La corde se tendit dans un bruit lent alors qu'un petit sourire se dessinait sur le visage de Mitsuko.

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La sensation que la jeune femme ressentit ne lui était pas apparue depuis si longtemps : l'impuissante face à la gravité. En temps normal, elle aurait évité la chute avec une facilité déconcertante, ne faisant pas partie du même plan que les Mortels, n'ayant la même notion d'espace, étant insoumise à l'attraction terrestre. Mais cette fois, ce fut différent, une sensation d'adrénaline enveloppant son être alors qu'elle se retrouvait par terre au milieu des assiettes. Son regard se porta directement sur l'ancien roi, fixant son sourire victorieux. Cela lui rappela qu'elle s'était sans doute ramolie à son contact en lui laissant croire qu'il avait l'avantage. Il ne perdait rien pour attendre car dès qu'elle réussirait à le convaincre de revenir sur les terres magiques, elle le mettrait à genoux, une laisse autour du cou et elle lui ordonnerait de faire tout pour la contenter. Elle attendit qu'il parte pour sourire. Elle aimait son comportement parce qu'elle savait qu'elle aimerait encore plus le soumettre dès qu'elle en aurait l'occasion. Il était le roi de ce désert de glace mais qu'il s'aventure sur son territoire et il paierait pour ses crimes. Il avait raison d'un côté, il était le seul devant qui elle se mettait à genoux. Mais avait-il oublié dans ce froid glacial qu'à chaque fois qu'elle s'agenouillait devant lui, c'était lui qui perdait tous ses moyens? Elle se mordilla la lèvre inférieure, se rappelant de ses résolutions. Puisqu'il souhaitait jouer, alors ils allaient jouer, jusqu'à ce qu'il y en ait un qui s'agenouille de son plein grès pour quémander l'affection de l'autre. Elle se releva, le silence se brisant d'un coup. Un voyageur vint vers elle pour lui demander si elle allait bien. C'était mal la connaître. Elle répondit alors : « On ne peut mieux... ». « Mais enfin il... ». « Taisez-vous ! ». Elle avait employé un ton catégorique, ferme, ne laissant nulle place à une quelconque réponse. Son regard vert dans les yeux marrons de l'homme semblait être un sabre tranchant s'apprêtant à s'abattre sur lui sans qu'il ne puisse rien faire. Il faillit en suffoquer jusqu'à ce qu'elle décide de regarder ailleurs. Elle sourit. « Il n'y a que lui qui soit réellement capable de telles prouesses. ». Elle l'avait murmuré. Pourtant, c'était comme si tous les individus présents avaient pu entendre ses mots. « Jusqu'à preuve du contraire. ». Il n'avait jamais été le seul, simplement le seul assez résistant pour vouloir la défier encore et encore. Finalement, peut-être pourrait-elle perdre face à lui ? Non, il pouvait toujours rêver, si elle choisissait de perdre, elle le ferait exprès pour avoir le plaisir de revoir ce petit sourire triomphant sur son visage. Mais elle devait avouer qu'il était convaincant, elle aurait presque pu en trembler, presque pu imaginer qu'il pouvait gagner. Quand elle serait humaine, il gagnerait, du moins, si elle était encore joueuse. Mais ici... comment savoir ? Et gagner quoi, telle était la question. Car à trop se défier, à trop chercher un adversaire à sa hauteur, l'on en arrive parfois à ne plus avoir aucune idée du gain à la clef. Voulait-il la voir le supplier de l'embrasser, le supplier de la toucher, le supplier de redevenir doux avec elle, de se rendre en sa compagnie au delà de cet océan glacé ? Mais en attendant, oui, il avait réveillé son instinct de chasseur. Avait-il ne serait-ce qu'une idée de ce que cela signifiait ? De quoi elle était capable pour serrer sa proie entre ses doigts ? Peut-être que les présages n'étaient pas bons : à jouer aux jeux dangereux, l'on finit toujours par se couper et il lui faudrait doser pour ne pas qu'ils en sortent tous les deux blessés. Mais en attendant, peu importait.

Elle sortit dans le froid, fixant un point se déplacer un peu plus loin. Son mari. Elle sourit, se dirigeant vers la frontière du continent de glace, faisant un pas vers l'eau gelée, comme si elle avait l'intention de se suicider. Une femme faillit la retenir mais quand elle s'aperçut qu'elle flottait au dessus de l'eau, elle en devint muette comme une carpe. Une fois la limite du continent passée, il n'y avait plus de danger, plus que sa magie qui l'habitait de nouveau. Ses vêtements disparurent pour laisser place à une robe d'un blanc immaculé. Elle sourit devant la femme qui en tomba dans les pommes, s'éloignant vers l'océan. Un arc apparut dans sa main. Elle créa un parchemin, y inscrivant par la pensée un message à l'adresse de son époux, un sous-vêtement en dentelle se trouvant emprisonné dans le papier qui s'enroula autour d'une flèche. Elle positionna la flèche puis amena sa main droite à la hauteur de son œil pour viser. La flèche s'enflamma alors que Zéleph venait de s'appuyer dans un coin de la pièce. « A jouer avec le feu, l'on finit par se brûler, Io Arz. ». Elle tira, sa flèche divine se mouvant à une vitesse vertigineuse, effleurant la joue de l'ancien roi pour se planter dans le mur juste à côté de lui. La lettre s'ouvrit, dévoilant le sous-vêtement ainsi qu'une écriture aérienne. Un cœur y était dessiné avec quelques mots :

« La prochaine fois, je préférerai que tu me prennes sur la table plutôt que tu donnes plus de travail à l'aubergiste, mon ange. Je reviendrais te chercher pour le mariage. Tu me rendras mon présent à ce moment là car je viendrais sans. Sache que la prochaine fois, je viserai juste, en plein dans ton cœur. N'oublie pas d'éteindre le feu de ma flèche, tu risquerais de te brûler...  ».

Mitsuko sourit, décidant de donner une deuxième chance à l'homme qui aurait dû mourir. De là où elle était, elle pouvait avoir une influence sur le début du continent. Alors que celui qui devait périr reprenait ses esprits, la femme qu'elle avait croisé peu de temps avant entra dans l'auberge en trombe : « J'ai vu un esprit... un... mirage... un dieu !! Elle avait une belle robe blanche et euh... des cheveux blonds et elle flottait au dessus de l'eau et... ». Oui, il n'avait pas fini d'entendre parler d'elle.