Le non avait eu un effet dévastateur sur Séléna qui se dit qu'elle avait encore commis un impaire. D'un côté, elle fut soulagée, de l'autre, un peu déçue. Elle ne savait pas réellement pourquoi, sans doute parce qu'elle s'était imaginée pouvoir enterrer ainsi la hache de guerre. Il n'avait même pas ouvert les yeux, même pas aperçu le couteau. Avait-il si peu peur d'elle ? Après un moment où elle chercha à dire quelque chose sans y parvenir, elle tourna les talons et alla se replacer dans le lit. Fixant le plafond, elle garda le couteau dans sa main, si jamais il changeait d'avis ou avait, de nouveau, un comportement inapproprié. Elle commençait à se dire que, peut-être, cet homme marchait par pulsions. Un peu plus rassurée au bout d'une dizaine de minutes, elle se plut à imaginer Shizuo au Manoir. Il se ferait battre par sa préceptrice, c'était certain. Peut-être même qu'il aurait peur d'elle et qu'elle réussirait à lui inculquer quelques notions de bonnes manières ? Séléna se mit à sourire, de plus en plus détendue, jusqu'à ce que ses paupières deviennent trop lourdes pour qu'elle puisse les garder ouvertes. Elle se le promettait, elle ne dormirait pas... elle n'avait pas confiance. Cette promesse partit en fumée quelques minutes après, sa respiration, plus calme et profonde, résonnant faiblement dans la pièce. Elle ne se rendit pas compte du manège de l'homme. Aussi, quand elle se réveilla, le jour n'était pas encore levé. Elle se redressa, regardant vers le tapis. Il n'était pas là. Elle se leva, cherchant partout dans la chambre. Il n'était ni sous le lit, ni dans l'armoire. Elle s'appuya doucement contre un mur, soupirant. Il était parti.

Il y eut un petit silence puis Séléna fut prise d'une sorte de frénésie. Il était parti mais il pouvait aussi revenir. Elle ignorait quelle heure il était mais en partant du principe qu'elle était arrivée tard, l'aube n'allait sans doute pas tarder à se lever. La jeune femme se dirigea vers les morceaux de sa robe. Elle prit le corset, le serrant sur son ventre avant de faire pareil au niveau de sa poitrine. Elle n'avait pas encore le droit au décolleté plongeant mais, à vrai dire, elle avait toujours beaucoup aimé l'effet que cela donnait sur ses professeurs. D'un côté, elle avait hâte de pouvoir faire pareil, de l'autre, se cacher lui plaisait bien, même si la compression n'était pas très agréable. Elle attrapa la crinoline, l'attachant autour de sa taille et, finalement, elle fit passer sa robe par dessus. Nouant les lacets, elle se dirigea vers le tapis où elle avait laissé tous ses accessoires. Elle n'avait même pas défait sa valise en arrivant mais, tant pis, elle se coifferait plus tard. Elle mit ses boucles d'oreille, ses bracelet, son collier et... « Hum... ». Elle fixa la barrette. Indécise, elle se mordit la lèvre inférieure, ne sachant quoi faire. Elle finit par agir comme son instinct lui dictait de le faire et elle partit mettre ses chaussures. Elle essaya tout de même d'arranger ses cheveux comme elle le put et les noua en un chignon approximatif, un chignon qui ne tenait que grâce à la longueur de sa chevelure. Attrapant son sac de voyage d'une main après avoir mis ses gants, elle entrouvrit doucement la porte pour être certaine qu'il ne l'attendait pas derrière. Elle se sentait étrange, comme si la situation l'excitait. Le fait de partir en cachette était... grisant. Jetant un dernier coup d’œil à la chambre, elle sourit en contemplant la pince qu'elle avait laissé sur les draps du lit. Puis, avec hâte, elle quitta les lieux pour frapper à la porte de son homme de compagnie.

Elle le tirait du lit mais peu importait. Une fois qu'elle l'eut en face d'elle, elle le poussa dans la chambre avec une ardeur plutôt rare. « Nous devons partir, maintenant ! ». « Mais enfin... ». « Je vous assure ! Je ne suis pas en sécurité ici ! Emmenez moi ailleurs ! Je ne peux pas continuer à dormir ! S'il vous plaît, ne cherchez pas à comprendre, croyez-moi ! ». Elle semblait réellement embêtée et, à vrai dire, elle l'était. Elle ne serait tranquille, à présent, que lorsqu'ils seraient arrivés à Bouton d'Or. « Bien. Je vais m'habiller un peu mieux que cela et je m'occuperai des chevaux. ».

Une fois sur sa monture, l'auberge disparaissant peu à peu à l'horizon, Séléna put enfin souffler pour de bon. Elle ne savait pas quoi penser de la nuit qu'elle avait vécu et elle n'en parlerait à personne, même pas à Samuel. Doucement, elle caressa son cou avec ses doigts se rappelant de ce que cet homme avait fait. Elle n'en trouvait toujours pas la raison mais elle le savait Réprouvé alors... peut-être que Düst le saurait. Elle pourrait essayer de lui exposer la situation de manière abstraite, sans parler d'elle, juste d'une lecture qu'elle avait eu. Oui, elle ferait cela. Elle était certaine qu'il existait une réponse rationnelle.

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