de facilité mais, en la matière nous étions impitoyables. Seules quelques rares personnes étaient autorisés à utiliser un diminutif. Pourquoi me direz-vous ? Parce que quand on a la chance de pouvoir choisir son propre nom on apprécie un minimum de respect. Et aussi parce qu'on apprécie toujours une petite occasion de faire tourner en bourrique.

Pour l'heure chacun d'entre nous salua aussi courtoisement que possible, public féminin oblige dirais-je, avant que le départ ne soit officiellement lancé. Nos chevaux avançaient calmement, sans se presser, nous laissant ainsi tout le temps de faire le point quant à la suite, un problème épineux se posait en effet. Je me tournais vers Iehisa, situé en queue de peloton et lui demandait :

« -Tu sais ce que c'est le feu bleu exactement ?
-Pas la moindre idée. »

J'avais très vaguement espéré une meilleure réponse, qu'il s'agisse un truc commun à tous les magiciens, comme une sorte de pouvoir de naissance que seuls les plus puissants pourraient employer. La chance n'était pas de notre coté, non pas que ça nous arrête.
« -Est-ce que ça pourrait pas être un feu créé à partir d'une certaine manière ? Rappelez-vous cet alchimiste qu'on a croisé il trois ans avec ces feux d'artifices. Il obtenait du vert avec certains mélanges de poudres.
-J'y pensais justement, ça pourrait être une piste intéressante à creuser, à condition que les magiciens ne soient pas trop attachés à la symbolique de leur cérémonie.
-On est pas obligés de leur dire.
-Cette idée ne marchera que si le feu bleu dont ils parlent n'a aucune présence magique non ? »


Tosh n'avait pas tort, Iehisa nous avait parlé plus d'une fois d'impressions et sensations qu'il avait en présence de certains lieux, personnes ou même objets magiques. Il était peu probable qu'un feu coloré par alchimie puisse produire cette impression, d'autant que...

« Sans compter qu'ils s'attendent peut-être à une réaction particulière au moment de la crémation, une explosion, ou même un changement de couleur. »

Sincèrement partir sur l'idée du feu alchimique ne m'aurait pas dérangé plus que ça vu que je n'avais pas la moindre fichue idée de où on pouvait trouver ce que les magiciens demandaient. L'ennui c'est que notre objectif était de rester un certain temps sur place et si notre supercherie était découverte c'était perdu d'avance.

« Et vous Winnie ? Qu'en pensez-vous ? N'hésitez pas à nous interrompre, il nous arrive très facilement de nous perdre dans de longues et interminables discussions, le manque d'habitude d'avoir de la compagnie. » (Sur la route ajoutais-je intérieurement)

Il termina sa phrase d'un franc sourire désolé avant de commencer à discuter avec notre nouvelle compagne de route, s'enquerrant de sa terre natale, de ce qui l'avait poussé sur les routes, de ses aventures passées... C'était comme un signal car chacun d'entre nous dirigea une part de son attention sur une activité annexe, toujours à l’affût de la discussion pour placer une bonne remarque mais plus tout à fait dans le sujet. Chacun réfléchissait dans son coin. Tosh badinait, Iehisa avait sorti un de ses carnets pour réviser ses notes, des réflexions et des pense-bêtes pour l'avenir, parfois juste de la lecture et Kazuhisa avait sorti parchemin et plume pour griffonner les dernières lubies soufflées par son inspiration. Comment faisait-il pour écrire lisiblement tout en faisant son cheval c'était un mystère, mais je le soupçonnais qu'il ne s'agisse que de brouillons, ses essais étaient écrits témoignaient de bonnes conditions d'écriture au vu du matériel qu'il utilisait.
Comme souvent il me laissait mener, c'était une habitude : au plus âgé la responsabilité de décider, à eux le loisir de contester.
Alors voyons... Seuls certains mages d'un assez haut rang peuvent bénéficier de ce type de pouvoirs, on pouvait donc supposer qu'il s'agissait d'un sortilège transmis en secret pour une raison de tradition. Rien n'indiquait à priori que personne d'autre ne puisse connaître ce sort, mais si les magiciens connaissaient l'une de ses personnes alors il était naturel de s'adresser à elle plutôt qu'à de coûteux mercenaires, d'autant que les magiciens étaient des gens instruits et avaient donc, à priori, un schéma de réflexion assez logique. Je m’apprêtais à chercher ailleurs quand une petite voix me souffla : et s'ils ne pouvaient pas ? Qu'elle genre de personnes un collège entier de magicien ne pouvait pas contacter ? Un sourire moqueur se forma sur mes lèvres.

« Un sorcier. »

Maintenant que j’étais en train d’aider des magiciens, pour faire l’une de leur cérémonie, je me demandais ce qu’il allait se passer maintenant. Il ne fallait pas qu’ils sachent que j’étais une élémentale de la glace, sinon j’allais me faire tuer sur le champ. J’étais avec quatre hommes, sur les quatre, trois n’avaient pas de magie en eux. L’un était un être magique, je le sentais parfaitement. Je crus que c‘était un magicien, mais je n’étais pas sûr. Après, je m’en fichais un peu de quels races ils appartenaient aujourd’hui, je restais calme et sereine d’esprits. Les quatre hommes discutèrent entre eux à propos de la cérémonie que nous devions faire pour aider les magiciens. Non, mais franchement, j’espérais que la reine Takias, ne saurait rien de cela…

Enfin, nous étions sur des chevaux pour nous diriger vers le lieu où nous devions préparer la cérémonie du feu bleu. Je me massais les tempes pour me dire que je n’étais pas dans une illusion, j’étais en train réellement d’aider des magiciens, cela n’était pas dans mes habitudes, c’était pour cela que j’étais un peu perturbée ! Je réfléchissais à beaucoup de choses : le feu bleu était quelque chose de spécifiques pour les magiciens, uniquement, une sorte de magie différente de celle des élémentals. Yoshihida me coupa dans mes réflexions pour me dire que je pouvais me joindre à leur discussion pour savoir comment on allait faire pour créer ce feu bleu.

Je fis avancer mon cheval pour être à leur hauteur et j’entendis soudainement de savoir le mot « Sorcier ». Oh, je ne savais pas à quoi il pensait avec les sorciers, mais ce n’était pas bon signe. Les magiciens et les sorciers ne faisaient pas de bonnes choses entre eux. Et je pris immédiatement la parole pour savoir ce qu’il comptait faire :

-Ouh là, mon bonhomme ! Que comptes-tu faire avec un sorcier au juste ? Je peux être idiote parfois mais là, tu me fais un peu peur ! Qu’est que tu vas faire avec un sorcier alors que nous sommes sur un territoire des magiciens. Je te conseille de bien réfléchir à ce que tu vas faire ou alors donne-moi une explication !

Je repris mon chemin et je repris la parole pour lui donner une définition au feu bleu des magiciens avec une voix plus sérieuse pour leur faire comprendre l’histoire des magiciens, dont j’en connaissais un rayon. Je devais remercier Erine, car son père était un ancien magicien, qui n’a pas pu avoir cette cérémonie, car il était marié avec une élémentale de l’eau
.
-Pour répondre à ta question, le feu bleu est l’une des spécificités de la race des Magiciens, tous les magiciens possèdent en eux, la magie bleue. Mais il se manifeste réellement lorsqu’ils sont maitre mage. On raconte, dans les livres que j’ai pu lire dans mes voyages, que ce feu bleu pourrait renforcer les sorts magiques contre les ennemis. Les magiciens sont plus puissants que toutes les autres races dans le monde du Yin&Yang. De plus, personne ne sait d’où vient cette magie si particulière pour les magiciens. Voilà, j’espère que j’ai répondu à votre réponse, messieurs ! Et je ne sais pas comment se transmet la magie bleu entre magicien, c’est une bonne question !

Je réfléchis doucement dans ma tête, car je ne connaissais pas grand-chose sur les magiciens, j’avais quelques notions de bases mais je n’avais pas une grande connaissance contrairement à eux, les magiciens. J’attendais que ces hommes, ou bien Yoshihida me réponde à propos des sorciers, car je ne savais pas où il voulait en venir avec ces personnes maléfiques. Je pouvais apprécier les magiciens, mais alors eux et avec les vampires, ce n’était pas du tout possible. Les sorciers nous avaient déjà volé nos reliques, il y avait quelques temps et je les avais retrouvés avec Yukina. Quant aux vampires, ce n’était pas la même chose, mais je les détestais plus que les humains. Ah non, je n’irai pas négocier avec des sorciers pour avoir le feu bleu des magiciens, c’était niet !

nombre de mots:

Visiblement la mention du mot sorcier provoquait une réaction on ne peut plus négative chez notre camarade de voyage. Je n'allais pas le reprocher, les rumeurs et connaissances dont je disposais vis-à-vis de ces gars-là n'étaient pas particulièrement reluisantes ; voie du mal, nécromancie, poisons... que du bel ouvrage.
Le truc c'est que nous étions bien placés pour savoir que les préjugés ont parfois la vie dure et des fondements bancals ; ça ne fait certes pas des intéressés des saints mais ça pousse à relativiser un peu et à laisser sa chance à tout le monde. La chance d'ouvrir la bouche avant de démarrer les hostilités, de les croiser dans une rue sans changer de trottoir, la base des base en matière d'ouverture non-violente.

« Étant donné que notre frère est magicien lui-même... »

Iehisa confirma d'un signe de tête.

« On s'est renseignés à ce sujet, savoir quels étaient les différences, si on risquait pas d'en voir un débarquer un soir pour nous l'enlever par exemple. »

L'idée que les mages invitent les jeunes rejoindre le collège pour raisons de sécurités n'avait échappé à aucun d'entre nous, fort heureusement elle ne semblait pas fondée. Cela ne nous avait pas empêché de rassembler pas mal d'informations.

« Or de ce que nous avons pu apprendre, arrête moi si je me trompe, sorciers et magiciens ont des pouvoirs très similaires mais employés différemment avec une légère variation en matière d'apparence liée... à leur karma je suppose. »

Pas que cette explication ait du sens en soit mais c'était à choisir entre l'effet de mode, la tradition et ça.

« Du coup il n'est pas aberrant de penser que les sorciers disposent d'une variante similaire au feu bleu, ce qui crée donc une possibilité. Nous ignorons tous ici comment se transmet ce pouvoir mais savons qu'il se limite aux seuls magiciens ; or ces derniers sont les mieux placés pour localiser leurs membres aptes à l'employer. »

Étant capables de localiser chaque nouveau magicien pour lui envoyer la fameuse lettre, cette aptitude me semblait parfaitement raisonnable.

« Ce qui me laisse à penser qu'il y a, à l'heure actuelle, deux possibilités : trouver un magicien qui a réussi à se cacher de ses propres congénères, en supposant qu'un tel homme existe et que sa raison soit bonne, ou trouver un sorcier et obtenir de lui le même savoir. »

Je plaçais ma main sur la garde de mon katana.

« Pas nécessairement par la négociation si ça peut te rassurer, la menace marche bien aussi. »

A titre personnel je préférais convaincre, amadouer, voir séduire pour parvenir à mes fins ; ceci dit je n'étais pas idiot au point de croire qu'un sorcier serait prêt à nous rendre ce service juste histoire de savourer l'ironie de la situation (un magicien incinéré grâce à des flammes bleus qu'il aurait aidé à faire naître). Or je n'avais pas particulièrement envie de faire le sale travail d'un quelconque adepte d'un dieu du mal, même si je me doutais qu'intimider un sorcier capable de réussir un tour pareil (réservé à l'élite des magiciens) ne serait pas une partie de plaisir. En fait tout venait surtout d'un point assez ennuyeux : je n'avais aucune autre idée.

« Après si tu as une suggestion à faire je serai ravie de l'entendre. »

Nous n'étions pas du genre à nous laisser arrêter par la folie ou l'imprudence d'un projet, ça se saurait depuis le temps, en revanche, contrairement aux apparences, nous n'étions pas du genre à préférer cette solution à une plus raisonnable pour peu qu'elle parvienne au même résultat. La solution alchimique était possible mais avait un potentiel de ratage un peu trop élevé à mon goût, employer des illusions serait passablement risqué devant une foule de magiciens plus ou moins expérimentés, ils sont dans leur élément après tout. Dans leur... Et pourquoi pas les élémentaires ? Je n'en savais pas grand chose à leur sujet mais, techniquement, ils sont affiliés aux principaux éléments de la vie : terre, air, feu et eau. Était-il possible que l'un d'entre eux soit spécifiquement affilié au feu bleu, ou au moins capable de le manier ? Mais les magiciens n'y auraient-ils pas pensé d'office ? Ça semblait peu probable à moins que... ce ne soit pas possible ou qu'ils ne puissent espérer obtenir l'aide des élémentaires à la manière de celle des sorciers. C'était une possibilité potentiellement moins risquée mais pas forcément plus facile, si elle existait.

Il fallait trouver quelque chose pour avoir le feu bleu et faire la cérémonie des magiciens. J’étais bien accompagnée avec tous ses hommes autour de moi. Je pensais qu’on était trop nombreux pour se balader comme cela dans le territoire des magiciens. Moi, cela me faisait peur, j’avais le cœur qui battait très vite dans ma cage thoracique, j’avais du mal à respirer maintenant, mais je devais contenir cela et de ne pas le faire montrer aux autres. Je pris une grande respiration et ce qui me calma rapidement et bien. Il m’expliqua, avec des pincettes et avec un grand respect des mots qu’il employaient, que les sorciers et les mages blancs avaient des points similaires, même s’ils n’avaient pas la même voie. Là, cela dépassait mes espérances, je ne savais pas où il avait péché cela… Mais cela me faisait peur d’entendre cela. Enfin, je le laissais parler jusqu’au bout sans lui couper la parole pour le contre dire, mais bon, j’étais polie et respectueuse envers les autres. Une fois qu’il avait fini, je le regardais dans les yeux et je pris la parole avec une voix sérieuse :

-Déjà, va falloir que tu vas me dire où tu as trouvé ce genre d’informations, car c’est la première fois que j’entends cela. Je pense qu’il serait préférable de trouver un magicien qui s’est reclus dans le territoire des magiciens, près du lac de transparence. Je pense avoir vu une maison en venant par ici, peut être un magicien y habite et qu’on pourrait lui parler. Parce que je vois mal trouver un sorcier, de lui demander de faire du feu bleu, si cela marche réellement et venir dans les territoires des magiciens. Tu veux te faire tuer ou quoi ? Non, parce que faire venir un sorcier même avec des menaces, cela va être dur sur tous les points.

Je pris une grande respiration et je continuais avec une voix plus calme et moins sérieuse :

-Donc, il serait préférable d’aller voir un magicien, qui sait faire les choses et qui sait maitriser le feu bleu, dans tous les cas. J’espère que cela ne te dérange pas moins, mais je préférè de ne pas créer de problèmes entre les magiciens et le sorciers et de ne pas avoir encore une guerre sur notre dos…

Je continuais d’avancer à cheval avec une allure rapide, nous étions encore loin du lac de transparence où on pouvait trouver un magicien, que j’avais vu sur le chemin, mais je me demandais si c’était vraiment un magicien et non pas un humain ou bien une autre race, comme un sorcier. Je devais faire attention à ce que je devais dire et à ce que je devais faire. Puis, une question me vint à l’esprit rapidement, je ne connaissais pas leur race et j’avais envie d’en savoir plus eux. Je savais qu’un des compagnons était un magicien, un apprenti mais les trois autres alors ? J’étais bien curieuse maintenant :

-Au faite, pendant que j’y pense sur le coup, vous ne m’avez pas dit de quel race vous étiez au juste ? J’aimerais bien le savoir et j’en apprends plus sur vous et sur vos objectifs pour l’avenir dans ce monde chaotique pour le moment …

Je leur souris doucement et j’attendais ce qu’ils allaient me répondre, peut être qu’ils n’avaient pas envie de me répondre, pour ne pas avoir de problèmes après tout cela. Pour ma part, je pariais sur des jeunes élémentals, ou bien des relhas, ou encore des humains. Pour cette dernière, je ne pensais pas que des humains viennent dans des territoires magiques… Et encore moins parler et combattre avec des êtres magiques et puissants. Cela m’inquiétait un peu mais bon, je devais leur faire combattre pour l’instant , pour cette quête de feu bleu. Mais, je ne serais pas prête pour leur dire que j’étais une esprit élémentaire de la glace et je n’aimais pas beaucoup les magiciens et les sorciers, donc c’était un peu compliqué et je n’avais pas envie de m’étaler sur ce sujet pour l’instant.

Je continuais à marcher et nous nous approchions du lac de transparence. Je pus voir la cabane que j’avais remarqué dès le début de mon voyage dans ces terres. Les hommes me suivirent mais j’attendais quelques réflexions venant du chef de la troupe, c'est-à-dire de Yoshihida. Je sentais que cet homme était une personne qui ne se laissait pas faire avec les autres, et qu’il avait de bons arguments à donner aux autres… Nous verrons bien au cours de la quête …

nombre de mots:

La piste du sorcier n'enchantait définitivement pas notre camarade, non pas que je lui en veuille en réalité, mais de manière générale j'ai l'impression qu'elle éprouvait une forme de répulsion à l'égard des jeteurs de sorts, des deux camps. Ça se voyait à peine mais elle avait brièvement tiqué lorsque nous avions mentionné la vraie nature de Iehisa. Je rayais intérieurement cette idée donc. Ceci dit notre cadet avait bien l'intention de répondre aux questions qu'elle posait.

« C'est un magicien de passage à Utopia qui nous a renseignés, comme moi il n'avait jamais été chaud à l'idée d’intégrer leur école et avait appris à manier ses pouvoirs à la dure. Durant ses premières années de pratique il a réalisé que, durant certaines périodes, ses sorts changeaient, devenant plus destructeurs, plus sombres. Ce n'est que très tard qu'il a remarqué les similitudes entre ces périodes et la magie des sorciers ; selon lui tout magicien ou sorcier peut, durant ses premières années, basculer de l'un à l'autre.  »

Ce vieil s'appelait Enamon, il avait vécu deux ans à Utopia et avait aidé Iehisa à maîtriser ses pouvoirs afin de ne pas faire involontairement du mal à ceux qui l'entouraient. De cela nous lui étions tous redevables et nous nous étions efforcés de payer notre dette en l'accueillant chez nous. Lorsqu'il nous quitta finalement se fut pour se faire tuer par une bestiole du désert quelques jours plus tard. Nous lui avions rendu hommage lors d'une veillée funèbre mémorable.

« De fait leurs magies sont très proches et si on excepte les quelques sorts spécifiques à l'un ou l'autre, la nécromancie pour les sorciers par exemple, chaque magie d'un camp à sa version de l'autre camp. De fait rien ne s'oppose à ce qu'un magicien ou un sorcier apprennent de son vis-à-vis.  »

Là c'est Toshihisa qui eut une réaction.

« -Arrête moi si je me trompe mais tu comptes apprendre d'un sorcier ? Forcer un de ces types à exécuter un de nos caprices c'est une chose mais...
-Pas nécessairement de lui directement, un livre de sort marche aussi très bien, même si c'est pas le cas le plus probable. Le savoir n'est pas maléfique en soit, c'est l'usage qu'on en fait qui est déterminant comme le prouve la séparation magicien/sorcier.
-L'ennui c'est qu'une personne enseignant sous la contrainte est parfaitement à même de glisser quelque erreur dans sa leçon et je ne pense pas que tu sois assez doué pour le savoir à l'avance. »

Kaz avait vu juste, même si je sentis Iehisa prêt à répliquer avant de se raviser ; l'affaire semblait entendue sur ce point. Un court silence s'installa, que je décidais de briser pour répondre à l'autre question de Winnie.

« Nous sommes humains, bien que dans le cas de Iehisa ce soit surtout de cœur. »

La très grande majorité de sa vie il l'avait vécu élevé en humain dans une ville humaine, sans personne pour lui rappeler sa condition raciale. Enamon avait été la seule exception mais il lui avait permis de compenser son âge par ses pouvoirs dans nos patrouilles en dehors d'Utopia, rien de grave donc. Nous n'avions aucun mal à nous dire humains, là où la plupart des nôtres avaient presque honte de leur nature, notre assurance passait parfois pour de la provocation.

« Ceci dit j'ai peut-être une nouvelle idée pour résoudre notre affaire, nous cherchons un feu précis n'est-ce pas ? Pourquoi ne pas demander conseil à la source ? Si je me souviens bien les élémentaux sont constitués par nature des éléments constituant notre monde ; nous souffririons d'une sacré malchance si nous ne pouvions pas trouver un élemental de feu à même de nous aider. »

Il y eu un autre instant de flottement.

« -Yoshi ?
-Oui ?
-Tu es au courant que leur capitale se trouve dans la jungle Naga ? »

Je me frappais le front d'une main. Et m*rde ! Nous avions passé des semaines à nous perdre dans cette jungle, plutôt que de la traverser comme il était initialement prévu nous avions fini par nous contenter de la sortie la plus proche. Un vrai calvaire que je n'avais pas particulièrement de revivre. Bon après si la mission l'exigeait je le ferai, mais tout de même. Je me tournais vers Winnie, le regard légèrement implorant :


« Dites moi que vous êtes une élementale du feu ou que je viens d'avoir une très mauvaise idée s'il vous plaît. »

Alors que je leur avais posé des questions sur qu’ils étaient, en termes de races, ils me répondirent rapidement sans la moindre méfiance envers moi. Ils étaient des humains, cela faisait longtemps que je n’avais pas d’humains. Ils étaient si faibles, et ne possédaient aucune magie en eux, à part ce truc qui me faisait flipper lors de certains combats contre eux. Les humains possédaient de l’anti-magie, je ne comprenais pas ce pouvoir, je ne connaissais pas du tout, alors que j’avais lu beaucoup de choses à propos des races, l’anti-magie était une grande énigme. Je connaissais beaucoup de choses sur les races, dans ce monde, mais les humains, je n’avais pas envie de lier quoique ce soit sur eux.

Mais, j’avais promis à Myrialuna d’arrêter ma haine envers eux, mais ce n’était pas facile pour moi, alors que ma famille m’avait traité de monstre et qu’il m’avait exilé dans ce monde, sans vraiment le connaitre. Alors quand je voyais des humains, qui se croyaient plus fort que tout le monde, alors qu’ils ne connaissaient rien sur les autres races qui peuplaient ce monde, je ne pus me contenir pour leur faire mordre la poussière. Les humains n’étaient pas ma tasse de thé, comme les sorciers, et les vampires. Les magiciens, avec leur nature bénéfique comme les fées, ma haine était moindre, mais, je resterais neutre envers eux, je n’avais rien à leur rendre. Je soufflais un bon coup, puis je me reconcentrais sur le fait que nous devions faire cette mission pour le compte des magiciens.

Il fallait faire cette cérémonie coûte que coûte, il nous fallait un magicien dans tous les cas, car seuls les magiciens avaient le feu bleu et moi, élémentale ou eux, humains, nous ne pouvions rien faire pour pour allumer ce feu. J’écoutais ce qu’ils disaient tranquillement entre eux, toujours sur la piste du feu bleu, mais ils allèrent beaucoup trop loin. Des élémentaux ? Non, nous n’avions pas le pouvoir de faire du feu bleu, juste du feu normal, de couleur orange-rouge. Et je remarquais qu’ils étaient allés dans la jungle Naga, la jungle que j’avais trouvé au nord d’Aeden, non pas dans Aeden ! Je devais rectifier cela, mais je ne pus le faire car il m’avait une question encore une fois. Il me demandait si j’étais une élémentale du feu, mais je n’aimais pas son idée qu’il avait derrière la tête. Donc, je pris la parole doucement, mais avec une voix assez sérieuse et dépitée aussi :

-Bon, puisque nous en sommes là, je vous ai menti un peu sur mon identité ! Je ne suis pas Winnie, enfin, je ne me nomme pas Winnie. Je m’appelle Anwen Worthington, ravie ! Je suis bien une élémentale, mais du feu, je suis une élémentale de glace. Je suis un esprit élémentaire de la glace, c’est moi qui protège le temple de la glace. Ce serait sympa de ne pas le dire aux magiciens, sinon je suis morte … De plus, à mon avis, je ne connais pas ton idée, mais je la sens mal. Tu sais, si ton frère de cœur, qui est magicien, a reçu une lettre venant des magiciens hauts placé, cela veut dire qu’il est apte à faire le feu bleu, car il est magicien. C’est à lui d’allumer le feu pour la cérémonie, et non une autre personne extérieure. Des magiciens voient en lui, un magicien assez qualifié pour faire cette cérémonie et qui pourrait devenir une personne assez importante.

Je fis une pause pour reprendre un peu mon souffle, mais je devais mettre en ordre aussi toutes mes idées que j’avais dans ma tête qui se bousculaient un peu. Puis, je repris la parole doucement :

-De plus, les élémentals ne sont pas capable de produire le feu bleu. Puis, la Jungle Naga se trouve au Nord d’Aeden… J’aime beaucoup ce lieu en fait !

Voilà, j’avais dit tout ce que j’avais dans ma petite tête. Ce que j’avais dit était clair pour moi ! Son frère, le magicien, devait allumer le feu bleu pour la cérémonie et personne d’autre que lui. Le frère devait montrer aux autres magiciens, qu’il faisait bien parti de cette race. Je respirais un bon coup et j’attendais leur réaction à mon long monologue. J’espérais qu’ils avaient compris ce que je leur avais dit…

nombre de mots:

Une fois de plus la surprise venait de s'inviter dans mon quotidien, notre camarade de voyage était réellement une élémentale. Ce genre de coïncidences étranges a souvent le don de me faire marrer, intérieurement le plus souvent, mais dans le cas présent il nous rendait service ou, pour être plus précis, plutôt nous évitait de perdre du temps. Car malheureusement ma supposition c'était avérée fausse, le feu bleu semblait être une spécificité des magiciens et rien ne le rattachait aux élémentaux. Tant pis.

« N'ai rien à craindre Anwen, ton secret est gardé, nous ne connaissons que trop bien les problèmes que peuvent causer les relations entre les peuples. »

Façon polie de dire que les différentes races de ce monde étaient percluses de préjugés plus ou moins négatifs pouvant amener à des actions néfastes contre la minorité du moment. Je ne vais pas me prétendre sain : je ne suis pas mieux question préjugés, j'en ai une palanquée dans mon crâne et j'en suis pas particulièrement fier. Mais vu la situation des humains mieux valait, par pragmatisme, jouer les bons samaritains et encaisser sans broncher ; avec un peu de chance on pouvait marquer quelques esprits et changer deux, trois opinions. Oui je sais, c'est beau de rêver.

« Cela dit, même si notre passif est plus modeste que le tien à n'en pas douter... »

J'ignorais qu'elle était réellement l'importance hiérarchique d'un gardien du temple de la glace mais je pense pouvoir dire sans trop me tromper que c'est supérieur à ex-milicien.

« -Nous ne sommes pas là pour cette histoire de lettre, on l'a reçue il y a des années et tout ce dont elle parlait c'était de suivre un apprentissage ici ; elle aurait bien pu être envoyé par le dernier des scribes pour ce que nous en savons. Je serais tenté de dire que notre présence ici est une coïncidence plus qu'autre chose.
-Mais elle a raison sur un point Yoshi : je devrai pouvoir le faire. Quand j'y réfléchis ce sort n'a pas l'air très compliqué en soit, il y a bien pire de ce que j'ai pu voir, juste restreint dans son accès pour cause de tradition.
-Ce qui implique que nous te trouvions tout de même quelqu'un pour t'apprendre.
-Mais qui devrait prendre moins de temps au magicien qui lui enseignerait que de faire l'aller retour non ? Et puis vu que Iehisa ne fait techniquement pas partie des institutions, je suppose qu'il pourrait trouver une manière de justifier l'écart à la tradition. Non ? »

Certes. D'un autre côté c'est pas comme si j'avais beaucoup mieux à proposer de toute manière. Je fis un signe de tête pour signifier mon accord, va pour un professeur ! Restait cependant la difficile question de le trouver, ça devrait être beaucoup moins délicat que mes autres idées mais, ne connaissant rien à la politique des magiciens, difficile de savoir où pouvait se trouver les plus éminents d'entre eux.

« Anwen, si ton peuple est en mauvais termes avec les magiciens, je suppose qu'ils doivent les observer attentivement, tu aurais une idée d'un coin où nous pourrions commencer les recherches ? »

Dans le pire des cas on en reviendrait à la méthode ancestrale : on se renseigne et on cherche.

« Si tu me permets cependant une question : si les magiciens sont à ce point dangereux pour toi, qu'est-ce qui t'as poussé à venir jusqu'ici et travailler pour eux ? Je comprendrais que tu refuses de me répondre mais il fallait au moins que je la pose. »

Les réponses les plus évidentes étaient de l'ordre de l'espionnage et du renseignement, d'où ma question précédente, mais on pouvait aussi y voir un moyen de vaincre une ancienne peur en fréquentant l'objet de cette phobie. Mais là c'était du domaine du personnel.

« J'aime beaucoup la jungle Naga pour ma part ; ça change vraiment du désert. Si nous le traversons pas pour aller à Aeden un jour, ce serait bien d'y faire un crochet. »

Regard collectif interloqué. Kazuhisa nous regarda, l'air gêné, sans se départir de son sourire franc.

« Mais vu les conditions de notre dernier séjour... je pense que je saurai mieux apprécier l'endroit avec un guide et un peu de calme.  »


Légers soupirs de soulagement, nous avions bien vécu la même chose finalement. La jungle Naga n'était bien sûr pas le pire endroit que nous avions visité, juste celui avec lequel le voyage avait le plus laborieux.

Je lui avais dit le fond de ma pensée et qui j’étais réellement dans ce monde, je n’aimais pas cacher mon identité, mais parfois j’étais obligée de le faire pour mon bien et à cause de mon titre. Enfin, je revins à la réalité et il fallait encore trouver une personne, un magicien qui pouvait enseigner à l’un des frères, Iehisa, qui était un jeune magicien. Je ne connaissais pas beaucoup de choses sur les magiciens, mais je savais que dans tous les cas, la magie bleue était dans leur veine et qu’il pouvait l’utiliser naturellement, sans faire d’effort. Mais, si le jeune homme m’avait jamais utilisé ses pouvoirs ou bien comprit qu’il avait déjà la magie bleue dans ses veines, je pensais que ce serait compliqué pour la suite des évènements. Mais j’avais l’impression que ces frères n’étaient pas chauds qu’on le laisse faire comme il le voulait. C’était un magicien et même s’il n’était pas dans la race en elle-même, il faisait quand même parti des magiciens. De toute façon, les magiciens avaient des yeux partout sur les terres du Yin&Yang.

Il avait un bon comité au niveau de l’espionnage, il fallait faire attention à ce qu’on disait dans les tavernes ou bien lorsque nous étions sur leur territoire, car il avait beaucoup d’espions et donc les informations affluaient rapidement à la reine des Magiciens. Je ne connaissais pas beaucoup de choses sur cette reine, je ne connaissais que son nom, Edwina. Je savais qu’Erine lui avait déjà parlé une fois, lors de l’avènement du printemps. Mais bon, je ne lui avais jamais parlé avec elle, mais je savais qu’elle était intelligence et très bonne en magie de même. Il ne fallait pas se mesurer contre elle, sinon vous étiez fini en quelques secondes. Puis, les hommes qui étaient avec moi pour trouver une solution me posèrent des questions sur mon identité et sur le fait que j’étais sur le territoire des magiciens aujourd’hui. Je leur souris et je pris une voix calme et posée pour répondre à leur question :

-Le problème est tant qu’il y a beaucoup de magiciens autour du lac de transparences, qui s’entraine ou qui se repose. Nous avons le choix, mais il faut bien choisir. De plus, je ne connais pas bien ce territoire des magiciens, c’est la première fois que je vienne dans leur territoire. Je suis venue ici, car je commence en avoir marre de respecter la hiérarchie. Cela fait longtemps que je suis élémentale, j’adore mon peuple, mais j’en ai marre qu’on me donne des ordres. J’ai envie de découvrir tous les peuples, de les comprendre, j’ai envie de voyager… Mais il est difficile lorsque nous sommes Esprit élémentaire. Il faut respecter la reine, et les engagements que nous avons pris envers elle lors de la cérémonie. Je la respecte beaucoup ma reine, mais parfois, j’ai envie de découvrir autre chose qu’Aeden et le berceau cristallin. J’ai besoin d’apprendre et accumuler mes connaissances. J’ai envie de devenir une affranchis, de quitter mes fonctions. Mais qu’est que je deviendrais après ? C’est ça qui me pose problème et je ne sais pas quel sera mon futur en faisant cela ? Je sais bien que les magiciens sont nos ennemis depuis la nuit des temps. Mais j’aime beaucoup leur territoire !

Je fis une pause dans mon monologue… Mais je n’avais rien à dire de plus pour le moment. C’était un peu compliqué dans ma tête, moi aussi. J’avais peur du futur et de ce que j’allais devenir prochainement. Je n’avais pas de projet dans mon esprit, il fallait que je réfléchisse sérieusement à ce que j’allais faire… Je soufflais un bon coup et je repris la parole doucement :

-Pour la jungle Naga, c’est moi qui est découvert et créé ce centre spécifique aux élémentals. Le centre d’entrainement est parfait pour développer et maitriser les différents éléments. Je sais bien que cette jungle est dangereuse et spéciale aussi. Il m’arrive de me perdre dans cette jungle et de me faire surprendre par certains combattants de la jungle. Mais je l’aime beaucoup ! Bon, venez, il faut se dépêcher avant que cela ne soit trop tard après pour la cérémonie.

Oui il était vrai que j’aime beaucoup cette jungle qui était loin de tout. J’adorais me promener tranquillement dans ce lieu à flâner comme un oiseau et ne rien penser. Etre tranquille …

nombre de mots:

L'envie de voir le monde malgré le danger ? C'était une motivation que je pouvais comprendre, et respecter. Il est vrai que les terres des magiciens étaient d'une grande beauté, ce lac immense et cette végétation luxuriante... j'avais crains, quand on m'en parlait de n'y voir qu'une débauche d'eau et de verdure, en totale opposition avec notre bon vieux désert, mais fort heureusement il n'en fut rien. Ce lieu était une oasis géante avec tout ce que ça pouvait avoir de positif. Je pourrais faire ma vie dans un coin comme ça.
En parlant de vie Anwen nous faisait part de ses projets de vie, elle semblait lassée des responsabilités que lui imposait sa charge, son peuple, sa hiérarchie. On sentait encore toute la fouge de la jeunesse, tout cette envie de faire bouger les choses, de les découvrir... mais paralysée par la bonne vieille logique de l'âge. C'est bien beau de partir comme ça mais après ? Quand la jeunesse est à son apogée on ne se pose jamais la question, on avise le moment venu, et encore. Avec le temps on se rappelle qu'aviser n'est pas toujours la meilleure des solutions.

« Je pense que tu arrives à un tournant de ta vie, es-tu prête à ce que cette charge soit tienne jusqu'à la fin ? Arriveras-tu à gérer les regrets de ne pas être parti ? »

On en croisait des gens comme ça, vieux et aigris d'avoir hésité par prudence pour ne conserver que les regrets. Partir vous apporter souvent votre lot de mauvais souvenirs mais rester impliquait de supporter le mal-être toute sa vie.

« As-tu pensé à la vie de diplomate ? Voyager à travers le monde pour être le lien entre les peuples ; la description est certes idéaliste mais ça assure de voyager tout en servant son pays. »

Dans la théorie en tout cas, j'ignorais tout de la pratique. Cela dit ça restait un bon moyen de concilier envie de voyager avec servir son peuple ; l'espion avait à peu de choses prêt le même rôle, quand les fonctions ne se cumulaient pas, mais la vie était assurément moins paisible.

« Peut-être une petite cause ? Le genre irréalisable ou infinissable mais qui t'accroche quand même. »

Pour certains c'était le premier enfant qui donnait un nouveau sens à votre vie, pour d'autres c'était la redécouverte d'un passé oublié, l'acceptation d'un concept... les possibilités étaient infinies et on mourrait souvent sans regret. Seule exception : quant cet idéal vous échappait définitivement, mais c'était rare.

« Je suis tout à fait d'accord avec cette déclaration. »

Qui c'était ça ? Et d'où ça venait ? Je regardais en direction de la voix et vit un vieil homme debout à quelques mètres de nous, assis prêt du lac, un carnet de croquis à la main. Au deuxième regard je compris que c'était un magicien (super déduction) mais pas le genre vieux fou ; ses cheveux courts étaient bien taillés et sa barbe rasée, presque un imberbe, ses vêtements blancs et bleus étaient bien entretenus malgré l’humidité. Je me penchais sur ma selle et lui lança :

« C'est toujours plaisir d'être soutenu mais on peut savoir par qui ? »

L'homme se releva et épousseta le devant de sa tunique.

« André Balthazar Lessenis, premier du nom, membre attitré de la famille Lessenis et surtout : chercheur. »

Sympan ! Quel étalage. C'était quoi les Lessenis ? Un genre de noblesse issu des magiciens ?

« Ceci dit je vous serai gré de ne pas le crier trop fort, je crains que les miens ne soient pas en odeur de sainteté ici. »

Alors pourquoi diable venait-il de nous donner son nom ? Par politesse ?

« -Si ça ne vous dérange pas on pourrait savoir pourquoi ?
-Ma famille n'a pas une excellente réputation ; entre autre parce que nous avons tendance à privilégier notre propre quête aux querelles politiques des magiciens. »

Je doutais sincèrement qu'un simple désintérêt puisse... D'un autre côté il ne semblait pas particulièrement se cacher.

« Et si vous vous posez la question notre quête c'est la compréhension du monde. »

Il nous fit un petit sourire en montrant son carnet, lequel était recouvert de croquis annotés de ce que je supposais être la faune locale.

« Yoshihisa »




HRP : Désolé pour le retard et le manque d'inspiration.

Nous marchions dans les terres des magiciens, et je ne pouvais pas m’empêcher de tout regarder autour de moi. Franchement, ces terres étaient bien plus luxuriantes pour celle d’Aeden. Le soleil était au rendez-vous et je me sentais bien à ce moment-là. Si je n’étais pas chargée d’une quête, je pense que je pourrais rester près du lac de transparence pour profiter du soleil et de cette douce brise qui venait me caresser mon visage et mes cheveux. Nous devions trouver un magicien au bord du lac pour nous aider à faire cette cérémonie pour les magiciens. J’avais dit aux humains ce que je voulais faire plus tard, quels étaient mes projets et Yoshihisa m’écouta attentivement et répliqua aussitôt. Il n’avait pas tort par rapport à ce qu’il me disait sur le regret mais cela faisait trop longtemps que j’étais comme cela, à ne rien faire et à ne plus évoluer comme je le voulais réellement. Une vie de diplomate ? Voyager dans le monde ? Mais même ce poste était bien trop compliqué à faire avec la politique de notre terre. Nous n’avions pas tous les droits pour voyager et parler aux autres peuples de notre terre. Puis je le répondis avec une voix remplit de tristesse mais qui reflétait ce que je ressentais aujourd’hui :

-Yoshihisa, même si être diplomate, voyager à travers le monde, c’est bien beau mais ce n’est pas possible, car je ne pourrais pas rencontrer tous les peuples que je le voudrais comme par exemple les magiciens ou les vampires. Certaines choses ne changeront jamais, même une personne veut détruire toutes les barrières et toutes les lois qui nous les empêchent, mais il y aura toujours une personne ou un groupe qui diront que ce n’est pas possible et que c’était mieux avant… C’est pour cela que je veux partir … Voir et parler qui je souhaite sans me soucier si je vais provoquer une guerre entre deux peuples.

Yoshihisa me demanda si j’avais une cause juste que je pouvais essayer d’atteindre mais pour l’instant je n’avais rien de spécial en tête… Puis un homme nous interrompra dans notre conversation, mais nous pouvions pu savoir qu’il était un magicien venant d’une grande maison mais qui n’avait pas de bonnes réputations au sein des autres grandes familles de magiciens. Cet homme nous disait qu’il avait sa propre quête, celui de la compréhension du monde. Alors là c’était vraiment une question qui n’avait pas de réponses, enfin pour le moment. Personne ne comprenait réellement l’esprit de notre monde et comment il régissait. Puis je pris la parole pour me présenter un peu, mais aussi pour savoir s’il pouvait nous aider dans notre quête pour la cérémonie :

-Bonjour, je m’appelle Anwen, ravie de vous rencontrer monsieur. Est que cela vous dérange si vous pouvez nous rendre un petit service ?

-Quel genre de service ? Je suis un magicien, et mon devoir, si j’ai le temps, est d’aider les autres dans leur problème, alors dites-moi tout.

-Bien monsieur ! Des hauts-magiciens nous ont demandé de réaliser une certaine cérémonie pour les magiciens, celui de la purification par le feu bleu. Donc nous devons trouver une personne assez puissante pour créer du feu bleu et pour pouvoir réaliser cette fête célèbre.

-Hum je vois et je comprends bien, mais vous n’avez pas un magicien dans votre groupe qui peut créer de la magie bleu ?

-Si bien sûr que nous avons un magicien, mais il est peu expérimentée et trop jeune pour comprendre comment cela marche. Donc nous avons besoin d’une personne comme vous pour pouvoir créer ce feu majestueux. S’il vous plait, nous avons besoin de votre aide pour cette quête qui est complexe pour nous qui nous ne sommes pas des magiciens.

L’homme réfléchit attentivement à notre proposition, mais pour l’instant il ne nous donna aucune réponse. Je comprenais bien qu’il n’était pas aimé par les autres grandes familles magiciennes, mais c’était une bonne opportunité pour rétablir des liens avec ces magiciens et leur faire comprendre qu’il était aussi productif qu’eux mais sur un autre thème de la connaissance. Rah, je ne savais pas quoi lui dire d’autres pour nous aider et je n’étais pas une si bonne oratrice pour essayer de convaincre d’autres personnes. Franchement, il fallait que je fasse quelque chose à propos de cela. Je le regardais dans les yeux et l’homme réfléchissait encore à ce qu’il allait faire pour nous aider dans notre quête.

nombre de mots:

Le magicien prit quelques instants pour réfléchir à la question d'Anwen avant qu'un large sourire ne vienne éclairer son visage ; il fit craquer ses jointures avant de déclarer d'une voix amusée :

« Même s'il est probable que ça ne s'ébruite pas l'idée que la bonne tenue d'une cérémonie ait pu dépendre d'un Lessenis est délicieuse. Alors soyez tranquilles, je vais vous aider. »

Il retroussa ses manches et fit signe à Iehisa de s'approcher, ce que ce dernier fit après un instant d'hésitation.

« Manipuler un élément brut est quelque chose de difficile, surtout pour un élément délicat à comprendre comme dans le cas du feu bleu, mais l'invoquer est très facile pour peu qu'on sache comment faire. Et c'est précisément ce que je vais t'apprendre mon garçon. »

Il commença à tracer un cercle sur le sol, ainsi que certains glyphes ; il procédait rapidement et avec une grande précision, il ne s'y reprit jamais à deux fois et ne se déconcentra même pas lorsque Iehisa, légèrement perplexe, lui demanda:

« Excusez moi... mais vous c'est un cercle d'invocation que vous êtes en train de tracer non ?  »

L'ancien acquiesça d'un hochement de tête sans cesser son manège.

« Mais l'invocation d'un élémentaire requiert un plus grand niveau de maîtrise, ne serait-ce que pour éviter de le lâcher dans la nature. »

Là on entrait dans le jargon technique, en dehors de mon champ de compétence. André s'était relevé et, à son regard malicieux, je compris qu'il avait espéré cette remarque pour pouvoir expliquer sa manière de procédé. Accrochez-vous.
Selon lui manipuler un élément requérait de savoir où le trouver, puis de l'invoquer, de doser l'invocation, de se protéger de l'élément en question, d'en prendre le contrôle pour parvenir à l'employer et éventuellement se concentrer pour outrepasser les talents du mage adverse, le cas échéant bien sûr. A l'inverse invoquer un élémentaire se résumait à trouver, invoquer et se protéger, c'était les seules choses réellement nécessaires pour que le sort soit utile dans la plupart des circonstances. D'après lui l'élémentaire serait naturellement furieux d'être sorti de chez lui et dévasteraient tout ce qu'il pourrait, fournissant ainsi le précieux feu bleu ; l'important était donc de bien désigner la zone à ne pas brûler.

« -Or les glyphes de protection sont une base pour la magie, ça fait partie des premières choses qu'on apprend, à raison d'ailleurs.
-Si ça marche mieux pourquoi personne ne commence par là ?
-Parce que l'invocation est un art qui ne souffre d'aucune approximation et qu'il suffit d'un apprenti distrait pour relâcher un élémentaire dans la nature, ce qui est bien plus ennuyeux qu'une boule de feu perdue. Ensuite parce que je soupçonne les premiers magiciens d'avoir découvert le feu par hasard au gré de leurs manipulations d'un feu plus classique ; du coup ils enseignent de la même manière. Et peut-être aussi veulent-ils éviter que tout le monde puisse en invoquer.
-Et vous ne pensez pas que je pourrai être du genre étourdi ?
-S'il n'y a personne là-bas pour surveiller ton invocation ils ont sacrément baissé par rapport à avant ; pour le reste ce serait à toi de juger de tes capacités, ce que tu fais déjà puisque tu ne fais pas partie de l'institution. »

On aurait pu croire à un reproche mais en réalité le magicien avait juste émis un simple constat, il ne jugeait pas. Je l'interpellais :

« Vous n'avez pas envie qu'on parle en votre faveur auprès d'eux ? »

Il secoua la tête, un sourire résigné aux lèvres.

« Cela ne me serait utile que si je cherchais leur pardon, ou leur acceptation ; or je ne pourrais l'obtenir qu'en reniant ma famille et je ne le ferai pour rien au monde. Qu'importe ma situation ou leur petite fierté ; la quête de la connaissance a plus d'importance. »

Il s'accroupit devant son cercle terminé et commença à pointer du doigt certains symboles, expliquant leur signification à Iehisa, détaillant leur importance... cela risquait de prendre un peu de temps et nous en profitâmes pour casser une graine. Ignorant si Anwen avait de quoi passer le temps je lui proposais de se joindre à nous :

« J'ai une petite bouteille si ça vous intéresse, ne vous attendez pas à un cru par contre. »


Pain, viande séchée et alcool léger ; tout un programme.



731 mots

Au total l'apprentissage du rituel pris deux bonnes heures, mais elles ne portèrent pas que sur ce sujet ; je soupçonnais André de rappeler à Iehisa son vieux mentor, autant dire que notre cadet le harcelait de questions diverses et variées sur la pratique de la magie. Il n'avait pas beaucoup d'occasions de discuter de ce sujet, nous n'en avions que quelques vagues connaissances théoriques, et le vieux mage semblait ravi de pouvoir enseigner une parcelle de son savoir ; nous fîmes donc le choix de la patience. Kaz retourna à ses écrits, Toshi en profita pour prendre un peu de repos, quant à moi je profitais de ce répit pour m'essayer à la pêche, une vague tentative qui tint plus de l'excuse à la farniente pour être honnête.
Finalement Iehisa prit congé d'André, non sans regret de ce que je pus en voir, et vint tirer Kaz de ses réflexions, lequel nous fit à son tour comprendre qu'il était temps de reprendre la route. J'étouffais un bâillement avec quelques difficultés, rangeais mon matériel et me remis en selle, suivis par Toshihisa que sa sieste avait sérieusement ralenti. Ensemble nous reprîmes la route en direction de l'académie, un voyage de retour sans la moindre encombre, en plein cœur du territoire des magiciens l'inverse aurait été particulièrement inquiétant. Arrivés en soirée, trop tard pour que la cérémonie se tienne aujourd'hui, les magiciens nous offrirent le gîte dans l’aile des invités.
Personnellement cette histoire s'est arrêtée ici.


Fallait leur reconnaître qu'ils savaient recevoir ces mages ; j'avais mieux mangé ici que durant une bonne partie de mon enfance, et encore je ne parlais pas de la chambre, elle tenait plus du dortoir en réalité mais entre le balcon et la qualité des lits. Yoshihisa s'était effondré sur son lit sans intention de le quitter avant un bon moment et j'avais croisé Toshihisa un peu plus tôt alors qu'il lorgnait du côté d'une jolie brune avec laquelle il avait dîné. Quant à Iehisa... Un de mes sourcils se dressa alors que je réalisais que j'ignorais où se trouvait notre cadet. Je me relevais et le cherchais des yeux dans la chambre, il n'était pas là. Des images de conspiration, de kidnappings et d'histoires toutes plus ridicules les unes que les autres me vinrent à l'esprit.
Par réflexe je me dirigeais vers le balcon et me figeais en observant les reflets de la lune sur les eaux du lac ; j'aurais aimé être un peintre ou qu'il existe un moyen de conserver cette image dans toute sa splendeur. Je sais que pour certains le caractère éphémère renforce la beauté mais je n'en faisais pas partie ; il existait assez d'images de beauté pour qu'aucune ne perde sa valeur par sa durée.
J'aperçus, adossé à la rambarde du balcon, Iehisa, en pleine contemplation ; je m'approchais, croisais à mon tour les bras sur la pierre et attendis qu'il parle le premier.

« Tu penses que j'ai fait le bon choix en refusant de venir ici ? Quand je regarde ce que j'ai accompli... ce qu'ils accomplissent ici... »

Toujours le même problème pour le cadet que de distinguer de ses frères, d'avoir ses propres exploits. Iehisa voyait ses réalisations comme étant celles du groupe et naturelles, il n'envisageait pas un seul instant que son absence aurait pu entraîner la mort de l'un d'entre nous. Pour lui nous étions immortels, pas invincibles mais immortels, nos dons, notre bonne étoile... c'était ça qui veillait sur nous plus que ses idées.
Je lui caressais donc la tête de la main en répondant.

« Personne ici ne t'aurais laissé partir, même maintenant ; tu crois qu'on t'aurait attendu aussi longtemps ? T'as peut-être pas fait le meilleur choix vis-à-vis de tes pouvoirs mais est-ce que tu regrettes ce que tu as fait à la place ? »

Un sourire aux lèvres il secoua la tête ; en dépit de son âpreté aucun d'entre nous n'avait eu réellement à se plaindre de sa vie, nous y avions trouvé bien plus de joie que de peines, tout niveaux confondus.

« De toute façon t'as encore beaucoup trop d'années devant toi pour commencer à t'empoisonner l'existence avec des regrets ; attends d'être vieux pour ça. D'ici là rappellent toi sur qui comptent toutes les personnes présentes ici pour leur cérémonie de demain, ça te fera du bien pour l'égo. »

Il me rendit un vrai sourire, toute trace introspection disparue. La cérémonie de demain serait un vrai succès.



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