« Elias ? ». Je levai les yeux de mon journal, regardant la jeune femme qui venait d'apparaître dans l'embrasure de la porte. Mon regard l'admira un instant. Elle attendait mon aval pour entrer dans la pièce. Lentement, je refermai le livre. Le cuir était un peu usé, ce qui indiquait que cela faisait plusieurs années que cet ouvrage existait. Il avait été malmené par divers voyages à travers le monde, pas toujours sans danger. Avec mon pouce et mon index, j'attrapai la cordelette, l'enroulant autour d'une sorte de vice, afin de sceller l'ouvrage. J'aimais relire mes écrits passés, les peaufiner, leur donner un nouveau sens. En grandissant, j'avais changé de point de vue sur beaucoup de choses. « Que me veux-tu, Héléna ? ». Il y eut un petit silence, de quoi laisser le temps à un chat noir de faire son entrée, montant sur mes genoux sans la moindre pudeur ni la moindre peur. Il n'y avait bien que lui pour être aussi insouciant. Je passai ma main dans son pelage, tranquillement, fixant ses deux iris jaunes qui me regardaient d'un air impétueux. Les chats avaient cette particularité de ne jamais se considérer inférieurs. Qu'importe qui se trouvait devant eux, ils semblaient toujours les maîtres. Ils donnaient cette impression de contrôle que j'avais appris à aimer avec le temps. Le ronronnement ne tarda pas à arriver, ce qui eut l'avantage d'éclairer mon visage normalement si sérieux d'un sourire. Héléna s'avança, ayant compris avec mon commentaire précédent qu'elle avait acquis l'autorisation d'entrer. Sans bruit, elle vint s'asseoir au pied de ma chaise. A genoux, elle posa une main sur ma cuisse. « Je me demandais ce que vous aviez l'attention de faire à présent... ». Je pris une inspiration, calme, mesurée. Mon regard croisa de nouveau le sien alors que ma main s'avançait vers le visage de la jeune femme. Je caressai l'une de ses joues avant de remonter vers son oreille. Mes doigts passèrent dans ses cheveux, les agrippant avec cette même langueur. Je lisais dans ses yeux qu'elle avait soudain légèrement peur. Elle craignait que je ne devienne violent et jamais lire le doute dans son regard. Je souris, approchant mes lèvres de son oreille. « Je vais brûler ce monde, séparer les enfants de leurs parents, répandre les pires épidémies de ces dernières ères dans les grandes villes. Je vais calciner les penseurs, réduire en poussière la race humaine. Je vais torturer tous ceux qui oseront me lancer un regard qui ne plaira pas. Je vais la faire réapparaître, la baiser à n'en plus pouvoir, sous l'éclat de la lune noire. Je vais faire de l'enfer une terre de paix et d'harmonie comparativement à ce que seront devenues les terres entières. ». Je m'écartai de son visage, lâchant l'emprise que j'avais sur sa chevelure. Le chat comprit que j'allais me lever. Il bondit élégamment sur mon bureau, semblant soudain agacé. Je lui souris avant de m'exécuter. Une fois debout, je fis quelques pas vers une baie vitrée, l'ouvrant pour sortir sur le balcon. Il faisait nuit et, pour le moment, tous dormaient sur leurs deux oreilles. Ce n'était qu'une question de temps.

« Professeur Paiberym ? ». Kaahl leva les yeux vers une élève qui avait le doigt levé en l'air. « Oui ? ». « Je ne comprends pas vraiment comment les Sorciers ont pu perdre si facilement... Ça ne leur ressemble pas vraiment. ». Le jeune homme sourit. « Disons simplement qu'ils n'étaient pas assez préparés. Leur orgueil et les préjugés qu'ils pouvaient avoir sur le peuple Ondin ont pris l'ascendance sur la prudence qu'ils se devaient d'avoir. En se précipitant, sans prendre les mesures adéquates, ils ont couru à leur perte. ». Le silence s'installa avant qu'il ne demande. « Et toi, qu'aurais-tu fait ? ». « Je ne sais pas trop... Je ne suis pas experte en stratégie, contrairement à vous. ». « C'est gentil mais je débute seulement. Il n'y a pas si longtemps, j'étais assis à ta place. Je suis sûr que tu as les capacités de trouver quelque chose. Ce n'est pas grave si tu te trompes. L'on commence tous un jour et c'est en réfléchissant, un peu plus chaque jour, que l'on arrive à ses fins. ». « J'aurai peut-être... ensorcelé des ennemis tiers pour les amener sur la plage en premier, observer et attaquer véritablement après l'intervention de la Dévoreuse. ». « C'est pas mal. ». « Et vous, qu'en pensez-vous ? ». « Moi ? J'aurai sans doute empoisonné l'océan. ».

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