Cela était étrange. Saphir ne se rappelait pas être entrée dans cette salle. Depuis quand était-elle là devant le tableau de cette femme blonde, semblant régner en maîtresse sur l'océan ? Elle ne savait quoi en penser. Seule dans la grande pièce, il n'y avait pas un bruit, le silence s'imposant comme l'unique voie à emprunter ; même ses pas n'émettaient aucun son. L'Elfe se sentait perplexe. Elle savait que tout ceci n'était pas normal mais, curieusement, elle n'avait pas envie de trouver une sortie. C'était comme si cet endroit était mystique et qu'il l'appelait. Elle n'aurait pu l'expliquer à haute voix sans s'en sentir ridicule. Ce qu'elle ressentait était pourtant très clair au fond de son cœur.

Elle sentit un violent courant d'air lui caresser les jambes, emportant avec lui des feuilles d'arbre qui ne pouvaient se trouver là. Ce n'était pas possible. L'endroit était couvert et aucun arbre ne prenait racine dans l'enceinte. Se retournant, elle se dirigea vers le sens du vent qui vint cette fois lui caresser les cheveux, faisant tomber le gros livre de contes qu'elle possédait au sol. Celui-ci s'ouvrit sur une page qu'elle n'avait jamais vu auparavant. L'illustration de gauche était la parfaite réplique du tableau qu'elle avait contemplé plus tôt. Saphir se pencha, ramassant le livre pour le lire à voix haute.

« Il était une fois, dans une contrée lointaine, un temple abandonné de son Æther. Femmes aux mille visages, cette dernière avait décidé de tourner le dos aux mortels de sa divine splendeur, pour en devenir une à son tour. Cette femme, persuadée que rien ne la rattraperait avait laissé ses fidèles prier dans le néant. Pourtant, leur foi jamais ne se tarit, surtout compte tenu des temps sombres que le monde vivait. L''on dit que c'est cette foi qui amena dans le temple des êtres élus des Dieux, de ceux qui pourraient, à force d’œuvrer pour la justice, faire changer d'avis la Déesse toute puissante. De son culte naîtraient des élus, des élus qui deviendraient des héros, des héros qui feraient régner la justice sur les terres du yin et du yang. Ces élus seraient conduits par une magie divine dans un temple inconnu, silencieux et, là, entre tous les murs, toutes les colonnes, ils découvriraient l'arme qui leur est destinée, celle qui leur prouvera ô combien ils sont importants et dignes d’œuvrer pour les valeurs des Dieux. ».

Saphir tourna la page mais il n'y avait plus rien. Elle était certaine que jamais une telle histoire n'avait figuré dans son livre. Elle l'avait lu tellement de fois aux filles de l'orphelinat qu'elle le connaissait presque par cœur. Pourtant, elle ne pouvait se voiler la face. Il y avait trop de ressemblances entre ce qu'il se passait ici et ce qu'elle avait lu. Elle était seule, dans le silence d'un temple désert qui, pourtant, semblait posséder une magie unique et bien présente. Elle se devait d'avancer. Pourtant, le fait même qu'elle puisse être l'une des élues dont parlait le livre la rendait sceptique. Saphir était une orpheline qui n'avait jamais rien accompli dans sa vie. Elle n'avait fait qu'aider les filles mais rien d'autre. Quand elle lisait les contes et les légendes, elle enviait un peu les héros, se disant qu'elle aurait aimé une vie comme la leur, à combattre des dragons pour le bien de centaines de villageois, à sauver des princes et des princesses. Finalement, elle ne s'en apercevait pas mais la justice était bel et bien en elle, au fond de son cœur. Elle n'avait simplement, pour l'instant, pas les moyens de la faire, trop faible, trop chétive et trop inexpérimentée. Mais ce temps viendrait.

L'Elfe avança, entendant des sortes de murmures. Elle n'avait pas peur, elle semblait légèrement hypnotisée même. Arrivant vers une sorte d'estrade, elle aperçut un bâton en bois, travaillé avec soin et posé sur un socle. La magie qui s'en dégageait semblait si pure, si puissante. Saphir s'en approcha, les murmures s'intensifiant. Il ne faisait aucun doute que cet objet lui était destiné. Lentement, elle posa sa main sur ce dernier, refermant ses doigts dessus. Le vent s'engouffra de toute part, faisant voleter ses cheveux avec une facilité déconcertante. Mais cela ne la dérangea pas car ce qu'elle sentit au fond de son être était plus... puissant. C'était comme si son corps entier venait de se réchauffer, de gagner un don précieux. En elle, ses émotions défièrent les lois, pourtant entièrement provoquées par ce bâton qui était sien à présent et qui lui servirait, dans le futur, à faire régner la justice.

« Për shkak se drejtësia nuk ikën. ».

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