Itak ignora les véhémences de son adversaire improvisé. A vrai dire, son esprit n'accorda aucune attention aux protestations orales qui retentirent. Actuellement, il brûlait d'envie de finir ce qui avait été commencé, de réparer l'injustice. Le combat fut toutefois moins convenable que prévu. Convenable, c'était quand l'adversaire n'était pas trop rapide à combattre, mais pas débordant de puissance non plus. Mais malheureusement l'état de fatigue induit par les jours passées en cellule affaiblissait le bélua, qui voyait chaque coup comme un obstacle horrible et insurmontable. Il n'en démordait pas pour autant et aidé par sa camarade et par son chat -qui lui, brillait d'une forme meurtrière- ils vinrent doucement mais sûrement à bout de leur victime. Il fallait toujours un Grand Méchant dans les histoires d'Itak. Quelqu'un sur qui il puisse rejeter la faute, le mal et qu'il pouvait punir par la force afin de restaurer l'ordre. Son schéma de pensée était celui d'un simplet qui n'avait pas évolué depuis ses six ans quand il écoutait les contes de fée lus par son grand-frère Jiang-Li. Et il s'en vantait, croyant là prouver au monde qu'il était sur la voix des héros, de ceux qui allaient sauver la Veuve et l'Orphelin !

Le visage et le corps aussi ensanglanté que le cadavre à ses pieds, couvert de poussière, paille et autres résidus, Itak
se releva complétement hagard et essoufflé. Ce fut Carnage qui attrapa au vol les clés gentiment lancées comme s'il s'agissait là d'un jeu. Titubant jusqu'à la cage, Itak montra ses crocs pour répondre à la Bête. Il rit, lui tapota le museau et lui vit un véritable câlin, trop stupide pour penser qu'il risquait peut-être de se faire déchiqueter sur place. "Ma puce... C'est fini. Tu es libre maintenant." souffla-t-il avec une tendresse éblouissante après la démonstration de violence qu'il venait d'afficher. Le bélua ouvrit entièrement la cage afin que la Bête puisse sortir. Il y avait de nombreuses traces de fouets sur le corps de cette dernière qui firent horriblement grimacer le blond. Trop sensible au malheur de ses congénères, il fit grise mine et tenta de chercher de la nourriture fraiche pour l'animal. Carnage -qui s'était jusqu'alors occupé à manger le cadavre encore bien chaud de l'ancien Maître- l'amena hors du hangar, près du chenil des chiens où le blond vola des quartiers de viande pour les ramener à la Bête. Une lueur d'intelligence brillait dans les yeux de cette dernière, même si chacun de ses gestes étaient sauvages et brutes.

Itak aurait voulu la brosser, la faire dormir dans un endroit confortable, l'amener avec lui conquérir montagnes et vallées... Mais elle sembla être plus intelligente que lui et s'écarta vivement, disparaissant à travers la porte entre-ouverte du bâtiment puis dans la nuit, probablement en direction des bas-fond de la ville, là où la Garde se souciait plus de la vermine humaine qui y trainait que des bêtes qui passaient pour s'éloigner dans les bois aux limites de la ville. Le blond fronça les sourcils devant se départ si brusque. Toutefois, il était heureux d'avoir pu libérer cette pauvre âme. Avec un air de satisfaction profonde, il dévisagea la jeune femme qui l'avait aidé pour une raison obscure dont il se souciait peu. Dans ses yeux, on pouvait lire "On les a bien défoncé, bien fait pour leur gueule !" Lorsque la sorcière s'effaça dans l'aube, le bélua en fit de même.

Il descendit tout droit, là où on pouvait voir l'Océan au loin quand l'horizon n'était pas bloqué par les étages d'un immeuble. Finissant par arriver sur le port, il vanta ses qualité à la hache au premier marin qu'il croisa, expliquant vaguement qu'il pourrait ainsi les protéger des nombreux pirates en échange du voyage. Dans son accoutrement peu convainquant -il avait gardé le châle de la jeune femme- Itak dut faire une démonstration technique pour convaincre son interlocuteur. Le bélua jetait de vifs regards en direction des ruelles, vérifiant que la Garde n'était pas encore venue jusque là. Par miracle, on l'accepta sur le bateau sans lui demander plus de détails sur la raison de son départ. Les marins marchands n'appartenaient pas à cette ville ne particulier et se fichaient de connaître le casier judiciaire des mercenaires embauchés. La menace des pirates étant bien effectivement très présente, une arme de plus contre presque rien n'était pas de refus.