La nuit avait passé sans réels encombrements , le pauvre gamin ayant perdu toute la fierté et le courage qui étaient ses signes distinctifs au début de l'aventure , pour les remplacer par ce personnage craintif qui doutait royalement de lui et même de ses aptitudes à l'épée , chose qui ne restait plus à prouver pour Sicarde qui avait eu la chance de pouvoir l'affronter, tremblait dans le lit improvisé que le jeune homme avait fabriqué pour lui . Cela se voyait que derrière cette façade impassible qu'il cherchait désespérément à afficher , derrière ces yeux d'enfant qui s’efforçaient de se montrer cruels , vils face à leurs adversaires , derrière ce pauvre garçon ne se cachait qu'un enfant de son âge , avec ses peurs et ses tracas , Luka loin de pouvoir comprendre parfaitement ce qu'il ressentait ayant traversé cette période difficile trop de temps dans le passé pour qu'il puisse s'en souvenir correctement.

Le gamin l'avait interrogé tantôt dans la forêt , au milieu des arbres qui se voyaient déformés par la force qui exerçait sur eux le vent , entourés par des pierres démangées par le temps qui avait passé autour d'elles , gardant ces traces des nombreuses pluies qui l'avaient agressé des années durant alors que sur le visage éphémère de cet être qu'était le vampire , ayant déjà vécu presque aussi longtemps que les mêmes , ne portait pas la moindre trace , le temps restait figé sur ses traits de ce jour-là où la mort l'avait frappé et qu'il avait du affronter , une nouvelle réalité sous le nom d' "éternité ". Il en était venu à l'accepter , sous les diverses formes qu'elle pouvait prendre , sur les différentes tragédies qui eurent lieu par la suite , sans pour autant recherché la pitié des autres sur son cas , il avait traversé bien plus d'épreuves et ne pouvait compter que sur lui-même pour avancer désormais , cette notion que le gamin aurait à assimiler avec le temps , de lui-même sans l'aide d'autrui. Luka s'endormit à ses côtés alors qu'il caressait ses boucles dans un rythme régulier , finalement il se sentait assez proche de ce jeune garçon.

Le lendemain matin , Ryuki continuait de dormir sachant pertinemment bien que son partenaire l'avait délaissé quelques heures plutôt , seul sur le lit de feuilles géantes , il observait à travers l'ouverture qui leur servait d'entrée et à travers laquelle une lumière forte leur provenait , comme si l'astre solaire voulait prévenir les voyageurs que le temps était au réveil , pour des tâches pas si glorieuses à accomplir de si bon matin.

Partageant , après être revenu en compagnie de son loup noir , le maigre déjeuner qu'il avait acheté en ville , désormais plutôt à l'aise à la lumière du jour , il l'invita à sortir , à se dégourdir les jambes , concerta sa chemise qui se voyait déboutonnée , révélant le visage sale et arrondit du vieux bougre qu'ils avaient pu capturer la veille. Ils allaient procéder à son interrogatoire , chose que la réprouvé avec qui ils voyageaient , voyait plutôt sous les lueurs d'un  torture , pour s'assurer que les mensonges seraient d'autant plus réduits et que leurs efforts pour le contrôler n'en seraient que moindres également.

Laissant à Venom le soin de transporter la carrure du vieux bandit , ne lâchant pas un mot depuis leur départ , la masse de muscles restant inerte tandis que la bête animale avançait sur le sentier rocailleux qui le mènerait jusqu'à celle qui mettrait fin à ce destin , cette existence pathétique qu'il avait pu mener à ce jour , le nombre de crimes à son compte étant devenu innombrable , le plus lourd des châtiments ne pourrait pas rattraper toutes les erreurs commises lors d'un espérance de vie si courte que celle des humains. Mais au fond , qui étaient-ils pour le juger ? Ils avaient eux aussi de leur côte commit des crimes , des sentences sur ceux de quelqu'un d'autre , dérobé à une personne son être cher , ils étaient loin d'avoir cette sagesse à laquelle ils prétendaient , leurs mains déjà baignées dans le sang depuis le premier jour où ils sortirent du droit chemin , le jour de leur naissance.

Saluant sans trop de cérémonies en arrivant sur le lieu de rendez-vous , face à cette demoiselle , certes pas des plus délicates , d'un côté bien plus pratique , plus facilement abordable , pas aussi capricieuse , chacun son côté obscur le sien plus notable que les autres , comme si elle  n'avait jamais essayé de le dissimuler , ils prirent la route vers une grotte , une différente que celle où ils avaient trouvé refuge la nuit dernière , celle-ci plus isolée , plus imperceptible du regard des humains pour essayer de ne pas voir leurs manigances percées à jour trop rapidement , comme si les rôles s'étaient échangé depuis le début de ce jeu où le chasseur devient une proie et vice versa. S'installant confortablement au début , sans savoir pour l'instant à quel genre de méthodes aurait recourt la demoiselle pour effectuer ce fameux interrogatoire , le malfrat privé de toute alimentation depuis sa capture , ne tenant plus qu'à un fil que la jeune femme ne se ferait pas prier pour rompre , pour réduire en cendres comme le corps qu'elle avait vu être consumé par les flammes la veille.

Elles essaya de les prévenir en effet , avec une attention particulière pour l'esprit du brave petit qui essaya de ne pas esquisser de changement dans sa petite frimousse enfantine au début de l'action , la suite étant trop impressionnante pour ces yeux aussi naïvement innocents , Luka profitant de ce moment d’inattention de sa part pour le saisir et l'emmener dehors , prendre un peu d'air frais qu'il avait bien mérité , s'asseoir sur une pierre à l'abris des regards , la grotte assez éloignée , engouffrée dans la forêt pour faire taire les cris éventuels de leur victime , le loup noir ayant fait une excellente trouvaille avec ces recherches incessantes qu'il eut à mener. Luka , pas aussi fragile que le pauvre bambin , tellement chamboulé par ce petit échantillon qu'il n'en pouvait plus de voir la suite alors que , d'un autre côté , le vampire regardait , d'un air détaché , comme si cela ne le concernait qu'à moitié voire pas du tout. Il ne s'en sortirait pas aussi facilement s'il continuait comme ça , il finirait bien par céder , il finirait bien par chercher le pardon  , impossible de considérer le cas contraire , venu d'un être tel que lui semblant avoir déjà vendu son âme.

Le jeune homme n'écoutait presque pas les commentaires qui se faisaient entre les deux protagonistes de cette scène sanglante qui prenait place plus profondément , encrée dans les parois humides de la grotte , la seule chose assez audible à cette distance étaient les cris entre deux bouffées d'air que tous savaient provenir de la bouche de ce pauvre homme , emprisonné par sa propre bêtise , tenant comme la prunelle de ses yeux à cet notion de fierté abusive qui ne le conduirait qu'à sa perte. En attendant la fin , le vampire restait là , les bras croisés ,un regard plongé dans l'ennui le plus total , ses boucles bleues emportées par le vent , le charisme habituel refaisant surface , admiré par le jeune Ryuki qui restait non loin de lui. Ils s'approchèrent à l'ouïe d'une phrase des plus intéressantes , plus sincères que les précédents peut-être car elle ne portait en elle aucune arrogance , aucune pensée autre que sa propre survie dans cet esprit qui ne pouvait en contenir qu'une seule. Prenant place donc devant ses yeux voilés par un maigre tissu en nacre , ils commencèrent à enchaîner avec les questions peut-être inutiles , mais qui pourraient les mener quelque part s'ils touchaient les bons nerfs et s'attaquaient correctement aux bonnes personnes.

- Pour commencer nos voulons des renseignements sur votre repère à toi et à ta bande de voleurs minables , d'autant plus au sujet de celui que vous osez nommer chef . La raison de cette obsession que vous avez avec ce jeune garçon serait des plus intéressantes à entendre mais je ne suis pas certain que tu la connaisse , étant donné que vous obéissez aveuglement à l'ordre d'un bandit tel que lui , proclamé à ce poste , je me doute même qu'il n'en existe peut-être aucune en réalité. - Ryuki semblait soutenir ce dernier argument plus qu'aucun autre qu'il n'ait prononcé dans cette maigre phrase , cherchant à cacher son visage dans les accoutrements de Luka , souhaitant connaître la situation présente comme un brave petit garçon.

- Pourquoi cherchez-vous à me nuire ? Pourquoi ne pas me laisser tranquille  puisque je ne vous ai jamais embêté ?- s'il continuait de poser des questions sans relâche il était plus que certain que ce corps , loin de sembler vivant , recouvert par les nombreux bandages blancs que Sicarde avait eu à appliquer , ne pourrait y répondre.

Le loup noir , qui était resté posté dehors pour surveiller toute activité qu'il qualifierait de suspecte , qui mériterait un approfondissement , sa plus grande mission étant notamment de protéger cette cachette de se voir découverte par les bandits , il patrouillait , ses cinq sens tous alerte pour retrouver la moindre piste , le moindre son dés qu'il retentirait pour pouvoir se permettre de quérir les renforts auprès du jeune vampire. Quelle ne fut pas sa surprise en s'apercevant , que cette défense qu'il avait mis au point alors qu'il la croyait inutile finirait par leur servir dans cette occasion, la situation n'étant pas désespérée mais loin de l'idéale également.

Luka bondit alors rapidement hors de son siège dur et froid pour rejoindre l'animal dehors, sans écouter le récit passionnant que s'apprêtait à leur compter Pierre, pour se concentrer sur les rapports de Venom, laissant derrière Ryuki aux soins attentifs de Sicarde qui saurait s'en occuper comme il se devait. Lui de son côté s'aventurerait dans la forêt pour s'affronter aux vils personnages, dans cette bataille sans merci qu'il n'était pas sûr de gagner puisque son loup noir était dans l'incapacité de savoir leu nombre exacte ou leur localisation, se fiant seulement à ses instincts pour suivre les maigres indices qui consciencieux comme ils sont, laissaient par ci par là. L'odorat développé du loup pouvant les suivre à travers les chemins de terre battue, il s'interrogea cherchant des réponses à ces diverses interrogations :

- Une fois rentrés , j'aimerais tirer tout cela au clair...

Que faisait-il par ici ? Dans un lieu pareil ? Un lieu si peu fréquenté ? Un endroit dans lequel les proches des défunts se recueillaient, ce cimetière livide et repoussant la bonne humeur… ? Enfin… En même temps, la bonne humeur n’était pas très présente chez lui… Ou plutôt jamais ! Mais bien sûr que lui savait ce qu’il faisait là ! Cela faisait douze ans à ce jour… Douze ans que la mort les avait prise… Ces deux personnes toutes deux les progénitures issues des mêmes parents que lui.

Pourtant ce n’était pas comme si il ressentait quoi que ce soit à leurs morts… Même pour lui cette histoire restait brouillée. La seule chose que Kohei savait, c’était qu’il fut lui l’auteur de ces meurtres. Mais après… Cela ne lui importait pas particulièrement. La tristesse, la colère, le dégoût face à lui-même… L’alfar ne connaissait pas ces sentiments-là. Il se recueillait uniquement par politesse, et préférait s’en aller avant que ses parents ne viennent à leur tour. S‘ils venaient bien sûr… En effet, il arrivait des années où ils n’en avaient aucunement le temps, voir même l’envie. Pourquoi personne ne prenait réellement la peine d’aller voir ces deux garçons pour pleurer leurs morts ? Kohei était totalement démuni de toute émotion après une telle enfance que fut la sienne, et ses parents… Ce n’était qu’un couple dont la vocation auprès des enfants était d’en faire des héritiers. Alors tant qu’ils leur en restaient un…  Et ce fut en quelques sortes la raison pour laquelle il cherchait à les éviter le plus possible, et à reprendre son voyage au cœur de ce vaste monde.

-  Dis… Tu te souviens encore d’eux ? Tu avais quel âge quand ils sont morts ? Questionna quelque peu indiscrètement la fée.
-  Cinq ans. Répondit le garçon nonchalamment, Je ne m’en souviens que très peu…

Il n'en dis pas plus, il se contentait de répondre de la façon la moins développée possible. Juste une réponse à information brute, ce qui fit croire à la petite fée lumineuse que peut-être cela lui dérangeait d'avoir cette conversation... Déjà qu'il n'aimait pas vraiment parler... Enfin... Kohei lui avait plutôt répondu d'un ton indolent et cela avait intrigué Shi. Il était pour le moins étrange qu’il lui réponde avec tant d’indolence, après qu’elle eut abordé un sujet normalement sensible.

-  Enfin… Partons maintenant. Ajouta-t-il enfin.

Cette dernière phrase ne fit qu'accentuer cette impression que Shi avait, celle que Kohei restait toujours aussi inexpressif face à toutes les situations.

Quelque chose interpella les deux jeunes voyageurs. Un bruit, plusieurs bruits, qui plus est, provenant d’un autre coin du cimetière. L’alfar se hâta, guidé par une étrange curiosité et suivit les ondes sonores jusqu’à en trouver leur sources. Mais bientôt les bruits cessèrent, et il avait beau parcourir le lieu funeste, il ne trouvait personne. Pourtant il avait clairement entendu sa voix... Celle de ce garçon... Il l'avait bel et bien reconnue ! Puisque de toute manière il ne connaissait pas grand monde, c'était chose aisée que de reconnaître le timbre, le ton, et la consistance d'une voix parmi un si petit choix.. Cette voix douce et simple qu'était celle de Luka Cross.

Toi aussi tu as reconnu sa voix ? Lui lança la petite fée.

L'alfar répondit d'un simple hochement de tête, Shi avait donc eu la même impression. Chargés de cette idée qu'était de le retrouver, les deux s'en allèrent parcourir ce lieu qui les portait en présence des corps de ceux dont l'âme était défunte.

Mais bientôt les voix cessèrent et plus aucun bruits ne faisaient écho. La solitude prirent bientôt les deux voyageur, et le bruit de ces oiseau de nuit qui annonçaient la mort en témoignaient. Celui à qui appartenait la voix de Luka n'était plus, et i en était se même pour ceux qui avaient l'air de lui porter compagnie.


Les rayons du Soleil étaient beaucoup trop perçant, et cela réveilla Kohei dans un désagrément indescriptible. Il ferma les rideaux de sa chambre d'auberge, tâche qu'il avait oublié d'accomplir la veille, ce jour d'un anniversaire funeste. C'était une nouvelle journée qui s'annonçait, une journée ou le garçon avait le pressentiment qu'il pourrait encore faire cette rencontre.

Il en avait même l'air excité. Étrange chez cet être démuni d'émotion. Il le savait maintenant, depuis leur dernière rencontre, l'alfar éprouvait de l'intérêt envers la personne qu'était le bleuté ; et de part le ressemblance au niveau de la réservation dont il faisaient preuve envers le reste du monde, même du respect.

Enfin, il n'était pas trop temps de penser à lui, Kohei venait seulement de se réveiller, et il fallait qu'il pense à se préparer pour la journée. Le garçon allait – comme chaque matin – se retrouver dehors, dans un endroit le plus isolé qu'il pouvait trouver, afin de s'entrainer un peu. Il avait besoin de garder la forme, et surtout de se parfaire. Enfin, il trouva une foret non loin de là, et pensant trouver l'endroit idéale, il s'y aventura.

Et de quelle coïncidence était douée la scène ! En effet, parmi le feuillages de couleurs neutres voir même chaudes, s'était immiscé un élément contrastant, par ce bleu frais qu'était celui des cheveux du vampire. Kohei ne savait pas s'il pouvait l'aborder, Luka avait plutôt l'air occupé, à en juger la mine exenuée qu'il tirait, et par dessus tout, il ignorait même si il l'avait remarqué. Il était bien trop reservé pour aller le voir nonchalament et il espérait au fond de lui que Luka ferait le premier pas. Il s'éloigna de quelques pas, sa réservation le gagnant, et préféra se mettre plutôt à son entrainement qu'il pratiquait si souvent.

Le silence se fit. Étrangement, les cris du prisonnier - qui résonnaient grâce aux parois irrégulières - ainsi que ses halètements et convulsions de douleur, n'étaient plus que de lointains échos. Entourés d'arbres, ils se trouvaient tous deux voués à eux-mêmes sans le moindre indice, deux chemins s'offrant à eux mais impossible à dire lequel les mènerait à bon port. Les brises humides  bafouaient les feuillages et huaient grandement l'orage approchant. Le vampire ne fit pas un pas. « Retrouve leur trace ! On ne peut pas les laisser s'approcher de la grotte avant qu'ils n'aient fini leur besogne. Je ne tiens pas à laisser les choses s'éterniser éternellement … » « Ils t'ont pris par les sentiments on dirait. Petite faiblesse face au garçonnet ? » ricana-t-il avec une certaine insolence. Luka lui répondit par un silence accompagné d'un sourire informe, tandis qu'il reculait pour avoir une vue plus générale sur le paysage.

Le loup n'essaya pas d'enfoncer le clou davantage sachant pertinemment que le petit être avait grand mal à laisser parler ses émotions, se pardonner les événements du passé qui avaient anéanti  son être tout entier. L'être qu'il était à ce jour, il avait eu à le rebâtir de ses cendres sur d'autres bases et avec d'autres principes, n'étant ainsi plus tout à fait celui d'antan. La bête, obéissante malgré ses remarques pertinentes mais tranchantes, prit la direction de la forêt, ignorant les chemins en terre bâtie qui, tracés par des mains humaines, s'enfonçaient profondément dans les bois environnants. Se voyant définitivement seul, Luka se laissa choir contre un arbre proche, laissant son dos parcourir le tronc et l'écorce, la forte odeur de la sève envahissant ses narines qui croyaient pourtant s'y être fait. Il cherchait uniquement un appui pour se reposer, reprendre ses esprits, pouvoir affronter avec sang froid la nouvelle situation et juger les mesures à prendre. Il était le nouveau support de Ryuki et celui-ci lui ressemblait beaucoup trop pour qu'il puisse se permettre de l'abandonner à son insu ...

Un craquement. Puis un deuxième qui retentit à peine quelques secondes après le premier. Une horde de pas s'en suivit. Une ombre se cachait derrière deux trois chênes plus grands que la normale tel un criminel qui essaie de dissimuler son délit pourtant bougrement voyant. Les empreintes étaient légères et loin d'être agressives, donnant ainsi une certaine impression de confiance au vampire qui ne comprit pas exactement d'où celle-ci provenait. « Montre-toi, qui que tu sois ! » lâcha-t-il en haussant la voix pour paraître ainsi, qui sait, un peu plus menaçant qu'on ne l'aurait cru dans un premier face à face. Il ne réagit qu'une fois une petite lumière bleutée ayant surgit de derrière les buissons, étant si minuscule et chétive qu'il aurait été sûr de la rater autrement. La masse indécise à la chevelure blonde aux reflets châtains se tenant à ses côtés, était loin de lui être étrangère également et ce n'est que là qu'il comprit toute l'étendue de sa bêtise.

« Je vous prie d'excuser ma grossièreté mais je n'attendais pas de la visite et surtout dans un tel endroit avec des bandits à tous les coins de rue. Vous pouvez sortir de votre cachette, je ne mords pas, Kohei et Shi. » fit-il d'un ton beaucoup plus apaisant tout en tendant son bras, sommant la petite fée de venir s'y déposer. Elle suivit ses gestes, s'accorda à ses mouvements et hocha lentement lorsque la main de porcelaine du vampire vint pâter ses boucles noires, tout en laissant un sourire délicieusement chaleureux déformer son visage.   « Je suis désolée, ma mignonne. J'espère ne pas t'avoir effrayé, loin de moi une telle idée. J'étais juste … sous les nerfs. » ajouta-t-il l'air inquiet, à la fois par le petit affront qu'il venait de causer malgré lui et le retour de Venom qui se faisait grandement attendre.

Faisant demi-tour, il marqua un autre silence avant de voir surgir l'animal, le souffle coupé. « Allez vous cacher dans la grotte juste derrière. Je serais de retour en un rien de temps après avoir géré quelques petits affaires avec des ''amis''. Je vous rejoindrai le plus rapidement possible et une fois toutes ces fâcheuses affaires réglées, nous pourrons peut-être faire plus ample connaissance. »  déclara-t-il alors qu'il commençait déjà sa course affolée, s'élançant adroitement parmi arbustes raides et robustes de son corps souple et d'une agilité folle. Il ignorait ce qui les attendait une fois au bout du chemin et si l'alfar allait ne serais-ce qu'accepter de l'écouter,  rester bien gentiment les bras croisés en attendant son retour. Cela ne changeait rien au fait qu'une dizaine d'ennemis les y attendaient, les uns plus costauds que les autres, et qu'une bataille, probablement pas des plus féroces, était imminente ...

L'écho de la voix de Luka sonna comme un ordre aux oreilles de l'alfar, qui, ayant eu l'impression d'avoir commis la plus grave des faute du monde, finit par sortir de derrière l'arbre où il siégeait. Il afficha un sourire traduisant toute la gêne du monde qu'il transportait sur ses épaules, et laissa échapper un léger « Ou-Oui, je suis là ! » de ses cordes vocales, avant de s'excuser de l'affront qu'il avait fait à Luka. En s'étant ainsi caché de sa présence pourtant bienfaisante, il n'avait de toute évidence causé que désagrément chez la personne qu'était le bleuté. Il se trouva fort impoli mais ne put éclipser la neutralité que son expression lui conférait, même malgré ses paroles les plus sincères.

Pourtant la réaction de Luka n'en fut que des plus surprenante, et allait jusqu'à en provoquer le ravissement de la petite fée. Luka n'avait donc pas réagit de la sorte par rapport aux manières quelque peu maladroites de Kohei, mais plutôt parce qu'il avait eu l'air confronté à ces fameux bandits dont il abordait le sujet. Et étant donné l'état d'essoufflement dans lequel était Luka, il devait se dérouler une affaire sérieuse. Pourtant Shi qui était absolument ravie de cette rencontre n'avait pensé à rien d'autre que s'envoler en vitesse vers sa direction, dans le seul espoir d'une chaleureuse étreinte avec le garçon pour qui elle s'était déjà naturellement prise d'affection. Cette seule rencontre au mariage lui avait largement suffit à tisser de son seul côté peut être des liens d'or. Lien que Luka semblait avoir accueilli bras ouverts.

Chaleureuse retrouvailles qui fit tendrement et sincèrement sourire l'alfar qui ignorait pourtant ce sentiment de bonheur. Enfin... Ce sourire était bien loin d'être partagé par l'autre versant de son propre être... Car pour tout dire, ce « rictus » aurait pu facilement l'en faire vomir... Mais ce petit bonheur – pourtant si grand à l'égare de ce petit être manquant cruellement des bienfaits de ce sentiment – était parvenu à défaire temporairement Kohei du mal qui le rongeait. C'était bien agréable pour lui d'ailleurs de sentir ces pulsions presque entièrement refoulées, à tel point qu'il n'en ressentait plus une parcelle s'accaparer son corps, plus un seul sentiment néfaste se propager à son insu... Les bienfaits d'un tendre bonheur quotidien pour le commun des mortels ? Et s'il en devenait dépendant... ? Des risques d'en vouloir toujours plus s'éveilleraient, et au final jamais il ne s'en débarra... Il suffisait. Ce genre de pensée le parasitant ne pouvait que confirmer le cercle vicieux dans lequel il s'inscrivait. Il effaça sans même s'en rendre compte son sourire pour laisser son visage livré à cette habituelle neutralité. Au final Kohei resterait toujours aussi tiraillé entre deux versants, car même lorsque son bonheur naîtrait, une crainte d'en être dépendant naîtrait tout aussi bien, deux jumeaux inséparables pourrissant la vie entière de l'être versatile. Cette crainte... Créée sans nul doute par son autre lui, et ce bonheur que de son côté Kohei tentait de s'accaparer n'était en rien compatible. Mieux valait rester neutre. Voilà tout.

Mais les paroles de Shi et de Luka le sortirent de ses pensées, et forte heureusement d'ailleurs, car le monde réel n'avait plus été maintenu que par un fragile fil, et tout en devint noir... Comme il lui arrivait souvent... Se perdre dans ses sombres pensées n'était qu'une simple habitude, et ce, depuis son enfance. Et avaient bourdonnés dans ses oreilles les petits rires amusés de la fée, témoignant encore de son bonheur de telles retrouvailles, tandis que Luka leur annonçait sa situation quelque peu ambiguë. Semblait-il essayer de dédramatiser la situation, mais fut-il trahi par son incapacité à contrôler son ton face aux événements essoufflants contre lesquels il était confronté. Ainsi avait-il fendu les bois sous le grand rire de Shi, tant elle le trouva naïf si il croyais pouvoir s'en tirer en si bon compte. « Kohei !! » Fit-elle dans l'immédiat tandis qu'elle le tira en direction du bleuté s'éclipsant. « Alors là, t'as plutôt pas intérêt à le perdre de vue ! » Finit-elle. Ce à quoi Kohei répondit par l'accord le plus emplit de conviction qui lui fut donné de faire, s'en suivant ainsi leur petit poursuite. Jamais Kohei n'aurait laissé quelqu'un se débrouiller seul dans les ennuis, même s'il n'est pas toujours bon d'interférer dans les ennuis personnels. Bien que lent d'esprit, ou tout du moins incapable de prendre les décisions claires dès leurs débuts, Kohei fut entraîné par les événements, et sans même s'en rendre compte, il prenait plaisir à courir au travers des arbres, pour une raison autre que son entraînement jusque-là sans but.

Le chemin était pour le moins parsemé d'obstacles du au terrain forestier, et pour suivre la cadence, il fallait au moins pour Shi se reposer sur l'épaule de Kohei, fatiguée se zigzaguer autour des arbres, même si le chemin fut court. Il fallait bien avouer que le petit duo ne comprenait absolument pas ce qu'ils se passaient, mais pourtant, ils se laissaient porté par l'adrénaline, et en fur bientôt essoufflé. Et fort heureusement, leur chemin aboutissaient par miracle ! Mais... Fort malheureusement en retour, par le petit rictus stupéfiant d'un des bandit. Kohei s'arrêta pour se retrouver dos à dos avec Luka, formation basique mais efficace lorsque que le groupe réduit se retrouve encerclé de la horde d'ennemi. « Shi, je ne veux pas que tu restes ici. » lança-il d'un froid glacial, « Va dans la grotte ! S'il te plait ! » Celle-ci ne su que faire d'autre que s'exécuter, le ton de Kohei si formel qu'elle fut bien plus terrifiée par lui que par le groupe bien garni de bandits.

Un petit sourire informel se dessina, celui d'une gaieté forte louable, fort agréable et chaleureuse, mais surtout, invraisemblablement convenable dans un telle situation. Un petit rictus naissant, grandissant petit à petit, se détachant fort bien de l'harmonieuse face d'autrefois. Un petit son, puis un autre. Saccadés. Comme ceux formant un rire. Un rire étrange. Aux vertus démentes ; si comme cela peuvent-elles donc être appelées... Kohei levait haut la tête, et son expression, ses grands yeux, ses cheveux s'hérissant, tout, chaque trait de son visage ne faisait que confirmer ces petits sons... Se transformant en un rire dissonant, un rire si exagéré, que cette scène en devint glauque... Il fallait se l'imaginer... Ces deux personnages, au milieu du décore, entouré d'une soixantaine d'ennemis... Ces deux personnes semblants si vulnérables... Et l'un des deux riant de tout son coeur, comme s'il s'agissait du plus beau moment de sa vie... Cet être heureux, exécutant la danse folle du meurtre, petite danse sourde, produisant pourtant le son dissonant d'une lame fendant la chaire. Le sang coulait à flot, produisant l'odeur la plus excitante au monde, celle qui, pour l'alfar, conférait l'ultime force de détruire... Il ne voulait plus s'arrêter... Tranchant de ses mouvements imprévisibles... Ôtant la vie de ses rires paralysants... Se faisant lui même tailladé... Le sang coulant encore... Peu importait à qui il appartenait... Recréant toujours cette chaîne infinie... Forces inépuisables, combat interminable, nombre de vie arrachées, nombre de rires en découlant...

Ce jour heureux pour l'alfar, celui ou il pouvait satisfaire ses pulsions meurtrières, démentes ! Douze ans que ce mal rongeant en désirait. Cycle des années chinoises bouclé. Résultant une autre offrande à son âme. Une offrande de chaire de sang déchiquetés, quel délice ! Quelle joie ! Voici ! La joie et le bonheur que tu recherchais ! Comment pouvais-tu plus être satisfait qu'en l'instant présent !

Scène pourtant bien simpliste, Kohei n'étant pas de taille face à un tel effectif... Il ne pouvait venir à bout de cet éternel combat. Mais en quoi s'en préoccupait-il ? En quoi en avait-il même conscience ? En quoi ne pouvait-il être heureux s'il en mourrait ainsi ? Ah, mais en la compagnie ce cher Luka, rien ne pouvait lui assurer à coup sûr la défaite ! Mais même de cela il s'en fichais. La seule chose qu'il désirait, qui existait même, aux yeux et à tout autre sens de ce présent animal, c'était le sang, la souffrance, les cris, et la mort.

Pourtant, quelque chose d'étrange se produisait lorsqu'il s'amusait... Il entendait une voix, implorant de l'aide... Shi peut-être... Il n'en savait rien, il n'était plus raisonnable, il n'entendait plus rien. Mais le voila bien ennuyé. « Ah... Je vois... Ça je te le laisse. Je te laisse ce qui n'est pas amusant. » Le ton légèrement plus posé, avant de se relâcher totalement de l'effort physique... Ressentant ainsi toute la douleur amassée au fil des blessures, poussant un cris d'effrois, lui même plaisant.

La course reprit de plus belle et l'adrénaline monta d'un cran. Il avait besoin d'action, de bouger ses muscles pour se chasser les actes impardonnables qu'il commettait, le jugement de valeurs qu'il osait imposer à d'autres tandis que lui les perpétrait de son côté en toute tranquillité d'esprit. Sa véritable nature le travaillait encore et loin de pouvoir l'accepter, il continuait de maudire son existence, la vie de vampire étanché qu'il menait. Peut-être n'essayait-il au final que d'attirer l'attention, chercher celui qui le sauverait de tant de tracas, de conflits intérieurs et il trouvait possiblement dans ces actes la rédemption dont il avait tant besoin. Kohei le suivait de près, la petite fée sur son épaule, et Luka n'essaya pas de l'en empêcher, le sachant assez têtu, insistant et étant franchement soulagé de l'avoir en sa présence. « Tu n'as pas intérêt à le regretter après coup ! » fit-il en ricanant légèrement, montrant ainsi qu'il n'était pas réellement contre le fait qu'ils l'accompagnent.

Une fois sur place, la surprise générale éclata – les deux camps se trouvant finalement dans un face à face qui s'annonçait aussi meurtrier que vengeur – mais la moquerie demeurant le sentiment principale parmi les vandales. La supériorité numérique leur donnait certes un avantage mais cette assurance quasi aveuglante en leur propre victoire pouvait s'avérer beaucoup moins négligeable qu'ils n'auraient voulu l'admettre, devenant la clé de leur défaite à la place si le vampire parvenait à l'exploiter adroitement. La petite fée ayant déguerpi des lieux de la bataille – Kohei ayant eu le bon sens de lui infliger cela – le vampire ne s'inquiétait pas des blessures qu'il pouvait subir ou du tournant que prendrait cet échange, tant qu'il s'achèverait par sa victoire. Cependant, un élément perturbateur vint chambouler toutes ses certitudes.

Luka écarquilla les yeux rouge de surprise, faisant face au spectacle macabre se déroulant juste sous ses yeux azurs et auquel il devait prendre part malgré lui, teindre ses mains de cette couleur qu'il essayait si désespéramment d'éviter dans la mesure du possible et du supportable. Une ombre, ou devrait-on plutôt dire un véritable démon, se réveillait et avec elle un effroi indescriptible, ouvrait grand ses griffes et ses dents prêts à croquer voire même à arracher vivant. Le vide, une ancienne mémoire d'un passé oublié. Les souvenirs fusent, les pensées planent. Des yeux rouges sang brillant dans le pénombre plus encore qu'en pleine nuit noire. Ses canines qui s'allongent et sa faim qui se prononce comme une nécessité première, capitale. Les images se rejouent d'une musique insolite et mortuaire. La torture mentale qui commence.

Reflet d'un miroir comme s'il s'y voyait lui-même reflété, un homme à son image, une démence qui lui sciait merveilleusement bien. Ses yeux trempaient dans le liquide écarlate, ses membres – noyés par la chair et les cris de ses adversaires – se réjouissaient de cette exaspération nouvelle. Il rassasiait enfin sa soif, atteignait enfin la plénitude par les âmes des défunts qu'il avait usurpé de force, par des coups irrépressibles. L'homme en face de lui n'étant plus le jeune homme indécis et ingénu auquel il avait eu affaire, il se perdit entre apparence et réalité. Qu'avait-il bien pu parcourir pour atteindre un tel état de débauche intérieure, une telle soif qui lui était de toute évidence impossible à satisfaire avec un si maigre apéritif que voilà ? En rien n'eut-il songé à le juger ou le rejeter par une si maigre cause mais ces changements, bien trop importants, avaient eu le mérite de le déstabiliser. Cela étant dit, il saisit son bras croyant pouvoir le sortir de cet état second mais réalisa bien assez vite que c'était peine perdue. Il en avait été délivré après le massacre qu'il avait occasionné et se laissait choir à présent au sol sûrement sous le coup de la fatigue et des blessures qu'on lui avait infligé.

Le temps était grave et pourtant Luka était inutile, impuissant. Un visage torturé s'abandonnait entre ses deux paumes glaciales, lui procurant un certain bien être, un soulagement imparti. Dix adversaires. Plus que dix après cette boucherie incontrôlée, une marre de sang coagulé s'étant formé sur place. Luka était franchement en colère et rien ne pouvait l'apaiser autre que l'anéantissement du reste de ses ennemis. Il dégaina sa lame, émoussée par les combats précédents mais bien assez fine et tranchante pour lui permettre de couper en lambeaux autre chose que des bêtes sauvages. Il bondit sur le premier, n'ayant aucun mal à lui taillader le dos, faisant preuve d'un manque impressionnant de réactivité à cette attaque. Des flammes bleutées – brûlant de colère et de haine – s'arrachaient au deuxième et troisième, démangés par sa chaleur intense, tandis que d'autres noirâtres s'en prenaient au quatrième. Plus que six en l'espace de quelques secondes, un potentiel accablant réveillé au moment crucial.

Son audition hors-pair le prévenant de tout dans le périmètre voisin lui épargnait des ennuis inutiles, et il pouvait se focaliser de plus près sur les énergumènes auxquelles il faucherait bien plus que leur simple vie. Cinquième, touché en pleine poitrine par la lame noirâtre, transpercé de part et d'autre. Sixième, écrasé par un arbre tombé à proximité après quelques coups portés malhabilement dans l'espoir de toucher le vampire agile et souple. Septième, évanoui après un choc profond derrière la nuque, le huitième ayant suivi tel un suicide de désespoir, tandis que les deux autres profitaient de la commotion générale pour s'échapper. La scène s'était changée en post-apocalyptique en l'espace de quelques minutes et Luka, accablé par ses méfaits, restait là immobile, les yeux fixant le vide. Tout s'était déroulé si vite et pourtant de manière tellement simple, le surnombre étant définitivement la seule chose qui aurait pu leur accorder ne serais-ce qu'une illusion de victoire.

Il ferma les yeux, songeant au petit bonhomme qui pourrait de nouveau profiter librement de ses capacités et bâtir ses aptitudes sur les expériences de ce genre, définitivement termi … Il se sentit traversé par un courant électrique qui mit tout son corps en alerte, ses sens conscients que quelque chose de louche se préparait dans l'ombre depuis le commencement. Tout était bien trop facile. Ils purent capturer un des leurs, procéder à un interrogatoire tout sauf innocent, blesser le chef de la … Il comprit enfin. Il décela le message de toute cette pathétique mise en scène, ces hommes sacrifiés pour le bien d'un seul et unique n'ayant que pour seule obsession l'épée et ce jeune homme intrigant. Comment lui en vouloir d'avoir posé un tel piège, provoqué un tel coup monté …

Luka était le seul ingénu dans cette histoire mais il ne laisserait pas ses erreurs coûter la vie d'un de ses semblables, plus jamais. Il prit dans cette visée, un mouchoir imbibé d'eau pour tremper les tempes et le front de l'alfar. Se mettant à sa hauteur, il essaya de communiquer tant bien que mal, malgré la confusion qui hantait l'esprit du blondinet. « Il n'est pas question que je les laisse avoir Shi, Sicarde ou encore Ryuki ! Je les sauverais coûte que coûte. Viens, tiens toi à moi, je vais t'aider. Je t'expliquerais tout en chemin dès que tu te croiras capable de m'écouter. » affirma-t-il d'un ton déformé par la peine et la rage intérieure qui en découlait. La situation prenait une tournure complètement démesurée et ils devraient faire attention à ce que le pire n'ait d'occasion de se produire.

Visions déformées se succédaient librement à travers les yeux de Kohei, lui, qui était si troublé par l'intensité des combats, et le surgissement intempestif de sa seconde nature parasite. Son corps ne lui obéissait plus, il se contentait d'haleter, au bord de l'évanouissement, mais encore quelque part conscient des soins promulgués par Luka. Comme si l'autre versant de sa conscience avait tout épuisé en lui, toutes ses forces, sa santé... Il avait tué. De nouveau. Par plaisir encore une fois. Enfin. Il ne regrettait pas forcement. Mais il restait tout de même choqué de lui-même. S'en voulait de ne pas être toujours lui-même. Se sentait-il frêle d'esprit. Il dut prendre appuie sur ses pauvres membres ensanglantés et se redresser du mieux qu'il pouvait, ne manquant pas de crisper son visage sous le coup de la souffrance.

Shi...

La souffrance indécise de perdre peut-être un être cher. Voilà un nom qui le fit pâlir. Mais qui rendu paradoxalement forte vigueur à son expression, laissant toutefois transparaitre inquiétude dans la lueur jusque-là inexistante de ses yeux. Il avait réellement peur. Il ne s'en était encore jamais rendu compte... À quel point Shi ne lui était pas indifférente. Indispensable. Pas seulement comme une porte-parole. Mais surtout comme une proche, une amie, une famille lui conférant la chaleur faisant défaut à celle qui lui était biologique. Et il avait laissé cette petite et fragile fée derrière... Dans quel but enfin ? C'était auprès de lui qu'elle était sécurisée pourtant ! Seule... Elle était bien plus vulnérable ! Il s'en voulait. Tellement. Si seulement il n'avait pas joué si seulement il s'était contrôlé, qu'il avait su garder toute la lucidité nécessaire... Quel incompétent. Pour l'heure, les explications ne lui étaient absolument pas nécessaires. Il n'avait même pas envie de les entendre. De se faire perdre du temps. De faire perdre du temps à Luka. De faire perdre du temps à Shi. Et aux deux autres inconnus. Certes, il se trouva fort égoïste, mais il nourrissait tout de même de l'inquiétude envers les deux autres protagonistes livrés au danger.

Il remercia Luka, grandement, - le sourire imprégné de mélancolie - de l'avoir si bien assisté, et de l'avoir si bien aidé à se relever. Ses yeux pétillaient, comme il n'avait jamais été capable de le faire auparavant. Il ne savait même pas ce qui lui arrivait. Il ne l'avait jamais ressenti. Mais sa force mentale lui permettait cependant de garer ce sang froid, celui qui l'empêcherait d'éprouver d'avantage cette sensation nouvelle, celle de la tristesse. Il craignait le futur de Shi plus qu'il n'avait jamais pu craindre le sien depuis lors jamais craint. Des sentiments. Il les éprouvait enfin. Était-ce quelque chose que l'Homme est en mesure d'éprouver lorsque il chérit quelqu'un ? Si Kohei n'avait jamais chéri personne, il serait alors toujours resté aussi placide... Sa seconde nature avait été rongée par cela. La folie de ne jamais rien ressentir. La démence d'en rejeter une trop grande partie refoulée. Ignominie dès lors ressentie.

Il éprouverait certainement la même chose pour d'autres. Luka le premier. Si ce n'était déjà fait. Quelle sensation terrible. Celle de la vie. La crainte de perdre ce qu'on acquit. Le malheur de ne l'avoir après y avoir gouté, le bonheur inconscient et alors presque inexistant de l'avoir. Ses yeux n'était plus aussi brouillés. Il se devait de reprendre toute conscience physique, de se bouger, d'aller sauver Shi, sa famille, en compagnie de l'ami qui deviendrait surement rapidement de même. Ses cordes vocales firent écho malgré lui, « Je ne veux pas la perdre. » fut obligé d'être prononcé, comme si son inconscient avait surgit dans une vague de stress. Il observa encore le vampire à l'air aussi déterminé que le sien, et d'un hochement de tête partit aussi rapidement que possible vers la grotte où ils se trouvaient tantôt dans un espoir d'indice. il leur fallait de lancer à la poursuite de l'immonde créature psychologique qui lui avait dérobé son bien.

L'avantage de la situation fut la très récente mise en scène des événements. À travers le vert seyant avec merveille le bosquet, ou le marron gris se fondant dans la grotte, la poussière bleutée émanant de Shi avait pu laisser des traces de son passage, petites paillettes contrastant le décor que les deux ne manquèrent pas de suivre. Pourtant, les traces se firent de plus en plus fines, jusqu'à se risquer d'en disparaître... L'ennemi était clairement plus rapide...

Le cœur serré, lourd, cognant fort et à tout rompre, il vit le temps se figer. Un pas une éternité, un clignement de cils deux de plus, des milliers pourtant les séparaient de la petite poupée. La bête les suivait à vive allure, les devançant au final pour examiner le premier la scène de l'éventuel enlèvement. Les bronches du vampire – malgré sa respiration inexistante – résistaient bien mal à l'air frais qui y pénétrait avec violence, tandis que sa bouche de fraise s'ouvrait à son bon vouloir pour sommer l'alfar d'accélérer. Ce dernier, loin de l'état euphorique de tantôt, restait toutefois dénaturé par l'inquiétude qui le poursuivait, cette humanité qu'on pouvait lire en lui pour toute la surprise de son ami. Une demi-seconde d'hésitation. Une pause ? Impensable mais et la victoire ? Incontournable. Un ciel verdâtre de feuilles et de branches à travers lequel ne filtraient que quelques rayons de lumière blanche, une odeur de sève puante mais enivrante les escortaient jusqu'à la fatidique réalité.

Ses deux saphirs s'écarquillèrent en découvrant le pot aux roses, remarquant que sa méfiance excessive ne s'avérait pas, pour une fois, mal placée et qu'il avait bien fait de venir à leur secours. Mais hélas, elles n'étaient plus sur place pour l'en remercier ou même l'accueillir chaleureusement comme elles auraient pu le faire à la fin d'un dur labeur ou d'une bataille bien menée. Il s'accroupit à même le sol, effleura la terre boueuse de ses phalanges allongées pour constater la terre battue, altérée par celles s'étant débattues sur place et n'ayant pas cédé à leurs agresseurs malgré leur stature plus prononcée, leur rapport de force inversé. Il grogna entre ses dents son agacement de ne pas s'y être pris plutôt, de ne pas avoir accourut à l'instant même où ses soupçons commencèrent à surgir.

Soudain, il vit le regard de l'alfar se porter sur quelque chose en particulier, quelque chose de scintillant chevauchant l'air, se jouant d'eux et de leurs mouvements ralentis pour passer sous leur nez en se laissant porter par le vent. Petites paillettes bleutées, poussière de fée, restaient à leur arrivée, des traces minces mais bien réelles, un seul toucher pour s'évanouir, une espérance des plus réduites. « Crois-tu que Shi nous les ai laissé pour nous aider à mieux suivre leur trace .. ? » demanda-t-il dans l'espoir d'une réponse positive mais rien n'y fit. Kohei restait silencieux, ne dit pas un mot. Un piège, un coup monté de la part de cette crapule pour mieux les conduire au gouffre de la mort qu'ils emprunteraient tous deux par amour à cette petite ? Il craignait le pire et il avait bien raison de s'en méfier autant. « Essayons de les suivre pour l'instant, je les dirais plus fiable que mon pouvoir de boussole. » ajouta-t-il dans un besoin d'agitation soudain, une poussée d'adrénaline qui l'empêchait de rester de marbre, immobile alors qu'ils ignoraient ce que la fée traversait parallèlement. La course reprit de plus belle et à un rythme plus soutenu que précédemment, puisqu'ils devaient, la fois présente, poursuivre ce maigre espoir qui ne tenait qu'à quelques fils de poussière bleutée aussi faciles à rompre que les liens séparant la vie de l'au-delà.

Chassant une perle vagabonde, il se vit confronté à un nouveau dilemme – le délimité de cendres azurs s'étant volatilisé sans raison apparente – qu'il pourrait dans l'absolu résoudre d'un simple claquement de doigts mais il eut à s'abstenir. Trop était en jeu pour le miser sur de simples compétences sensorielles aussi vaseuses que les siennes, craintes, doutes, peur et angoisse pouvaient facilement les brouiller s'il n'y prêtait pas une due attention … Cependant, avaient-ils seulement l'embarras du choix ? Pouvaient-ils seulement se permettre de refouler une telle opportunité ? Ils devaient agir au plus vite et la moindre seconde de gâchée, de perdue pouvait signifier la mort d'une des victimes recluses … Non ! Ils ne pouvaient pas jouer ainsi avec la vie des autres. Ils devaient saisir la moindre chance se présentant à eux, éponger ses erreurs au lieu de les exploiter. Prenant le jeune garçon par la main, comme pour s'assurer qu'il n'avait pas fait le mauvais choix, il se concentra sur chaque sentier, chaque maigre pierre qu'il écrasait pour chercher du mieux la cachette de la petite princesse.

Arrivés devant un logis délabré, n'étant même plus en possession de toutes ses planches de bois, Luka y sentit sa présence, son essence vitale, sa voix grinçante et gémissante qui n'était plus très lointaine. Ses membres d'ores et déjà raidis à l'extrême, se crispèrent davantage et il était maintenant dans un état semblable à celui de Kohei, autrement dit bien au delà du sérieux, au delà de cette simple colère qui vous pousse à commettre les pires folies.  Qui sait combien d'hommes s'y cachaient … Qui sait combien de corps auraient-ils à piétiner pour le salut d'une seule âme … Qui sait s'ils avaient réellement le droit de porter un tel jugement … « Ce qui est certain, c'est que cette maison est désormais le seul rempart existant entre nous et Shi. J'espère que tu n'as pas trop peur de te salir les mains car sinon je te prierais d'attendre sagement notre retour. Dans le cas contraire, prépare tes nerfs. » déclara-t-il avant de faire son pied droit s'écraser sur la feinte à demi-ouverte, un homme se cachant visiblement à l'embrasure de la porte cochère.

Les parois sentaient le renfermé, la poussière datant de plusieurs années déjà. Les rats s'étaient déjà sûrement approprié l'espace, la pourriture devait y régner en reine à son tour. Dans tous les recoins sombres demeurés intactes en dépit des nombreuses ouvertures dans le toit et les diverses feintes dans les murs permettant la libre entrée aux courants frisquets, devait se cacher un de ces monstres se faisant appeler homme mais n'ayant rien de tel au fond d'eux. Luka se retourna, un pied ayant déjà bravé le seuil de la bâtisse, pour s'adresser à l'alfar juste derrière : « Une dernière petite chose, essaye de faire le moins de victimes possible, même si j'ignore à quel degré cela sera réalisable. Garde le en mémoire simplement. Ce sera amplement suffisant. » abrégea-t-il dans un demi-tour désinvolte alors que dans ses yeux, contrairement à cet air calme et détachait qui émanait de lui, brûlaient des flammes noires qui seraient pas prêtes de s'éteindre sans avant avoir pris goût au sang de ses ennemis qu'il pouvait sentir à des lieues de distance, à la ronde.

De cette étrange maison délabrée émanait un parfum de désolation et de mort. Une mort future… Elle en répugnait Kohei. Il savait que s’il se battait, il y avait de forte chance que son autre lui reprenne le dessus, trop attiré par l’odeur du sang. Cette maison transpirait le calme d’avant tempête. Et son cœur en fut serré. Il n’avait pas envi de céder aux tentations de l’autre. De devenir un simple instrument pour assouvir les désirs d’un lui alternatif et défaillant. Mais il faisait ça pour Shi. Pour la sauver. S’en voulant de la cruelle ironie que fut celle de la laisser derrière. Cette cruelle ironie qui lui avait fait baisser sa garde… Pire, celle qui avait enfermée ses sens en son fort intérieur. Mais les paroles de Luka restaient pour lui une forte source de renforcement. Son esprit ne faillirait plus. Il lui fallait devenir plus fort, arrêter de toujours laisser son autre lui prendre le dessus. Mais c’était tellement plus facile. De lui laisser mener la danse. Jouer avec son monde extérieur. Parce qu’au moins de l’intérieur de son être il se savait innocent de ces actes. Il savait que ce n’était pas lui qui agissait.

Mais ça l’était. Et d’un côté, il le savait. Mais n’oser se l’avouer. Et ce fut bien pour cette raison qu’il était l’esclave de ce caprice. Celui de regretter de se refouler, celui de vouloir reprendre le dessus alors que c’était bien trop tard. Ha… Si seulement il pouvait acquérir la force mentale de surpasser son autre lui, de cesser de se laisser faire, et d’être lui où il voulait, quand il voulait. Mais pour l’heure, il allait se battre. Pour Shi qui plus est. Et pour aider son ami. Il ferait couler du sang. Et Il ne survivrait peut-être pas à la tentation de devenir fou. Mais il le fallait. Il n’avait pas vraiment peur « de se salir les mains » aux dires de Luka, mais craignait plutôt par caprice de ne pas pouvoir se contrôler. Mais il était motivé à présent. Plus que jamais. Et il y arrivera. À se contrôler. Et Luka se montrait réellement confient envers l’alfar. Ne pas tuer trop d’ennemis. Ne pas devenir fous en d’autres termes que lui-même traduisit.

A ces mots, il acquiesça, chargeant par la même occasion le plus de détermination possible ses yeux. Il avait déjà dégainée son épée. Il était prêt. Prêt à sauver encore une fois la vie de Shi de brigands, comme il l’avait déjà fait lors de sa rencontre. Sauver sa vie une deuxième fois en l’échange des innombrables fois où la petite lui avait administrée ses soins prodigieux. « Allons-y Luka. » Sa voix ne trembla pas. Elle était calme. Posée. Froide. Mais déterminée. Plus qu’elle n’aurait pu l’être. C’était bien différent de la première fois. La première fois, il ne l’avait fait que par instinct. Et à présent. Il le faisait par crainte. Celle de souffrir. Mais ce n’était pas une crainte qui le pousserait à subir des frayeurs. Des faiblesses. C’était de l’égoïsme, certes, mais jamais de la vie il ne blâmerait cet égoïsme. C’était ces sentiments néfastes de base qui poussaient chaque personne à agir. Faire le bien dans leur entourage pour ne pas souffrir de l’empathie. Mais lui n’en avait pas de cette empathie. Sauf pour Shi visiblement. Et il chérissait cet égoïsme qu’il avait acquis. Il ferma les yeux, dans un dernier soupir.

Il pénétra à son tour dans la demeure devenue inhabitable. Mais personne ne se montra de suite. Il ne savait que faire dans l’instant. Il patientait. Stressé d’une part pour savoir s’il allait rester lui-même, stressé d’une autre pour le sort de Shi.

Un fracas.

Kohei sursauta. Il venait du côté. Mais il n’avait pas eu le temps d’en détecter la provenance. C’était terriblement angoissant. Est-ce que ces salauds tentaient la fuite ? Est-ce qu’ils tentaient de les attaquer par surprise ? Possible. Ils étaient tous deux au milieu de la seule pièce praticable de la maison. Au milieu des innombrables cachettes regorgeant d’ennemis… Un autre mouvement. Kohei s‘élança dessus. Il agissait de manière quelque peu irréfléchie, et le savait bien. La tension prenait peu à peu le dessus sur son être. Mais il avait attrapé l’homme qui avait visiblement baissé sa garde. Et le menaça, le tranchant de son épée prêt à fendre la gorge. D’un ton clame et pourtant puissant il s’adressa à l’ensemble de la surface en ces termes peu recherché : « Rendez-les nous ! » Mais cela ne pouvait pas fonctionner aussi facilement, vous vous en douterez bien… Mais ces dits ennemis se montraient. Ils étaient effectivement nombreux. Mais ne réagirent pas. Le sort du leur quasiment scellé. L’humanité était présente chez ces démons ?

Naïf qu’il était… Ils se lancèrent sur lui. Ricanant. Si simplement. Même Kohei ne se serait pas rendu. Alors eux… Enfin… Pour l’alfar, tout dépendait de la personne… Et c’était bien pour cela qu’il courrait après la pauvre Shi. Pauvre Shi qui devait revivre la perte de sa famille au plus profond de son être frêle… Il l’égorgea. Rejeta les autres d’un jet de flammes noires. Il sourit. Laissa échapper quelques rires. Tout avait été trop rapide pour ses sens. Il avait perdu son sang-froid. Se l’était fait volé par l’autre versant. Un simple mouvement de bras, et les plus mobiles s’étaient retrouvés piégés dans les mauvaises herbes parcourant le plancher invalide de la vieille maison. Le calme le regagna. Il s’était contrôlé. Pour une fois. Il avait de la volonté. Sa volonté semblait enfin naître. Elle était si étrange. Elle le fit se sentir bien. Et étrangement encore une fois, il sourit. Mais pas de ce seul sourire dément qui déformait son visage. D’un sourire de satisfaction. Un caprice assouvit. Quel bonheur. Pourvu que cela durât.

Un cri fendit l’air. Celui d’un jeune garçon. Probablement Ryuki. Mais lui, Kohei ne le connaissait pas encore. Il se retourna, en direction de la porte. Mais celle-ci s’effondra, condamnant ainsi les deux individus en compagnie des autres brigands. Rien ne servait de les tuer. Leur sort restait purement insignifiant à l’esprit de l’alfar. Si bien, que seul le cri du garçon lui importait, et qu’il gela d’un jet de son feu sombre la seule partie de la bâtisse suffisamment frêle pour la fragiliser d'autant plus, et d’un coup d’épée il parvint à se créer une ouverture. Il bondit au dehors, se protégeant de ses bras, regard chargé de haine qu’on ait osé le ralentir. Non pas qu’il ignorait Luka, bien au contraire, il s’attendait fortement à être suivit par lui. De ce fait, il n’avait pas perdu une minute, avait entamé une course folle à l’assaut de cette voix.

Il étouffa un cri. La lucidité lui manqua. En seulement quelque seconde, il se retrouva à terre, gémissant de l’affreuse douleur à l’estomac qu’il subissait. Il se mit avec peine de dos, souhaitant faire face au danger. Un homme apparaissant comme un géant de son point de vu terre à terre lui lança un rictus désabusé, comme si l’existence de l’alfar et du vampire le répugnait au plus haut point. Il ne savait plus où été le bleuté. Il ne savait plus s’il avait encore la moindre chance de retrouver Shi. Mais les faits étaient là, ils se retrouvaient bloqués ici même, et Kohei ignorait même s’il aurait l’opportunité de se relever. Cela fut vrai. Il avait essayé, mais l’homme debout à se côté lui administra un autre coup. Kohei n’en fut que plus frustré. Mais son visage resta calme, lui tout entier contint le sang-froid qui lui était d’habitude si facile de garder, et d’un mouvement souple il retint les pieds de cet être abject qui tentait encore une fois de les ralentir. Mais il ne s’en releva pas pour autant, retenu par les paroles glaciales de ce malade, visiblement leur chef. Des parles rendant de la visage du garçon plus pâle que d’origine, écarquillant ses yeux d’un bleu gagnant de l’éclat de cette stupeur.

« Croyez-moi, vous n’en ferez rien. » Il parlait des intentions du duo. « Rien qui puisse mettre leurs vies en danger. Vous ne comprenez pas ? C’est vos agissements qui vont causer leur mort. On a besoin du jeune. Les deux autres sont là simplement pour que personne ne puisse nous déranger. Allez-vous-en. Et elles vous seront rendues. » La situation semblait désespérée… Mais après tout, s’il ne faisait rien, Shi resterait bien en vie. Il n’avait qu’à… Rien faire. Mais Luka dans tout ça. C’était pour lui surtout qu’il avait entreprit tout cela. Et la raison pour laquelle Shi s’était mise en danger. Elle serait veine si Kohei n’agissait pas. Et céder au chantage. Déshonorant. Décidemment. Tout était de son côté pour qu’il continue dans cette lignée du danger. Il se mit à sourire.

Luka ne s'attendait pas à tant de courage ni de bravoure venant de l'alfar car il faut dire que dans le peu de situations auxquelles ils s'étaient frottées, il n'avait jamais été question d'un sauvetage quelconque mais plutôt d'une expédition avec rien à la clé qui aurait pu susciter autant de réaction dans le petit bout d'homme. Il faut dire que le vampire fut agréablement surpris considérant l'expression distante que portait la plupart du temps son acolyte. En dépit de la gentillesse et du sourire qu'il venait à afficher de temps à autre en sa présence, il voulait qu'il s'ouvre davantage ! Qu'il s'exprime, qu'il parle, qu'il se laisse aller car à rien n'avance une réclusion définitive autre que de conduire un homme à la solitude et la désolation. Ces pensées n'étaient guère innocentes pour le vampire et il ne désirait pas voir le blondinet tomber dans ce même piège de l'existence auquel lui avait sombré. Il s'engagea alors le premier dans la descente vers les enfers, vision quelque peu démente mais tout aussi probable étant donné l'état de salubrité et de répugnance dans une seule et même pièce. Inimaginable pour eux ce qui pouvait bien se trouver dans le reste de la demeure, qui semblait renfermer beaucoup plus que l'extérieur ne portait à croire …

La chambre s'ouvrit à eux avec une facilité déconcertante qui provoquerait chez n'importe quel épéiste ou maître d'armes assez expérimenté, une sensation de malaise considérable. Les murs en bois appauvri par la moisissure s'apprêtaient à s'effondrer au moindre contact et le sol n'était pas plus résistant, flanchant sous les pas légers des deux amis qui se déplaçaient pourtant avec prudence, ne voyant qu'un escalier pour échappatoire potentielle. Ils avaient pénétré dans le terrier du lapin où les attendait plutôt un énorme loup affamé, prêt à les dévorer s'ils ne se montraient pas prudents. Derrière eux, un bruit. Soudain dos à dos, l'obscurité les empêchait de déceler avec exactitude l'emplacement des mercenaires malgré leur peu de discrétion et leur masse corporelle qui les rendait tout particulièrement repérables. Kohei en fit un prisonnier par ses gestes agiles tandis que Luka contrecarra la trajectoire d'un projectile à leur intention. La menace sembla opérer contre toute attente mais pour combien de temps au juste ? Luka avait déjà eu l'opportunité de voir la lâcheté de ce genre d'hommes abandonnant à son sort un chef charismatique, suite à quoi ils perdirent quasi tout membre de leur équipage. Sots matelots qui préféraient sauver la leur au lieu de celle d'autrui et qui en payèrent le prix fort. Il s'en remémorait sans amertume aucune.

Luka s'adaptait aux mouvements de Kohei car il était pour lui de faire ses preuves. Il défendait ses arrières, attaquait à son tour, fendait l'air de ses flammes d'ébène, fendait le sol du tranchant de l'épée, tranchait les carotides d'un semblant d'autorité.  Ils chargeaient à tout va mais sans un plan d'attaque précis, rendant alors leurs attaques mortelles plus inoffensives qu'un oisillon en détresse. Il leur cloua le bec, vida le nid, porta un regard au jeune homme qui souriait et reprit. Ils semblaient faits pour travailler ensemble malgré le côté démentielle de Kohei qui prenait le dessus de temps en temps et qui était plutôt adepte de l'individualisme que du travail à deux. Ils n'étaient pas de taille et les bandits le comprirent, bien assez tôt. Cependant, ils détenaient une carte maîtresse qu'ils pouvaient abattre à tout moment pour se porter garants de la victoire de ce jeu d'ombres. Trois pour être exacte puisque les trois se voyaient en danger de mort, captifs quelque part dans cette prison grotesque, insolite et obsolète.

Un cri leur parvint, il l'horrifia. Il reconnut sa provenance, ses accords, son timbre et cela ne fit que l'épouvanter davantage. Contrairement à l'alfar, Luka ne se retourna pas et fixait de ses yeux azurs, d'où fusaient des semblants d'éclairs tant sa rage et colère étaient évidentes, la provenance de ce cri. Kohei prit les devants, scinda d'un coup d'épée puissant un des piliers de la pièce avant de s'engouffrer dans ce qui semblait être un passage des plus étroits, large à peine d'une brassée. Que trouver au bout du sentier ? L'horreur et le sang bien entendu. Un piège en somme. Une embuscade, facile à prévoir et pourtant Luka n'y avait pas songé. La colère brouillait ses pensées et rendait ses sens plus hasardeux qu'ils n'auraient pu l'être sous l'effet de la boisson ou d'une brume opaque et intense. Il s'oubliait lui-même alors comment ne pas oublier les subtilités de la stratégie et du maniement de ses pouvoirs ? C'était inévitable, j'en  conviens.

Luka cria à son tour devant l'anatomie du blondin qui, avachit sur le sol, se tordait d'une douleur dont Luka n'était même pas parvenu à déceler l'origine. Ses gémissements étouffés, sa voix en peine qu'il se retenait de pousser à l'extrême, ses mains qui agrippaient de plus en plus fort son abdomen … Tout dans cette scène chauffait à blanc, piquait à vif les nerfs du vampire qui s'apprêtaient à lâcher d'une minute à l'autre, tandis qu'il restait là, inerte, prisonnier de sa fureur. Le colosse qui le superposait, le dévisageant d'un œil siphonné et répulsif, ne fit qu'empirer la situation, piétinant tout en riant, vociférant à qui voulait l'entendre son exploit du moment. Dans ses allures de bougre mal propre, de mégère malsaine  et de maudit trafiquant, il écrasait Kohei, le soustrayait à l'état de larve rampant pour sa survie, misérable et démunie, ce qu'il n'était absolument pas.

Il continua de les provoquer, de mener du bout du doigt leurs nerfs à leur apogée et heureusement pour lui, il ignorait sur qui ou plutôt quoi il venait de tomber. Le voyant déguerpir comme une bête en furie, Luka se laissa choir aux côtés de Kohei lui administrant les premiers soins avec une technique de médecine – qu'on appelait noire de par la couleur de ces flammes – et qu'il croyait efficace puisque l'alfar partageait ce pouvoir également. Fort heureusement, il se rendit compte qu'aucun organe n'avait été touché et qu'aucun saignement interne ne s'était produit, facilitant ainsi énormément sa tâche de médecin dérisoire et alternatif. Déposant sa tête soigneusement au sol, il laisse s'échapper un « Attends moi ici » avant de partir en courant à son tour, dans une allure folle, une course déchaînée pour rattraper l'autre gaillard qui avait pris ses jambes à son cou.

Désigné comme le chef, Luka s'attendait à un homme plus robuste plus rapide, non pas un gringalet qui céderait et ce dès la première attaque. Il s'était empressé de le rejoindre, l'avait rattrapé en quelques secondes à peine, ce qui eut le mérite de surprendre terriblement l'homme qui la seconde d'après se retrouvait cloué au sol, une flèche induite de flammes sombres en plein milieu de son dos. L'habit déchiré, troué, transpercé, brûlait lentement sans provoquer de véritables brûlures et ne lui faisant éprouver qu'une chaleur démesurée mais pas mortelle. Autour de lui, et grâce à la maîtrise qu'avait le vampire de ce pouvoir qui lui correspondait que trop bien, se dressa une cage noirâtre faite à partir de ces mêmes flammes qui émanaient de sa plaie.

Arrivant à son chevet, Luka ne lui fit pas de cadeau. Il l'écrasa sous ses talons meurtris et n'épargna pas son visage, traîné dans une boue et litière que la forêt des environs avait produit. Les flammes le laissèrent entrer, dociles à son égard, candides quand il s'agissait de leur maître. Se recroquevillant pour atteindre sa hauteur, qui était officieusement à des milliers de pieds sous terre, Luka, le tirant par les cheveux, lui posa une question, la seule à laquelle l'homme n'aurait pas voulu répondre. « Où Sont Les Prisonniers ? » fit-il dans un rythme très détaché. L'homme tourna la tête en guise de refus catégorique mais ouvrit bien assez tôt la bouche mais cette fois non pas pour une confession ni pour des menaces mais pour laisser échapper quelques cris de douleur non négligeables, s'entendant à des lieues de leur position. « Je ne vous dirai rien, 'spèce de bât... » fit-il avant de se voir introduire par le pied du petit être qui vint s'écraser sur sa face, de toutes ses forces.

La douleur dans son dos, sur lequel se dessinaient des stigmates bleutés et noires – en réalité des plaies bien profondes – devint plus intense parallèlement comme pour accompagner la souffrance de son visage et rendre le tout d'autant plus insupportable. « Je vais vous le dire ! Ils sont dans une grotte à quelques lieues au Nord ! Faut y entrer assez profondément mais ils y sont, je vous jure ! Mais s'il-vous-plaît épargnez moi ! » ajouta-t-il de toute sa bonne volonté malgré quelques sanglots et jérémiades par ci par là. L'enjambant pour partir dans la direction opposée et s'assurer de l'état de santé de l'alfar, il lui prêta un dernier regard avant de laisser s'embraser l'anatomie en chair que consumaient déjà les flammes domptées. Il ne lui parvint au final que quelques cris et une vaste odeur de brûlé, mais au moins ils en étaient délivrés. Arrivé près de Kohei, et s'étant assuré que l'odeur ne s'était pas prise à ses cheveux ou vêtements, il l'aida à se relever tout en lui indiquant leur prochaine destination. « Courage. Elle est tout près . Dans une grotte, enfermée. Tu me laisseras me charger des ''gardes'' pendant que tu iras les délivrer. Nous y sommes presque. » lâcha-t-il dans un ton étouffé.

Ha ha ha ha … Comme si il allait attendre là, sans rien faire… Cette optique paraissait quelque peu naïve. Il n’était pas si blessé que ça ! Il pouvait largement se relever. Il avait un peu mal, certes, mais jamais ça n’aurait autant entravé ses mouvements. Il se releva donc dans la logique la plus évidente qui soit, et se précipita vers le bleuté. C’était assez amusant après tout comme situation. C’était une bataille assez ridicule se basant sur la poursuite. Encore et encore leurs ennemis s’enfuyaient, encore et encore il fallait courir dans tous les moindres recoins de cette forêt afin de les retrouver. Kohei n’était pas vraiment courageux. Ou du moins, il était déterminé. Ou dément. Cela dépendait de son état. Et actuellement, c’était bien la démence qui guidait ses pas. Il était tout simplement stupéfait par rapport à la scène se déroulant devant lui. Il ne put s’empêcher d’en rire.

Déjà avant d’arriver sur les lieux, il avait entendu des cris perçant fendre les airs. Ceux de cet idiote personnalité. Mais c’était stupéfiant d’en voir les raisons. Luka agissait d’une manière qui lui était inconnue. Déterminé lui aussi, comme cet idiot d’autre lui-même. Mais dans cette situation, c’était bien moins ennuyant. C’était même bien le contraire. Luka forçait le malfrat à parler, le faisant souffrir par la même occasion, après tout, comment faire parler un idiot finit sans l’y forcer un minimum ? Finalement, Kohei le laissa faire, et c’est ainsi qu’il en retrouva le calme. Luka revint vers lui, visiblement satisfait des résultats. Plus qu’une dernière ligne droite. Du moins, il l’espérait. Le but avait été depuis les débuts de neutraliser ces bandits. Et au fur et à mesure que Kohei s’était immiscé dans cette folle aventure, ce but avait bien dérivé. Il était entièrement concerné par l’affaire, prêt à aider le vampire, mais surtout prêt à retrouver Shi.

Il était si pensif, que la seule chose dont il avait été capable face à cette scène macabre fut de jeter un regard semi-indifférent par-dessus l’épaule du bleuté, pour observer la monstruosité cadavérique se faire emporter les cendres par les flammes. S’il ne se contenait pas, il aurait eu vite fait d’éclater de rire face à cette facette de Luka qu’il ne connaissait pas. Il était bien loin du petit vampire aux airs chaleureux et naïf avec lequel il avait eu affaire à première abord. Bien loin de passer son temps à s’excuser pour un verre renversé. Il avait tué de sang-froid. Voir même pire : Kohei se demandait s’il n’en avait pas pris plaisir. Mais il chassa cette pensée qu’il trouva bien stupide. Il n’y avait que lui qui prenait plaisir à tuer. Ce n’était là, pas une caractéristique dont beaucoup de gens pouvaient s’allouer.

Mais aux pensées le temps n’était pas à perdre. Il sourit au vampire de la manière saine dont seul le versant stable de lui était capable. « Allons-y Luka, c’est notre dernière ligne droite je suppose… On les a presque tous neutralisés ! Et Shi et les autres… On va les retrouver ! Il fallait vraiment les retrouver. Et dans une telle situation, Kohei avait juste besoin de l’exprimer. Ils courraient de nouveau à travers la verdure de cette forêt, à travers le réseau de grottes qui se retrouvaient postées un peu partout. Ils savaient qu’ils étaient quelque part. Proche. Presque à portée de main. C’était dans une des grottes environnantes ! Celle- là surement ! C’était la plus proche. Et il y avait de grande chance qu’il s’agisse d’un emplacement relativement proche. Ils s’arrêtent. Il fallait y entrer. Sans plus attendre.

Le vampire n'appréciait pas ce genre de témoins quand il se voyait commettre des folies pareilles sous les impulsions d'une situation contraignante ou d'une stupide furie. Il n'était pas le genre de personnage à ôter la vie d'un autre sans raison – or là il en avait une – car tout bonnement il ne pouvait se permettre de porter de jugement : ni sur leurs actes, ni leurs mœurs, rien. Il n'était pas un exemple à suivre lui-même, il n'osait pas ne serais-ce que le prétendre. Il avait tué, certes, et de sang-froid qui plus est. Il ne put cacher un rictus et une froideur évidentes de prédominer sur tout le reste uniquement car ces malfrats avaient osé à quelqu'un qui lui était cher … Il ne se reconnaissait plus lui-même quand à ces élans il se voyait céder et que cette autre facette, dont il ignorait tout jusqu'à ce fameux incident avec l'orisha, ne lui révèle  son ignoble existence. Il faut bien un côté sombre à toute lumière, tout comme à une pièce d'or il lui faut un revers. Il essayait de ne pas y repenser, de ne pas questionner sa sainteté d'esprit que démence et raison se partageaient à son insu.

Espérant qu'une telle attitude n'ait pas de séquelles récurrentes sur ses entrevues avec l'alfar, bien que ce dernier soit victime à son tour des poussées démentes d'une bien étrange présence, il se permit d'entamer la route, bras dessus bras dessous avec le blondinet. Ses peurs furent rapidement bafouées par le sourire insouciant de ce dernier qui, par son côté candide et ingénu, réchauffaient agréablement la poitrine du vampire. Mais hélas, le temps n'était pas aux paroles sucrées ni aux compliments d'orge. Ils se devaient de presser le pas pour rejoindre au plus vite les détenus qui, entre les mains des bandits sans scrupules n'ayant aucune nouvelle de leur QG, deviendraient des produits d'une transition échouée dont ils n'auraient plus que faire … Cette seule pensée faisait s'ériger les cheveux bleutés du vampire, bandait ses muscles déjà tendus à l'extrême tandis qu'ils s'empressaient de retrouver leur trace ainsi que l'entrée de la grotte la plus proche. « Tu n'as aucun soucis à te faire. Je saurai ... Non, nous saurons les secourir. Et après, que dirais-tu d'un bon chocolat chaud ? J'ai la gorge qui me démange pour dire vrai … » affirma-t-il d'un ton simplet pour chasser au plus vite les odeurs pestilentielles en provenance de la charogne puante qui les dévisageait et de laquelle émanaient les plus rémissibles effluves argentées.

Devant les parois circulaires qui formaient l'entrée de la grotte, Luka se sentit hésiter, ses jambes trembler. Non pas car il en avait peur, non pas car il pressentait le danger arriver, le frapper de plein fouet bien avant qu'il n'y soit confronté, mais plutôt car il craignait pour leur sûreté et les pièges qu'ils pourraient rencontrer une fois à l'intérieur. Il avait récupéré sa lucidité d'esprit et continuait de se sentir coupable pour l'incident de tantôt qui avait causé à Kohei une blessure qui aurait pu être évitée. De rien ne servaient de tels remords mais il fallait bien faire passer la prudence avant l'inconscience pour une fois. Dressant un bras devant Kohei alors que ce dernier essayait de se faufiler dans l'antre de roche, il lui somma d'attendre tandis qu'il se précipitait de nouveau vers la forêt environnante pour emporter avec lui un morceau de bois, qu'il enveloppa dans un bout de tissu en lambeaux avant de l'imbiber d'un liquide dont l'odeur n'avait rien à envier. Il usa ensuite de son pouvoir de la création du feu pour créer l'étincelle qui créerait une torche tout ce qu'il y avait de plus banale mais qui, de ses flammes bleutées, leur éviterait un bon nombre de mauvaises surprises. « Fais attention à où tu mets les pieds ! » insista Luka compte tenu de la maladresse du blondinet à ses côtés.

La grotte semblait, contrairement à celle qu'il avait utilisé avec Sicarde pour s'abriter, bien plus conséquente et érodée par les eaux et les marrées dont on ignorait tout à fait la provenance. Un tic-tac constant se faisait entendre venant de toutes parts et d'aucune à la fois, gouttes d'eau perlant sur les extrémités des graviers. Les rocs pointus, disposés comme machinalement, les agressaient du regard, les menaçaient de leurs embouts donnant ainsi au vampire une désagréable impression de déjà-vu. La toiture s'amoindrissait rapidement les forçant à courber l'échine tandis que l'étau des murailles de pierre semblait se resserrer sur eux à leur tour. Les parois semblaient sculptées de manière à ce que ceux y pénétrant, par pure curiosité voire même cupidité, perdent toute envie de poursuivre au bout d'un moment. La persévérance est pourtant mère de victoire et de triomphe et les deux acolytes avaient appris à ne jamais la négliger. Luka, se plaçant à l'avant, prit donc soin d'éclairer au maximum leurs pas, s'enchaînant malgré les flaques d'eau et autres liquides, tandis qu'ils se dirigeaient dans ce qui semblait être le seul sentier façonné pour leur passage et construit à cet effet. Kohei quant à lui manqua de tomber, heurtant de ses jambes maladroites un bout de bois qu'on avait disposé ou abandonné là à moitié sur le sentier. Parallèlement, un craquement se fit entendre derrière lui et par pur réflexe il se retourna pour en chercher l'origine. Jamais n'eut-il crut que ce brin d’ingéniosité leur aurait tous deux sauvé la mise … Et sans quoi leur misérable recherche se serait achevée beaucoup plus vite que prévu et bien tristement en plus …

Un éboulement ? C’était un éboulement ! La roche qui composait cette immense grotte avait dû être si fragilisée par l’âge qu’elle avait finit pas céder… Et ce tunnel avait fini par prendre deux chemins totalement différents. Kohei se recula du mieux qu’il put contre la paroi se protégeant du mieux qu’il put des chutes de roches. Il avait perdu Luka de vu. Il ne s’avait plus où il était, mais il n’osa pas bouger tant les éboulements se faisant de plus en plus conséquents. Finalement, un gros rocher chuta, condamnant l’alfar à un seul chemin. L’éboulement avait cessé. Seuls quelques cailloux continuaient leur ascension. Kohei reste immobile un instant. Scrutant de ses yeux aveuglés par l’obscurité le quel chemin qui s’offrait à lui. Finalement il agit. Il ne savait plus où était Luka. Il fut pris d’une grande frayeur. Il cria son nom à travers les réseaux rocailleux. Mais rien. La roche trop opaque n’avait permis à aucun son de se faire entendre.

Peut-être était-il dans la même situation que lui. Face au seul autre chemin qui des présentait à lui. Ou du moins, Kohei l’espérait. Finalement, il s’accrocha à la paroi rocailleuse qui s’offrait à lui, et n’avait pour seule et unique option que de continuer de la longer en espérant de tout cœur retrouver Shi et les autre, et en espérant de tout cœur pouvoir rejoindre Luka. Aaah … Mai cette situation semblait si prévisible ! Dans toute bonne grotte contenant une embouchure, il fallait bien que les rocs se brisent pour laisser aux protagonistes la malchance de devoir se séparer pour continuer leur route. C’était bien pitoyable que cela lui arrivât.

Finalement, de la lumière se présenta à lui. Des torches avaient soigneusement été disposées dans les murs, qui eux-mêmes semblaient presque aménagés. Il trouverait surement vite des ennemis. Le chemin ne devait pas être si court. Une grotte pareille en guise de repère ne devait pas être immense. Kohei continua d’avancé, tranquillement, mais pourtant le cœur bien accroché. Il commençait à entendre quelques bruits. Ceux de ces fameux brigands. Il se précipita alors, prêt à tout. Il arriva dans une étrange et grande salle. Mais la pièce était si grande que la luminosité si faible soit-elle ne suffisait pas à Kohei pour voir aux coins de cette énorme cavité.

Son regard était plus froid et dure que jamais. Il observa la dizaine d’homme pour lesquels il éprouvait une haine profonde. Puis il se mit à crier. Rendez les moi ! Il était résolument formel. Il n’avait pas bougé. Mais c’était son visage qui transportait toute la rage qu’i éprouvait. Il dégaina sa grande lame d’ébène, prêt à commettre massacre. Ici, il pouvait laisser libre court à ses pulsion de folie. Ce qui se passa bel et bien. Un esquissa un rictus cinglant. Il s’élança sur eux, avec toute la rage meurtrière qu’il avait amassée pendant tout ce temps où il craignait pour la vie de la fée. Il était proche du but. Et ses rires en furent de plus en plus redoublés. Il en tuait un. Pour en blesser un autre. Mais au final, tout le monde recula. Sans que Kohei ne comprenne pourquoi. Ils voulaient sans doute un vrai combat ? Mais l’alfar s’en ennuya. Ce qu’il voulait, c’était de la charcuterie. Pas un duel plat. Mais il allait en profiter. Sans doute le lacérer autant qu’il pouvait, pour finalement l’achever au plus grand de sa souffrance. Mais en rien cet état de conscience n’était stable.

À la vue de tous ces gens composé de sang, il ne pouvait pas se permettre de les ignorer. Se permettre de laisser filer l moindre parcelle de vie qu’il était en droit de détruire. Alors il s’élança sur deux d’entre eux, négligeant l’autre briguant qui avait pourtant été prêt de frapper. Et il se fit toucher au ventre, crachant au passage un filet de sang. Kohei le regarda. Et sans même la moindre seconde d’hésitation, il s’élança sur lui, avec toute la joie de la démence peinte sur son visage pour une riposte qui fut finalement couronnée d’échec après avoir chancelé pour sa blessure.

Le danger rôdait, triste et indécent,dans les profondeurs des abysses qui s'ouvraient face à eux, un gouffre dans lequel aucun des deux amis ne voulait plonger en toute conscience. La tension montait à chaque pas qu'ils donnaient et chaque fois qu'ils manquaient de s'écraser au sol crasseux recouvert d'un musc inodore d'une couleur verdâtre. Une menace, une ambiance de mort silencieuse, une chute de rochers à couper le souffle de plus d'une âme sensible. Elle s'échoua à terre dans un fracas fort heureusement inaudible pour la bande de bandits qui se réfugiait à l'intérieur, des bêtes sans griffes ni courage se cachant derrière des murailles de pierre. D'une dimension trop importante pour qu'ils parviennent à l'arrêter dans son élan commensurable, ils ne pouvaient que courir, s'échapper pour que celle-ci ne les écrase pour son poids qui dépassait de loin de leur. Luka laissa s'échapper un cri de terreur tandis qu'une de ses mains tentait de se porter à la hauteur de l'alfar pour l'entraîner dans sa course. Il savait que ce cliquetis de tantôt ne présageait rien de bon mais jamais il ne se serait attendu à un piège aussi peu original et pour le moins bancal …

Laissant derrière les défauts de ses ennemis, il reprit à la hâte sa course pour voir se dresser devant lui deux chemins sans savoir lequel des deux prédominerait sur l'autre en termes de cheminement … Il n'avait aucun moyen de savoir lequel le mènerait à bon port et se voyant plus porté vers celui de droite, il suivit son instinct plutôt que sa raison. Il finirait bien par avoir raison de lui s'il continuait à l'opprimer de la sorte, à taire ses paroles qui étaient pourtant porteuses de sens et sagesse. La faucille planait sur eux, macabre et insolite. Elle effleurait avec dédain et pourtant une certaine joie, de sa lame argentée, leurs maigres nuques dans ce bel désir de les trancher une par une, tortionnaire qu'elle était. Le rocher imposant, roulant à toute vitesse juste derrière lui, semblait prendre agrémentait sa rapidité avec le sol glissant et la descente conséquente. Il bondit vers l'avant dans un dernier espoir de salut tandis que derrière lui l'énorme pierre s'écrasa lamentablement, rendant ainsi inaccessible al seule échappatoire qui lui restait. Jamais il n'aurait considéré prendre le large, partir sans venir en aide aux jeunes pris en otage, mais se savoir prisonnier, enfermé, sans autre issu, voué à un seul sentier qui saurait, très probablement, l'achever, ne le rassurait en rien.

Frottant avec insistance son accoutrement empli de terre et de boue, il essaya de crier, de vociférer par des paroles la pression et la peur qu'il était venu à ressentir. Non pas qu'il crut Kohei assez faible pour se laisser avoir – car il avait déjà plus d'une occasion de faire ses preuves en sa présence – mais plutôt car il savait le rustre que pouvaient être de tels malfrats ne parlant plus que le langage monétaire une fois qu'on leur a ôté toute raison … Les bribes étaient courantes dans le métier, les mercenaires couraient les rues, les voleurs arpentaient les rues les plus mal famées comme les soirées mondées toujours à la recherche de butin … Voyant ainsi toutes ses tentatives s'achever par des cuisants échecs, il préféra garder sa voix pour un moment d'une réelle nécessité mais se retourna un bon nombre de fois avant de s'avouer vaincu. Le chemin rocailleux, caillouteux et unique s'étendait à l'infini, en eut-il l'impression du moins. Il se refermait sur lui-même, s'ouvrait à nouveau quelques mètres plus tard. Des roches s'élevaient des sols de granite pour envahir la surface tandis que par moments la route se voyait dégagée, sans le moindre obstacle. En somme, un trajet d'une inconstance incompréhensible.

Mais lumière se fit. Des torches déposées ça et là, offraient au vampire une toute nouvelle vision de l'enfer, celui-ci n'étant pas loin véritablement. Des ossements éparpillés sur les sols, des pauvres malheureux ayant eu le désespoir et l'horreur de croiser la route de bougres sans valeurs. Les flammes se consumaient lentement mais la fumerie et l'alcool semblaient se dissoudre entre beuveries et paroles effrontées se racontant boucheries démentes plutôt qu'exploits épiques, récompensés. C'était d'un macabre impensable une telle scène, tant de cerveaux meurtriers réunis dans un même espace parfaitement propice à une tuerie sans nom que personne ne regretterait, si jamais elle venait à s'ébruiter. Luka, d'un rictus informe mais d'une douleur intense, s'approcha d'eux le visage baissé tandis que les effluves montaient et qu'une énième odeur, celle de la désolation et du putride, lui parvint, accablante. Il n'eut de peur à trancher la main du premier, celui qui essaya de le toucher avant tout autre qui eux restèrent de marbre à le voir démangé, horrifié par sa propre marre de sang.

Bien assez tôt, le silence plana car la vie l'avait quitté et elle ferrait certainement de même pour tous les autres qui bondirent à l'assaut, non pas pour venger la mort d'un de leurs compagnons, mais car ils craignaient pour la leur avec une impensable ferveur. Ils étaient cinq, du menu fretin. D'un regard froid, il vint loger sa lame dans la gorge d'un second qui n'esquissa pas un seul mouvement avant de se voir à son tour décapité, le sang ayant giclé jusqu'aux deux énergumènes tout près. « Vous êtes les suivants. Approchez. Comment avez-vous pu ...! » grogna Luka d'un agacement mélangé à une haine rancunière, amertume désespérée qu'il n'essaya pas de cacher dans ses propos. Aveuglés par la peur, assourdis par les cris de terreur de ceux ayant déjà succombé, ils perdaient le nord. Ils venaient se planter d'eux-même sur la lame du vampire, cédaient au bourreau sans y opposer de résistance... Ils venaient, en d'autres mots, de signer eux-mêmes leur arrêt de mort et Luka n'en était que plus content encore de se prêter à cette tâche ingrate mais que quelqu'un devait bien finir par accomplir.

Ne voyant que quelques entaches sur ses vêtements, lacérés par endroits qui plus est, il reprit la route, laissant derrière les carcasses malodorantes sans ne serais-ce qu'une prière à leurs âmes éperdues de péchés. Une cellule apparut devant lui après une centaine de pas, les bandits ne tenant décidément pas à ce que l'un d'entre eux se voit offrir la chance d'échapper leur surveillance qu'ils croyaient sans failles. Les torches et bougies entreposées étant quasi inaptes à leur utilisation première, Luka les ralluma des siennes bleutées avant de s'approcher des cellules qu'il voyant avec une certaine distinction maintenant.

Ce qu'il y vit eut toutefois le mérite du doute et l'épouvante qui s'en suivit. Shi et Ryuki étaient là à même le sol couverts de bleus, leurs visages salis par les larmes ayant séché lamentablement, leur bouche entravée par un tissu mal lavé qui les empêchait de parler, des chaînes aux pieds, des haillons arrachés autour de leurs mains. Captifs, pitoyables, le sang du vampire n'en fit qu'un tour en les voyant. Il s'agenouilla devant leur cellule tandis que les deux petits criaient, hurlaient sans qu'un seul mot compréhensible n'atteigne les oreilles du vampire, ignorant le mal qu'on s'apprêtait à lui faire. Tendant ses mains pour attraper celles de Ryuki, il ne put esquiver ni riposter contre l'attaque qui lui provint de l'arrière … On lui asséna le coup fatal et il n'avait pas comment y échapper. Il tomba à genoux pitoyablement, sa tête tombant en avant … « Shi ... Préviens ... Ko..hei » Du sang jaillit, se propagea, coula sur les sols teints de bleu tandis que sa main se portait entre son cou et ses épaules pour tenter d'arrêter l'hémorragie. Était-il condamné ?

Shi se précipitait à travers le gigantesque réseau de grotte. Il fallait absolument retrouver Kohei. Le temps n’était pas aux émotions. Elle avait eu si peur seule tout ce temps, mais le pire dans tous ces événements présents, c’était bien l’état de Luka qui l’inquiétait le plus. Elle l’avait soigné du mieux qu’elle put, et forte heureusement, il s’en sortirait. Enfin… Si aucun autre voler ne viendrait l’attaquer…  Shi se sortit immédiatement cette pensée de la tête. Le pire aurait bien été d’en chancelait. Effectivement, un haut le cœur l’avait prise, et elle se retrouva  à perdre le nord. Mais Kohei… Il fallait absolument le retrouver ‼ Au plus vite ! Elle se hâtait, volant à la vitesse la plus rapide dont elle était disposée.

Le bout du tunnel… Le bout du tunnel ‼ Ou plutôt… Un grande sal- Kohei ‼ Il était là ‼ Enfin ‼ Mais ce fut à cette rencontre que son esprit en fut le plus tourmenté. Il était au sol. Avec deux briguant – semblaient-il – qui étaient sans doute les seuls vivants dans cette salle. Il était tous morts… Ou presque ! Certain gémissaient s’accrochant à la vie du mieux qu’ils le pouvaient – spectacle pitoyable qu’ils offraient à ses améthystes. Ils s’apprêtaient à lui donner le coup de grâce. Et les yeux de Shi s’écarquillèrent dans un rictus. « IDIOT ! Mais pourquoi !? » Ce qui arrêta les deux meurtriers. Ils ne s’attendaient pas à entendre une voix si aiguë percer leurs tympans. Ils s’approchèrent d’elle offusqués de la voir libérée et agir d’une manière aussi fugace.

Mais de sa petit taille, elle se faufila au plus vite entre les deux, et se dépêcha de soigner les plaies les plus importes de Kohei. Ceci fut suffisant à l’alfar pour se relever. Shi… Elle était enfin là ! Il la retrouvait enfin ! Sans plus attendre, il éjecta ces deux ennemis restants dans le fond de la pièce à l’aide de jets de flammes noires. Il se calma, s’assit au sol, enfin soulagé d’une telle retrouvaille. « Shi ! Shi… J’ai… Vraiment eu peur pour toi… » Il n’osa pas poser son regard sur elle. Il ne se sentait pas capable d’affronter deux améthystes à l’éclat aussi noir que la colère. Il l’avait entraînée dans toutes ses embrouilles après tout. Pourtant, elle, ne n’était pas en colère pour lui pour ces raisons. Elle se logea dans les mains de l’alfar, qu’elle avait, d’un simple mouvement, sollicité comme support. Elle finit par lui sourire, d’un air fugace, avant de reprendre un air tout ce qu’il y a de plus sérieux. «Kohei, on prendra le temps de se remettre plus tard. Luka a de gros ennuis, j’ai vraiment peur pour lui vraiment. »

Le sang de Kohei n’eut le temps de faire qu’un tour que son visage se déforma de frayeur. Il se releva d’un bond, pris Shi sur son épaule, sans se préoccuper plus longtemps des deux autres qui avaient à peine eu le temps de se relever des démons leurs infligent les souffrances de flamme résolument glaciales. « Pourquoi tu ne m’as pas prévenue directement ! Au lieu de m’insulter ! D’ailleurs ! Pourquoi l’avoir fait !? » Shi chargea ses yeux de colère. « Mais enfin ! Tu ne comprends vraiment rien à rien ‼ Tu ne peux pas comprendre comme j’ai eu peur en te voyant en si mauvaise posture ! bien sûr que j’ai eu peur… Mais je ne voulais- C’est par là Kohei !S’interrompit-elle en corrigeant la direction de l’alfar. « … Hum ! Mais je ne voulais pas que tu prennes de risques en venant ! »

Kohei ne voulut pas recevoir ces paroles. C’était elle qui ne comprenait pas quelle penne il aurait eu en la savant peut être morte parce qu’il n’aurait rien fait pour l’aider. Il se tu et se contenta de lui poser une question hors propos. « Cette expérience t’as remémorée de mauvais souvenirs …? » Mais son silence ne donna qu’affirmation à cette question. Le garçon soupira, attristé par ces événements. Mais il n’eut pas le temps d’en placer une autre.

Luka… Ensanglanté… Inconscient. Vision horrifique. Kohei n’en revenait pas… Était-il… Mort ? Cette question, il se la posait. Mais elle était si déconcertante qu’il se mentit à lui-même. Avec tant de conviction, que l’espoir en son être refusa de s’échapper. Il s’écroula, à genoux devant lui, l regard figé. Il effleura de ses doigts la tête inconsciente de Luka, ignorant totalement les briguant qui rappliquaient en vitesse très certainement pour en finir. Tout semblait perdu. C’était une affreuse situation. Mais de son esprit fermé, quelques cris lui parvinrent tout de même. Il se retourna, et de ses pensées sorties, son visage fut teinté de rage. Il voyait le garçon braillait. Et cela le laissa de marbre. La tout de suite, il s’en fichait de lui. Mais il fallait l’aider. Pour ne pas rendre vain toute cette pourriture dans laquelle tout le monde était enfoncé. Il passa Luka de l’autre côté de la cellule à présent ouverte, bien que les mouvements du garçon restât entravé par les chaînes. « Shi, prend bien le temps de guérir Luka maintenant. »

Il l’avait compris. Shi avait bien essayé de le guérir précédemment. Il la connaissait si bien. Mais maintenant, aussi longtemps que son autre lui ferait payer ces bandits par maintes et maintes souffrances, aussi longtemps Shi disposait pour aider Luka. Il se déchaîna encore, pour une énième fois. C’en était trop. Il ne pouvait plus voir ça sans rien faire. Il était maître de lui ‼ Ses yeux étaient froids comme sa flamme noire ! Son visage gardait toute la détermination mêlée à rage ! Il était lui-même ! Prêt à en découdre ! Avec le peu de gens qu’i restait à éliminer… Mais tous, tous sans exception subirent le même châtiment. Kohei les immola tous en même temps, nombre suffisamment réduit qu’ils étaient. Il n’avait pas bougé, pas changé d’expression, et pourtant, il mettait déjà à exécution sa sentence. Il remercia une dernière fois Luka, lui, qui avait perpétré cette mission pratiquement à lui seul. Lui qui avait si bien aidé Kohei alors qu’il s’était immiscé de force et avait causé bien du souci.

Il se sentait bien. À les faire souffrir. À les tuer, si lentement, au fur et à mesure que ses flammes devenaient de plus en plus glaciales. Peut-être qu’il aimait ça au fond… Quand il avait ses raisons. Ils étaient déjà morts. Depuis plusieurs minutes. Mais il n’arrivait pas à se défaire de ce bonheur. Même si son visage restait toujours aussi glacial. C’était la première fois qu’il tuait comme lui. Il détruisit les chaînes du garçon, et le seul problème qui subsistait, c’était l’état apeurant dans lequel était Luka.

Ses paupières entrouvertes fixaient, avec le seul brin de conscience qui lui restait, Ryuki inconsolable qui pleurait à grosses gouttes à quelques centimètres de lui. Alors que sa raison lui faisait défaut et que ses muscles s'abandonnaient à même le sol, il continuait de le regarder fixement, levant une de ses mains pour voir celle-ci s'échouer près de sa jambe. Les perles transparentes coulaient sur sa frimousse délabrée, ses mains meurtries et saignantes effleuraient chaleureusement celles de Luka glaciales, sans vie, alors que ses lèvres pleuraient, quémandaient le nom du vampire qui en jaillissait silencieusement. Le vampire, à terre, inerte, sans pouvoir ne serais-ce que lui faire face, se demandait bêtement ce qui le mettait dans un tel état. Il aurait voulu lui dire ''ne pleure pas'', lui crier ''enfuis-toi'', vociférer son nom à qui voudrait l'entendre mais il ne lui était plus permis, c'était trop tard. Shi de son côté avait fait de son mieux pour le guérir et il avait senti ses petites mains chaudes sur son anatomie d'une froideur inhumaine, ses maigres petits efforts pour essayer de dérober à la mort ce qu'elle convoitait tant, ce qu'elle espérait tant obtenir en les privant de la présence du vampire. Elle pleurait, pour sûr, Ryuki aussi, c'était certain, et pourtant Luka lui restait immobile, n'ayant dans son esprit rien d'autre que son impuissance et quelques remords concernant une vie qu'il aurait voulu mener différemment. « Ryuki … » prononça-t-il avec maints efforts qui s’avéraient vains au final.

Oui, il voyait cela comme la fin. Oui, il avait cette impression car il ne s'attendait pas réellement à voir Kohei débarquer pour le sortir de cette énième enfer comme tant d'autres sur cette terre. Oui, il avait renvoyé Shi uniquement pour s'assurer de sa survie, s'assurer que l'alfar ne souffre pas d'une quête dans laquelle Luka avait été le premier à s'engager et qui à eux ne leur avait apporté que malheurs et disgrâces. Ses forces s'épuisaient vite, trop vite, alors que quelques secondes auparavant elles étaient déjà minimes. L'hémorragie ne semblait pas prête à s'arrêter et Luka ne pouvait rien pour l'empêcher. Il croulait au sol comme un poisson sans vie qu'on aurait privé de son seul habitat, l'océan. De loin, des cris lui parvinrent et il se rappela que sa mission n'était pas encore tout à fait finie. Il reconnut la voix de Ryuki et il sut que le moment était venu pour eux d'en finir même si cela n'était, du moins pas au premier abord, leurs intentions. Il attrapa sa cheville alors que le bougre prenait l'enfant par le col l'étranglant à moitié alors qu'il n'avait déployé ne serais-ce que la moitié de sa force. Luka savait qu'il n'était pas de taille, il savait que rien ne saurait empêcher l'inévitable de se produire mais il savait tout autant que baisser les bras n'était permis qu'aux lâches ou aux incapables et il ne se considérait pas membre d'une de ces deux catégories.

Il voulait protéger, sauver, non pas abandonner ou déserter, actes de trahison qui ne laissaient derrière que peine, souffrance et regrets de taille. Son corps perdait en consistance, se liquéfiait sur place. Bientôt, il ne serait même plus en mesure de sentir les coups de pieds du gaillard qui pourtant s'enchaînaient avec fureur et passion, une violence exquise qui semblait seule pouvoir réveiller les émotions enfouies de ces rustres personnages. Il se sentit heurter quelque chose de semblable à un mur et ouvrit les yeux ne serais-ce que pour voir à travers ces maigres feintes la fin de Ryuki, la graver dans sa mémoire comme la dernière qu'il aurait eu en cette vie qui s'était achevée plus tôt que prévu. Mais visiblement, le destin n'esquissait pas les mêmes projets. Kohei parvint à sa hauteur et il sentit alors ses mains effleurer sa peau délicieusement vivante tandis que la sienne se voyait privée de vie à chaque seconde qui passait. Sentant cette présence si rassurante à ses côtés, Luka eut un mouvement de réflexe, s'accrochant inévitablement aux manches de son habit alors que celui-ci le soulevait pour le replacer dans sa cellule juxtaposée. Il peinait à tenir debout, il peinait à regarder son visage, à sentir son odeur avec clarté, mais il peina encore plus à le lâcher sachant la bêtise qu'il s'apprêtait à commettre en son nom.

La fée, quant à elle, tentait de le soigner du mieux qu'elle pouvait avec ses maigres pouvoirs qui l'aidèrent à reprendre un tant soit peu de lucidité. « Fais attention, Kohei » lâcha-t-il inquiet. Et il avait des raisons de l'être puisque Kohei se déchaîna une fois de plus pour anéantir cette fois ceux qui s'en était pris à Luka. La vengeance est un cycle sans fin que jamais ne cesse. Dès que l'un pense à se venger de son prochain, ce dernier finira par arriver au même résultat voulant faire goûter au premier l'amertume de son acte ou la peine qu'on avait bien pu lui infliger. Fort heureusement, les deux acolytes n'arriveraient jamais jusque là mais nombreux étaient ceux qui sacrifiaient des créatures innocentes au nom de la vengeance, créatures qui devaient souvent payer de leur vie les crimes d'un autre. Triste histoire, irrémissible réalité. Kohei purgea leurs peines par le feu, les immola dans ce qui était pour lui un feu magnifique et non pas meurtrier comme tant d'autres auraient pu le considérer. Ryuki quant à lui vint s'accrocher à Luka, ayant échappé grâce au blondinet des griffes de son assaillant, et pleurait toutes les larmes de son corps tout en répétant inlassablement le nom du vampire, encore et encore, sans relâche, sans répit. Il avait besoin de soigner les plaies de son cœur et il semblerait que c'était là la meilleur façon de le faire …

S'approchant alors de lui, alors qu'il avait retrouvé le don de la parole, il fit alors que ses bras s'accrochaient péniblement à son dos l'air de dire ''soulève moi''. « Je suis désolé …  Vraiment désolé … Tu pourrais ne serais-ce que me guider vers l'extérieur ? J'ai .. perdu beaucoup de sang … Je dois rétablir mes ressources. Un cada..vre de bandit servira tout aussi bien … » bafouilla Luka dans une respiration inconstante, sachant qu'il ne pouvait pas faire mieux que cela. Une fois ses réserves pleines à nouveau, il serait temps de rentrer et mettre fin à ce calvaire d'une bonne fois pour toutes.