« Il y a fort longtemps, un petit garçon s'aventura dans le désert, seul. Ce petit garçon se prénommait Conrad Caïn Taiji, pas un Taiji de la branche de Mitsuko Aria Taiji mais bien de la branche de Kazuki Taiji, une branche que tous pensait éteinte depuis longtemps. Pourtant, il est une chose qui en ces terres ne peut cesser d'exister : les mystères. Ainsi, les descendants de Kazuki depuis Sindis s'étaient faits discrets. La magie de la famille s'était peu à peu estompée contrairement à celle de l'autre branche, du moins, d'un point de vue offensif. Car le sang de Kazuki faisait de très bons maîtres du temps et des apparences, de très grands diplomates aussi, de ceux restant dans l'ombre des souverains mais les conseillant avec une aisance des plus brillante. Une branche pour régner, une autre pour conseiller les régnants. De quoi s'interroger sur bien des points, car qui gouverne réellement, ceux qui apparaissent aux balcons ou ceux qui avec des paroles justes et habiles leurs chuchotent la bonne marche à suivre et des conseils avisés ? Cet enfant serait donc voué à de grandes choses, comme tous les autres Taiji. Telle semblait être la bénédiction qui embrassait la famille depuis des générations et des générations.

Cet enfant avait donc un certain amour pour le désert et son père, Magicien lui aussi, le laissait s'y aventurer, sachant que son fils reviendrait toujours. Son don pour la téléportation était déjà prodigieux et il rentrerait aussi aisément qu'un lapin dans son terrier. Conrad était attiré par le désert, sans savoir pourquoi. A cette époque, Utopia n'existait pas, ni même le Temple de Drejtësi. Il n'y avait dans la grande étendue de sable chaud que les pyramides qui s'élevaient, déjà inconnues. Était-ce des Temples abandonnés ou toute autre chose ? Personne ne le savait. Appelé par des murmures mystérieux, il marcha plusieurs heures dans le désert sous la chaleur étouffante. Le Magicien pouvait créer l'eau et ne manquait guère d'en boire quelques gorgées dès qu'il sentait son corps faiblir. Il n'était qu'un enfant qu'une Déesse non encore née avait appelé. Les Ætheri défient le temps, ils n'ont guère besoin d'une ligne directrice, ils n'ont guère besoin d'exister à une période pour y apparaître sans le moindre soucis. Drejtësi n'avait jamais aimé défier les lois du temps, se fixant comme règle de ne jamais le faire. Mais une Taiji qui murmure un « jamais » ne peut le penser, il s'agit plus fréquemment d'un « parfois » car une règle est toujours bonne à être brisée, même pour celle qui représente la justice. Aussi, cet enfant, elle l'avait repéré en visionnant le passé, en fixant son regard dans l'histoire de sa famille. Il vivrait de nombreux siècles et aurait besoin de son aide. Grand défenseur de la justice, elle voyait en lui un disciple idéal. Elle rit, lui apparaissant sous sa forme originale, faisant sursauter le bambin. Elle murmura doucement : « Craignez la justice, faibles que vous êtes. Craignez la car si un jour elle semble dormir, ce sera uniquement pour annihiler vos doutes, pour gonfler votre orgeuil et revenir le lendemain, sa faux à la main, pour rendre à la terre la tête des lâches et des usurpateurs. ». L'enfant fronça les sourcils, étonné. « Pourquoi me dîtes vous cela madame ? ». « Parce qu'un jour, tu liras ces lignes dans un livre et, ce jour là viendra le temps des révélations. Tu réussiras à déjouer les manœuvres maléfiques et assassines de ceux qui ont trahis leurs idéaux, mais tu y perdras ce que tu auras mis des années à acquérir. La vie d'un peuple contre ta puissance. Tel sera le prix. Car la justice ne peut être gratuite pour celui qui parle en son nom. ». « Mais si je sauve un peuple... n'est ce pas bien, n'est ce pas en accord avec la justice ? » demanda l'enfant. « Perdre sa puissance n'est rien comparé à perdre sa vie, Conrad Caïn Taiji. ». Elle marqua une pause. « A partir de ce jour, tu seras Cocain, un Magicien sans nom de famille. ». « Mais mon père ne vou... ». « Tu ne reverras jamais ton père. Tu n'es plus désormais un Taiji pour des siècles. Tu ne le révélera à ton fils en aucun cas. Il le saura lorsqu'il s’élèvera. ». « Mais je ne comprends rien » cria l'enfant, totalement perdu. « Qu'importe. Prends ceci et garde le à jamais sur toi, elle est la preuve que tu es l'un de mes élus. ». Une clef lui fut tendue, une clef en forme d'Okae. « Nous nous reverrons mais en ce temps, je ne te reconnaîtrais pas encore. ». Elle sourit. Le temps n'était qu'une vaste farce, une vaste farce pourtant si mystérieuse. Car cette Drejtësi là était-elle la même femme qui existait à présent ? Avait-elle calculé sa naissance ? Avait-elle fait en sorte que le Destin puisse s'accomplir ou n'avait-elle commis qu'une fantaisie qui ne changerait de toute façon nulle chose ? ».

« Qui êtes vous ? » demanda Cocain en regardant la femme qui lui avait conté cette histoire. « Je suis comme toi » répondit-elle simplement avant de disparaître. Le faux Ange passa doucement sa main dans son haut, vérifiant que la clef y était toujours. Le temps avait passé depuis mais il se rappelait de ce jour comme s'il s'était déroulé la veille. Au loin, Lucifer sourit. Les choses commençaient enfin à bouger.

921 mots