La route avait été longue, mais je revins à mes origines sans trop de dégâts. Alors c’était ici que j’étais né ? Ma sœur s’y trouvait peut-être encore… je souris à cette idée, j’espérais qu’elle soit contente de me voir. J’avançai dans les rues comme si tout était nouveau pour moi. Depuis la rencontre avec Saari puis Adril quelques mois plus tôt, tout avait changé. Je me demandais si ici je risquais quelque chose vis-à-vis de la secte, mais cela m’importait peu maintenant. Je me fis bousculer par certains, et d’autres me regardais comme un étranger, mais j’en étais un n’est-ce pas ? Je me retrouvai alors devant la petite maison en ruine qui fut ma maison… Ulumpha ne devait certainement pas être là… Je vis alors une vieille femme et lui demandai :

« Bonsoir ! Veuillez m’excuser, mais j’aimerai des renseignements » je pointai la maison du doigt « Cette maison, que s’est-il passé ? » la femme prit un air éperdu :

« Mon pauvre garçon, cette maison  est maudite croyez moi, personne ne la voulait alors ils ont préféré la laisser comme ça, se faire ronger par la végétation locale. Il y avait une famille avant vous savez ? Des enfants charmants ! Mais un jour, le frère a disparu, on a jamais su où il était allé et on dit que la mère est morte de chagrin… après sa mort, le père s’est mis à boire, et ne voulant pas que sa fille le vois comme ça, il ne rentrait que rarement à la maison, il la laissait donc seule. Je lui apportais à manger parfois, pauvre enfant…  Son père a été retrouvé dans la rue, mort. Ils l’ont donc mise dans un orphelinat, mais c’était trop dur pour elle, elle s’est suicidée… un vrai gâchis » je m’effondrai devant-elle « mon garçon ? Que se passe-t-il ?... », Mais elle comprit très vite « je vois… je suis désolé de t’avoir appris cela comme ça… tu as fort grandis dis-moi… viens, je vais t’héberger pour la nuit, tu ne vas pas rester tout seul après ça comme même… »

Totalement vide, je la suivis, ne sachant où aller d’autre. Elle m’emmena dans une charmante maison, pleine de goût. Les propriétaires devaient être riches pour pareil endroit. Je restai assis sur la chaise dans la salle à manger, elle me servit alors un plat, mais je n’y touchai pas :

« Mon mari va bientôt rentrer, il t’occultera pour voir si tout va bien… peut être te donnera-t-il une potion ou deux pour que tu reprennes de l’aplomb… »

Je baissai la tête, et soudainement, la porte de la maison s’ouvrit :

« Ah Durzol ! Enfin ! » Lui dit-elle en lui ôtant son manteau

« La blessure de madame Homraz était plus importante, j’ai dû la recoudre… il faut qu’elle cesse de tomber dans les escaliers, vraiment… » lui répondit-il « qu’est-ce que ce jeune homme ? »

Elle lui chuchota alors à l’oreille ce qui venait de se passer et il s’approcha vers moi :

« Bonsoir jeune homme, je vais voir déjà si tout va bien, car tu as du faire un long voyage pour arriver ici » voyant que je ne réagissais pas il rajouta d’une voix douce «bon, enlève ta chemise que je puisse t’examiner »

Je m’exécutai, et la femme mit ces deux mains sur sa bouche pour retenir son étonnement. Tout mon dos était balafré, dût aux coups de fouet innombrables que j’avais reçus en étant à la secte. Le médecin toucha du bout des doigts, puis appuya pour voir si je ressentais la moindre douleur, puis il appuya sur mon ventre, pris mon pouls… cela dura quelque minutes, jusqu’à ce qu’il me demande :

« Tu as mal quelque part ? »

Je le regardai droit dans les yeux et mis la main sur mon cœur. Il était en train de se déchirer, comme si on venait de m’arracher mes racines.

« Je ne puis rien faire pour toi… »

Soudainement, et sans prévenir, quelqu’un me toucha le dos, là où mes cicatrices se superposaient. Étrangement je ne bougeai point, c’était une femme plus âgée que moi. Elle était très bien habillée, très coquette et très raffinée. Sans prévenir, je donnai un coup d’épaule pour prévenir que je n’appréciai pas qu’elle me touche. Elle enleva sa main et dit à son père :

« Les faibles ne sont pas autorisés ici, mais son corps nous dit que les mille souffrances qu’il a endurées n’ont pas eu raison de lui… J’en déduis qu’il n’est pas si faible qu’il n’y parait et j’avoue que je serais également fort peiné si vous veniez à mourir, mes chers parents… peut-on le prendre comme serviteur ? Cela lui permettrait d’avoir un toit et de se remettre de tout cela… puis Mère ne serait pas seule dans cette grande maison »

Son Père écarquilla les yeux, apparemment il n’était pas d’accord du tout. Tandis que sa Mère tapa dans les mains comme une enfant et cria :

« Oh oui ! Un serviteur pour m’aider ! »

Le père n’eut d’autre choix que de me prendre comme telle, et je n’avais pas le courage de refuser, de toute façon, ou serais-je allé ? Cela dura des mois et des mois, je regardais également Durzol, le Père, dans son travail, et cela me rappelait ce que j’avais appris à la secte avec l’un de mes maîtres qui était médecin et botaniste. J’avais également appris quelque potion, remède et plantes. Entre les corvées, je me mis alors à lire les livres de médecine de Durzol, j’étais très intéressé. Après quelque temps, au petit matin, Durzol partie dans sa petite maison qui lui servait à accueillir les malades et à les héberger en cas de besoins, cette maisonnette se trouvait de l’autre côté de la ville, au dernier plateau.  Magrish, sa femme, me demanda alors d’aller au marché faire les courses, je m’exécutai sans attendre.

Je tapai des coudes les passants pour m’imposer face à la masse grouillante, mais soudainement, je vis un petit groupe s’amasser autour d’une bagarre me semblait-il, c’était néanmoins dans une petite ruelle à peine visible. Je m’approchai alors, et vis qu’une poignée d’hommes se disputait la fille de mes employeurs. Ils avaient à moitié arraché ses vêtements, et semblaient totalement saouls. Sans réfléchir,  je me jetai dans la bagarre. Je me pris néanmoins un coup de poing dans l’œil, mais rien de grave, Lindile était en sécurité :

« C’est elle que tu veux ? » dit un homme, tenant fermement la fille dans ses bras

Je me retournai vivement et fronçai des sourcils :

« Rend la moi espèce d’enflure ou tu le regretteras… » Je parlais enfin, après des mois d’abstinence

« Tiens ! Le petit réfugié des Shadbak parle enfin » cracha-t-il en riant, il sortit alors une lame de sa poche et la trempa dans un liquide marron : « venin de scorpion mon chère… » Il coupa alors la peau de Lindile et la lâcha en s’enfuyant. Je fouillai rapidement dans les courses que je venais de faire, Magrish m’avait envoyé faire les courses pour son mari, et j’étais passé chez un botaniste tantôt. Je sortie alors l’aconit (herbe au loup) qui est utilisé comme remède contre le poison de scorpion, je l’écrasai avec une pierre que je trouvai par terre pour en faire une petite purée et l’appliquer sur la cuisse de Lindile, en la touchant, je murmurai un : « désolé », car je touchais la fille de mes maîtres. Par la suite, j’appliquai du Benjoin pour ses vertus cicatrisante et antiseptique.
 
Au final, je revins sans les courses demandées, mais aidant Lindile à marcher. Je ne l’avais pas sauvé, j’avais juste gagné beaucoup de temps, et lorsque Durzol fut prévenu, il s’occupa de la suite. Après que sa fille soit hors de danger, il vint me remercier, et il me proposa de devenir son apprenti. J’acceptai, bien évidemment.

Je fus alors installé dans la chambre de la petite maisonnette, où j’aidais les malades à prendre leur traitement, nettoyer leurs blessures et pratiquer les premiers soins. Je n’étais pas encore prêt à sauver des vies comme Durzol le faisait, mais je savais qu’un jour, j’en serais enfin capable.