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 Le monde qui tourne [Eerah]

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Lun 12 Mai 2014, 02:09


Certains se trompent de personne, d’autres se trompent de mot. Elias s’était uniquement trompée de continent. « Allez à Megido, vous ne pouvez pas la louper en allant par-là, et ça vaut mieux que Sceptelinôst le temps que le prochain bateau arrive. »  Si elle n’avait d’abord trop su où aller, ses nuits au Sanctuaire avait fini par lui remémorer ce dernier visage qu’elle avait aperçu avant de se réveiller entre les mains des médecins. Il fallait qu’elle le retrouve. Seulement la Forêt des murmures avait laissé des empruntes sombres, froides et dépérissant dans sa mémoire. Erreur qui la conduisit à la supposer sur le Continent dévasté. Donc, elle ne s’était pas trompée de bateau non plus. Ce n’était qu’une fois sur celui-ci, alors que le trajet touchait à sa fin, que se renseignant auprès d’un matelot, elle avait appris qu’elle faisait fausse route.

Un soupir la traversait tandis qu’elle observait les rues grouillantes de Megido. Il allait falloir attendre un moment avant que le prochain bateau ne revienne. Il faisait encore jour, et les rues passaient presque pour celles du Continent du matin calme mais l’atmosphère était différente, sans la mettre mal à l’aise, car l’impression régnait que tout n’était ici que de passage. Un peu comme elle.

« Excusez-moi, vous pouvez m’indiquer une auberge ? » Tenta-t-elle auprès d’un homme qui semblait fort ressembler à un garde, mais tout était tellement hétéroclite ici.

D’un signe de la main assez vague lui indiqua-t-il .. quelque chose d’assez vague, mais ça lui suffisait. En fait se sentait-elle étrangère au monde entier, comme si elle déambulait désormais dans un monde nouveau. Ce qui était complètement le cas, vu que cela fait bien .. trois ères ? qu’elle avait vécu loin de tout. Et si ces dernières semaines au creux du Sanctuaire avaient été la passerelle parfaite, elle n’en demeurait pas moins .. extérieure, peut-être différente, de tout l’engrenage de cette agitation autour d’elle. Bon, il lui fallait faire une pause.

Voyager avait été moins reposant que prévu et, malgré les soins des médecins, son corps mettrait probablement des années à guérir les années, décennies ?, passées aux côtés de blessures non-soignées. Elle imaginait l’intérieur de son être formant d’immenses plaies internes mal cicatrisées. C’était réjouissant ! Tiens des thermes. Une pancarte l’indiquait à quelque pas. Etirant ses bras, un regard sur le côté – comme si un quelconque évènement arriverait pour la dissuader d’y aller, mais c’était en fait un simple réflexe purement humain – et elle prit le parti d’y aller. Ça ne lui ferait pas de mal avant de repartir. Ses articulations reprenaient déjà les rouages des trop longues errances.

Elle ne se faisait pas tellement remarquer dans tout ce monde, et ça lui convenait parfaitement. Son seul point de repère était ce visage de la forêt de ses rêves. Elias craignait que tout autre personne ne détruise le faible équilibre qu’elle s’était construire depuis le Sanctuaire. Et si peu de choses suffiraient pour cela. Comment réagirait-elle au contact de ce monde ? Deux choses l’effrayaient bien plus que le reste .. Mais l’air chaud de l’intérieur des termes arrivant déjà au comptoir lui coupa ses pensées.

« Ce que vous avez de moins cher, s’il vous plaît. » Sa voix blanche et distraite prenait à peine garde au réceptionniste qui compta néanmoins avec précaution la monnaie qu’elle lui tendit.

D’une certaine manière, certaines choses .. restaient certaines choses. Les maisons n’avaient pas changé. La forme des rues non plus. Etc. Le monde était toujours le monde. C’était vaguement rassurant .. Et aussi affligeant, pourtant, peut-être était-ce à cause de son séjour dans le ville du Continent du matin calme qui – faisant très bien écho à son nom – affichait un monde calme. Le monde semblait bien plus en paix qu’il y a .. hé bien, un moment. Mais elle ne pouvait s’en persuader et le fond de son être s’attendait, quelque soit le moment, à revoir ainsi les mêmes conflits qu’avant. Tout ce qui changeait, c’était l’attrait de la nouveauté, voilà tout. Débarrassée de ses vêtements, mais enroulée dans une fine serviette blanche qui glissait jusque sur ses genoux, la jeune femme rejoignit l’espace grouillant et suintant.

Un souffle lui échappa après un regard circulaire. « Quel bruit ». Tout était pâle et vaporeux. Elle s’éloigna un maximum de plus gros des clients, trouvant un coin près du bassin. Elle n’avait en fait pas vraiment envie de se baigner, juste de profiter des vapeurs d’eau chaude. Ses cheveux étaient déjà en train de devenir complètement moite .. mais ses muscles de se détendre également. Elias glissa lentement sur le sol pour s’asseoir sur le bord, laissant l’eau monter jusqu’au-dessus de ses mollets.

Ses bras vinrent s’enrouler autour de son torse tandis que ses yeux fixaient l’eau trouble. Un vague reflet s’y répercutait. Son regard croisa ses mains qui glissaient dans son dos, à la limite de la peau nue et du tissu. A cet endroit il y avait .. Un flash ébranla son esprit. Des ailes noires suspendue si haut, mais elle était là, elle les voyait, et elle les sentait. Une nausée la secoua, son visage choquée durant la fraction de seconde où dura la vision. Si ça n’avait pas été si rapide, elle n’aurait probablement pas fait qu’avoir des nausées. Mais la vision s’effaçait déjà, car ses souvenirs, elle se les remémorait à peine consciemment. Ça lui rappelait que .. Mais elle ne voulait pas y penser, elle ne pouvait pas le dire. Elle ne pouvait pas encore dire ce qu’elle était.

Respirant une pleine gorgée des vapeurs chaudes, elle ne put s’empêcher de se dire que la route allait encore être longue.
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Eerah
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Ven 16 Mai 2014, 01:41

www.musicasparabaixar.org on Grooveshark">Up In The Air by Thirty Seconds To Mars - www.musicasparabaixar.org on Grooveshark
Sous les doigts du Déchu, l’encre vibrait, devenait rugueuse, tourmentée, jusqu’à muer en une suite de caractères tactiles, de petits points saillants formant un long texte en braille. La tête appuyée contre une des poutres porteuses du bâtiment, il parcourait rapidement les lignes du livre qu’il avait en main. C’était une journée tranquille aux Thermes de Megido ; la plupart des clients qui avaient de quoi se payer ses services étaient absents, trop occupés par une exposition Alfar en centre-ville. Plus tard dans la soirée, ils subiraient certainement une forte affluence, mais pour l’instant, l’immense majorité des personnes présentes se contentaient de tremper dans les bains. Ce n’était pas forcément pour déplaire au Déchu ; avec les récents évènements, il n’avait pas vraiment la tête à la tâche. L’ouvrage qu’il tenait entre les mains retraçait une prise de pouvoir chez les Orishas, quelques ères avant qu’il ne vienne au monde. Il n’avait pas l’intention de se laisser surprendre par la moindre tactique, la moindre stratégie élaborée pour le déstabiliser ou le mettre à bas ; et avec ce qui approchait à grand pas, il était plus que temps de s’habituer au climat qui régnait dans les hautes sphères de la société. Yeul, la Grande Prophétesse, s’était présentée à lui quelques jours plus tôt, pour l’informer qu'il devrait prendre part à un événement de la plus grande importance, à la place de  Messie des Ténèbres. Il avait accepté, bien entendu - ce n'était pas le genre de femme à prendre à la légère - et doutait réellement que Mitsuko n’ai rien à voir avec ce soudain revirement, mais le tout représentait beaucoup d’information à traiter en même temps, et surtout une pression grandissante à chaque instant. L’occasion dont il avait tant rêvé pour se faire connaitre était arrivée, et une fois cette limite franchie, il n’y aurait plus de retour en arrière. Il n’avait pas le droit à l’erreur.

La couverture en cuir du livre heurta ses cuisses, alors qu’il reposait le livre. Il connaissait déjà tout ça par cœur, personne ne faisait plus preuve d’audace ou d’inventivité ; lui devrait être différent. Il devrait amener le peuple à lui, non pas s’imposer. La solution, quant à elle, ne se trouvait pas écrite sur des pages, et elle ne se manifesterait pas d’elle-même – aucune chance. En pivotant sur le côté, il laissa pendre ses pieds nus dans le vide. Quelques mètres plus bas, les vapeurs des bains tourbillonnaient, montaient jusqu’à lui, lui amener la rumeur de l’eau et des conversations éparses. Les Thermes de Megido étaient construits autour de sources chaudes, et l’architecte avait assumé son choix d’en faire une enceinte close, et non pas une zone en plein air. La région était pluvieuse, surtout en temps de mousson, et chaque jour, chaque client perdu était un peu plus d’argent perdu. Alors pour simuler cette impression d’extérieur, de liberté, on s’était assuré de fournir une immense salle principale, dont le plafond s’élevait à une quinzaine de mètres au-dessus des bassins, et se perdait de vue dans les volutes de vapeur. C’était son endroit favori pour prendre une pause, suffisamment loin pour ne pas être étourdi par le brouhaha assourdissant qui régnait au sol, mais bien assez près pour capter les pensées de tous ceux qui circulaient innocemment en-dessous de lui, sans se douter qu’il était là pour les écouter distraitement, repérer ceux qui hésitait à faire demander un masseur, et en profiter pour aller les pousser au vice. Depuis quelques temps, c’était également une mesure de sécurité pour s’assurer que personne ne viendrait lui planter une dague dans le dos ; certains étaient arrivés aux Thermes avec cette intention en tête, ils en étaient repartis persuadés d’être de joyeux canaris, avant d’être arrêtés et isolés pour démence. Il ne s’agissait pas d’un sens de l’humour particulier – pas seulement – mais également d’une mesure pour s’assurer que le message passerait bien ; il n’avait pas l’intention de parvenir à ses fins comme le faisait la souveraine Déchue, en supprimant tout ce qui se mettait sur son chemin. Lui était plus subtil ; moins direct.

Distraitement, tout en réfléchissant à un discours de galvanisation des troupes, il vogua d’esprit en esprit, sondant sans s’attarder les pensées des gens, passant sur les problèmes d’argent, de cœur et de famille. Tout le monde n’était concerné que par ces trois choses. Si ce n’était pas un marchand en faillite, c’était une petite fille en mal d’amour, ou une mère désespérée par un fils délinquant. Les exceptions étaient suffisamment rares pour être remarquées. Une jeune femme attira ainsi son attention, et pendant quelques secondes, il resta focalisé sur elle. C’était comme feuilleter les pages d’un journal sans vraiment s’y intéresser, il ne faisait que relever les gros titres, et rapidement, une pensée s’imposa à lui, éclipsant toutes les autres. « Ailes noires ». Un fin sourire se dessina sur son visage ; une Déchue. Rien d’extraordinaire, et même si on n’en croisait que relativement peu dans la capitale Orisha, ce n’était ni la première ni la dernière à venir faire trempette. Mais dans ce cas précis, il ne pouvait que constater les conséquences d’une récente, ou du moins difficile transformation. En fouillant un peu plus loin, il se rectifia ; seulement difficile. Cette femme avait presque son âge, ils auraient pu naître au même endroit si… Si elle n’avait pas été née Ange. Eerah pencha légèrement la tête de côté. Pourquoi est-ce qu’au fond de lui, il ressentait encore ce petit pincement au cœur, cet infime reflexe de défense, qui le poussait à se méfier d’elle ? Il se battait justement pour faire cesser ce genre de comportement, et en était la première victime, ça n’avait aucun sens. Comme pour se convaincre lui-même, il décida sur l’instant d’aller à sa rencontre, et de l’aider de toutes les façons possibles. Après tout, s’il était amené un jour à être son roi, autant s’assurer d’une voix de plus, lorsqu’il faudrait crier à qui le trône devrait revenir. Prenant garde à ne pas laisser apparaitre ses grandes ailes sombres, il posa un pied en l’air, jusqu’à venir marcher sur un coussin de magie. Prenant son livre à la main, il commença à descendre un long escalier en colimaçon, invisible, impalpable, jusqu’au sol. Ce faisant, le Déchu étudia un peu plus les rouages de l’esprit de sa comparse, sans vraiment s’attarder. Il n’avait pas l’intention de se présenter en machiavélique télépathe, en lui dévoilant son nom avant de lui demander ; pour la simple et bonne raison que – l’ayant vécu – il n’y avait rien de plus désagréable.

Lorsqu’il retrouva enfin les dalles, chauffées par la terre et l’eau, il se dirigea sans se presser vers la jeune femme, saluant au passage certains clients réguliers, en reconnaissant leur odeur. Vu l’heure, et l’absence complète de nouvelle demande de la part de ses supérieurs, personne ne viendrait le déranger. Il approcha dans le dos de la Déchue, et s’éclaircit la gorge, avant de demander : « Tout ce passe comme vous le voulez, mademoiselle ? ». En faisant un pas en avant, il s’accroupit à sa hauteur, et baissa légèrement la voix. « Un client m’a dit que vous sembliez faire un malaise, vous avez besoin de quelque chose ? Un rafraichissement, à manger ? Un peu de compagnie, peut-être ? ». Il rit doucement. « Nous n’avons pas grand monde, aujourd’hui. Si vous avez la moindre question, le moindre problème, n’hésitez pas à demander au personnel, nous sommes là pour ça. ». D’une manière ou d’une autre, il ne serait pas étranger au bien-être d’une des siens ; c’était aussi pour ça qu’il se battait, qu’il se mettait en danger en défiant l’autorité. Pour le bien de son peuple.


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Mar 20 Mai 2014, 03:38


Insondable situation, Elias ne se sentait déjà presque plus de rester ici. Les habitués, les passants, les bavards, les paresseux, toutes leurs conversations se mêlaient et le pire, malgré leurs nombres, chacune se distinguait parfaitement. Les oreilles de la jeune femme ne cessait d'entendre des brides de discussions, aux échos tous plus lointains les uns que les autres. Ils parlaient du monde, et ça lui était tellement étranger. Perdue entre ces échos et la contemplation de l'eau trouble en contrebas, elle ne sentit pas l'étranger s'approcher par derrière elle. Les anges déchus pouvaient être connus pour leur sens, mais même ange, elle n'avait jamais été douée pour assurer ses arrières. Sursautant ainsi légèrement, lorsqu'une voix coupa ses pensées. « Pardon ? » Le mot social soulignant toute surprise. Son timbre blanc et léger accompagna son regard qu'elle détourna par-dessus son épaule pour apercevoir de qui il s'agissait. L'image qu'elle reçut l'étonna, dilatant ses iris dans ses yeux doux.

Peut-être fut-ce de la brusque proximité auquel elle ne s'était pas attendu, ou alors autre chose, mais Elias resta quelques secondes sans dire mot, les yeux toujours à demi écarquillés contemplant le nouveau venu - ou semblant le contempler, car sa vision était absorbée. Il avait un regard si clair .. Il ne lui vint d'abord pas à l'esprit une raison à cette particularité, trop subjuguée. C'était tellement étrange .. Mais les secondes s'écoulant et les paroles suivantes de l'inconnu - se révélant employé des thermes - finirent par la sortir de sa douce léthargie. Un petit sourire désabusé étira sa bouche quand elle l'entendit. Sa réponse s'étira, évidente. « Vraiment ? Je doute que la moindre personne rassemblée ici ne s'intéresse à autre chose qu'à elle-même. Ce ne sont que des humains. » Ces derniers mots étaient nés d'une inconscience intérieure incompréhensible. Une douleur s'engouffra subitement sans ses organes, semblables aux artères de son cœur qui un instant se seraient bouchées. Et un seul mot traversait encore son esprit alors que le sang avait rougie les veines intérieures de ses lèvres roses. Orgueil .. Orgueil. Non .. Son corps avait fait un tel rejet. Croyant vomir, elle avait même précipitamment apposé sa main sur sa bouche pour éviter eh bien .. de salir les thermes. Piètre figure .. Malgré la tension de son corps, elle releva rapidement un regard prête à se justifier, surtout s'excuser. Et s'interrompit-elle subitement, à cet instant sans raison précise alors qu'elle rencontrait à nouveau son regard, comprenant que cette blancheur oculaire était la marque de l'aveugle. Mais résultat, ça ne changeait rien à l'impression qu'elle avait eu au premier contact, noyant une nouvelle fois son regard.

« Non, tout va bien, je suis désolée. » S'excusa-t-elle en un léger sourire, qu'il ne pourrait certes pas voir,  comme si elle l'avait dérangé. Avec ces cheveux noirs, elle se demanda bien comment elle avait pu avoir une image si .. claire. Seul ce mot correspondait étrangement, aucun autre n'aurait jamais aussi bien convenu. Elias passa une main dans ses cheveux distraitement, vaguement gênée. Les vapeurs d'eau chaudes devaient vraiment lui monter à la tête pour qu'elle l'ait ainsi vu, le pire étant que ça continuait. Elle ne se l'expliquait pas vraiment, ou c'était probablement les effluves blanches des bains. Qui était-ce ? Mais le sang imprégnant toujours sa bouche et ses muscles douloureux empêchaient la netteté de ses pensées. « De la compagnie. » Fut la seule parole qu'elle finit par offrir, se remémorant son introduction, d'une voix bien moins éreintée qu'elle ne l'était physiquement. En fait, elle se sentait assez bien .. juste à son regard - étrange impression qu'elle ne définissait toujours pas - mais que sa voix manifestait par un intérêt et une douceur soudaine. S'appuyant sur l'un de ses bras, elle s'était brièvement tourné un peu mieux vers lui, plutôt que de continuer à tordre la nuque, son autre mains pâle continuant à maintenir fermement la serviette blanche qui l'entourait. « Je suis désolée, hm .. On ne s'est jamais vu ? » Question tellement saugrenue, mais elle n'avait d'autres manières de traduire son malaise.

Depuis son arrivée, elle avait brusquement cessé de faire attention aux autres formes qui les entouraient, se coulant des discussions qui n'apparaissaient plus que dans un fond flou. Pourtant, il y en eut une à laquelle elle ne put couper. Un homme, quelque peu enrobé et à l'air très affable qui semblait travailler ici au vue de sa tenue blanchâtre, passa près d'eux et lança un bonjour assez singulier à son inconnu. « Eh Eerah, alors comment ça va chez les Déchus en ce moment ? » Remarque lancée en boutade plus qu'autre chose, l'homme n’avait même pas ralenti, continuant son chemin. Mais la phrase avait déjà percuté l'esprit d'Elias.

Déchu ? Non .. Il ne pouvait pas être déchu, il ne pouvait pas. Il n'y avait .. Pas de déchus. Aucun. Non, oublier. Les yeux écarquillés d'Elias ne reflétaient plus qu'une intense peur inexprimable alors que chacun de ses membres et de ses mouvements en intention indiquaient le réflexe de fuite. Se soulevant prestement, la jeune femme en oublia où elle se trouvait alors que son pieds dérapait déjà sur le bord glissant du bassin. Elle allait .. tomber ? La surprise remplaça la frayeur de ses yeux, son corps tombant maladroitement sans qu'elle ne puisse l'en empêcher, toujours frappé de stupeur. Et pourtant chaque seconde de la chute lui parut aussi nette que son esprit restait fixé sur cet être .. déchu, jusqu'à ce que sa tête heurte sourdement la commissure du bassin, l'envoyant rouler vers le fond de l'eau brûlante.
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Eerah
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Jeu 29 Mai 2014, 06:10

« Ce ne sont que des humains. ». Il n’avait qu’à reprendre ses mots pour avoir une bonne idée de ce par quoi elle avait péché. Cette présomption et la hauteur qui résonnait dans sa voix n’étaient pas pour le contredire. Eerah n’eut besoin que d’effleurer son esprit pour confirmer. Elle irradiait d’Orgueil, de fierté. Intéressant. Il était las des colériques et des luxurieux, las des vengeurs et des filles de joie. Ravi de la voir accepter un peu de compagnie, il remonta simplement le bas de son pantalon de toile, et s’assit en tailleur sur le carrelage chaud. Le but ici n’était pas de la libérer d’une partie de son fardeau, ou de faire à sa place le travail que tout Déchu doit abattre pour progresser ; simplement de discuter, de « prendre la température ». Tous n’étaient pas prêt au changement, certains n’en avaient cure, d’autre l’attendaient avec impatience. La question était de savoir de quel groupe elle faisait partie, et s’il pouvait réussir à la faire migrer vers celui en sa faveur. Bien sûr, en tant que nouvelle Déchue, nul doute qu’elle était concerné par des besoins bien plus primaires, comprendre, encaisser, avancer. Mais ce ne serait pas toujours le cas, et lorsque certaines étapes auront été franchie, elle repenserait à ce jour, elle repenserait à sa cause. Tout ce qu’il avait à faire, c’était poser les bases d’un raisonnement, construire les fondations de son soutien. Lui insuffler l’envie de le suivre et de combattre à ses côtés.

Il sourit lorsqu’elle tâcha d’entamer la conversation, répliquant sans se démonter : « Non, je doute que vous m’ayez déjà vu, et comme vous devez vous en douter, je ne vous ai personnellement jamais vue. ». Et ç’aurait pu sans problème mener à une discussion légère, au cours de laquelle il aurait, avec toutes les précautions nécessaires, su amener le thème Déchu avec délicatesse. Mais le destin – et Mitchaï, un collègue humain un peu trop bourru – en décidèrent autrement. Il n’eut pas le temps de faire le lien entre la pensée parasite qui traversa l’esprit simpliste du masseur et les mots qui franchirent sa bouche. Ce qu’il eut plein loisir de constater, en revanche, c’était la réaction spectaculaire et catastrophique que cela eu sur la jeune femme ; il avait vu des cas similaires par le passé, des soldats marqués par des morts, des mères meurtries par des fausses couches. C’était la première fois qu’il assistait à un tel phénomène, provoqué par une déchéance. La plupart des gens finissaient simplement par l’accepter, ou faire avec. Dans ce cas précis, elle faisait simplement un rejet. Le mot Déchu lui était tout aussi peu familier qu’un verbe d’une nouvelle langue, qu’une lettre qui n’existe pas. En pestant silencieusement contre la loquacité des Sans-Magie, il mit un instant à faire le tri entre le vacarme ambiant et le bruit sec de son crâne heurtant la pierre. « Bordel. ». D’un bond sur le côté, il descendit dans le bassin, et chercha à tâtons le corps de la Déchue. Un jour on ajouterait la maladresse à la liste des Péchés, et leurs effectifs doubleraient.

Bien plus de peur que de mal heureusement, et il finit par la soulever hors de l’eau en quelques secondes. Celui qui était sans le savoir à l’origine du malaise était bien sûr là pour l’aider, une minute plus tard elle était étendue sur une des tables de massage, dans une salle annexe, et on faisait appeler une équipe médicale pour s’occuper de sa plaie à la tête. Eerah lui ressassait en silence son agacement pour ce genre de situation. Plus le temps passait, moins il désirait voir quiconque commettre un impair en prononçant son nom en présence des mauvaises personnes. Cette fois n’avait été qu’une coïncidence, rien à voir ni de loin ni de près avec ses exactions politiques, mais, et la prochaine fois ? Un Déchu conservateur, un assassin, n’importe qui pouvant faire n’importe quoi avec son identité révélée ; ce n’était pas tolérable. Assis aux côtés de la jeune femme toujours évanouie, il ferma les paupières, et alla arracher à la mémoire de tous les employés sa véritable identité. Il s’était montré comme Eerah Scaldes, le Déchu à la chevelure d’ivoire, il serait maintenant Djëbal, un Ange Noir aux cheveux d’ébène. Quant à son invitée ; il se tourna vers elle et posa deux doigts sur son front. Tout souvenir à partir de l’intervention malvenue de Mitchaï se mua en un brouillard opaque. Aux dernières nouvelles, elle avait glissé, voilà tout. Il serait bien plus simple de tout reprendre à zéro. En s’appuyant contre le dossier de sa chaise, l’aveugle exprima d’un soupir toute sa lassitude. Les choses n’avaient jamais été aussi compliquées que depuis qu’il avait obtenu le pouvoir de les changer.

Peu après, l’équipe médicale faisait place nette. Un duo de Fées, dont les mains ne tardèrent pas à irradier d’une énergie blanche, alors que l’hématome sur l’épiderme de la Déchue se résorbait lentement. Lorsqu’ils eurent enfin fini, Eerah leur intima de les laisser tranquille. Elle était désormais une de ses clientes, il réglait pour elle, et en tant que tel, elle avait le droit au calme ; à savoir une salle privée, un masseur privé. Au moins ainsi, personne ne viendrais les importuner. Finalement seuls, il passa une fiole de sels sous son nez, et patienta qu’elle se reprenne conscience. Un sourire vint accueillir son réveil. « Mademoiselle ? Vous nous avez fait une frayeur, vous avez glissé sur le bord et vous vous êtes cogné la tête. Comment vous sentez-vous ? ».


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Jeu 19 Juin 2014, 01:17


Le choc avait été douloureux. Et la perte de conscience diluée. Revenir parmi le monde ne lui réussissait vraiment pas, peut-être aurait-elle juste du mieux .. rester à l’écart, continuer à errer. Ou juste se retirer définitivement hors du monde. Oui, ça semblait être une idée parfaite, à défaut de ne pas pouvoir atteindre un but qui était .. assez instable de toute façon. Et lui, c’était un Déchu ? Elle l’avait à peine réalisé sur le coup. Le mot s’était incrusté comme quelque chose dont on connaissait mais dont on n’a jamais eu à se soucier de l’existence jusqu’ici. Et s’ils existaient, s’ils étaient organisés ? ça ne pouvait juste par se faire. Elle ne voulait pas qu’ils l’emmènent. Quelque part, l’eau chaude se mêla à ses gouttes salées alors que sa peau transmettait vaguement à ses terminaisons nerveuses un contact. Le néant se faisait trop profond pour seulement dire si elle aurait ou non préféré qu’on l’y laisse.

Et il n’y eut plus rien, si ce n’est une lumière aveuglante qui se sertit, petits filins d’argent éclatant dans son esprit, jusqu’à s’étendre complètement et .. surgir sous ses paupières. Non .. c’était .. le jour ? Etourdie, Elias prit plusieurs secondes avant de réaliser la pleine conscience de la situation. Que s’était-il .. seulement passé ? Sa réflexion était lente, les bruits et les voix sourdes et un horrible mal vrilla son crâne au premier petit mouvement indistinct qui cherchait une vague forme reconnaissable. « Vous.. » Etait-ce les conditions hasardeuses de leur rencontre qui menaient toujours à cette impression opalescente qui l’entourait ? Elias n’aurait su le dire. Ce n’était pas un ange, mais .. autre chose. « Que s’est-il passé.. » La jeune femme se redressa mollement, sentant de plus belle dans ses membres les échos de ses quatre-vingt ans d’errances qui suivirent sa déchéance. Elle ne se souvenait pas de la moindre chute, elle ne se rappelait plus vraiment de grand-chose. Uniquement de cet étrange sentiment, de n’avoir rien à faire ici, ni probablement nulle part d’ailleurs.

« Je suis désolée. » L’excuse sonnait bizarrement. Son regard azuré fuyait celui de l’aveugle alors qu'en prendre la peine était dès plus inutile. Déboussolée, ses mouvements gagnèrent une précipitation désordonnée. « Je ne devrais pas être ici… »

Rapidement, Elias voulut faire glisser ses jambes effilées et durcies par-dessus la table, mais le mouvement lui arracha un prodigieux vertige qui obligea ses mains à retourner y prendre à appuie, évitant maladroitement de donner par la même occasion un coup perdu à l’employé. Elle n’était vraiment bonne à rien, même pas capable de partir d’ici. Une vague de résignation vint détendre ses muscles. « Ne m’appelez pas ‘Mademoiselle’. » Oui, ça la dérangeait étrangement. L’ancien ange passa une main dans ses lourds cheveux presque blancs. « Je ne suis pas vraiment d’ici. » Elle ne parlait pas de la région évidemment, mais il le prendrait sûrement ainsi. Elle était un peu lasse, et se trouvait même bizarre de parler à cet étrange employé. Ses pupilles, comme timides, vinrent à nouveau se poser sur lui. Mine de rien, était-ce la première fois depuis qu’elle quittait le Sanctuaire qu’elle se retrouvait avec quelqu’un. C’était stupide à dire, mais elle ne savait plus comme les choses fonctionnaient. Pourquoi ne pas juste .. tenter avec lui ? S’en aller n’était guère à sa portée par ailleurs.

« Merci pour tout à l’heure. » Oui, c’était dès plus élémentaire mais ça ne lui avait pas traversé l’esprit – à force de se lamenter. Son corps lui faisait toujours horriblement mal par ailleurs, sa chute n’avait rien changé aux affres du voyage et la tension naturelle que cela induisait commençait déjà à s’y reloger. Un peu gênée, Elias remonta la serviette qui la recouvrait encore – mais qui avait sûrement été changée vu son absence d’eau. Pour couronner le tout, c’était une situation dans laquelle elle n’avait jamais vraiment été, pas même avant.

« Vous me rappelez » Triste à dire certes. « un ange. »

Sa voix s’était faite un peu amer, mais terriblement lointaine, et à tout comprendre, elle ignorait presque ce qui l’avait poussé à le dire, le visage perdu dans le paysage offert de la salle de massage. Entre la peau hâlée et ses cheveux sombres, elle ignorait d’où lui venait cette impression de clarté. Sans parler que les traits émaciés n’avaient rien de la finesse représentative des êtres angéliques. Elias hésita entre rire ou se moquer d’elle-même, un peu de dérision, cela faisait toujours du bien. « D’où venez-vous ? » Son ton était un peu plus déridé, brusquement curieuse de cet étranger. Après tout, si elle ne pouvait s’inscrire à nouveau dans ce monde, rien ne l’empêchait de prendre connaissance des autres qui y vivaient. « Je suis sûre que vous n’êtes pas de – » Silence, le nom de la ville venait de lui échapper. En même temps, le Continent Dévasté n’avait jamais été son continent de prédilection et ignorait-elle-même si la ville existait déjà avant. Ses souvenirs étaient confus .. un peu trop confus. Entre ces bonds dans le temps, et son errance dans la nature dès plus isolée. Elle se retrouvait un peu.. piégée. Il en fallait bien peu pour que sa mélancolie reprenne le dessus. « Je devrais partir. » Déclara-t-elle brutalement, prenant conscience de la tâche qu’elle faisait dans le décor. Une vraie petite horloge déréglée. Mais heurtant trop vite le sol, ses jambes se dérobèrent sous son manque de force et laissèrent ses bras instinctivement se raccrocher à l'employé. Non, décidément, cette journée ne lui sied pas.
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Eerah
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Eerah
Mer 16 Juil 2014, 21:03

Une nouvelle fois, le Déchu rattrapa la jeune femme, sur le point de retourner côtoyer l’éther et l’inconscience. Difficile de croire qu’elle avait réussi à traverser Megido jusqu’ici sans perdre une jambe ou tuer quelqu’un, elle semblait en permanence sur le point de glisser, comme si le sol ne lui était pas familier. Avec un sourire, il la reconduisit sur la table de massage. « Je pense que vous feriez mieux de rester là un instant, le temps de vous remettre. ». Et le temps qu’il trouve une manière d’aborder le sujet qui l’intéressait réellement. Inutile d’avoir des yeux pour saisir le mal qu’elle avait à se faire à l’idée de sa déchéance. Il ne faisait pas le fier non plus, aux portes de la Citadelle Blanche. Mais elle avait perdu le blanc depuis des années déjà, elle ne pouvait simplement pas rester dans le déni toute sa vie. Le mieux, plutôt que de l’agresser avec sa propre identité, était surement de l’amener à parler d’elle. Et de ses ailes. Aussi il compléta la phrase qu’elle avait laissée en suspens un peu plus tôt. « Avalon ? Non, je ne suis pas originaire de là-bas. Vous y êtes déjà allé ? ». Comme pour lui-même, il ajouta : « C’est une belle ville. On parle beaucoup de changement, là-bas. Les mentalités évoluent, apparemment. Malgré les temps obscurs qui se profilent, certains semblent décidés à faire de la cité un endroit meilleur. ». Puis il retourna s’asseoir sur un tabouret, qu’il amena près d’elle. « Et je vous retourne le compliment ; si vous me le permettez. De ce que j’en ai entendu des secouristes, vous prétendez bien plus que moi au titre d’Ange. ». Il se tut un instant. « Mais j’ai l’impression que vous avez quelque chose de plus. J’ai toujours trouvé les Anges froids et lisses. Vous, vous m’êtes plus sympathique. ». Il fallait simplement qu’elle comprenne.

Il avait attendu quelques années, après sa déchéance, pour intégrer ce fait ; ce n’était pas une histoire de fierté mal placée, ou une façon de combler les vides, mais une simple constatation. On ne gagnait pas à demeurer Ange. Les principes, les vertus, cet espèce de code constant et arbitraire, écrit et imposé par on-ne-savait-qui, tout ça semblait tellement dérisoire. Qui avait jugé que la liberté n’était pas une chose juste, une chose dont on pouvait être fier ? Car il s’agissait de cela. Garder ses ailes blanches, c’était renoncer à son libre arbitre, renoncer à sa capacité au choix. En d’autres termes, s’enchainer volontairement au pilori des « justes » et des « purs ». Personne n’y gagnait quoi que ce soit. Il n’y avait pas de prix à rafler, pas de coupe à gagner, ni même de banquet pour les plus persévérants ; non, celui qui savait résister au péché gagnait simplement le droit d’y être soumis de nouveau le lendemain. Devenir Déchu, c’était également prendre conscience de l’absurdité d’un tel raisonnement, et de ce qu’il entrainait : des Anges fiers, méprisants, jugeant de haut leurs cousins libres, essayant de se consoler avec leurs principes illusoires, comme pour se prouver qu’ils valent mieux qu’eux. Des combats de cour de récréation, sans fin ni logique. Oh, il n’aurait jugé personne sur son choix de vivre une vie selon les critères de vertu angélique ; c’était également ça, choisir : renoncer à son libre-arbitre. Ça n’était pas plus absurde que de croire en un dieu plutôt qu’un autre. Et personne ne pouvait le blâmer de promouvoir sa propre voie.

Laissant un instant la jeune femme, il descendit les quelques marches qui menaient au bassin et au placard dérobé présent dans chaque pièce. On y trouvait principalement des serviettes de rechange, mais également des verres et de quoi les remplir. Rien de fort, à peine un apéritif, mais il n’avait pas l’intention de la saouler, plus de détendre un peu l’atmosphère. Si la Déchue ne prenait pas un peu sur elle, elle allait finir par se faire mal pour de bon. « Alors, racontez-moi. ». Il grimpa rapidement jusqu’à elle. « D’où venez-vous ? Et qu’est-ce qui vous amène à Megido ? ». Sur le ton de la plaisanterie, il ajouta : « De toute façon je ne vous laisserais pas partir avant d’être sûr que vous allez bien, donc on a le temps ! ». Encore aurait-il fallu qu’il plaisante réellement.



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Dim 20 Juil 2014, 17:06


Son rattrapage bien maladroit lui laissa l’amertume de sa situation. Que n’était-elle là, à chasser de vaines idées dans un monde qu’elle avait quitté depuis longtemps ? Les échos de ses souvenirs les plus lointains n’avaient rien à voir avec eux tous. Elle se sentait si étrangère, ça la dépassait. « Merci.. » Convint-elle de marmonner brièvement, peu encline à s’épancher plus avant. Regardant à nouveau ses jambes choir dans le vide, ses doigts pâles se refermèrent sur les bords de la table alors qu’elle convenait d’écouter l’employé dont elle ne connaissait d’ailleurs toujours par le nom. Avalon ? Le nom d’une ville ne lui avait ô combien jamais aussi peu dit quelque chose. Non, elle-même pensait un peu plus tôt au nom de la ville où ils se trouvaient actuellement. Alors évidemment, Elias ne comprit pas ce qu’il lui décrivit, mais à l’entendre, elle devinait qu’il aspirait à cet endroit. « Je ne connais pas cette ville. » Le monde avait forcément changé, mais elle ne se faisait toujours qu’aussi peu d’illusions. Les Hommes répèteraient toujours les mêmes erreurs, et lui, celui qu’elle écoutait, vivait comme si rien ne s’était passé. Evidemment, pour lui, rien ne s’était passé. Trop.. jeune, d’une certaine manière.

Son attention s’était un peu dérobée de leur échange, quoiqu’elle le laissa surtout parler, mis un mot lui fit écho. Qu’avait bien pu lui dire ces secouristes ? Ressemblait-elle à un Ange ? Oui, après tout.. Même un Déchu est ce que l’on nomme toujours ange. Etre Déchue ne devait peut-être pas tout retirer. Elle n’en savait rien. Mais qu’il put mettre le mot compliment sur celui de cette race, ça.. Elias ne comprenait pas, et ça lui soulevait le cœur. Rien à avoir ce qu’ils lui avaient fait subir, quoique. Sa main vint douloureusement masser les pores de son visage éreinté. Une minute plutôt n’avait-elle pas elle-même complimenté cet homme d’être des plumes angéliques ? En tout cas, lui ne leur trouvait rien à envier. « Vous vous trompez… » Murmura-t-elle si bas, commentaire à sa propre âme. Sa description des Anges lui avait paru si erronée qu’un instant elle se demanda si elle n’avait pas fait un brusque retour en arrière. Après tout, même si elle l’avait peu vécu, elle avait vu ce changement chez les Anges. Pourquoi cette impression de débarquer ? Le trou noir qui avait muré ses pensées durant sa précédente chute pouvait ne pas y être étranger.. Néanmoins, au milieu de ce vague à l’âme, un petit sourire contrit avait envahi ses lèvres à sa dernière remarque. Elle appréciait.. qu’il la trouva mieux.

Et pourtant, son esprit restait focalisé sur la seule chose qui l’avait bousculée : sa considération des anges. Que ne pouvait-elle faire tous les efforts du monde, son orgueil l’y entachait, se répandant dans les moindres fibres de ses réflexions. Non sans qu’elle put au moins entendre la suite de ses paroles, plus éloignés. Elias n’accordait plus la moindre attention à ses déplacements, comme brusquement pétrie de mépris. Son intérieur recevait une houle dangereuse que sa bouche mordait en son fond pour s’interdire de parler. Silencieuse de sa lutte intérieure, ses pupilles s’écarquillèrent d’un éveil à la réalité sur ces derniers mots. De tout temps, la gentillesse n’avait jamais dû être qu’un compromis désastreux vu l’usage qu’on en fit..

« Vous vous inquiétez pour moi ? » Oui, l’Ange était passablement amusée, mais regardait désormais l’employé avec une douceur renouvelée. Il avait.. calmé ses appréhensions bêtement, et son orgueil avait été momentanément relégué, sans qu’elle ne puisse l’oublier. Ça la démangeait bien trop. Son regard s’éloigna à nouveau à l’autre bout de la pièce. « Vous m’avez parlé des Anges.. Mais que savez-vous d’eux ? » Pour elle, rien. Et on sentait la réprobation dans sa voix, que le monde pouvait-il ignorer son Histoire à ce point ? « Froids et lisses.. » Les affres de la douleur peignèrent la douleur de ses souvenirs les plus éloignés. Remontant son regard d’un ciel sans nuage, la même impression irréelle qu’elle avait à chaque fois qu’elle le voyait la reprit. « Quel est votre nom.. ? » Murmure inconscient et rapide, d’un désir irrépressible de le connaître, de se mêler à cette clarté irréelle.

C’était idiot, c’était stupide, c’était simple. Mais la jeune femme gardait ce trouble depuis leur rencontre que cet être serait différent du reste, et qu’il lui fallait lui parler. Mais se confier était ô combien une tâche tout à fait.. inacceptable ? Inenvisageable. Comme si les secrets de ses origines devaient désormais être enterrés au fond d’elle, pour permettre la place à l’actuelle nation. Ou que le fait d’en parler ruinerait ses chances d’en faire parties. Alors opta-t-elle pour des demi-histoires. « Je viens du Sanctuaire, j’y ai passé plusieurs semaines en convalescence après avoir été retrouvée pratiquement morte dans la Forêt des Murmures.. Et les souvenirs délavés. » Et des demi-mensonges. Ce n’était pas entièrement faux : tout se bousculait dans sa mémoire maintenant qu’elle était jetée dans ce monde. La réponse lui apparut étonnante, évidente : elle avait besoin de lui. « J’étais de passage à Megido » Voilà donc le nom qui lui avait échappé. « pour me rendre dans cette même Forêt et y retrouver l’être qui m’a probablement sauvé. » Elle n’était pas vraiment sûre que cela intéressât cet inconnu mais ne voyait aucune raison de ne pas répondre à ses curiosités.

Mal assurée, son bras se tendit lentement vers le visage de l’inconnu, posant la pulpe de ses doigts froids sur la mollesse du derme de sa joue. Son toucher délicat la déstabilisa quelques secondes, coupant sa voix, avant de progressivement lui rappeler ce qu’elle désirait à la base.

« Vous, parlez-moi. » L’aveu du requiert d’aide n’avait jamais autant couté à sa gorge, qui s’en étrangla brièvement. Mais il fallait qu'au moins lui. « Je suis.. une parfaite étrangère. » Elias choisissait chacun de ses mots avec le soin le plus méthodique qui lui fut donné. « Je ne comprends pas tout ce que vous m'avez dit. Je viens de trop loin.. Et tout me semble effrayant de par le peu de rappels que j'en ai. Le monde tourne-t-il toujours comme si de rien n'était ? Les Anges.. » Sa trachée buta. « Je ne suis pas un Ange de la Citadelle, je n'en suis plus. Et ça n'a.. ça n'a aucune importance. » mourut sa voix.
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Mar 05 Aoû 2014, 20:51

Un sourire sarcastique agita les lèvres du Déchu, alors qu’il remplissait les deux verres du liquide ambré que contenait la bouteille. C’était l’Orgueil, bien sûr que c’était l’Orgueil ; qui pouvait à encore se bercer d’illusion une fois la condamnation tombée ? Elle était si fière d’être ange qu’elle en avait perdu le privilège, et pourtant, elle parvenait encore à idolâtrer ce qui n’était rien de plus qu’une ébauche mal dégrossie de l’être accompli qu’était le Déchu moyen. C’était un aspect de son rôle, du rôle auquel il prétendait en s’attaquant aux fondations de son propre royaume : Guider les siens, retirer, à la manière d’une mère, les fragments de coquille qui couvraient encore la vue de ses nouveaux nés. Il n’avait pas à lui indiquer une route plus qu’une autre, elle était libre de retourner s’enchainer si tel était son souhait, mais il ne pouvait pas la laisser prendre cette décision sans d’abord lui confier toutes les pièces du jeu. Du bout des doigts, il fit glisser le verre sur la table en pierre, jusqu’à la jeune femme. « Je m’appelle Eerah Scaldes. Ce n’est qu’un nom, mais peut-être vous évoquera-t-il quelque chose d’ici la fin de l’année. Quand à ce que je sais des Anges… ». Le souvenir de la brûlure n’avait jamais disparu, il avait simplement tendance à le laisser pourrir quelque part dans les tréfonds de sa mémoire. S’appesantir sur le passé n’était pas plus utile qu’intelligent. Il avait tiré les leçons de ses expériences des années auparavant, et la nécessité de se morfondre dans sa mélancolie l’avait quitté depuis longtemps. Il sourit davantage en portant l’alcool à ses lèvres. « … J’ai peur d’en savoir un peu trop. ». Le breuvage s’écoula comme une langue de feu au fond de sa gorge, et il posa le verre au sol dans un tintement cristallin. « Mais je vous retourne la question, que savez-vous des Anges ? ». Pure rhétorique, il n’avait pas besoin qu’elle le lui conte pour entendre les usuelles mystifications que l’on réservait aux crédules et aux faibles d’esprits. Ce n’était pas la première fois qu’on tentait de lui ressortir l’éternel refrain, et certainement pas la dernière. S’il avait été un temps où il aurait pu réagir, celui-ci était révolu. On ne pouvait pas convaincre ce genre de personne, ne restait qu’une seule chose, la preuve. Il aurait le temps de lui montrer en quoi les Ailes-Blanches pouvaient se montrer cruelles.

Le Déchu retrouva son sérieux en écoutant l’histoire de son réveil. Ses « souvenirs délavés » n’étaient qu’une façade pour parler évoquer son trouble, il n’avait pas l’intention de l’interroger davantage. Elle avait passé trop de temps loin des siens, trop de temps avec les ailes noircies et personne pour la guider. Les idées qui avaient eu le temps de germer dans son esprits étaient ancrées solidement, leurs racines s’étendaient jusqu’à sa perception du monde, la faussant pour la tourner à son avantage. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était s’attacher à la terre et s’occuper de chacune d’entre elles, l’une après l’autre. Il répondit à son appel à l’aide avec le plus de délicatesse possible, choisissant chacun de ses mots, songeant au propos général qu’il tentait de lui faire envisager. « Vous n’êtes plus une étrangère. N’ayez pas peur d’aller trouver ceux qui seraient heureux de partager votre fardeau. ». Eerah songeait à ce qu’elle lui avait glissé, ses inquiétude sur le monde, sur la société. Non, il y avait fort à parier que les choses n’avaient pas vraiment changé. Ici et là, les mentalités évoluaient, mais dans l’ensemble, les Anges restaient Anges, et les Démons restaient Démons. Pouvait-il vraiment lui dire de cette façon ? Elle avait peur, visiblement, peur de ne pas retrouver ce qu’elle avait laissé. La conforter dans son ignorance, en lui annonçant de but en blanc que les gens ne changeraient jamais, n’était certainement pas la meilleure chose à faire. Il s’en abstint. « Le monde ne s’arrêterais pas de tourner ; pas même si toutes les ailes venaient à disparaitre. Chaque jour apporte son lot de joies et de pleurs, il ne tient qu’à nous d’en tirer ce que nous souhaitons. J’ai arrêté d’aller m’approvisionner en pleurs depuis longtemps, vous devriez en faire autant - c’est très bon pour le teint ! ». Ses yeux aveugles allèrent chercher son regard sans parvenir à l’accrocher. « Plus sérieusement, Elias… Je peux vous appeler Elias ? ». Elle ne lui avait pas encore donné son nom, et il était plus que temps de passer aux choses sérieuses. « Elias, regardez-moi. Vous n’avez plus à craindre ce monde. Voilà longtemps que les Anges n’ont plus le monopole des ailes. Des hommes et des femmes se sont battus et ont péri pour que la barbarie déserte les rues de cette Citadelle que vous enviez tant. Aujourd’hui… ». Il se redressa et fit quelques pas vers le bassin. Dans un froissement léger, il déploya ses plumes noires, projetant son ombre jusqu’aux pieds de la Déchue. En se tournant, il termina sa phrase. « Aujourd’hui nous sommes libres. ».



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Mar 19 Aoû 2014, 02:43

Sa tête formatait bien mal les mots que lui offrait cet homme. Ça n’avait pas tant à voir avec le fait qu’elle ne puisse les croire, que tant qu’elle trouvait étrange d’y accorder un crédit qui ne s’incrustait pas aussi loin qu’à l’époque de sa naissance. Pourtant, un petit sourire désolé franchit ses lèvres, probablement aussi désolé que reconnaissant malgré tout. Avait-il un peu les paroles du sage qu’il suffit d’entendre sans chercher de véritable fondement. Des paroles que tout le monde pourrait dire, mais qui n’avait d’impact que parce que justement  cette personne était déjà connu comme sage. Seulement, ignorait-elle tout de cet homme, ou seulement qu’il lui exprimait un sentiment de proximité qu’il lui était délicat d’ignorer, de proximité mais aussi.. de clarté, néanmoins, pas jusque dans ces paroles. Pas à ce point-là, pas au point de boire naturellement tout  ce qu’il pouvait dire comme si ce fut des choses évidentes. Cette perle aura cristalline, que son esprit s’acquittait toujours à lui faire sentir, provenait d’une réalité bien différente. Elle le devinait, sans pouvoir y mettre un mot de plus dessus. Néanmoins, l’ancien Ange prit peine d’écouter la patience qu’il prenait à .. s’attaquer à ses plaies. D’ailleurs … pourquoi ? Un simple employé de Thermes le ferait ?

Le verre dandinant de son liquide parfumé, à portée de sa paume délassée de ses appendices anguleux, s’ignorait tout  à fait à son esprit piqué de cet homme. Loin l’en fut de toute façon l’intérêt qu’elle aurait un jour porté à l’alcool. « ‘Le monde ne s’arrêterait pas de tourner’… j’aimerais me dire que vous n’ayez pas forcément raison ! » Répliqua la jeune femme, éclatant d’un trouble rire, clair dans son éclat fugace, se renvoyant à des images de son passé démantelé par les êtres. Mais cela faisait du bien, du moins sur l’instant où elle l’avait suivi dans ses péroraisons .. assez vraies. Lorsqu’elle s’était réveillée au Sanctuaire, jamais ne lui avait-il paru aussi affligeant d’avoir erré de nombreuses années, à se lamenter par cet abandon. Pleurer, ne l’avait-elle plus fait depuis longtemps mais… quelque chose l’effrayait, quelque chose de non-distinguable pour l’instant. Son regard se portait à se perdre vers les ondes fraîches du bassin – imaginant un instant s’y engloutir pour oublier – quand son propre prénom résonna de la voix qui débitait d’une assurance qui ne pouvait désormais plus s’ignorer. L’interloquée frayeur s’ébaucha un passage dans les cristaux de ses yeux, et seule la considération d’Eerah l’empêcha de n’aller plus loin et créer une boule d’angoisse. Elle n’en restait qu’au stade de la surprise, peut-être pour cet inconnu qui n’avait pas cherché à se voiler à elle. Néanmoins, aucune réponse ne put franchir sa bouche traîtreusement attentive à refléter son appréhension. Il ne lui faisait pas peur, non. Avait-il… exacerbé tout de sa curiosité.

L’injonction s’égara dans ses réflexions comme l’automatisme le plus bref, l’amenant aussitôt à saisir les orbes voilés de celui qui ne pourrait jamais constater avec quelle incidence elle le contemplait, buvant une attention qui aurait dû la refroidir. Mais bêtement, avait-elle confiance en lui. Le monopole des Ailes… Est-ce que cela devient l’inquiéter ? Inconsciemment, l’information se dilua en d’autant de tronçons délicats que les ‘siens’ avaient déjà brutalité, sectionné, à une époque qui n’était plus celle de ce monde. Un soupir évasif écorcha son souffle, alors que son regard s’enfuyait de celui qui s’adressait à elle. Ça non plus ne pourrait-il le voir, pourtant, elle était si désireuse de veiller à l’écouter envers et contre toutes ses pensées. Il ne savait peut-être pas tout à fait ce qu’il faisait remonter en elle, mais… ça la confortait de réaliser que même maintenant – alors que les anges étaient devenus ces créatures parfaites – il y en avait pour réaliser que la blancheur immaculée de leur plume ne valait pas plus que ça. Et puis… il y eut l’affront de trop, qui déboitèrent les jambes de la jeune femme jusqu’à même le sol d’un bond imprécis. « Je ne les envie pas tant. » Irritée, agacée. Evidemment, avait-il touché son orgueil, et les mots avaient fusé comme des dards empoisonnés dans sa trachée. Personne ne la rabaisserait à la faire aimer de ces êtres emplumées de leur grâce, pas avec ce péché tourmenteur. Et pire que cela, le manque de retenu dont elle venait de faire preuve crever un peu plus sa fierté blessée de ne pas avoir su se retenir. Nul péché plus déchirant à l’âme que celui d’Orgueil. Mais dans la gestuelle qu’elle eut voulue révoltée, son sang se glaça.

Sans en comprendre au début le dénouement, ses orbes l’avaient suivi dans le mécontentement qu’elle exprimait, loin de se douter qu’il couperait à jamais court à la méprise qu’elle venait de lui infliger… et de la manière la moins imaginable possible. Dans sa bénigne souffrance à réaliser ce qui s’en suivit, son corps se recouvrit de marbre quand sans que son esprit ne puisse le percuter, l’ombre de toute sa vie future embrassa le paysage si pâle de la salle de massage. « Non… » A peine murmuré, à peine réalisé. Cet homme de clarté dont la proximité l’avait envahi était … « Non… » Conclusion seriné, plus forte, mais toujours trop bas, alors qu’il se retournait vers elle. Elle avait deviné ses traits sereins, la force de ses mots, qui bien que loin de la percuter fut peut-être tout ce qui empêcha la crise de panique. Tout s’engrangeait dans ses pensées. Son assurance, son désir de lui venir en aide, son savoir. Tout.. tout sauf… ce qu’elle ressentait depuis le début en le voyant. Elias n’y comprenait rien. Tout était déjà suffisamment flou, avait-il vraiment fallu qu’il en rajoute ? S’en était presque trop. Sentant la tension qui clorait bientôt une crise, l’ange fit la chose la plus humaine qui lui vint à l’esprit : s’éloigner pour faire les cent pas, dans l’aspect le plus frénétique qui soit.

Comme enroulés de l’angoisse qui carillonnait dans ses veines, et non pas dans ses pensées – non cela aurait été trop catastrophique là –, ses bras se baladaient à droite, à gauche, se repliait, se détendait, massait son cou, échevelait ses mèches blonds pâles, tentait un vain appuie dans l’air comme si elle s’attendait à y trouver un soutien pour finir par un déséquilibre vite repris dans sa frénésie. « Vous êtes.. Vous êtes un Déchu. » Son timbre se contrôlait si mal, qu’il aurait fallu pour être pire qu’aveugle pour ne pas sentir le stress débattant. « Vous êtes un Déchu. » Répéta-t-elle, forçant la précision de ses mots pour regagner une contenance, vidant l’angoisse par sa parole. Un désir, chahutant au fond de son être, se débattait pour éviter la crise. Elle lui devait de ne pas s’emballer, aussi inexplicable que cela lui apparaisse sur l’instant. « Vous saviez, n’est-ce pas… pour moi. » Maintenant, ça lui paraissait un peu trop évident. Cette façon pointilleuse de s’apprêter auprès d’elle. S’eut l’occasion de la calmer, sa démarche se ralentit, presque autant que ses mains qui retrouvèrent la réconforte place de son ventre. Et sa voix alourdie par les soubassements d’une réalité qui était pourtant parfaitement éclatante reprit. « Est-ce qu’il… Est-ce qu’il y en a d’autres ? » La question pouvait paraître saugrenue, mais l’ange qu’elle était .. avait passé trop de temps à se préoccuper des autres pour que le seul mot « déchu », ne signifie pas plus un concept que de réelles personnes …

Plus cruellement. Ce Déchu, Eerah Scaldes, s’assombrissait de ce qui lui avait été proscrit. « Les miennes m’ont été arrachées. » L’aveu d’un déboire dont le souvenir lui serait toujours trop douloureux avait pourtant fusé… comme le plus simple appareil d’un secret confié à une personne proche. On ne se pose pas la question, on le dit simplement. Ce simple petit effet attira à nouveau à ses pensées les précédents mots de leur discussion, et comme le plongeon trop doux d’une échappatoire, mais aussi du prolongement parfait, sa voix s’érailla pensivement vers les lueurs de son passé – celles qui lui étaient en suffisamment claire mémoire – abandonnant les entailles souffreteuse que l’image de celui qui s’était démarqué lui provoquait encore. « Non, non, je ne les envie pas… Les Anges aussi ont commis des horreurs, par le passé. Bien avant de devenir les modèles de perfection qu’ils incarnent aujourd’hui. Je suppose.. que c’est un bien nécessaire. Mais je m’étais déjà quand même dédié à eux à l’époque. » Son timbre chuta, confondue en une recherche latente de ses souvenirs, en même temps que ses yeux se dérobaient au sol. « Ils ne sont ni froides, ni lisses. Ce sont les pires, car de leur ascendance plus pure que jamais que leur ont donné les âges – alors que baignait déjà en eux des premières époques les pires massacres – qui pourrait leur jeter la pierre ? Il est facile de décrier une race maléfique, mais on ne peut rien soulever jusqu'au dernier moment .. quand le bien fait ce qu'il a fait .. pour le bien. » A ses yeux, tout ça n’était que des faits.
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Mar 21 Oct 2014, 22:48


Ailes repliées dans le dos, évanouies comme si elles n'avaient jamais existé, Eerah s'était appuyé contre la table de massage. Son verre était de nouveau plein, et il attendait le bon moment, patientant qu'Elias eut intégré l'information. Elle avait visiblement un peu de mal. Ce n'était pas rare, tout le monde ne gérait pas de la même manière sa déchéance, et pourtant même en tenant compte de cela, il avait rarement été confronté à ce niveau de rejet. Ce n'était pas pour le rassurer. Les quelques cas semblables qui avaient parsemé son existence s'étaient finis avec une rédemption ou un suicide. Tout le monde n'était pas fait pour vivre en Déchu, certes, mais il était convaincu que c'était quelque chose qu'on apprenait à maitriser, au même titre qu'une langue ou régime alimentaire. À l'exception faite qu'il fallait cette fois apprendre à briser les règles et les tabous. Certains hommes payeraient cher pour vivre en Déchu, mais ce simple souhait les discrédite d'office pour parvenir à la Citadelle. Il faut porter des chaines pour comprendre la vraie valeur de la liberté. La "jeune" Déchue devant lui avait le réflexe naturel que l'on observait chez l'homme et certaines espèces animales. Lorsqu'il étudiait encore à Basphel, son professeur de Sociologie l'avait illustré spectaculairement. Il leur avait exhibé un grand bocal, rempli de puces sauteuses. Les insectes s'agitaient avec véhémence, et se cognaient avec de petits tintements contre le couvercle en métal. Puis le temps passant, le cours se déroulant, les puces ne percutaient plus le zinc ; elles sautaient toujours, mais s'arrêtaient désormais à un millimètre du couvercle. Dans une situation similaire, n'importe qui agirait de la même manière. S'adapter à ses limites. Mais ce n'était pas ce qui intéressait l'instituteur. Lorsque toutes les puces s'étaient adaptées à la hauteur du bocal, il avait ôté le couvercle. Ils s’attendaient tous à ce que les puces se répandent dans la salle et certains élèves commençaient déjà à se lever pour s’éloigner le plus possible. Pourtant pas une seule d’entre elles ne franchit le bord du récipient. Elles continuaient de sauter, mais se retenaient volontairement, comme si elles ne voulaient pas se cogner. Comme si le couvercle était encore là. On pouvait observer le même principe avec les jeunes Ange qui venaient de perdre les Ailes-Blanches. Cloitrés dans leurs principes, les règles qu’on leur avait imposées et qu’ils avaient finies par s’imposer eux-mêmes. Des puces dans un bocal. Un bocal fait de promesses et de principes illusoires.

Devant lui, la puce se débattait, gesticulait en refusant de dépasser son bocal. Mais pourtant elle ne semblait pas dévouée à la Citadelle. Il l’entendait lucide et logique, et pourtant elle refusait son état de Déchue. Comme si elle était à mi-chemin entre les deux races. Elle avait pris conscience qu’elle n’avait plus sa place chez les Anges, mais elle ne semblait pas résolue à la trouver chez les Déchus. Ce n'était malheureusement pas uniquement lié à une question de convictions. On lui avait arraché les ailes. Le crime le plus affreux et plus barbare ; priver un Ange, qu'il soit Déchu ou non, de ses appendices dorsaux était un acte de cruauté sans commune mesure. Une partie sombre de l'histoire que les Ailes-Blanches semblaient parfois  bien trop prompts à oublier. Ce qui fait la fierté des siens, ce plumage noir symbole de sa liberté retrouvée, elle ne l'avait plus. L'aveugle esquissa une moue pensive. Il fallait qu'il parvienne à la faire avancer. Il devait le faire. En se redressant, il s'approcha d'elle à nouveau, alignant son regard vide avec celui de la jeune femme. « Il y en a des milliers d'autres. Des dizaines de milliers de nos semblables. Nous vivons une époque troublée, mais le renouveau se profile. ». Un renouveau qu'il était bien décidé à amener. « Ce que l'on vous a fait, ce que vous avez subi, j'ai peur que rien ne puisse l'effacer. Ne les laissez pas gagner, ne renoncez pas. Vous n'êtes pas seule à avoir été mutilée. ». Il passa une main devant ses yeux éclaircis par la cécité, ultime présent de la Citadelle Blanche. Ça n’avait rien d’une consolation ; si on lui avait demandé à l’époque de choisir entre sa vue et ses ailes, il n’aurait pas hésité et se serait lui-même brûlé les yeux. Il imaginait à peine ce qu’elle avait pu ressentir. Songeant à ses dernières paroles, il ajouta : « S’il est bien une chose que vous apprendrez, c’est que la notion de bien est toute relative. Les Anges ne font ce qu’ils font que parce qu’ils estiment avoir raison, et être au-dessus de toutes les lois pour faire respecter ce « bien ». N’est-ce pas exactement ce que font les Démons ?  Il n’y a ni bien, ni mal ; il n’y a que le rationnel et l’irrationnel. L’extrémisme est irrationnel. ». Eerah s’approcha un peu plus de son visage. « Promettez-moi, Elias, promettez-moi que je vous reverrais en Avalon, ne serait-ce que pour y découvrir votre voie, quelle qu’elle soit. ». Il sourit. « Ce jour, nous nous reparlerons, peut-être d’une façon que vous ne pouvez encore imaginer. ».


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