Mon regard se perdait dans les tons orangés des flammes dansant devant moi. Je n’observais pas réellement les mouvements langoureux de ces dernières, mais je demeurais coincée dans mes réminiscences. Je me rappelais clairement de cette soirée, nous étions tous heureux, riant joyeusement autour d’un verre, puis tout s’est gâté en très peu de temps. L’affreux bélua dont je ne me rappelais plus du prénom, qui était parvenu à me kidnapper… Je n’avais pas bu une seule goute d’alcool et pourtant je n’avais pas été en mesure de me protéger de lui. Cette pensée tournait en boucle dans ma tête, et la même scène associée remplaçait la bienveillante vue du feu. J’étais toujours assise et inerte, ruminant silencieusement et je tentais à chaque fois que se rejouait la scène de trouver une solution pour éviter ma faiblesse. De ma position actuelle, il était aisé de trouver diverses défenses évitant cette malencontreuse situation, mais je me remémore également très précisément que sur le coup, rien n’avait pu m’aider.
Je m’enfermais avec tant de dureté dans mon souvenir que je n’avais pas vu Shawn s’approcher de moi. Le garçon me surplombait, l’air mi-contrarié mi-bienveillant. Je parvenais à arracher mon regard du foyer om les buches crépitaient pour l’accrocher au visage de mon camarade. Sans rien dire, il me fit lever délicatement. Je me laissais faire, faisant un effort pour ne pas alourdir davantage la charge qu’il soulevait. Toujours délicatement, il entama de me faire danser autour des flammes orangées. Je me laissais guider, rassemblant mes esprits.

« Il me semblait avoir remarqué, en effet » commentais-je en souriant légèrement. « En revanche, si tu t’imagines une seule seconde que je suis riche … » soufflais-je en affichant un sourire plus prononcé.

Cette fois, il me faisait pivoter sur moi-même. Je riais doucement, j’appréciais l’effort de Shawn de me faire plaisir. Je me prenais au jeu et je fini par initier certains mouvements. La nuit était tombée, seuls la lune et le feu nous permettait encore de nous repérer dans l’espace. Le ciel était sombre mais parsemé de quelques timides étoiles. Une brise fraiche mais agréable soufflais autour de nous, mais je n’avais pas froid. Etait-ce grâce à la proximité du feu, ou bien grâce à la danse improvisée que nous avions entamée ? Dans les deux cas, la soirée m’était tout à fait agréable, et le cycle de mes ruminations s’était brisé.

« Je me sens mieux, merci » confiais-je à l’humain alors qu’il mettait fin à notre activité.

J’avais été sincère en lui disant cela, je me sentais effectivement mieux. La journée avait été longue et non sans aventure. La fatigue commençait à m’envahir lourdement. Je pensais déjà à la bonne nuit de sommeil qui m’attendait, je l’espérais. C’était sans compter sur une autre farce du jeune homme. Ce dernier s’était approché de moi relativement rapidement, et je présumais qu’il s’apprêtait à me jouer un tour. Je ne bougeais pas d’un cil, attendant de voir de quoi il en retournait cette fois-ci. Ce fut lorsque son corps entra en contact avec le mien qu’il décida de me dire quelque chose qui m’étonna grandement.

« Etant un homme je pourrais aussi prendre mes responsabilités envers toi Arwen, il en va de mon honneur après tout. »

J’étais bouche bée. Plusieurs pensées m’ont littéralement traversées l’esprit. Cette déclaration me mis très mal à l’aise, je ne m’y attendais pas le moins du monde, puis elle me toucha presque tant elle apparaissait sincère. Je ne savais que répondre. A dire la vérité, je n’étais pas sure de bien du sens qu’avait eu cette déclaration. Après tout, il aurait pu s’agir de quelque chose à laquelle je n’avais pas songé. Quelques secondes s’étaient écoulées déjà et je n’avais toujours pas réagis. Il me fallait dire quelque chose, il me fallait agir, je ne pouvais pas laisser le pauvre homme dans une telle impasse. Je reculais alors d’un pas, d’un minuscule pas, afin de reprendre une bouffée d’air frais sans me sentir si acculée. J’aimais beaucoup lui jouer des tours et l’embêter gentiment, mais je ne me voyais pas répondre là maintenant de suite à cette demande. Ma maladresse l’emporta sur ma raison.

« Je ne sais pas si j’en ai vraiment envie » lâchais-je gênée en me frictionnant le crâne.

Quelle réponse époustouflante, pensais-je silencieusement. Il m’avait fallut bien une minute pour l’élaborer et la prononcer, j’aurais pu trouver mieux.  Je tentais de cacher ma gêne tant bien que mal, mais je sentais le rose me monter aux joues.

« Je vais remplir ma gourde et je vais me coucher » dis-je à l’humain en regardant ailleurs.

J’étais honteuse de mon comportement, aussi, avant de couler ma gourde dans le ruisseau d’à côté, je me tournais à nouveau vers lui, en lui souriant. Je n’avais absolument aucune rancœur contre Shawn et j’espérais qu’il en était de même pour lui. Je pris également sa gourde et la remplie soigneusement.

« Tiens, bois un coup tu en a besoin il me semble » lui dis-je le plus sérieusement du monde. Puis je me mis à rire, lui tendant son objet. Je me sentais libérée d’un poids, c’était fort appréciable. « Noie ta peine dans un verre d’eau » riais-je de bon cœur.

871 mots